La grande salle bardée de colonnes semblait être l’ombre de sa splendeur passée, à en juger par les bannières arrachées et le tapis troué, rêche sous les sabots de la petite licorne. La pièce était immense, coupée en deux par un petit escalier de quelques marches pour mettre en évidence une double porte ouvragée, au-dessus de laquelle trônait un vitrail endommagé. L’image d’une jument bleue était encore visible et dispensait dans la pièce plutôt sombre un peu d’une douce lumière.
Des alcôves de chaque côté de la pièce se trouvaient soutenues par d’imposants piliers, au-dessus desquels étaient encore fixées les appliques où flottaient les morceaux de tissus défraîchis par le temps. Malgré l’air désolé de l’endroit, des petites portes parfois entrouvertes à droite et gauche, dans l’ombre, laissaient entendre la clameur d’une activité et s’échapper des effluves de nourriture cuisinée ; l’estomac de la jument gronda, mais elle savait ne plus être très loin du portail. Le seul moyen de passer le bouclier magique…
Dans un grincement sinistre, la porte pivota sur ses gonds rouillés pour laisser entrevoir la dernière étape du voyage au sein des basses-fosses. L’endroit était grand et laissé à l’abandon, des débris de meubles se trouvaient un peu partout, mais le regard était surtout attiré par l’immense faille au bout de laquelle brillait de la lumière : celle du monde extérieur. Le champ de force était aussi visible, à quelques pas seulement de l’entrée de la crevasse ouverte dans la roche nue.
Cependant, les yeux de la jument dérivèrent bien vite sur la petite estrade, juste devant la sortie. Dessus était posé un immense trône, noir et rembourré, seul objet encore en parfait état. Son dos était pourvu d’entrelacs élégants et les accoudoirs se terminaient par des têtes de poneys, mais surtout, il était occupé.
“J’étais sûre que tu y arriverais,” clama la voix familière de son amie Faust.
Le corps de l’équidé se raidit et l’incompréhension pouvait se lire clairement sur son visage ; elle n’eut pas besoin de faire un seul signe pour faire comprendre à l’humaine aux cheveux roux une question assez simple à laquelle elle répondit avec un petit air gêné.
“Après ton départ j’ai… j’ai voulu m’assurer que tout irait bien. Autant j’ai pas été surprise de te voir passer Snowdin sans encombre malgré… l’état dans lequel j’ai vu les zinzins de là-bas…” Elle eut un rire empreint d’un certain malaise. “... mais j’étais inquiète pour le reste. Avec ces humains prêts à tout pour parvenir à leurs fins. J’avais terriblement peur d’être reconnue mais… ils étaient tous enfermés chez eux.”
Toi. Traverser.
Le regard de Faust passa de la malice à la tristesse rapidement, avant de se détourner.
“J’ai essayé. En vain.” Elle soupira. “Je… je n’ai pas toujours été gentille et… même si j’ai changé, je dois avoir encore beaucoup trop de regrets. Peut-être n’en serais-je jamais capable.”
L’humaine n’avais pas vu la petite jument approcher. Devant le trône de la Reine, elle tendit le sabot et son amie le lui prit. A genoux sur le sol, elle enroula ses bras avec tendresse autour de la nuque de celle avec qui elle avait partagé autant de bons moments.
En silence, les deux amis se séparèrent et la jument avança jusqu’à la barrière avec lenteur ; elle ne semblait pas avoir envie de partir.
“Tu peux partir le cœur léger. J’aiderai les autres à s’améliorer. Nous valons mieux que nos ancêtres et nous prouverons aux autres poneys être aptes à sortir.”
Moi. Savoir. Vous. Réussir. Moi. Attendre. Toi.
Des larmes perlèrent aux coins des yeux de Faust. Le moment semblait venu, la lumière du portail baignait le pelage nacré de la jument. Une grande inspiration précéda un regard chargé de détermination… et un lent applaudissement vint rompre la solennité du moment.
“Que c’était charmant…” cracha avec un ton cynique une voix mielleuse et familière.
Quand elle se retourna, un mélange de surprise et de peur saisit le visage de la licorne à la vue de son amie en train d’applaudir, des lianes végétales enroulées autour de ses bras pour l’y forcer, comme le reste de son corps jusqu’à sa bouche entravée ; et Fleury était là, avec un sourire carnassier et un regard dément entourés de pétales jaune, avec l’air d’une décoration au-dessus de l’oreille de l’humaine.
“T’en as mis du temps avant de descendre ici, tu sais ? J’ai même pu devenir Reine, pendant quelques siècles... jusqu’à me faire trahir par une de mes plus proches servantes !” La fleur resserra les liens de sa captive, avant de lui fouetter le dos. “Pas vrai, Faust ?” Sa voix se fit faussement compatissante. “Elle ne te l’a pas dit, n’est-ce pas ? Comment elle a poussé ses frères et sœurs à la rébellion, à un point où mes partisans furent contraints de vivre dans la fosse gelée comme une punition… La pauvre s’est exilée parce qu’elle s’en voulait…”
Un rictus de colère déforma les lèvres de la jument. Elle fit un pas en avant, mais sa colère laissa place à la crainte lorsque la plante enroula sa tige autour du cou de son amie. Indécise, elle pouvait seulement regarder la petite chose sadique auréolée de pétales continuer à lui offrir un sourire empreint de démence.
“Si tu approches, je la tue, mais si tu pars, il faudra vivre avec sa mort sur la conscience…”
Le silence s’installa. Faust essayait de se débattre, sans succès. La respiration de la licorne se faisait plus forte, ses sabots visiblement prêts à agir à la moindre occasion. Le visage de Fleury changeait au fil des secondes, pour passer de l’hilarité à la suffisance, pour se fixer finalement sur un sourire agacé.
“Même pour sauver ton amie, tu vas t’en tenir à ce rôle stupide… je savais que tu aurais honte de te montrer devant les humains, mais je ne te savais pas bornée à ce point, Celestia.”
Un air choqué accentua le mouvement de surprise de la petite jument, dont le second réflexe fut de chercher une réponse à son incompréhension dans les yeux de son amie, mais elle y lut seulement de la détresse.
Visiblement exaspérée, la fleur soupira et ôta le bâillon végétal de Faust… pour mieux profiter d’une brusque inspiration de sa part et entrer pétales les premiers à l’intérieur. L'entrelacs de tiges suivit, malgré les tentatives désespérées de la jeune femme en proie à la suffocation pour l’en empêcher. Impuissante, son ami tenta d’utiliser la magie, sans aucun effet.
Tombée à genoux, l’humaine cessa de bouger une fois Fleury entièrement avalée contre son gré. Son regard était désormais vide et, si son teint avait pâli, il commença très rapidement à devenir plus sombre, jusqu’à arborer une teinte d’un bleu nuit profond… Les cheveux de feu se changèrent en nuit piquetée d’étoiles et la vie revint dans des yeux désormais d’un beau bleu aux pupilles fendues.
“Tu n’avais pas sérieusement cru te débarrasser de moi avec ces ridicules éléments d’Harmonie, quand même ?” ronronna avec un air sadique Fleury, sous les traits de Faust. “Même séparée de cette pleurnicharde de Luna, je reste Nightmare Moon ; l’incarnation de son désir d’être aimée et adorée…”
Elle s’était relevée et, avec une rapidité déconcertante, saisit entre ses phalanges le cou nacré de son interlocutrice muette, pour la soulever à sa hauteur et profiter de la voir se débattre avec un sourire satisfait.
“Les humains étaient parfaits pour ça, jusqu’à leur petite rébellion ; dire que j’ai dû me cacher sous cette apparence minable pour leur échapper… Et ils n’ont pas été fichus de tuer un poney pour ouvrir cette barrière et me permettre de sortir.”
Des sabots frappèrent le bras du corps possédé par Nightmare Moon, sans parvenir à lui faire le moindre mal, seulement à lui arracher un rire dément. D’un mouvement fluide, la jument se sentit soulevée au plus haut, avant d’être fracassée contre le sol. Le souffle coupé, le corps meurtri, les membres tremblants de douleur… la petite jument souffrait, suffoquait…
“Même pas un cri, quelle détermination…” L’humaine possédée étrangla sa proie avec un air faussement compatissant. “Si tu me supplies, je me contenterais d’un peu de sang et tu pourras même repartir… sois gentille, sœurette, et épargne-moi le déplaisir de t’offrir une mort lente et douloureuse…”
La trachée de la licorne fut brusquement libérée et, si elle put reprendre sa respiration, tout l’air quitta ses poumons quand son corps meurtri rencontra le mur, à l’autre bout de la pièce. Brisée, elle se releva malgré tout, ses yeux rivés sur le corps possédé de son amie, avant de fureter alentour pour trouver une solution, une échappatoire…
“Tu n’oseras pas lever la corne contre ton amie et tu ne l’abandonneras pas, n’est-ce pas ?” Avec un air suffisant, Nightmare Moon s’accroupit pour observer la petite équidé dont le pelage nacré portait à présent des traces de saletés et des échardes. “Je vais prendre mon temps, jusqu’à t’entendre parler ou te voir mourir d’épuisement… ça va être amusant…”
La jument ferma les yeux à la vue du poing levé, pour se préparer à la douleur. Mais à la place, elle sentit une caresse, puis être soulevée avec délicatesse. Son regard un peu embrumé par les chocs subis put toutefois distinguer le visage de Faust ; son vrai visage, pourtant encore entouré de couleur sombre et d’une chevelure étoilée.
“Non… je ne… me laisserai pas… faire…”
L’intensité de sa lutte était visible dans sa difficulté à avancer et la douleur de ses traits. Mais elle tint bon et progressa vers le portail. Nightmare Moon essaya de plus en plus vivement de reprendre le contrôle, mais se heurta à la volonté de l’humaine. Pendant un instant de flottement, Faust s’arrêta. La petite licorne tourna la tête, vers le portail juste devant eux.
Un baiser fut déposé sur le front de la jeune jument et cette dernière agita les sabots pour signer, mais trop tard ; son corps fut soudainement plus léger et rencontra la barrière, avant de la traverser comme un rideau d’eau.
“NON !!” Nightmare Moon avait reprit le contrôle, furieuse. “Tu vas souffrir, Faust !! Ta petite rébellion et maintenant ça !! Je tuerai tous les humains des basses-fosses et tu les regarderas mourir, tu m’entends ?!”
La barrière permettait de sortir et avec quelques coups de sabots, la jeune équidé découvrit ne pas pouvoir la traverser dans l’autre sens. Impuissante, elle regarda son amie se débattre pour reprendre le contrôle…
“Je… ne te le permettrai pas… Ton règne est… terminé !!”
Dans un dernier élan, l’humaine se jeta contre le portail. Il y eut une gerbe d’étincelles, comme si la barrière refusait de la laisser passer. Un cri de douleur s’éleva, avant de se scinder en deux ; la petite fleur sortit de la bouche de Faust, pour commencer à se flétrir dans un dernier cri de désespoir. Puis un bras passa au travers de la barrière, suivit par le corps de l’humaine, pour tomber sur son amie.
…
“On dirait que la puissante magie mise à l’œuvre par tes semblables ont eu raison de la Reine. C’était juste l’ombre d’un monstre… et vouloir me sacrifier pour sauver tout le monde semble avoir suffi pour me faire sortir.” Faust soupira longuement. “J’aimerais ne pas être la seule… j’espère qu’ils sauront changer. Faire le premier pas.”
Espoir. Eux. Changer.
“Sinon, je… je peux te demander… Ton nom, c’est Celestia ?”
Elle fit non de la tête.
“Donc Nightmare Moon t’a prise pour quelqu’un d’autre. J’ai… j’ai presque pitié pour elle. Mais tout ça est derrière nous à présent.”
L’humaine gratifia son amie d’une caresse affectueuse. Une fois sortie de la grotte, elles avaient fait un feu de camp ; la nuit allait tomber et une longue route les attendait. Autant de lumière, de végétation et de liberté… un nouveau monde s’ouvrait à Faust et la petite licorne avait désormais une amie pour le parcourir à ses côtés.
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Au contraire, si on enlève Fleury le lien avec MLP est assez ténu, même si le contexte et les personnage s'intègre bien, il n'y a aucun lien avec la série ; puis l'histoire des basses-fosses est très liée à celle de Fleury, quand on y pense. C'est un peu comme Asriel, on ne se rend compte de son importance réelle à la fin du True Pacifist.
J'ai prévu de faire un petit article bientôt pour expliquer un peu comment j'ai pensé mon cross-over, cela pourrait être intéressant !
C'est à la fois proche et très différent d'Undertale, j'ai l'impression que si on vire Fleury, on aurait presque pu croire que c'est une fiction uniquement MLP.
Et c'est justement une des particularités de la fiction.
Dat clin d'œil au staff d'MLP...
Ce qui est "marrant", c'est que à la fin d'Undertale (True Pacifist), Frisk (s'il y a des gens qui lisent les commentaires et qui n'ont pas joué le jeu ni se sont spoilés allègrement, c'est vot' faute) repart avec plein d'amis, tandis que la licorne en a juste une, mais très chère.
Ça a trop marché xD
Nightmare moon qui se déguise en fleur... Non mais Je ne m'y attendais pas du tout xD
J'ai bien cru un instant que NMM disais vrai et que c'était célestia... (se baffe)
Merci beaucoup d'avoir suivi ma fiction, j'espère que les prochaines te plairont aussi !