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Apocalypse Neigh

Une fiction écrite par BroNie.

Apocalypse Neigh




- Les parties en conflit doivent en tout temps faire la distinction entre civils et combattants. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des combattants. Les attaques ne doivent pas être dirigées contre des civils.

 

- Les actes ou menaces dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile sont interdits.



Première et seconde règle du droit international coutumier.














Ma Thaïs chérie.

 

Je suis désolé de ne pas avoir pu être là pour notre anniversaire. Je devrais être en permission mais l'Etat-Major a un problème assez délicat qui lui est tombé sur le museau et c'est à moi de m'en charger.

 

Ca ne me plaît pas de passer encore du temps loin de toi mais je suis un soldat, j'obéis aux ordres.

 

Comme d’habitude, je ne peux pas te dire où je vais ni ce que je devrais précisément faire, au cas où la lettre tomberait entre de mauvais sabots. Par contre, je peux te dire de ne pas t’inquiéter. C'est une mission de routine et l'activité ennemie dans le secteur est nulle. Et puis je suis avec mes gars. Y peut rien nous arriver.

 

Dans quelques jours maximum, je suis de retour à la maison et pour un sacré bout de temps. On fêtera notre anniversaire à ce moment là.

 

Je t'embrasse et je pense à toi très fort.

 

Je t'aime.

 

Steel.



De ses yeux très bleus aux longs cils, le capitaine Steel Bristle relut la lettre qu'il avait écrite pendant le voyage. Elle n'était pas très bien tournée et quelques cahots pendant la route l'avaient fait rater quelques lignes. Mais il se refusait à la refaire. Premièrement, parce qu'il n'était pas sûr de pouvoir mieux écrire que ce qu'il avait déjà fait et deuxièmement, parce que le temps lui manquait, tout simplement. Quand ils seraient en mission pour de bon, il n'aurait pas le loisir de s'appliquer à faire une belle lettre pour sa femme. S'il voulait que Thaïs reçoive ce mot au plus vite, elle devrait partir aujourd'hui.

 

Steel ferma la lettre et la plia dans une enveloppe, sur laquelle il s'appliqua à écrire lisiblement le nom de sa femme et l'adresse de leur maison, à Manedrid. Les missives qui partaient au pilon parce que le vaguemestre ne voulait pas s'embêter à déchiffrer une écriture cryptique étaient trop nombreuses.

C'était d'ailleurs l'unique raison qui avait poussé le poney à s'entraîner à écrire sabotellement jusqu'à ce que le résultat soit limpide. Dans un sens, ça participait un peu à sa vision de la vie : en se donnant du mal et en faisant quelques efforts, tout allait mieux.

 

_Un jour, faudra que tu m'expliques comment t'as réussi à faire ça, cap, lança une voix à la droite du terrestre.



Steel tourna la tête sur le côté pour découvrir que Brillant Warning, le chef en second de leur petite escouade, avait retiré les écouteurs qui étaient toujours fichés dans ses oreilles et lui jetait un regard amusé par dessus ses éternelles lunettes de soleil noires.

 

_A faire quoi lieutenant ? demanda honnêtement l'officier.

 

_Te contenter d'une seule femme. Merde, je veux dire Equestria croule sous les juments depuis toujours et toi, tu te colles avec une seule. C'est comme si t'es chez un glacier avec un milliard de parfums différents mais que t'en choisis qu'un alors que tu peux goûter à tous. C'est con.

 

_Tu m'excuseras de ne pas partager ton enthousiasme pour ta vie de célibataire Brillant, répondit Steel d'un ton un peu sec. Ca va sûrement te sembler bizarre mais y a encore des poneys pour qui le mot « fidélité » veut dire quelque chose.

 

Brillant haussa les épaules :

 

_Moi ce que j'en disais hein...

 

Il se renfonça dans la banquette arrière du véhicule, remettant en place ses écouteurs et leur musique que Steel, tous les autres occupants du camion et d'une manière générale, tous les poneys de l'Empire solaire tout entier trouvaient proprement insupportable.

Steel n'était même pas sûr que Brillant lui-même aimait vraiment cette musique. Il était prêt à mettre une dizaine de bits sur la table que le militaire faisait cela juste pour renforcer son image de marginal.

 

Image qui était déjà bien développée : entre son bouc, sa crinière en dreadlocks, sa queue tressée , ses lunettes de soleil et son attitude, il n'y avait guère que la robe brune de Brillant qui n'attirait pas spécialement l'attention. Même l'uniforme dont était affublé le lieutenant était différent des autres de ceux de l'Empire, par les multiples pin’s et badges que le terrestre avait accrochés au tissu. Il donnait plus l'air d'avoir trouvé cette tenue dans un débarras de l'armée que de l'avoir reçu des sabots de l'intendance.

 

A contrario, l'uniforme de Steel était impeccable, brossé jusque dans les moindres détails, les boutons de cuivre lustrés et bien alignés.

Ca ne datait pas d'hier ce soin apporté à son costume réglementaire. Dans la police déjà à l'époque, il passait près d'une heure, chaque soir, à brosser méticuleusement son uniforme et faire briller son badge. Les choses n'avaient pas changées quand il était passé dans l'armée.

Ce n'était pas de la coquetterie, juste du bon sens. Un respect de la fonction passait par un soin de l'uniforme.




Au delà de l'attention portée à leurs costumes, une autre chose distinguait l'uniforme de Steel de celui de Brillant.

Passé à la patte avant droite, juste avant l'ergot, le lieutenant arborait un brassard noir, où les lettres blanches PMI se détachaient très clairement. Steel n'avait pas de pareil brassard mais il portait bel et bien le même sigle, juste d'une façon différente.

Son ornement de col de chemise prenait la forme de deux broches argentées identiques, décrivant elles aussi les lettres PMI.

 

PMI pour Police Militaire Impériale, le corps d'armée auquel appartenaient Steel, Brillant et Green, le dernier membre de leur petite unité qui était installé à l'avant, avec le chauffeur.

 

La PMI avait été fondée un an après le début de la guerre, dans le but d'encadrer l'armée et d'empêcher les exactions. Au cours de ses quatre années d’existence, son but avait été élargi à la protection de personnalités impériales, la défense de certaines infrastructures, la chasse aux déserteurs pour quelques unités bien particulières mais à la base, la police militaire n'avait pas d'autre but que d'empêcher l'armée de commettre des crimes de guerre.

 

Les ennemis de la PMI arguaient que l'organisation était un frein à l'effort de guerre, que puisque les lunaires ne faisaient pas de cadeaux, l'Empire ne devrait pas en faire non plus. L'argument sonnait creux dans les oreilles du capitaine Steel Bristle. C'était justement parce qu'ils étaient l'Empire, l'autorité légitime d'Equestria incarnée par la Princesse Celestia qu'ils se devaient de respecter les loi de la guerre. Ils n'étaient pas des animaux, ni des monstres. Ils étaient en guerre, c'est vrai mais ils devaient être corrects. Protéger les civils devait être la mission numéro un des troupes impériales même si bien peu de poneys dans l'Empire partageaient cette vision.

 

Steel avait sans doute une vision un peu idéaliste du rôle de la police militaire en particulier et de la guerre en général mais il était ainsi. La justice était la lumière qui guidait sa vie, depuis l'école de police jusqu'à son intégration à la PMI en passant par l'époque où il avait été dans l'armée régulière.

 

Ce n'était pas pour rien que sa cutie mark était une paire de menottes.

 

Le poney souffla sur son pelage au niveau du cou pour en expulser un crin noir qui s'était fiché entre les poils. Le problème de la robe blanche, c'est qu'elle se salissait très vite.

En effectuant son geste, Steel fit bouger son pendentif, l'alliance pendue au bout d'une cordelette de cuir qu'il avait autour du cou. Quand on était licorne, comme la femme de Steel, la corne était toute trouvée pour y passer la bague. C'était autrement plus complexe pour les pégases et les terrestres. Si certains poneys portaient leurs alliances autour du sabot, comme une sorte de grand bracelet, Steel avait préféré la solution du pendentif, plus discrète et plus pratique.

 

Ca l'embêtait vraiment d'avoir raté son anniversaire de mariage avec sa femme.

 

C'était la première fois qu'il ne pouvait pas être auprès d'elle à cette date là. Même au plus fort de la guerre, il s'était toujours débrouillé pour obtenir une permission à cette date précise.

Mais aujourd'hui, c'était impossible.

 

Secouant la tête, Steel se força à se sortir sa femme de la tête. Il était en mission, il ne devait pas se laisser distraire par ce genre de pensées. Sur le terrain, un instant de relâchement pouvait signifier la mort. Et Steel en tant que capitaine d’escouade, refusait que ses poneys aient à payer s’il faisait ce genre d’erreur. Le bon chef veillait sur ses troupes encore plus que sur lui-même et si Steel n’était pas soldat de formation, ni le plus habilité à commander dans l’armée impériale, il s’efforçait de donner le meilleur de lui-même.

 

Le capitaine ferma les yeux et écrasa l’arrière de sa tête contre la toile du camion. Il se laissa bercer par le roulis du transport. Ils avaient encore de la route à faire.

 

Steel fut réveillé par son lieutenant, qui le secoua doucement du sabot pour lui signaler qu’ils étaient arrivés à destination. Le poney se frotta les yeux des pattes et s’arracha au banc, prenant son arme et enfilant son sac à dos. Il poussa la toile du camion et sauta au bas du véhicule. Après autant d’heures passées dans ce lieu clos qu’était le camion, se retrouver brusquement à l’extérieur fit bizarre au capitaine. Il mit quelques secondes à ce que ses yeux distinguent autre chose que la masse imposante d’arbres qui les entouraient.

 

Bristle était sujet au même phénomène et se grattait la crinière en contemplant l’immensité de la forêt. Elle était vraiment touffue. Un vrai miracle que leur chauffeur ait réussi à faire traverser les bois au camion sur cette route de terre presque impraticable, tant elle était défoncée et bourrée de nids de poule. Les deux poneys entendirent une des portes de la cabine du camion claquer et Green Wreath, le dernier membre de leur unité, venir jusqu’à eux.

 

Le sergent Wreath semblait plus atypique encore en uniforme que ne l’était Brillant Warning. Mais ça ne tenait pas à la tenue en elle-même, plutôt à ce qu’il y avait en dessous. Green était un zèbre. Un zèbrule très précisément, le fruit de l’union d’un zèbre et d’une jument. Mais son métissage était totalement indécelable si l’on ne le savait pas : Green ressemblant autant à un zèbre que n’importe lequel des sujets du Haut Roi.

 

_Pas fâché d’être enfin arrivé, grommela Green en passant son sabot dans sa crinière, coiffée à l’iroquoise. Il me tuait le chauffeur et ses blagues pourries.

 

_Rhô, moi qui pensais que t’aimais bien celle du zèbre qui entrait dans un bar...s’exclama Brillant, sourire aux lèvres.

 

_Va te faire, Warning, lui répondit Green.

 

Laissant de côté la pseudo altercation entre son lieutenant et son sergent - au bout de tout ce temps passé avec eux, il avait fini par comprendre qu’ils ne pouvaient accomplir une mission sans se tirer dans les pattes -, Steel trotta jusqu’à la cabine du camion et remit sa lettre au chauffeur, lui demandant de la poster dès que possible. Le conducteur promit et souhaita bonne chance au trio avant de faire vrombir son moteur. Il effectua un demi-tour et s’éloigna au loin, sur la route défoncée.

 

_Cap, je crois bien que tu viens de faire une connerie, déclara calmement Brillant.

 

D’un geste de la patte, Steel l’encouragea à préciser.

 

_T’as jamais vu ça dans les films ou quoi ? s’étonna le poney aux dreadlocks. Le type y peut traverser toute la guerre sans une égratignure, mais s’il a le malheur de confier à son pote la photo de sa femme ou un bijou des fois qu’il revienne pas, ben, BAM ! Y se fait exploser dans la scène d’après.

 

_Comme tu l’as dis Brillant, ça marche que dans les films ça, répondit Steel en souriant. On est dans la réalité là.

 

Le capitaine rajusta la sangle de son sac à dos et vérifia sommairement que son arme était fonctionnelle. Elle l’était, il le savait pour avoir fait la vérification des dizaines de fois pendant le voyage, mais ça faisait partie des petits rituels qui assuraient à Steel qu’il pouvait compter sur son matériel en cas de coup dur.

 

_Allons-y, annonça t-il en s’enfonçant dans les bois et prenant la tête de l’escouade.

 

C’était vraiment dur de marcher dans cette forêt Les branches étaient basses, griffant les museaux et il fallait faire attention à ne pas se tordre la patte sur une souche qui dépassait du sol.

 

_Sérieux, pesta Brillant, placé juste derrière son supérieur, y pouvaient pas nous envoyer ailleurs qu’ici, franchement ? On est la PMI nom de Celestia, pas des foutus rangers.

 

_On va là où y a des problèmes, répondit laconiquement Green qui fermait la marche de la colonne.

 

_Flash info Wreath, c’est la guerre, y a des problèmes partout. Mais comme par hasard, c’est ici qu’on nous expédie. Des fois, j’ai l’impression d’être dans un genre de foutu bouquin, poursuivit le lieutenant. Fallait au moins ça pour que Dien Bien, ça tombe sur nous.

 

Dien Bien Hoof. Le nom de la ville où ils se rendaient en ce moment même. C’était une zone très isolée en Equestria, que plusieurs raisons contraignaient à une quasi autarcie. Il y avait la forêt tout d’abord, horriblement touffue mais aussi le relief en lui-même, composé de collines abruptes. Ajoutez à cela la distance élevée entre la ville et le reste de la civilisation, et on comprenait facilement pourquoi Dien Bien Hoof passait pour le coin le plus calme de l’Empire.

Aucun objectif militaire à proximité, aucune richesse naturelle ou position stratégique intéressante. Dien Bien donnait une assez bonne définition du terme “trou perdu”.

 

Steel se taisait mais pour le coup, il partageait assez l’avis de Brillant. La PMI devait intervenir aux quatre coins de l’Empire alors pour qu’on les expédie ici, les choses devaient être particulièrement graves.

 

Oh officiellement, bien sûr, le briefing avait été des plus rassurants. Appréhender un officier soupçonné de crimes de guerre, c’était le b.a-b.a de la police militaire impériale, la vraie raison de sa création. Mais le portrait de celui qu’ils étaient venus chercher ne collait pas.

 

Le colonel Bauble Trinklet, troisième du nom, était la définition même du héros de guerre. Steel le connaissait au moins de réputation, comme tout membre de la police militaire pour une raison des plus simples, c’était Trinklet qui avait appuyé la création de la PMI.

 

Officier de carrière, le colonel s’était posé dès le début du conflit en commandant des plus efficaces, capable de remporter une bataille contre les républicains en versant le moins de sang possible, et ce, dans un camp comme dans un autre. Bien sûr, l’Empire n’avait jamais affronté la République lunaire autrement que dans des escarmouches, des échauffourées, rien qui ressemblait de près ou de loin à une vraie bataille rangée. Les morts n’en étaient pas moins réels, Steel l’avait constaté de ses yeux.

 

Trinklet était également théoricien de guerre. Steel avait une fois eu l’occasion de compulser son De la victoire sur la peur, un livre remarquablement bien écrit, qui vulgarisait avec talent le principe de la guerre propre. Pour faire simple, dans ce traité, le colonel affirmait que c’était en respectant les lois de la guerre, et en se comportant de façon exemplaire qu’une armée parvenait non seulement à vaincre l’ennemi sur le champ de bataille, mais aussi à ôter tout revanchisme aux vaincus. A bien des égards, les théories de Trinklet rejoignaient celle de Steel. Il n’avait jamais eu la chance de rencontrer en personne le colonel, mais il s’était juré de le faire un jour. Et voilà que l’Etat-Major l’envoyait sur les traces de l’officier.

 

Steel avait cru avoir mal lu quand on lui avait remis son ordre de mission. Quelqu’un comme le colonel Trinklet était l’officier le moins susceptible de commettre des crimes de guerre ! Même les lunaires affirmaient que c’était le meilleur soldat de l’Empire et qu’ils le respectaient infiniment.

 

Non, le capitaine refusait de croire que Trinklet ait pu être coupable de quoi que ce soit. Ce devait être une fausse rumeur, lancée par un jaloux ou de la propagande républicaine, pour ternir l’image du plus droit des officiers impériaux.

 

Mais aussi sceptique que soit le terrestre, il se devait d’obéir. Et c’était pour cela qu’au lieu d’être chez lui, à Manedrid, auprès de sa femme pour fêter leur anniversaire de mariage, il se retrouvait à progresser dans une forêt défoncée, à des dizaines et des dizaines de kilomètres de toute civilisation.

En silence, la colonne progressa encore pendant près d’une heure. Brillant avait passé les premières minutes à se plaindre mais il avait vite compris que pester contre le relief ne le changerait en rien.

 

Steel finit par distinguer une trouée entre deux arbres et s’y dirigea prudemment. Les activités ennemies dans le secteur avaient beau être nulles selon les rapports, le capitaine avait suffisamment vu ce que les républicains pouvaient faire dans des terrains naturels comme celui ci. La prudence n’avait jamais tué personne, surtout pas dans l’armée.

 

Le terrestre se retrouva au sommet d’une colline herbeuse, recouverte de plantes et de fleurs colorées. Tout autour de lui, des collines semblables, parfois très abruptes, donnaient sur une sorte de grande cuvette, verrouillée de toutes parts par le relief. Et on avait bâti une cité sur cette cuvette : Dien Bien Hoof.

_Je pensais pas qu’ils avaient pu faire une vraie ville au milieu de tout ça, commenta Green qui vint se placer à la droite de son officier commandant.

 

Le métis avait raison : par la topographie des lieux, on pouvait être tenté de penser que Dien ne serait en définitive qu’un hameau, un village. Dien Bien Hoof était loin de ça. C’était une ville et une ville de bonne taille même. Rien à voir avec le gigantisme de Manehattan bien entendu, ou l'élégance de Canterlot, mais Dien avait une taille des plus respectables.

 

Des immeubles qui semblaient complètement anachroniques au milieu de ce décor se dressaient fièrement, de même que des maisons de taille plus modeste, et de grandes routes quadrillaient la cité. On avait vraiment l’impression que quelqu’un s’était décidé à déplacer une ville au milieu de la cuvette, juste pour s’amuser.

 

Steel défit les sangles de son sac à dos, le posa à ses sabots et se saisit de la paire de jumelles qui se trouvait à l’intérieur. Une bonne reconnaissance du terrain était indispensable avant toute action.

 

Les lentilles grossissantes firent leur travail à merveille et en quelques secondes, Dien Bien Hoof semblait plus proche que jamais.

 

_C’est bizarre, commenta le capitaine au bout de quelques secondes. Y a personne dans les rues.

 

C’était pour le moins étrange. Si Dien était la seule ville des environs, même si elle n’était pas forcément très peuplée, des poneys s’y trouvaient forcément. On ne bâtissait pas une ville pour vivre dans les bois à côté.

Le soldat s’attendait à voir des poneys partir au travail, quelques pégases s’occuper de la météo, n’importe quoi.

 

Mais il n’y avait rien.

 

_Cap, regarde à onze heures, près de la grande horloge, lui conseilla la voix de Brillant, qui avait lui aussi dégainé sa paire de jumelles.

 

Steel s’exécuta et porta le regard à l’endroit désigné par son subordonné. L’horloge de Dien Bien Hoof, une grande tour grise qui surplombait les horizons était en bien mauvais état. Le verre de son cadran était brisé en partie et les aiguilles noires, immobiles, n’étaient plus à l’heure du tout. Mais ce n’était pas ça que Brillant voulait que son officier remarque : au sommet de la tour, on avait bâti une flèche, sans doute dans le but de s’en servir comme paratonnerre. Des cordes avaient été attachées à cette flèche et si on les suivait jusqu’au bout, on découvrait des cadavres de poneys, se balançant tristement dans le vide.

 

_Nom de Celestia, murmura Steel. Ils les ont pendus.

 

_Mes jumelles zooment pas assez pour que je puisse voir ce qui ont sur la poitrine. On dirait un genre de pancarte.

 

Effectivement, des rectangles blancs avaient été disposés sur le poitrail des malheureux. Mais la distance empêchait d’y lire autre chose que d’informes lignes noires.

 

_La seule ville à des kilomètres à la ronde et y pendent leurs gars dans les rues. Paye ta civilisation, lâcha cyniquement Brillant.

 

_Du calme lieutenant, lui dit Steel en rangeant ses jumelles dans son sac. La peine capitale est toujours applicable aux lunaires.

 

Le terrestre n’était pas des plus partisans de la peine de mort, bien au contraire, mais enfin, c’était la loi. Et l’ancien policier qu’il était, se devait non seulement de la faire respecter, mais aussi de ne pas protester quand on l’appliquait.

 

Ce genre d’exécutions sauvages n’était hélas pas rare dans l’Empire depuis le début de la guerre : les partisans assassinaient des personnalités ou des soldats impériaux, le régime solaire répliquait. Soit légalement, par le biais de procès et de condamnations, soit de façon anarchique, où la population civile se faisait justice elle-même, avec l’accord tacite des autorités. C’était une guerre sale, et dégradante. Quelque part, Steel en arrivait presque à espérer que la guérilla lunaire se mue en véritable guerre ouverte. De cette façon, il n’y aurait plus d'assassinats, et donc plus de représailles. C’était sans doute étrange de penser que les choses s’arrangeraient par une aggravation du conflit, mais c’était le point de vue du terrestre.

 

Au fond, le problème posé par ces pendus était assez clair : qu’il s’agisse bel et bien de partisans de l’ancienne Princesse de la lune ou pas, leur mise à mort, de cette façon, était illégale.

Ce genre de choses ne seraient jamais arrivées dans une zone sous contrôle du colonel Trinklet. Ce qui posait deux hypothèses : soit le colonel n’avait aucune maîtrise du terrain, soit...il avait laissé délibérément faire cet acte.

Steel se força à sortir cette seconde idée de la tête. C’était impossible.

 

Le colonel n’avait sans doute pas eu l’occasion d’arrêter cette action, ce genre de lynchage sauvage ne prenant que quelques minutes tout au plus. En fait, Steel était même prêt à parier que l’évènement était encore très récent et que Trinklet n’avait pas encore eu le temps de faire décrocher les corps, et de faire punir les coupables. Oui c’était sûrement ça.

 

Il y avait bien ces rumeurs de crimes de guerre mais Steel les prenait pour ce qu’elles étaient, des rumeurs, des on-dit, des bruits qui courent. L’ancien policier qu’il était devait s’en tenir au faits. Le soldat qu’il était aujourd’hui se bornait aux ordres, soit retrouver le colonel, et éclaircir cette histoire.

 

_J’ai repéré aucune activité aux fenêtres ou sur les toits sur la partie de la ville qui nous fait face, annonça sobrement Green. Je suis d’avis qu’on en profite pour entrer dans Dien maintenant. Y a pas mal de terrain à découvert entre le pied de la colline et les premières maisons. Moins de temps on y restera, mieux ce sera.

 

Steel se ralliait à l’avis de son sergent. D’une part, la pente de la colline était à pic, et il avait effectivement plusieurs dizaines de mètres entre là où elle s’achevait et les bâtiments de Dien Bien Hoof. Un sniper pourrait faire un joli carton avant qu’ils n’aient eu le temps de se mettre à l’abri. Mais comme il n’y avait pas d’autre moyen de passer, ils devraient s’en contenter.

 

Il donna le signal et la petite colonne s’élança. Plus une façon de parler qu’autre chose tant la colline était pentue, et manquait de faire dégringoler les soldats tout en bas, dans une série de chute et de roulades aussi comique que peu martiale.

 

Les trois militaires parvinrent au pied de la colline sans incident. Ils se hâtèrent ensuite de rejoindre Dien Bien Hoof, mais leurs craintes s’avérèrent superflues. Personne ne les vit ou ne leur tira dessus.

 

La rue qu’ils atteignirent était déserte, mais en bien mauvais état : la chaussée était défoncée, des gravats jonchaient le sol, et des traces noirâtres sur le béton des bâtiments indiquait très clairement qu’on s’était battu ici.

 

_C’est une foutue zone de guerre ici, commenta Green, désignant des impacts de balle sur un mur de briques.

 

Steel était parfaitement d’accord. Pour une zone censée être sans activité ennemie, y avait quand même un peu trop de dégâts.

 

Un bruit métallique fit sursauter les soldats qui tournèrent tous la tête en direction de l’endroit où ils l’avaient perçu. C’était un renfoncement dans la grande rue, comme une sorte de cour grillagée. Des bennes à ordure et des poubelles, remplies à ras-bord étaient en train d’être fouillées par un poney terrestre violet à l’allure famélique.

 

_Hey ! l’interpella Brillant.

 

Le poney arrêta là son activité et releva la tête en direction des militaires, la terreur se lisant clairement sur son visage.

 

_Soldats...balbutia t-il avec difficulté, comme s’il avait du mal à parler. Soldats...

 

_On est bien des soldats, dit Steel en faisant un pas en avant, et en relevant le canon de sa mitraillette en direction du ciel. Mais on vous veut aucun mal, vous voyez ? Je lève mon arme.

 

D’un geste de la tête, le capitaine ordonna à ses subordonnés de faire de même. Le poney violet semblait toujours aussi paniqué.

 

_Vous êtes avec eux, hein ? Vous allez me faire ce qu’ils ont fait à tout le monde...

 

_”Eux” qui ? Qu’est-ce qui se passe ici ?

 

La peur sur le visage du poney se mua en étonnement, puis en rire hystérique.

 

_Quoi ? Vous voulez dire que vous ne savez pas que... ? Que vous êtes venus ici sans savoir que...?

 

_Que quoi, réponds-nous ! ordonna Green d’un ton sec.

 

Mais le poney n’eut pas le temps de se plier à la requête du zèbrule. On entendit un coup de feu claquer derrière eux, et le terrestre s’arrêta soudainement de rire. Un rond rouge ornait désormais le centre de son front, et la benne derrière lui venait d’être aspergée de sang et de matière grise mêlées. Le poney se maintint encore sur ses pattes près d’une seconde avant de s’écrouler comme une poupée de chiffon.

 

Une deuxième balle frôla la crinière noire de Steel et alla se ficher dans une poubelle.

 

_Sniper ! hurla le capitaine. A couvert !

 

Les soldats bondirent derrière la première protection qu’ils purent trouver : une grosse benne à ordure. Ils s’accroupirent derrière, alors qu’on continuait de leur tirer dessus.



_Est-ce que quelqu’un sait où ce connard se planque ? demanda Green en jetant un rapide coup d’oeil par dessus la benne.

 

_Vu l’ange de la dispersion du sang du poney...la façon dont la balle est rentrée dans la poubelle...on va dire quarante degrés...je dirais l’immeuble juste derrière nous de l’autre côté de la rue, deuxième ou troisième étage ! répondit Brillant.

 

Ni Green, ni Steel n’avaient de raison de mettre l’hypothèse du lieutenant en doute. Purement et simplement parce que le terrestre brun était un des plus grands génies en mathématiques de tout Equestria. il donnait le change avec son look marginal, son attitude désinvolte et son mépris de la hiérarchie mais ses coéquipiers avaient déjà vu Brillant résoudre des équations à triple inconnues de tête en moins de cinq secondes, ou calculer un vecteur de tir parfait, du premier coup, en ayant à peine jeté un oeil à la carte d’état-major. Brillant Warning portait bien une équation en guise de cutie mark pour quelque chose.

 

_A trois, Brillant, tu m’arroses le deuxième étage, Green, tu fais pareil juste au dessus. Moi, au moment où le tireur se pointe pour rappliquer je l’allume. Un, deux...trois !

 

Les techniques de guerre de l’escouade étaient bien rodées. Leurs missions se déroulaient peut-être moins sur les champs de bataille depuis qu’ils étaient dans la PMI, mais ils étaient tout de même des soldats.

 

Le feu de couverture assuré par ses subalternes laissa le temps à Steel d'aligner correctement sa mitraillette sur l’immeuble d’en face, la stabilisant contre le sommet de la benne, et en passant le régime de tir en coup par coup. Les étages désignés un peu plus tôt par brillant étaient copieusement arrosés par les deux tireurs, brisant le verre des fenêtres et arrachant des petits morceaux de béton fumants.

 

Le capitaine se détendit, ferma un oeil et ordonna à ses poneys de revenir à couvert. Leur rôle d’appui-feu terminé, le sniper ennemi ne fut pas long à reprendre sa place à une des fenêtres du troisième étage. Steel tira deux fois et chacune fit mouche. La capitaine vit le tireur basculer en arrière dans une giclée de sang. Il resta en position quelques secondes, de crainte qu’il n’ait fait que le blesser, ou qu’un autre sniper ne surgisse du bâtiment. Mais tout était redevenu calme.

 

Steel quitta sa position de tir tandis que ses coéquipiers quittaient lentement leur couvert.

 

_Bordel d’activité ennemie nulle de mes deux, grommela Green.

 

_Au moins, ça explique les pendus qu’on a vus à l’horloge, affirma Brillant en rechargeant son arme. Si y a des lunaires qui se la jouent guérilla urbaine...

 

_Comment tu peux être sûr que c’était un foutu lunaire ? On a pas eu l’occasion d’identifier l'enfoiré qu’à essayé de nous exploser.



_Wreath, dit le poney en ayant un mouvement de museau amusé, comme s’il expliquait quelque chose à un tout petit poulain, on porte quoi comme uniforme ? Des tenues impériales. Et jusqu’à nouvel ordre, les républicains aiment bien se faire du solaire.

 

_Tu penses que c’est nous qu’il visait et qu’il a eu ce pauvre type par accident ? demanda Steel, désignant le cadavre du terrestre violet.

 

_C’était pas un pro cap, assura Brillant en remontant ses lunettes de soleil sur son museau. Sinon, il aurait pu en dégommer deux avant que le troisième se foute à couvert. Ou même m’éclater moi ou Wreath quand on te couvrait. Non, crois moi chef, c’était juste un partisan qu’a pensé que ça serait cool de se faire quelques impériaux.

 

Au final, la question de savoir pourquoi le sniper avait essayé de les tuer était assez secondaire. L’important était de se remettre en route.

 

Steel prit le temps de déplier la carte de Dien Bien Hoof qu’on leur avait remis pour l’opération. Elle n’était pas des plus précises, mais suffisait à savoir où l’on était et où l’on voulait aller.

 

_Vu que l’horloge est complètement à l’est de notre position, et qu’on vient juste d’entrer en ville, je pense qu’on est là, affirma t-il à haute voix en pointant une zone de la carte de son sabot.

 

_Ca a l’air d’être ça, confirma Green, également penché sur la carte tandis que Brillant montait la garde, au cas où une nouvelle attaque surprise adviendrait. Et on va où ?

 

_On suit la procédure habituelle, on se présente au quartier général des forces impériales locales. On prend contact avec l’officier commandant et on se fait guider jusqu’à Trinklet.

 

C’étaient effectivement le mode opératoire traditionnel de la PMI. Ils ne pouvaient pas débarquer au milieu d’un campement militaire, passer les menottes à celui qu’ils étaient venus chercher, et repartir aussitôt. Idéalement, ça aurait été parfait et certaines structures impériales, comme les redoutables Licornes du Soleil, la police politique du régime, ne se gênait pas pour le faire. Du temps où il était encore dans l’armée régulière, Steel avait vu un sous-officier embarqué par les LdS sans aucune forme de procès, alors que le poney, à la tête de son escadron, tentait de repousser un assaut lunaire. L’idée qu’elles auraient pu l’arrêter après la bataille ne leur avait même pas effleuré le bout de la corne.

 

Steel détestait les Licornes du Soleil. Rien n’était plus à l’opposé de l’échiquier de l’Empire que les LdS et la PMI. La police militaire impériale frappait du bras de la justice ceux coupables d’exactions et de cruauté. La cruauté et l’exaction étaient les mots d’ordre quasi officiels de l’Ordre des Licornes du Soleil. Steel savait que s’il en avait le pouvoir, il ferait boucler sans attendre cette organisation.

 

Mais ce pouvoir, il ne l’avait pas.

La police militaire impériale était par définition, seulement habilitée à enquêter et à sévir dans les rangs de l’armée. Les LdS n’étaient pas, sur le plan technique, des soldates. Officiellement, elles étaient toujours civiles, une organisation de soutien à la Princesse Celestia, ainsi qu’un “groupe de réflexion spirituelle”.

 

Dans les faits, c’étaient les plus dangereuses fanatiques de l’Empire, capables de vous éliminer à la moindre réflexion déplacée sur l’alicorne solaire.

Et encore, être simplement tué par les LdS, ça relevait de la chance.

Steel avait entendu des histoires horribles sur des tortures, des expérimentations médicales, des conditions de prison bien au delà de la limite de la décence.

 

La politique de la guerre des Licornes du Soleil était l’inverse de celle prônée par Steel et l’essentiel de la police militaire impériale.

 

La PMI se fichait bien plus de la fidélité des soldats de l’Empire que leur respect des lois de la guerre. Les LdS avaient exactement le point de vue inverse.

 

Le pire, c’était que si la police militaire ne pouvait rien faire contre les Licornes du Soleil, l’opposé était faux. Un des collègues de Steel, en avait fait les frais après qu’il ait tenté de traîner la chef de l’Ordre, Twilight Sparkle, en cour martiale, pour un massacre de prisonniers lunaires qu’elle aurait explicitement ordonné. Bien sûr, s’attaquer aux LdS et à la protégée de l’Impératrice par dessus le marché, ça n’avait pas été des plus malins. Deux licornes en uniforme étaient venues chercher le collègue de Steel à son domicile, un beau matin. Plus personne ne l’avait jamais revu.

 

Le capitaine se força à chasser les Licornes de ses pensées. Il avait plus urgent à s’occuper ici.

 

Steel rangea la carte dans son sac à dos et fit signe à son escouade qu’ils repartaient, s’enfonçant dans Dien Bien Hoof. Les militaires restaient attentifs à la moindre fenêtre, de peur que l’épisode du sniper ne recommence. Mais leur progression se fit sans encombres.

 

Ils passèrent devant des magasins fermés mais dont les vitrines étaient intactes. En revanche, d’autres traces de combat émaillaient leur parcours.

 

_C’est quand même bizarre, finit par lâcher Brillant. Le poney qu’on a vu fouiller dans les poubelles. S’il voulait à manger, pourquoi il a pas pété la vitre des magasins là ?

 

_Il a pas tort, admit Green avec un froncement de sourcils. Même nous à l’époque, à Manehattan, on s’emmerdait pas à faire les ordures. On prenait ce qu’on voulait dans les boutiques.

 

Green avait grandi dans le quartier le plus mal famé de Manehattan, le tristement célèbre arrondissement de Ponyhem, au milieu des gangs et de la violence des rues.

Le plus étonnant était peut-être lorsque on savait que le métis avait fait ce choix de vie et n’y était pas né. Au contraire, Green avait vu le jour dans une famille aisée de Fillydelphia. Mais les tensions entre son zèbre de père et lui déjà extrêmement nombreuses, avaient fini par dégénérer à la mort de la mère de Green. Le zèbrule avait donc plié bagages vers le coin le plus chaud qu’il avait pu trouver, Ponyhem.

Il s’était acoquiné avec un gang des rues qui avait fini par prendre de l’importance, jusqu’à devenir une sorte de milice, qui louait ses services à l’Empire ou a la République, selon le nombre de bits qu’on leur versait dans le sabot. Le gang avait été dissous quand ses membres avaient été massacrés par des déserteurs impériaux, qui y avaient vu une cible facile pour s’emparer de matériel de guerre et d’un peu d’argent. Green avait été le seul survivant et Steel caressait l’hypothèse que si le zèbrule s’était engagé dans la PMI, c’était pour retrouver les assassins de son ancien gang et leur faire payer.

 

Au début de leur association, les choses n’avaient pas été simples entre Steel l’ancien policier, et Green, l’ancien gangster. Mais tout s’était tassé au fil des missions et désormais, chacun comptait autant l’un sur l’autre. Ils n’étaient peut-être pas aussi proches que Steel l’était avec Brillant mais ils n’en restaient pas moins de bons coéquipiers.

 

_C’est plus ce qu’il a dit qui m’a fait bizarre moi, dit Brillant. Vous vous souvenez ? Comme si on allait le coller au mur ou je sais pas...

 

_Y devait pas être net de toute façon, trancha Green. Fouiller dans les poubelles quoi...on est pas des animaux...

 

Laissant ses deux poneys à leurs réflexions, Steel continuait de guetter le moindre signe d’activité ennemie. Il croisèrent deux autres civils qui disparurent à un coin de rue en les apercevant. Les poneys avaient eu l’air aussi mal en point que le malheureux terrestre de la benne à ordure. Et au moins aussi apeurés. Quelque chose clochait dans Dien Bien Hoof.

 

Le trio remonta la rue jusqu’à voir son chemin stoppé par une barricade de fortune. On avait entassé pêle-mêle des meubles, des matelas, des gravats et à peu près tout ce que l’esprit poney pouvait imaginer. Juché au sommet de la barricade, un terrestre à l’uniforme dépareillé sursauta en découvrant l’escouade qui s’avançait toujours et pointa son arme sur elle.

 

_Halte ! ordonna t-il. Identifiez-vous ou j’ouvre le feu !

 

Steel fit signe à ses coéquipiers de rester sur place.

 

_Je suis le capitaine Bristle de la police militaire impériale. Et voici le lieutenant Warning et le sergent Wreath.

 

Le guetteur eut un soupir de soulagement mais ne décrispa pas ses sabots autour de son arme pour autant.

 

_La PMI...c’est maintenant que vous vous pointez bordel ? Et où sont les autres ?

 

_Y a que nous, précisa Steel en faisant un pas en avant. Et si vous nous disiez ce qui se passe un peu ?

 

_C’est la putain de guerre civile, vous croyez quoi, bordel, marmonna l’autre. Grouillez vous d’escalader la barricade avant que ces connards de francs-tireurs vous explosent dans le dos.

 

L’escouade ne se fit pas prier et franchit bien vite la barrière de fortune. De l’autre côté, la rue était largement autant en mauvais état mais bien moins vide : une demi douzaines de poneys en uniforme solaire, l’air harassé, partageaient une cigarette, juchés sur des chaises branlantes ou patrouillaient nerveusement, leurs armes serrées contre le poitrail. Le poney qui avait accueilli les les trois soldats sauta au bas de la barricade, pour les rejoindre.

 

_Je suis le sous-lieutenant Drifter. Vous me permettrez de vous reposer la question mon capitaine, dit-il d’un ton amer, mais c’est que maintenant que vous ramenez vos croupes ? Ca fait au moins trois semaines qu’on a lancé notre foutu SOS.

 

_On nous a prévenus de rien Drifter, répondit Steel. En fait, on nous a même dit que l’activité ennemie dans le secteur était nulle.

 

Le sous-lieutenant pouffa d’un rire mauvais.

 

_Ouais, tellement nulle qu’on a encore perdu deux gars la nuit dernière.

 

_C’est les lunaires qui vous font chier ? demanda Brillant.

 

_Les lunaires...si y avait qu’eux, pesta un soldat tout proche du quatuor.

 

_Retourne à ton poste toi, lui ordonna Drifter. N’empêche qu’il a raison, ajouta t-il, une fois le soldat éloigné. Y a les lunaires mais surtout toute cette foutue ville.

 

_Dien est acquise aux républicains ?

 

_Dien est acquise à elle-même, ouais. Les civils se sont dégoté des armes et se sont organisés en bandes. C’est pas rare qu’ils se tirent dessus pour un bout de pain ou un peu d’eau. Y a les criminels qui profitent de la situation pour piquer ce qu’ils peuvent, nos déserteurs qui coupent la gorge au premier qu’ils voient tellement y ont la trouille, les partisans...mais surtout...y a lui.

 

_Lui, qui ?

 

_Lui...le colonel.

 

_Trinklet ? demanda Brillant.

 

A l’annonce du nom, plusieurs poneys se retournèrent, et jetèrent un regard noir au terrestre. Drifter avait subitement pâli et posé son sabot sur les lèvres du poney aux dreadlocks.

 

_Fermez-là ! On dit pas son nom. Jamais ! Ca les attire.

 

_Ca attire qui ?

 

_Les gars de la 2° cie...les poneys du colonel. Y sont partout, y ont des oreilles dans toute la ville.

 

_Vous seriez gentil de nous expliquer ce qui se passe ici ? demanda Steel d’un ton sec. Pourquoi vous avez perdu le contrôle de la ville ?

 

_On tenait très bien la ville avant, objecta Drifter en se frottant les yeux d’un geste las. Y avait bien une cellule de lunaires, mais y faisaient pas chier, un peu de peinture sur les murs, du sucre dans les réservoirs de véhicules, ça allait jamais plus loin que ça. Au pire, on en foutait deux trois en taule, le temps qu’ils se calment, et on les laissait se barrer après.

 

_Vous relâchiez les prisonniers ? s’exclama Steel, partagé entre la stupéfaction et l’indignation;

 

_Eh, répondit sévèrement le sous-lieutenant, je sais pas comment ça se passe ailleurs, mais à Dien, on a toujours été entre nous. Toujours. Alors on se connaît tous. Putain, on a grandi avec les lunaires, on bossait avec eux, c’est - ou c’était - nos amis. J’ai un peu de mal à l’idée de coller une balle dans la tronche d’un mec avec qui j’allais me taper une bière à la fin du service. Alors oui, on les relâchait et eux, y faisaient pas trop de vagues. Y avait un espèce d’accord.

 

Drifter s’interrompit pour glisser une cigarette entre ses lèvres et l’allumer;

 

_Quelque part, on se disait que cette guerre avait rien à voir avec nous, poursuivit-il en tirant sur la tige incandescente. On avait un peu dans l’idée de se tenir à carreau des deux côtés et comme ça, on finit la guerre sans buter personne. Oh, je sais bien, refus d’obéissance, refus de combat, vous pouvez tous nous coller au mur si ça vous éclate.

 

_On est pas là pour vous, précisa Green, mais pour le colonel.

 

Drifter se mit à rire, et s’étrangla à moitié avec la fumée de sa cigarette :

 

_Au moins, on peut dire que le colon, y risquera pas le poteau pour refus de faire la guerre...



Le regard du sous-lieutenant se perdit dans le lointain quelques secondes :

 

_Le colonel a débarqué ici, avec sa putain de seconde compagnie, un beau matin, pour prendre en main les forces locales. Les premiers jours, ça c’est super bien passé, mais après...le colonel a...pété les plombs, je sais pas comment dire ça autrement. Y s’est mis à ordonner la mise à mort systématique des lunaires, au combat ou pas. Puis, il a lancé ses gars sur les civils. Sur les civils putain ! J’ai vu ses poneys coller une balle dans le crâne d’une jument enceinte.

 

_J’ai du mal à croire que le colonel Bauble Trinklet puisse faire ça, contesta Steel.

 

_Pas de nom j’ai dit ! hurla Drifter d’une manière presque hystérique, laissant échapper sa cigarette à terre

 

Brillant jeta un regard inquiet à son supérieur par dessus ses lunettes de soleil. Green n’était pas des plus rassurés non plus.

 

_Vous savez où est le colonel maintenant ? demanda le zèbrule.

 

_Y a déplacé son quartier général dans les égouts, indiqua Drifter en reprenant sa cigarette et en frappant deux fois du sabot contre le sol. Comme ça, sa 2° compagnie peut couvrir tout Dien Bien Hoof et vous surgir à la gueule où ça l’éclate.

 

_L’entrée la plus proche des égouts ? demanda Brillant.

 

_Putain, vous êtes pas sérieux ? Vous allez pas aller voir, si ? C’est un dingue je vous dis ! Y fait tailler en pièces des gens sans raison !

 

_On est là pour remplir notre mission, objecta Steel. On doit vérifier si les accusations de crime de guerres du colonel sont fondées et agir en conséquence.

 

_Si elles sont fondées ? répéta Drifter, pouffant à nouveau Vous avez qu’à demander ça aux pauvres gars qui se balancent en haut de la tour de l’horloge, si elles sont fondées, les accusations !

 

_C’est le colonel qui les a fait pendre ?

 

_Pour marché noir je crois. C’est pas comme s’il avait besoin d’une raison en fait.

 

Le sous-lieutenant tira encore sur sa cigarette puis la jeta au sol.

 

_Si j’étais vous, je me casserais de Dien. Avant que la seconde compagnie décide de vous faire la peau.

 

_Si ça craint tellement, pourquoi vous, vous vous êtes pas tirés ? demanda Green.

 

_Parce que Dien c’est chez nous. Parce que si on se casse, ce malade aura le champ libre pour faire tout ce qu’il veut. On a réussi à émettre un appel radio pour demander de l’aide avant qu’il nous coupe les communications. Un SOS, c’est tout ce qu’on pouvait faire. Mais je bougerais pas d’ici. Ni moi, ni les gars qu’il me reste. Les gars de la 2° compagnie sont peut-être malades, mais y évitent de s’en prendre à la même armée qu’eux. En général. Alors on fait ce qu’on peut pour sauver les civils et les lunaires qu’ont pas encore croisé leur chemin.

 

_On doit poursuivre notre mission, conclut Steel. J’apprécierais que vous nous guidiez jusqu’aux égouts les plus proches.

 

Drifter souffla par les naseaux :

 

_Continuez la route sur deux ou trois cent mètres, y a une plaque d’égouts.

 

_Merci, dit Steel en se mettant en route, suivi par son escouade.

 

Alors qu’ils s’éloignaient des débris de l’armée impériale de Dien Bien Hoof, ils entendirent le sous-lieutenant Drifter s’adresser une dernière fois à eux :

 

_Vous devriez vraiment retourner de là où vous venez, et demander des renforts ! Vous y arriverez jamais à trois !

 

Les soldats ignorèrent les conseils du poney et progressèrent en silence. Silence qui fut vite rompu par Brillant :

 

_Vous voyez que ce qu’à dit Drifter c’est vrai ? Que le colonel a pété un câble ?

 

_J’y crois pas, répondit Steel. Si y a bien un officier de l’armée impériale qui touche pas à un poil de crinière des civils, c’est bien Trinklet.

 

_Et comment t’expliques les pendus ? Tous les morts ?

 

_Que je sache, on sait pas pourquoi ils les ont pendus ces poneys. On sait pas non plus qui les a pendus. Ca pourrait être des lunaires déguisés en impériaux tiens, histoire de nous faire passer pour des monstres. Propagande, faux drapeau, tout ça.

 

_Je veux pas casser ta théorie chef, signala Green qui s’était arrêté devant la vitrine d’un magasin mais tu devrais venir voir ça.

 

Steel se rapprocha, imité en cela par Brillant Warning. A peine avaient-ils jeté un oeil à l’intérieur du magasin qu’ils amorçaient un mouvement de recul.

Le sol de la boutique était jonché de cadavres. Des dizaines et des dizaines de poneys, formant un tas multicolore sur le carrelage de ce qui semblait être naguère un supermarché. Les étagères avaient été renversées, pillées, et poussées sur le côté pour faire de la place aux corps. Steel distinguait des étalons de tout âge, jeunes et vieux, tous le poitrail déchiqueté par la mitraille. Mais ce n’était pas le pire. On comptait aussi des juments, exécutées de la même façon, dont certaines tenaient encore le sabot de leurs enfants.

 

_Y ont tués des gamins...commenta Green, en secouant la tête d’un air dégoûté. Des putains de gamins...

 

Steel ne disait rien mais son estomac avait du mal à tenir le choc. Déjà à l’époque de l’armée régulière, il avait eu du mal avec les cadavres. Ce n’était pas pour rien que du temps où il était encore policier, il essayait toujours autant que possible de capturer les suspects en vie.

 

_Pourquoi ? s’interrogea Brillant. Aucun n’a d’uniforme. Y ont pas d’armes. C’étaient des civils...

 

_Je crois que Drifter avait raison en fin de compte...

 

_On doit bouger, ordonna Steel en se forçant à se remettre en marche.

 

_On fait rien pour eux ? demanda Green.

 

_Y sont morts, murmura amèrement Steel. C’est injuste, con, et tout ce que tu veux mais c’est pas notre job de les enterrer ou je sais pas quoi. On s’en tient aux ordres.

 

_Tu trouves que les ordres tiennent encore ?

 

_Les ordres tiennent toujours sergent, dit le terrestre en appuyant sur le grade de son coéquipier. On est là pour trouver Trinklet, voir si l’accusation de crime de guerre tient et...

 

_Parce que tirer dans le tas de civils avec des juments et des poulains, c’est pas un crime de guerre, peut-être ?

 

_On ne sait pas qui a fait ça, trancha Steel. Ca peut-être la 2° compagnie comme n’importe qui, les lunaires ou pourquoi pas les poneys de Drifter. On accuse pas sans preuve.

 

Le zébrule eut un mouvement de la tête agacé mais se tut. Il savait que son chef d’escouade ne plaisantait pas avec ses vieux principes policiers.



_On tirera ces histoires de massacres au clair quand on aura vu le colonel, pas avant, conclut le capitaine. Allez, en route, j’ai dit.

 

Steel ne rata pas le regard que partagèrent pendant un court moment Green et Brillant.

Un regard qui voulait visiblement dire “dès qu’on en a l’occasion, on fait payer ça aux salopards qu’ont tué ces poneys”.

 

Steel lui-même, dans son for intérieur, partageait ce point de vue. Mais il était chef de groupe, capitaine de la police militaire impériale, ancien inspecteur de police. S’il le pouvait, il traînerait les responsables de ce charnier devant la cour martiale, si les auteurs faisaient bien partie de l’armée impériale. Mais les lois étaient faites pour être respectées. On ne pratiquait pas la justice sauvage et le lynchage. Ils n’étaient pas dans les badlands ou à Appleloosa quand même.

 

On aurait sûrement objecté que la loi n’avait plus cours à Dien Bien Hoof depuis le début des exactions mais ici et maintenant, la loi, c’était la PMI. Et cette loi, Steel était bien déterminé à la faire respecter autant qu’à la respecter lui-même. Quand bien même l’image qu’il avait du colonel Trinklet s’effritait à la vitesse d’un pur sang lancé au galop.

 

Les trois policiers militaires reprirent leur route, remontant lentement la rue. Ils ne virent pas d’autre charnier mais plus ils s’enfonçaient dans Dien Bien Hoof, plus ils avaient l’impression que la lumière du jour perdait en efficacité, et que les couleurs des bâtiments devenaient plus ternes.

 

Brillant pointa du sabot leur objectif, une grande plaque d’égouts, ronde et brillante, à quelques pas d’eux. Steel hocha la tête pour ordonner qu’on la soulève.

 

_Y a vraiment des fois où je regrette que maman ait pas fauté avec le voisin, grommela le terrestre aux dreadlocks, grimaçant sous l’effort alors qu’il soulevait la plaque de fonte à la force de ses sabots. Je cracherais pas sur une corne de temps en temps...

 

_Tu serais né cornu, les LdS t’auraient embarqué avant même le début de la guerre parce que t’aurais fait offense à la race Warning, lui jeta Green, pince-sans-rire.

 

_Et c’est un zébrule qui me dit ça...rappelle moi de te payer du manioc au mess quand on sera sortis de cette merde, je sais que t’adores ça.

 

Steel ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. L’humour était une des armes les plus utilisées par le soldat pour tourner en dérision une réalité trop crue. Le spectacle du supermarché était encore trop frais dans leur mémoire. Brillant et Green avaient besoin de se lancer quelques piques pour chasser ce souvenir déplaisant.

 

Brillant finit par déloger la plaque d’égout et la posa à même la route. Il jeta un coup d’oeil rapide dans la cavité révélée, y pointant sa lampe torche.

 

_Ca m’a l’air dégagé cap.

 

_Alors on y va. Brillant, tu passes en premier et tu fais une reco rapide. Si la voie est libre, on te suit.

 

L’idée de patauger en premier dans l’eau sale des canalisations de Dien n’enchantait guère le génie en mathématiques mais il obéit, retirant ses lunettes de soleil, les pliant et les rangeant dans la poche de poitrine de son uniforme.

 

_Si je me fais pas buter direct, tu me dois le pressing cap, annonça Brillant en entamant sa descente dans les égouts.

 

Quelques secondes plus tard, un bruit d’eau résonna sur les parois jusqu’à remonter à Steel et Green. Brillant allait très bien si on tenait compte de ses multiples cris de dégoût.

 

_C’est clair en bas ? demanda Green.

 

_C’est qui fait de l’humour en plus notre quota zèbre ! Demander si des canalisations d’eau usée, c’est clair. Bah écoute, à moins qu’ils aient dressé des rats à tenir un flingue, je vois aucun danger là dessous.

 

Steel hocha la tête et descendit à son tour. Les barreaux étaient graisseux et l’odeur épouvantable. Il eut une grimace de répugnance quand ses pattes s’enfoncèrent profondément dans l’eau sale. Le capitaine et son lieutenant se partagèrent la surveillance de la petite portion des égouts où ils se trouvaient, le temps que Green ne les rejoigne.

 

Une fois le trio rassemblé, se posa la question dans quelle direction aller. Les poneys trouvant dans leur dos une grille infranchissable, ils décidèrent de s’aventurer dans le sens opposé. Ils observaient un silence quasi total, tout juste troublé par le bruit de leurs sabots sortant et entrant dans l’eau sale à répétition.

 

_Engagez vous dans l’armée qu’y disaient, vous verrez du pays qu’y disaient...y auraient pu nous dire qu’on se taperait aussi des égouts, grommela Brillant.

 

_Tu vas me dire Warning, pour toi, toucher de l’eau, même pleine de merde et de saleté, c’est déjà un premier pas vers la propreté, non ? ironisa Green à voix basse.

 

_Retourne sacrifier des petits animaux à ton dieu de la forêt Wreath, et arrête de me les briser.

 

_Tu sais que discriminer un frère d’armes sur ses origines ethniques, c’est passible d’un blâme en cour martiale, sale terrestre brun de mes deux ?

 

_Fermez-là tous les deux, ordonna Steel d’un ton sec en s’immobilisant brusquement. On est pas seuls.

 

Poneys et zèbrule agrippèrent plus ferment leurs armes et dirigèrent le faisceau de leurs torches droit devant eux. Le trio se tenait parfaitement immobile, au milieu de l’eau usée.

 

Steel machinalement, plissa ses yeux bleus aux longs cils pour mieux percer les ténèbres. Pourtant, çe fut son ouïe qui réagit la première à l’attaque ennemie. Il perçut un cliquetis métallique extrêmement bref, suivit du son de quelque chose qui tombait dans l’eau.

 

_Grenade ! hurla t-il en reculant brusquement.

 

Trop lent, cela dit. Steel et son escouade eurent brusquement l’impression que la foudre venait de tomber à quelques centimètres d’eux. Un flash blanc aveuglant, un bruit assourdissant...d’instinct le capitaine tira quelques rafales au jugé mais la grenade flashbang l’avait complètement sonné. Il sentit à peine qu’on lui arracha sa mitraillette et qu’on lui assenait un formidable coup de crosse en plein visage.

 

Puis ce fut le noir.

 

Quand Steel repris conscience, il était couché sur le flanc gauche, les poils de sa robe au contact du sol froid. De sa position, il voyait tout penché. Des poneys en uniformes, occupaient une grande partie de la pièce. Ils avaient le visage sombre mais le capitaine ne pouvait pas dire s’ils portaient de la peinture de guerre, ou si c’était juste le manque de lumière des lieux. Il avait encore mal au crâne et ses oreilles n’arrêtaient pas de siffler. Il pria Celestia de ne pas avoir les tympans crevés.

 

La pièce sentait mauvais. Pas aussi mauvais, que ce qu’ils avaient senti dans les égouts mais quand même. Ici, c’était plus diffus, comme si l’on avait essayé de chasser la puanteur, mais qu’elle s’était trop imprégnée dans l’air pour s’en aller.

 

_Il se réveille monsieur, annonça un poney placé juste derrière Steel.

 

_Relevez-le, répondit-on.

 

Steel se sentit se faire hisser sur ses pattes arrière, en position bipède. Ses pattes avant, elles, étaient liées dans son dos. Une fois debout, Steel put mieux juger de l’endroit où il était : ça ressemblait à une ancienne salle de contrôle des égouts, avec des consoles éteintes et des valves un peu partout. Une bonne dizaines de poneys, les armes à la main, montaient la garde. Assis sur une simple chaise de bois, un poney terrestre à la robe alezan essuyait son monocle avec un mouchoir de lin. Steel ne le reconnut pas tout de suite. ll avait beaucoup maigri par rapport à la photographie du dossier et sa crinière était rasée à blanc. En revanche, sa queue bouffante, rouge et jaune, ne manquait pas d’attirer l’attention.

 

_Colonel Bauble Trinklet...prononça Steel avec difficulté, sa mâchoire le faisant souffrir.

 

_Troisième du nom, confirma le terrestre assis en face du capitaine. Ravi de vous rencontrer capitaine...?

 

_Bristle. Steel Bristle.

 

_Capitaine Bristle.

 

Le ton de Trinklet était posé et extrêmement calme.

 

_Vous savez, je ne suis qu’à moitié surpris de voir la PMI débarquer ici pour moi, dit-il en pointant du sabot les lettres argentées qui ornaient le col de Steel. Après tout, j’ai participé à leur création, je suppose que c’est un juste retour des choses.

 

_Colonel, marmonna Steel, tentant de reprendre le fil de ses pensées, je suis ici pour enquêter sur des rumeurs de crimes de guerre...vous concernant.

 

_Oh.

 

Trinklet prit un air peiné.

 

_J’ai bien peur qu’elles soient fondées ces rumeurs, capitaine.

 

A ces mots Steel sentit un poignard invisible le frapper dans le ventre. Tout le long, il s’était persuadé que Trinklet n’était pas celui qu’avait décrit Drifter, qu’il devait y avoir une erreur, une explication...et voilà que le principal intéressé ne niait même pas !

 

_Je ne vous crois pas, objecta Steel. Vous êtes le colonel Bauble Trinklet III. Vous êtes le meilleur des officiers de Celestia. Vous avez écrit De la victoire sur la peur bon sang !

 

_Oui, c’est exact, j’ai bien écrit ce traité. Enfin “j’ai”...si on considère l’ancien poney que j’étais comme moi, oui, j’ai écrit cela. Mais ça remonte à tellement longtemps...

 

_Vous êtes le théoricien de la guerre propre. Ce qu’on a vu là haut...les cadavres...ça ne peut pas être vos ordres.

 

_Encore une fois capitaine Bristle, j’ai bien peur que les rumeurs de crimes de guerre soient entièrement fondées. Vous voyez...

 

Il s’interrompit un instant et battit des sabots. Immédiatement, un soldat vint lui apporter un verre d’eau claire. Il le vida d’un trait.

 

_Oh pardonnez moi ! Je vous reçois ici et je ne vous offre rien à boire. Je suis un bien mauvais hôte.

 

Il frappa dans ses sabots une nouvelle fois et on apporta de l’eau à Steel. Un soldat pressa le bord du verre contre les lèvres du capitaine qui but avidement, se rendant brusquement compte à quel point il était assoiffé. Ce faisant, il tendit le cou et son pendentif jaillit en dehors du creux de sa chemise d’uniforme.

 

_Ah je vois que vous êtes marié, commenta Trinklet. Vous allez peut-être mieux comprendre. Capitaine, j’aimerais que vous essayiez de suivre mon raisonnement. Que pensez vous de la théorie qui dit qu’il faut être pour faire ?

 

_Je ne comprends pas...dit Steel après quelques secondes.

 

_Par exemple, pour demander l’aumône, il faut être dans la misère, non ? On peut le faire sans, bien sûr, mais ça semble le plus logique. Comme pour manger, il faut être affamé.

 

Steel hocha la tête. Jusque là, il suivait.

 

_Prenez l’acte de faire l’amour. Pas le coït brutal, pas le sexe pour le sexe, je parle bien de faire l’amour. Je pense capitaine, que si vous aimez votre épouse, vous ne me détromperez pas sur ce point là, quand vous couchez avec elle, c’est bien mieux qu’avec toutes les juments que vous avez connues, parce que votre femme, vous l’aimez. L’expression des sentiments passe par l’union des corps, etc. Vous comprenez ce que je dis ? Pour bien faire l’amour, il faut être amoureux.

 

Nouveau hochement de tête du capitaine.

 

_J’en arrive au coeur du sujet, poursuivit le colonel, brossant machinalement sa queue bouffante. Pour faire la guerre, que faut-il faire ? Selon la logique que nous avons développé jusque ici ?

 

_Etre un guerrier ? supposa Steel.

 

_Précisément ! Ou plutôt, il faut devenir la guerre, ce qui est presque la même chose.

 

_Et comment est-ce que vous...”devenez” la guerre colonel ?

 

_A votre avis ? demanda Trinklet en écarquillant les yeux. Il faut devenir aussi impitoyable que la guerre elle-même, cette question.



_Impitoyable...répéta Steel. Vous voulez dire que vous autorisez les massacres ? Les pendaisons ? Pourquoi ?

 

_Je pensais que vous aviez compris capitaine, murmura Trinklet. Mais très bien, je vais creuser un peu le sujet. Vous avez raison, j’ai longtemps cru à la guerre propre. Mais depuis quelques semaines, je vois la vérité.

 

Le colonel avait prononcé la fin de sa phrase avec une certaine emphase.

 

_Ca remonte à un mois à peu près...j’avais été envoyé avec mes poneys dans un petit village de l’est, une zone acquise aux rebelles. Quand nous sommes arrivés, nous avons découvert que les civils se moquaient bien de la République, et étaient plus rackettés par les partisans qu’autre chose. Alors j’ai laissé quelques soldats au village et nous sommes partis dans les montagnes, chasser les lunaires. A notre retour au village, nous l’avons trouvé en flammes. Les républicains avaient profité de notre absence pour lancer un raid, assassiner les poneys de garde et se venger sur les civils.

 

Trinklet essuya son monocle.

 

_Ils ont fusillé tous les étalons et ont enfermés les juments et les poulains dans le temple, avant de le cadenasser et d’y mettre le feu. Nous sommes arrivés trop tard pour aider les civils. Je le souviens, quand nous avons exploré les débris du temple, j’ai trouvé le cadavre d’un bébé, blotti dans les pattes de sa mère. Il semblait paisible. Comme s’il dormait.

 

Le colonel remit son monocle en place :

 

_J’ai vu des choses pendant la guerre mais ce bébé...j’ai pleuré Bristle. Comme un enfant, je me suis mis à sangloter. Je me disais “comment est-ce qu’ils peuvent faire ça ? A des innocents ?”. Et puis...la vérité m’a frappé. En plein front.

 

Trinklet se frappa trois fois le haut du crâne.

 

_J’ai compris que si les lunaires pouvaient faire ça, massacrer un village entier sans aucune raison valable...c’est qu’ils étaient plus forts que nous. Qu’ils avaient une force intérieure qui nous manquait.

 

Le colonel croisa les pattes.

 

_Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les rebelles qui ont fait ça sont comme vous et moi. Ils ont une femme, des enfants. Ils ont des amis, une vie normale. Mais pourtant, ils sont capables de faire ce qui nous semble impensable. Est-ce que vous imaginez la force de caractère que cela demande de faire ce genre de choses ?

 

_C’est...ignoble.

 

_Vous voyez encore ça avec votre esprit de policier militaire, contesta le colonel. Essayez de faire abstraction de votre métier. Est-ce que vous comprenez le principe de guerre psychologique ? De conquête par la terreur ?

 

_C’est pas en tuant tout le monde qu’on gagne une guerre, répliqua sèchement Steel.

 

_Je ne parle pas de tuer tout le monde, objecta Trinklet mais d’atteindre un niveau d’insensibilité psychologique si forte qu’on peut faire n’importe quoi, faire ce que l’ennemi n’osera jamais faire, bloqué par ses principes ou la morale.

 

_Vous parlez comme une LdS.

 

_Je suis tout le contraire d’une Licorne du Soleil. Les LdS ne s’en prennent qu’à ceux qu’elles pensent manquer de fidélité envers Sa Majesté Impériale. Elles agissent par fanatisme, par zèle politico-religieux. Moi je vous parle d’être capable de tuer sans juger, sans haine, sans pulsion. Juste de tuer.

 

_C’est totalement illégal. C’est interdit par le droit de la guerre !

 

_La guerre n’a aucun droit capitaine. C’est tué ou être tué.

 

_La loi est le fondement de la civilisation !

 

_Il n’y a plus de civilisation qui tienne en temps de guerre capitaine ! C’est ou se battre, ou être tué ! On peut se battre de façon conventionnelle comme on le fait depuis des années, et ne voir rien changer. Ou on peut appliquer ma méthode.

 

_Votre méthode est barbare.

 

_Ma méthode est la seule vraie justice. On pourrait gloser des heures sur qui est responsable de la guerre : Luna pour avoir fait sécession, Celestia, pour avoir fait passer les lois sécuritaires, Chrysalis pour avoir effrayé Sa Majesté Impériale, Discord pour s’être emparé du pouvoir avant d’être battu par les soeurs alicornes...je ne cherche pas de responsable. Je cherche à finir cette guerre. Donnez moi une division de poneys formés à mes principes et je vous jure que nos problèmes seraient réglés en moins d’une semaine.

 

_A quel prix ?

 

_Des gens meurent de toute façon capitaine ! C’est la guerre !

 

_Le soldat se bat pour protéger celui qui est derrière lui...



_Fantasme ! dit sèchement Trinklet en faisant un geste du sabot. Le soldat est né pour tuer. Si le peuple accepte l’idée qu’à n’importe quel moment, n’importe où, pour n’importe quelle raison, la mort peut s’abattre sur eux, de façon injuste, il se tiendra tranquille pour toujours.

 

_Vous voulez transformer l’Empire en dictature...

 

_Nous sommes déjà une dictature !

 

Trinklet s’était levé sous l’effet de la colère, dévoilant sa cutie mark au capitaine, un bâton de commandement.

 

_Je ne fais qu’aller dans le sens de l’histoire avec mes méthodes. La guerre par la terreur, c’est le seul moyen de se défaire des ennemis présents et futurs !

 

Steel secoua une nouvelle fois la tête en guise de déni. Trinklet se passa le sabot sur le visage.

 

_J’aimerais vous prouver quelque chose.

 

Il frappa au sol et deux soldats surgirent d’un coin sombre, tenant chacun un des coéquipiers de Steel, immobilisés par une corde et bâllionnés. Les poneys déposèrent les prisonniers à la droite et à la gauche de la chaise du colonel et pointèrent leurs armes sur leurs nuques. Trinklet eut un geste du museau et Steel sentit qu’on déliait ses cordes et qu’on lui glissait un objet en métal dans le sabot.

 

_Nous vous confions un pistolet avec une balle dans la chambre capitaine, expliqua le colonel, se rasseyant lentement. Comme vous le constatez, vous avez devant vous vos deux amis, qui seront exécutés quand je compterais jusqu’à trois. Cela dit, vous disposez d’une balle. Je vous laisse abattre le bourreau de votre choix afin de sauver un de vos coéquipiers. Ne vous en faites pas, mes poneys sont prêts à tomber pour la cause, ça ne les dérangera pas.

 

Steel sentit le dilemme enserrer son coeur.

 

_Vous me dites que la guerre par la terreur est une chose horrible capitaine, qu’on ne peut pas contraindre les gens à faire des choses impensables. Et bien voilà quelque chose pour vous capitaine : deux vies sur la balance, une seule balle. La peur de perdre un de vos amis va vous obliger à trancher Bristle.

 

Le terrestre baissa la tête, l’air éteint.




_Vous savez que j’ai raison, lança pompeusement Trinklet. Vous êtes très attaché à la loi capitaine, à la guerre propre. A vous de me dire si je peux obliger quelqu’un comme vous à laisser tuer un de ses coéquipiers pour sauver l’autre, est-ce que ma méthodologie ne peut pas marcher sur des poneys moins moraux que vous ?

 

Le colonel avait raison. Il avait entièrement raison. Sa méthode, son mode de pensée, aussi barbare soit-il, fonctionnait. Et même, suivait une certaine logique. C’était aller plus loin que ce n’était inimaginable et voir l’ennemi rendre les armes, blanc de peur.

 

_Je me demande qui vous allez choisir capitaine. Enfin, nous allons bien voir. Un.

 

Steel déglutit, se demanda s’il avait le temps de tirer, de s’emparer de l’arme du poney mort et de sauver son autre coéquipier dans la foulée.

 

_Deux.

 

Que devait-il faire ? Même abréger les souffrances de ses subalternes ne servirait à rien !

 

_Si vous ne faites pas de choix capitaine, ils meurent tous les deux. C’est ça que vous voulez ?

 

Se suicider ? Inutile. Non, en définitive, il n’y avait qu’une chose à faire. Alors que Trinklet allait ordonner l’exécution des deux soldats, Steel releva doucement la tête.

 

_Colonel...

 

Il interrompit sa phrase en tendant le bras droit devant lui et en pressant la détente. La balle alla se loger droit dans l’oeil de Trinklet, brisant son monocle. Le colonel eut un brusque soubresaut, sa tête partant en arrière mais s’effondra juste après. Figé dans la mort, son visage arborait une expression de surprise totale.

 

Les soldats jurèrent, et ouvrirent le feu sur Steel Bristle. Il bascula sur le dos sous la violence de l’assaut.

 

Les premiers impacts lui firent mal, ceux qui virent après, beaucoup moins. Il se sentit glisser à terre alors que son uniforme devenait humide de sang, et qu’il lui semblait qu’on exécutait Brillant et Green d’une balle dans la tête.

 

_Au nom de la cour martiale des forces armées de l’Empire d’Equestria, murmura t-il faiblement, crachant son sang, le colonel Trinklet Bauble III est condamné à mort pour crimes de guerre.

 

Sa vue se brouillait et ses pensées s’embrumaient.

 

_En temps de guerre, une attitude déplacée à l’égard des populations civiles ne saurait être tolérée, récita t-il douloureusement, se remémorant la charte fondatrice de la PMI.

 

Un soldat de la seconde compagnie se plaça au dessus de lui pour lui donner le coup de grâce.

 

_C’est en respectant les lois du conflit, hoqueta t-il, qu’une armée est grande. Ceux qui se rendent coupables de crimes de guerre doivent être sévèrement punis.

 

La dernière image qu’enregistra son cerveau fut celle de la gueule du canon d’un pistolet placé juste au dessus de son visage.










Celestia, Impératrice d’Equestria écouta sa protégée, Twilight Sparkle, lui rapporter ce qu’elle savait déjà depuis quelques heures : que la grande attaque aérienne contre la base des traîtres avait été un échec et que les rescapés s’étaient réfugiés à Sweet Apple Acres, unique zone neutre d’Equestria.

 

_C’est ce que je craignais, affirma la souveraine alicorne après que son élève se soit tue. Les partisans de ma soeur se cachent au mépris de nos accords dans le verger des Apple. Il va falloir faire quelque chose.

 

_Mais Princesse, objecta Twilight, cette zone est neutre n’est-ce pas ?

 

_Je le sais bien ma fidèle élève mais les Apple, eux, ne le sont pas. Nos espions affirment que ma soeur en personne et son Etat-Major s’y terrent, violant le traité de non-belligérence que nous avons tous signé. Ce sont eux, qui les premiers ont rompu l’accord.

 

Twilight hocha la tête. Oui c’était évident : un tel mépris des traités ne pouvait venir que de la République !

 

_Twilight, demanda Celestia en jetant un coup d’oeil par la fenêtre de la salle du trône, j’aimerais que tu confies le nettoyage du verger à une de tes LdS. J’ai plus confiance en l’Ordre qu’en l’armée régulière pour accomplir cette mission particulière.

 

_Je comprends Princesse, affirma Twilight. Je vois justement la licorne idéale pour ce travail.

 

_Alors je te laisse voir les choses en détail avec elle, dit Celestia avec un petit sourire, en congédiant gentiment sa protégée.

 

Twilight salua et disparut dans un flash de lumière violette.

 

Elle réapparut dans son bureau de cadre des LdS, et ne perdit pas de temps avant de griffonner un ordre de mission pour Heartless, celle qu’elle avait choisi pour mener à bien l’attaque.

 

La Princesse avait demandé le nettoyage du verger, Sweet Apple Acres serait purgé. De fond en comble. Ce n’étaient pas les ordres explicites de Celestia mais Twilight savait ce qui était bon pour son mentor, parfois plus que Sa Majesté Impériale elle-même. En plus, Celestia n’aurait pas demandé que la mission soit confiée aux Licornes du Soleil sans raison.

 

Twilight avait été très intéressée par les rapports confus qui lui étaient parvenus de Dien. Un peu peinée aussi d’apprendre la disparition du colonel Trinklet dans tout ce chaos. Il aurait été parfait pour former un brin les Licornes du Soleil.

 

Enfin, ce n’était pas parce que l’officier était mort que son idéologie ne vivait pas. Ca ne ferait pas de mal de retenter la théorie de la guerre psychologique du colonel Trinklet. Dans un cadre moins clos et un peu plus modéré, bien entendu. Et Sweet Apple Acres était l’occasion en or. Il y aurait des protestations bien sûr, mais l’Empire saurait s’en relever. La PMI risquait d’être la critique la plus virulente. Mais si elle faisait trop de bruit, Twilight s’arrangerait pour la faire dissoudre.

 

Plus elle y pensait, plus la licorne était ravie de planifier l’assaut sur le verger. Non seulement on frappait les rebelles peut-être pour la dernière fois, mais en plus, on pouvait valider une hypothèse de travail.

 

Remporter la guerre et faire ce qui s’approchait d’une expérience scientifique.

 

Y avait-il meilleur moyen de rendre Twilight Sparkle heureuse ?







 

Texte de Bro-Nie. L’univers de Pony War Chronicle est celui d’Iron Pony Maiden.

 

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