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Un dernier pour la route

Une fiction écrite par Acylius.

Chapitre 5 (partie 1)

Boum Boum Boum

Le sol autour du château tremblaient. Il faisait nuit, mais toutes les lumières du quartier étaient allumées. Le bruit des voix, des cris et des sabots remplissait l’atmosphère à cent mètres à la ronde.

Boum Boum Boum

Les murs et le sol de cristal vibraient, baignés par les basses et la chaleur moite d’une centaine de poneys. Les hautes fenêtres déversaient au dehors l’arc-en-ciel stroboscopique qui inondait les pièces.

Boum Boum Boum

Les fêtards bruyants et imbibés qui remplissaient les premiers étages du château se déhanchaient, se mêlaient, suaient les uns près des autres, mâle contre femelle, l'ouïe saturée par la musique, les sens émoussés par l’ivresse.

Spike paniquait.

- Moins fort ! Twilight va bientôt revenir ! Allez, tout le monde dehors !

Ignoré par l’univers entier, le pauvre assistant tentait vainement de pousser les fêtards les plus proches vers la sortie. Une forme rose et floue bondit près de lui avec un bruit de serpentin.

- Pinkie, aide-moi à les faire sortir ! Twilight arrive !

- Les faire sortir ?! s’écria la terrestre sur une fréquence proche de l'ultrason. Mais c’est la meilleure fête de l’année !

Elle pirouetta comme une toupie folle puis fila en un éclair, ne laissant derrière elle qu’une traînée de confettis. Spike se figea en entendant de nouveaux coups de sabot à la porte.

- Non, c’est fini ! lança-t-il en courant vers l’entrée. Allez-vous-en !

Mais la porte s’était déjà ouverte, révélant la silhouette violette à la frange mauve qu’il redoutait de voir. Mâchoire pendante, celle-ci laissa ses yeux se perdre avec effroi sur la boîte de nuit qu’était devenu son château.

- Spike, qu’est-ce que c’est que ça ?! hurla-t-elle par dessus le vacarme.

- C’est pas moi, c’est…

- Twilight !

Le tourbillon rose bonbon repassa sous son nez à la vitesse du son et se mit à taper des pattes devant la jeune princesse.

- Twilight, tu as vu cette fête ? C’est démentiel ! C’est la meilleure soirée qu’il y ait eu en ville depuis une éternité ! Regarde !

Elle lui attrapa la tête et la tira comme un aimant. Avant que la jeune alicorne ne puisse protester, elles étaient déjà en haut, au cœur de la fête, où Twilight découvrit avec horreur l’étendue des dégâts. Du salon à la salle à manger, de la bibliothèque à la salle de lecture, l’étage principal de la bâtisse n’était plus qu’une énorme discothèque, inondée par les watts d’une sono surpuissante et balayée par les faisceaux rouges et bleus des spots. Les meubles, quand ils n’avaient pas été empilés dans les coins, avaient été reconvertis en bars improvisés. Une dizaine de batponeys squattaient les chapiteaux des colonnes, au dessus des lumières. En apercevant Twilight, une des vampires se laissa descendre.

- Mes respects, Princesse, fit-elle en s’inclinant pompeusement, sourire en coin. C’est un plaisir de vous revoir.

Twilight fronça les sourcils. Elle savait qu’elle avait déjà vu cette garde, mais le détail de leur rencontre baignait dans un brouillard qu’elle n’avait pas le temps de dissiper.

- Où est-il ? lâcha-t-elle, lapidaire.

Le sourire de la chauve-souris s’agrandit.

- Dans le carré VIP, bien sûr. Je vous montre ?

 

Le niveau de colère et d’horreur de Twilight s’éleva encore d’un cran quand elle découvrit que le « carré VIP » n’était autre que la salle aux trônes. Sono, baffles, spots, boules à facettes, bars et sofas, tout y était. Une grande forme arachnéenne s’agitait sur la table, sous les acclamations d’une quarantaine de poneys et de ponettes au poil luisant. Twilight cria, mais sa voix était noyée par le vacarme et la musique.

- Twilight, regarde ce qu’il fait ! cria Spike en lui tapant le flanc.

Debout au centre de la table, l’humain semblait occupé à essayer à la chaîne toutes les façons possibles de plier et d’enrouler ses bras autour de sa tête, sous une musique métallique qui grattait les oreilles. Avec un dernier déhanché, il tordit ses bras les uns autour des autres puis salua et sauta de la table, sous les cris de joie des spectateurs. Derrière les platines, la DJ aux crins bleus et aux lunettes mauves enchaîna le morceau suivant. Maxime s'écarta de la table, slaloma jusqu’au bar le plus proche, attrapa une bouteille puis glissa jusqu’à la princesse et sa garde.

- La tecktonik n’est pas morte, annonça-t-il en tapant le sabot de la chauve-souris.

- Toi, par contre, tu le seras bientôt, ricana cette dernière.

Elle fit un léger signe de tête vers Twilight, mais Maxime lui adressa un clin d’œil par dessus sa bière. La ponette aux ailes de cuir sourit, puis adressa une nouvelle révérence à la jeune princesse et s’envola vers la voûte. Maxime entama lentement sa bouteille, sous le nez de Twilight qui le fusillait du regard.

- Tu ne vas quand même pas forcer tous ces braves gens à partir, non ? la devança-t-il quand il eut fini de boire. Regarde comme ils s’amusent !

Twilight l’avait bien sûr brièvement envisagé, mais elle avait aussitôt compris que ce serait peine perdue. À l’image de l’humain, la plupart des fêtards frôlaient l'ébriété et ne semblaient pas prêts à quitter la fête de sitôt. Maxime, pourtant, avait cessé de sourire dès que Midnight Shadow s’était éloignée. Ce qui n’était de toute évidence qu’une bonne humeur de façade s’était envolé, révélant un rictus cynique d’énervement contenu, de mépris frustré, de colère endormie contre elle ne savait quoi.

- Allez, Princesse, pète un coup, la railla-t-il. On célèbre un grand évènement, ce soir.

La ponette fronça le museau.

- Je n’étais pas au courant, claqua-t-elle aussi sèchement qu’elle put.

- Ah non ? Tu n’y es pourtant pas pour rien.

Avec suffisance, il se releva, reprit sa bouteille et, avec une lenteur interminable, termina ce qui restait au fond. Twilight ne contenait plus qu’avec peine son mécontentement.

- Je veux bien te montrer, reprit-il quand il fut à sec, mais seulement quand tu en auras vidé autant que moi.

- Arrête, ça ne m’amuse absolument pas.

- Comme c’est surprenant… maugréa-t-il en jetant sa bouteille par dessus son épaule. Bon, tant pis, je vais te montrer quand même.

Il tendit le bras pour attraper une nouvelle mousse puis poussa la croupe de Twilight avec son genou. Avec insistance, il la guida à travers l’étage, puis vers le hall bondé, avant de s’engager dans l’escalier de la cave.

 

***

 

Au grand soulagement de Twilight, personne ne semblait être entré dans le labo souterrain. Maxime referma la porte d’un coup de pied, les coupant tous les deux du chahut de la fête.

Le miroir se dressait au centre de la pièce. Les tables qui l’entouraient, désormais inutiles, avaient été retirées. La glace scintillait, lisse, unie, presque entièrement reconstituée. Il ne manquait plus qu’un morceau de quelques centimètres, vers les deux tiers, comme une tache sur un drap de soie.

Maxime ouvrit sa bouteille.

- C’est beau, hein ? lança-t-il entre deux gorgées. On y est presque, maintenant. On est à ça près.

Il rapprocha son pouce et son index pour illustrer la taille du morceau manquant.

- Un si petit bout… C’en serait presque rageant.

Twilight inspira. Elle connaissant maintenant assez bien l’humain pour savoir qu’il n'était pas aussi ivre qu’il le laissait paraître, et il n’était pas question qu’elle entre dans son jeu. Elle savait aussi qu’il ne lui avait pas encore pardonné ce qu’elle lui avait dit l’autre jour. Puisqu’il l’y forçait, autant crever l’abcès tout de suite.

- Je sais que tu n’es pas encore complètement saoul, alors écoute. Je suis désolée de ce que je t’ai dit l’autre fois. Je m’en veux vraiment, alors ce n’est pas la peine d’essayer de me le faire payer comme ça, dit-elle en levant le museau vers la fête au dessus. Dis-moi plutôt ce qu’il faut que je fasse pour que tu ne m’en veuilles plus !

Maxime l’écouta sans rien dire, sans aucune émotion, puis reprit une gorgée. Quand il baissa la bouteille, c’était un visage complètement différent qu’il affichait.

- Il n'y a rien à faire, ni pour ça ni pour le reste, souffla-t-il avec lassitude. Ça ne peut pas marcher.

- Quel reste ? De quoi est-ce que tu parles ?

Maxime soupira et s’assit sur une caisse.

- Cette connerie de carte, lâcha-t-il en tendant le goulot vers l’emplacement de la table, deux étages plus haut. C’est à cause d’elle que je suis là. Ne fais pas non, c’est toi qui l’as dit. Mais elle ne peut pas me faire rentrer. Elle ne veut pas.

Twilight avait l’impression d'avoir été subitement téléportée en plein milieu d’une autre conversation, sans rapport aucun avec la situation présente.

- Mais quel est le rapport entre la Carte et ce que je t’ai dit l’autre jour ? Elle t’a appelé pendant que je n’étais pas là ? Elle a affiché quelque chose de nouveau ?

Maxime secoua la tête, la bouche encore pleine de bière.

- Mais non, ce n'est pas de ça que je parle. Ne t'en fais pas pour cette histoire, c’est oublié. Tout sera bientôt réglé, de toute façon.

Il prit une autre gorgée, mais uniquement pour détourner le regard. Twilight, cependant, n’en avait pas fini. Oubliant du mieux qu’elle put son énervement, elle vint s'asseoir à côté de lui. Le bipède ne dégageait plus que lassitude et morosité.

- Laisse cette bouteille tranquille et réponds-moi. Comment ça, réglé ? Et qu’est-ce que la Carte a à voir là dedans ?

- Oh… plus grand chose, maintenant. Ce n’est pas elle qui me fera partir, de toute façon.

- Arrête, tu ne peux pas dire ça. Elle le peut, elle en a le pouvoir ! Et l’Arbre aussi ! C’est lui qui t’a fait rentrer chez toi, la fois passée, tu te souviens ?

- Ils se fichent pas mal de moi, ton arbre et ta carte. C’est à autre chose qu’ils s’intéressent. À quelqu’un d’autre. Je le sais, maintenant. Je sais pourquoi ils m’ont fait revenir, et ce n’est pas pour moi qu’ils l’ont fait.

- Comment ça ?

Maxime ricana, dents serrées, avant de reprendre une gorgée.

- C’est énervant, hein, de ne pas tout comprendre ? Que personne ne t'explique rien ? Mais moi, j’ai compris. Je l'ai vue, tu sais. L’autre. Je lui ai parlé, là bas, de l’autre côté. Je sais qui elle est.

- Quelle autre ? Je ne comprends rien !

- Et ta princesse, elle ne t’a rien dit ? la piqua-t-il. Elle a des choses à te raconter, pourtant.

Twilight baissa les oreilles, énervée.

- Bon, puisque tu as décidé de ne rien me dire, inutile de discuter.

Elle allait se lever pour s’en aller, mais il lui attrapa la patte et la retint avec fermeté, avant d’aussitôt radoucir sa prise. Ses yeux brillaient maintenant d’une mélancolie solennelle, d’une franchise sincère, et par dessus tout du besoin qu’on l’écoute. Il ne l’empêchait pas de partir, il lui demandait de rester.

- Je n’ai pas dit que je n’allais rien te dire. Je vais tout te dire. Toute l’histoire depuis le début, tout ce que ta princesse ne t'a pas dit, tout ce que tout le monde nous cache, moi je vais te le raconter. Ça et tout le reste. Demain, tu sauras tout, je te le jure. Mais à une condition.

Twilight leva le sourcil, déconcertée. Un sourire presque imperceptible, taquin mais sans malice, venait de se dessiner sur les lèvres de l’humain. Il lui lâcha la patte, mais elle ne partit pas.

- Et quelle est cette condition ?

Le sourire de Max s’élargit.

- On va monter là haut, se murger bien comme il faut et faire la fête ensemble comme on ne l’a jamais fait. Et dès demain, je te promets que tu n’auras plus jamais à te plaindre de moi.

Twilight hésita, étonnée, jusqu’à ce qu’il crache dans sa main et la lui tende, avec autant de sérieux que le permettaient la bouteille qu’il tenait dans l’autre et le bruit de la sono au dessus. Dans les yeux du bipède, elle ne lisait désormais plus que l’envie qu’ils passent tous deux une bonne soirée.

- Faire la fête ensemble ? répéta-t-elle.

- Elle n’attend que nous. Tu ne trouves pas que c’est un bon moyen de faire la paix ?

Twilight hésita encore quelque secondes, puis plissa enfin les lèvres et avança le sabot pour le laisser le lui serrer.

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