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Le Marcheur du désert

Une fiction écrite par Ishraniel.

Le Marcheur du désert

Le Marcheur du Désert

 

Soleil brûlant

 

Le soleil se lève. Une journée éprouvante s'annonce devant moi. Les animaux rentrent dans leur refuge baigné de fraîcheur. Aujourd'hui est le 16ème jour de mon exil. Je me mets en marche, mon long foulard pendu à mon cou volant au gré du vent. Les premiers rayons de soleil viennent éclairer ma corne, ma capuche couverte de sable écarlate, mes sueurs tombent dans les dunes encore glaciales.

Je reprends ma marche vers l'horizon. Pourquoi suis-ici ? Qu'ai-je fais ? N'est-on pas sur terre pour réaliser ses rêves ? Pourtant, je fus banni de mon pays, on me chassa. J'avais un but. Mon but s'est réalisé. Maintenant il est mort, tout comme mon frère. Lui que j'aimais plus que tout, pourtant je l'ai tué. Mon être le désirait à ce moment là. Pourquoi ? Pourquoi une partie de moi le regrette et pourquoi l'autre parti éprouve l'envie de tout détruire ? Mais je l'ai tué ! S'il était encore en vie je le tuerais encore. Si je pouvais le ramener à la vie je le ferais et je le tuerais encore et encore et encore.

Tout en marchant je chante un chant qui me revient soudainement en mémoire. Pourquoi je pense à ce chant ? Pourquoi je pense ? La pensée a pris mon frère, l'instinct m'a pris. L'instinct, forme primitive de la pensée, elle nous montre à quel point nous nous sentons supérieurs aux autres êtres vivants qui nous entourent.

C'est le matin, je marche vers l'inconnu. Un serpent dévore une proie. Pourquoi suis-je puni ? Pourquoi ce serpent n'est-il pas puni ? On m'a dit que le poney a conscience. Conscience. Quel est ce mot ? Un jour un tueur fut emmené sur l'échafaud, on le traita d'inponey, de monstre, de fou. Un père a dit à son fils que celui qui tue avait des problèmes dans son esprit. Le bourreau trancha la tête du criminel. Si tuer c'est mal, pourquoi n'ont-ils pas tuer le bourreau, pourquoi n'ont-ils pas jugé le juge et le jury, pourquoi n'ont-ils pas hués la foule ?

Ce sont ceux qui m'ont exilés qui ont tort, le tueur était poney, peut-être même le plus poney de tous les poney. Tuer est poney. Déjà, dès notre naissance entrons dans un monde de souffrance, nous souffrons, nous faisons souffrir notre mère parfois nous la tuons. Serpent, tu as de la chance d'être un serpent et de ne pas avoir de poneyité en toi.

Le soleil fait chauffer ma crinière, le ciel est d'un bleu d'une grande splendeur. Mais quelques nuages passe par ci par là. Ce monde est beau et ceux qui y vivent sont mauvais. Même si l'ensemble est mauvais du point de vue de ceux qui regardent ce monde, dans la poneyité il y a quelques traces de sentiments agréable pour soi-même.

Tout est égoïste, tous les poneys sont égoïstes, ceux qui affirment le contraire sont des menteurs. Si tu manges ce n'est pas pour quelqu'un d'autre. Si tu aides quelqu'un tu auras la satisfaction de l'avoir aidé.

Pour certains, la tuerie est un bonheur, pour d'autre c'est l'amitié. Des sages disaient que la différence qui nous séparent des animaux, c'est notre conscience, notre esprit, nos sentiments. Non, pour moi, ce n'est pas vrai et ce n'est pas faux.

Un jour, un oiseau noir se posa devant un miroir, je remarquais qu'il avait une petite brandille sous son ventre ainsi qu'une tache sur son aile. Il se regarda, il enleva la brandille, et alla baigner son aile dans la fontaine d'un jardin. Certains animaux ont conscience.

La seule différence que j'ai trouvé entre le poney et l'animal est que le poney ne fait presque que des choses inutiles. L'oiseau nettoie son aile pour mieux voler, et il vole pour atteindre sa destination, pour se nourrir et se reproduire.

Nous, poney que faisons d'utile ? Presque rien. L'art est-il utile ? Les mathématiques sont-ils utiles ? La magie est-elle utile ? Voler pour gagner, est-ce utile ? Si les animaux ne pensent pas, comme disent les sages. Pourquoi pensons-nous ? C'est ce point là que je trouve le plus intéressant.

La vie est tellement fragile, quelques coups d'épée ont suffit à emporter mon frère. Je me revois encore en train de lui enfoncer ma lame dans la poitrine, chaque coup était comme...une libération.



*

* *



Balance écarlate

 

Des bruits de sabots retentirent derrière une porte, un poney frappa à cette porte :

Maître consul, maître consul ! Le seigneur Blood Armor vous demande !

Oui, j'arrive tout de suite.

Une cité de pierre au milieu du désert : Dustjustice. Antique cité blanche où les habitants sont prospères et pourtant tous les poneys qui y vivent ont peur. Peur de cette ville, peur de sa justice, peur de son seigneur. Des gémissement se firent entendre à beau milieu de la salle du trône :

Seigneur, non pitié ! Non !

Deux glissements d'épées produisirent un déchirement. Deux corps sans vie s'effondrèrent. Le silence fit place aux sanglots du poney au pelage orangé qui regardait les corps sur le sol de la grande salle :

Seigneur, non. Pourquoi ? Pourquoi ?

Une voix grave retentit, la voix d'une grande licorne au pelage sombre et à la crinière pourpre :

Je t'avais prévenu, celui qui désobéit aux lois devra subir le courroux de la justice.

La licorne en larmes tenait entre ses sabots les corps sans vie de sa femme et de son fils.

Qu'est-ce que tu as à gémir de la sorte ? Ce sont ces cadavres qui te font chialer comme un poulain ? Tu n'as vraiment aucune dignité ! Mais je suis un poney bon, je vais te rendre un service...Gardes ! Balancez ces corps par dessus la muraille !

Toute la salle se figea. Les gardes baissèrent les yeux :

À vos ordres mon seigneur.

Non mon seigneur, je vous en supplie ne faites pas ça ! S'écria le poney en essayant de repousser les gardes.

Dégage vermisseau ! Répondit le garde en poussant le poney contre le mur.

Non arrêtez ! Seigneur pitié !

Assez, emmenez-le ! Ordonna Blood Armor.

Le maître consul avait assisté à toute la scène et n'avait rien laisser transparaître, il était calme et serein malgré le sang encore présent sur le sol.

Lorsque les gardes jetèrent le poney en dehors du palais, le consul se tourna vers le seigneur :

Seigneur Blood Armor, n'était-ce pas un jugement cruel ?

Cruel dis-tu ? Répondit le seigneur. Ce sont les lois que mes prédécesseurs et moi-même avons mis en place. Tu les connais par cœur, ton rôle est de confirmer que nos lois sont appliquées et que justice soit rendue. C'est pour ça que je t'ai nommé consul de la justice.

Le consul le regarda sans aucune expression, il n’éprouvait rien. Blood Armor se leva de son trône :

Bon, je n'ai plus besoin de toi, fais ce que tu veux. J'ai une réunion avec le premier consul Dark Shield. Passe une bonne journée.

Le consul ne répondit pas, il regarda le seigneur sortir de la salle, celle-ci était maintenant vide, elle était aussi froide que la justice de ce pays.

Le consul faisait face au vent chaud qui soufflait à la grande porte principale, il était dehors devant l'escalier descendant sur le centre ville. Il commença à les descendre et les sentinelles l'arrêtèrent :

Maître consul, nous sommes prêts à vous escorter.

Non c'est inutile.

Vous...vous êtes sûr ? Mais...

Faites ce pourquoi vous êtes faits et fermez-la ! Dit le consul en les fixant dans les yeux avec une expression neutre.

Euh...bien comme vous voudrez...ouvrez les grilles !

Les grilles se soulevèrent, dévoilant ainsi le malheur du peuple.

Des poneys badauds s'étaient réunis autour d'un autre rempli de désespoir et de colère. C'était le poney qui venait de perdre sa femme et son fils. Les autres tentaient tant bien que mal de le réconforter, mais à faire il était inconsolable. Le consul traversa la foule sous des regards méprisants. La licorne orangée leva les yeux, voyant le consul s'éloigna sans le regarder, sans aucune compassion :

Attends !

Le consul s'arrêta et se tourna vers le poney orangé. Celui-ci se leva et marcha vers le consul en lui lançant des regards de haine, il attrapa le consul par la cape :

Attends ! C'est ça que vous appelez la justice ? Ma femme et mon fils étaient innocents...et vous le saviez ! Je jure que je vous tuerai...je vous massacrerai, toi, ton seigneur et tous les autres consuls !

Le silence s'installa pendant quelques secondes, la foule lançait des regards toujours plus noirs au consul de la justice. Puis il répondit :

C'est bon, tu as fini ?

Il attrapa le sabot du poney orangé, le souleva et le lança contre à un établissement en bois d'un marchand. Il le lança avec une telle violence que l'établissement s'effondra. La foule désemparée regarda le consul, la haine fit place à la peur :

Tu crois vraiment que la vengeance est une justice ? Regardes-toi, tu es pitoyable. Vous êtes tous pitoyables.

Tous les autres poneys le regardèrent avec dégoût. Le consul reprit sa marche, s'éloignant de plus en plus de la place. Au moment où quelques poneys aidèrent celui que le consul avait lancé sur l'établissement, ce dernier avait disparu de la vue des habitants.

Le soleil commençait à décliner, il se dirigeait vers une demeure, sa demeure. Une maison non luxueuse, une maison que n'importe quel habitant possèdait dans Dustjustice. Le consul ouvrit la porte d'entrée, un autre poney était à l'intérieur, une licorne au pelage jaune clair et à la crinière dorée:

Ah tu es rentré, chéri. Comment s'est passée cette journée ?

Bonsoir Golden Heart. Répondit le consul en asseyant sur le fauteuil du salon. Encore deux exécutions aujourd'hui, une jument et son poulain, la mort par les lames.

C'est horrible ! Qu'est-ce qui s'est passé, qu'ont-ils fait ? Demanda son épouse choquée.

Rien ! Ils n'ont rien fait du tout.

Le consul serrait les dents de plus en plus fort, une expression se forma sur son visage, une expression de haine, de culpabilité, de désespoir. Une larme commença à couler de son oeil. Il continua l'explication :

C'est le mari qui était en faute, si on peut vraiment parler de faute. Il a renversé accidentellement un tonneau de fruits et une pomme atterrit sur le visage du seigneur Blood Armor. Voilà tu connais la suite.

Quelle cruauté, Blood Armor est vraiment impitoyable.

Lui cruel ? Ce sont ces lois qui sont cruelles, maudites soit elles ! Et maudits soit ces villageois !

Ils ont recommencé ?

En effet, mais cette fois j'en sors sans aucune blessure. Ils ne comprennent pas, je fais mon possible pour changer ces lois.

Je sais chéri. Dit Golden Heart en s'asseyant auprès de lui.

Ça fait dix ans que Blood Armor m'a nommé consul de la justice, ça fait dix ans que je m'acharne à changer les lois de ce pays. En dix ans j'ai réussi a en changer une cinquantaine, il y tient à ces lois et ce maudit Dark Shield n'arrange rien, il a une très grande influence auprès du seigneur et surtout auprès de son fils.

Golden Heart le regardait mais n'osait rien dire.

Et ces poneys, ils subissent et ne font rien, ils se contentent de me lancer des regards noirs de haine. Ils ont trop peur, ils sont trop lâches ! À croire que je suis le seul à vouloir changer les choses.

Je t'en prie, ne parlons plus de ça. Fais-moi voir ta blessure.

Le consul se leva en soupirant, il enleva sa cape. Une grande marque traversait tout son flanc gauche, elle traversait sa marque de beauté. Golden Heart examina cette cicatrice :

Ça va, elle n'est presque plus visible. Ta marque de beauté commence à réapparaître sur la cicatrice, ta balance doré va retrouver tout son éclat.

Ne t'en fais pas pour moi, ce n'est qu'une cicatrice. Répondit le consul en remettant sa cape. Mais le médecin est venu n'est-ce pas ? Qu'a-t-il dit ?

Golden Heart sourit, elle semblait heureuse :

Tout va bien. Je suis en bonne santé, le jour prévu est dans deux semaines.

Le consul s'approcha et la serra dans ses pattes, des larmes coulaient de ses yeux. Golden Heart lui demanda alors avec la plus douce des voix :

Tu as réfléchis à un nom ?

Le consul esquissa un sourire au milieu de ses larmes :

Oui, je l'appellerais...Hope Glow

Hum, c'est un joli nom...




*

* *




Larmes glaciales

 

Je continue ma marche, le soleil est presque haut dans le ciel, c'est le 27ème jour de mon exil, je veux continuer à réfléchir.

Pour cela, je dois manger. Dans un désert, il n'y a pas grand chose, mais si les animaux sont capable de s'adapter, alors pourquoi pas moi ? J'arrive devant un petit étang d'eau, j’y bois à ma guise. Depuis combien de temps n'ai-je pas bu d'eau ? Je ne saurais le dire. Une belle étendue d'eau mais pas la moindre touffe d'herbe. Je n'ai plus de provisions, cela fait plus de dix jours que mes réserves sont vides.

Un petit crotale sort du sable pour me mordre, moi je sors mon couteau avec le peu de magie qui me reste et je le décapite. Pardon. Plus de dix de jours, je me suis habitué à ce goût, je ne le sens même plus, ce goût de viande. Certains diront que c'est affreux, un poney qui mange de la viande. Mais c'était lui ou moi. Si j'avais voulu, je l'aurais laissé me mordre et me tuer. Mais j'ai envie de réfléchir sur la vie. Alors pour survivre, je dois manger.

Je me rends compte que même si le serpent est mort, les nuages continuent à flotter dans les airs. Est-ce cela le cycle de la vie ? Même si je mourais aujourd'hui le monde continuera de tourner. Même si un arbre meurt, de nouvelles plantes poussent sur son tronc. Le soleil continuera de brûler ce désert où j'essaie tant bien que mal à me concentrer.

Se concentrer. De part nos peurs, nous ne pouvons rester concentré sur une chose si infime soit-elle. Les peurs nous font voir tels que nous sommes, un nouveau-né abandonné par ses parents pendant une nuit noire. Pour ne plus avoir peur, nous nous endormons, ainsi s'efface la vérité si dure à accepter.

Nous vivons dans la peur de notre vérité, dans la peur de nous connaître vraiment. Comprendre ce qui nous entoure, essayer de le comprendre pour ne plus le redouter. Même si cela est complexe, nous arrivons parfois à nous remettre en doute, mais également à remettre en doute la vie et la mort.

La mort, mon frère, jamais il ne pourra m'en parler. C'est une rivière. Même si le poisson remonte le courant, l'eau ne peut couler que dans un seul sens. Et si le poisson s'arrête, le courant l'emportera. Même s'il se bat contre lui, en réalité il ne peut rien contre lui.

Mon frère, il a cessé de lutter contre le courant, le voilà en pleine mer. Moi, je m'accroche pour que la rivière ne m'emporte pas. Ceux qui m'ont chassé, luttent-ils aussi ou sont-ils en train de se laisser emporter ? Mais une partie de moi veut que je les pousse dans le torrent. Même sans poissons, la rivière coule ! Et la rivière doit couler ! La rivière coulera toujours !

Le soleil commence à décliner à l'horizon, j'essaye de faire un feu avec le peu de ressources que j'ai à ma disposition autour de l'étang. Le feu, chose mystérieuse, même si nous savons d'où elle provient, il est toujours intéressant de se concentrer un peu sur ce purificateur. S'il n'a rien à consumer, il n'existerait pas, sa chaleur rassure le cœur des poneys.

Comme la vérité, le feu ravage tout ce qui se trouve sur son passage, mais dernière lui, il laisse une terre libre où l'on peut construire de nouvelles vies, après un tel ravage, nous percevons d'un autre œil le monde et notre conscience.

Faut-il laisser la vérité, comme le feu, ravager notre esprit pour en découvrir un nouveau ? Tout ce que je sais c'est que je vais à nouveaux devoir défier la froidure que le désert nocturne apporte. La nuit avance, comme le froid, et une nouvelle vague de questions s'infiltre dans mon esprit.

Combien y a-t-il de façon de mourir pour un poney ? 10, 100, 1000 ? Vieillesse, maladie, guerre, exécution, famine, multiples blessures, tortures, brûlures...Je me demande si un poney a déjà essayer de toutes les imaginer. Pour ma part je l'ai fais et je sais maintenant combien il y a de morts différentes. C'est évident, il n'y en a qu'une seule. La mort tout simplement.

Et pourtant je me contredis moi-même, je considère qu'il y a une mort pire que toutes les autres. Pas celle de brûler sur un bûcher, pas celle due à des heures de tortures, pas celle de mourir de faim. Mais celle de mourir dans son lit, mourir dans son sommeil. Ne pas voir la mort, ne pas avoir conscience de sa mort, voilà la pire des morts.

Mon frère, je t'ai fait une faveur. J'ai fait en sorte que tu voies ta propre mort, tu as vu mon regard lorsque j'ai enfoncé ton épée dans ton cœur.

27 jours ! 27 jours que j'erre dans ce désert. Où en est ma marque de beauté ? Toujours floue. Depuis le premier jour de mon exil, ma marque disparaît petit à petit. Elle est de plus en plus floue, je suppose qu'elle finira par disparaître complètement, ce n'est qu'une question de temps. Qu'arrivera-t-il lorsqu'elle aura disparu ? Une nouvelle marque apparaîtra ? Ou est-ce que je mourrai ? Peu importe. Je dois dormir.

 

*

* *





Néant juste

 

Un matin à Dustjustice, un brouhaha se faisait entendre, la foule se pressait sur la grande place. Le consul de la justice sortit du palais pour voir ce qui se passait, il descendit les grands escaliers. Un grand et costaud pégase gris à la crinière bleue sombre l’interpella :

Tiens, tu descends enfin ! Tu en as eu assez de travailler dans ton bureau ?

Premier consul Dark Shield, qu'est-ce qui se passe ici, on peut le savoir ?

Dark Shield esquissa un sourire sournois en regardant le consul :

Oh pas grand chose, une simple exécution publique.

Une exécution ? Demanda le consul. Pourquoi le seigneur Blood Armor ne m'a-t-il pas convoqué ?

Il a jugé que ce n'était pas nécessaire. Répondit le pégase.

Qui est le condamné ?

Regarde par toi-même. Il me semble que tu le connais.

Le consul de la justice s'avança alors, les poneys entouraient la grande place, ils regardaient la scène. Deux gardes piétinaient un poney, le consul avait du mal à voir, il y avait trop de poussière. Mais il continuait à observer sans bouger, sans expressions, comme à son habitude. Quelques poneys lui lancèrent des regards noirs, comme à leurs habitudes. Mais il avait appris à vivre avec pendant dix ans, il n'y faisait plus attention.

Lorsque la poussière retomba, il fut saisit de stupeur. Une licorne gémissait sur le sol, une licorne...orangée. Oui, c'était la même licorne qui avait perdu sa femme et son fils, exécutés par les lames. La licorne orangée tremblait, ce poney était entre la vie et la mort, mais il regarda le consul et commença à pleurer. Le consul retrouva son calme et n'exprimait plus rien, son visage ne laissait transparaître plus aucun sentiment, il tourna vers les deux gardes :

Qu'a-t-il fait ?

Il a tué notre chef ! Répondit un garde les sourcils froncés et les dents serrées.

Tué ? Massacré plutôt. Répliqua Dark Shield en s'avançant. Il a pris son arme et l'a poignardé à plusieurs reprises en plein cœur. Il avait l'intention d'assassiner notre seigneur Blood Armor. Cet imbécile croyait vraiment pouvoir y arriver. Enfin, la sentence a été prononcée par notre seigneur.

Quel sentence ? Demanda alors le consul.

Notre seigneur Blood Armor a décidé de lui infliger une mort lente, très lente. Répondit Dark Shield avec du plaisir dans le regard. Il est condamné à l'exil. Après ce passage à tabac, il va être abandonné au milieu du grand désert. Autant dire que ces chances de survie sont plus que faibles.

La licorne blessée essaya de se relever :

Il est hors de question que je crève...tu m'entends enfoiré ? Je vous retrouverais, je ramperais sur le sable et je jure que je vous tuerais tous !

Son regard était vide et noir, d'un noir plus profond que les abysses. Le consul le regardait toujours sans réagir, toujours la même expression neutre. Dark Shield s'approcha de la licorne avec un léger sourire et soudain : CRAK ! La licorne se mit à hurler de douleur. Toute la populace fut horrifié, même le consul fut choqué, les mères cacha les yeux des poulains. Il lui avait brisé les pattes. Dark Shield ricana :

Ah oui vraiment ? Tu comptes revenir ? Si encore tu pouvais marcher, je ne dis pas, mais permet-moi d'en douter avec quatre pattes cassées...hé hé hé. Allez ça suffit, emmenez le !

À vos ordre premier consul.

Oh un dernier détail...tranchez lui la corne.

L'atmosphère devint encore plus lourde, les gardes semblaient hésiter mais finirent par sortir une épée. Sans magie, la licorne ne pourrait jamais retrouver son chemin dans les tempêtes de sables ou dans les nuits glaciales. La licorne avait perdu connaissance, elle souffrait trop. Les gardes mirent son corps dans un chariot et se dirigèrent vers le grand désert. Son exil commencçait

Alors que le chariot disparaissait à l'horizon, les habitants retournaient chez eux dans le silence. Il ne restait plus qu'une dizaine de gardes et les deux consuls sur la grande place. Les gardes se préparaient à escorter le premier consul. Ce dernier se tourna vers le consul de la justice :

Je demande bien comment tu fais pour ne rien ressentir. Ça ne doit pas être facile de rester de marbre face à ces exécutions ou même être impartial devant ces poneys qui te détestent.

Le consul ne réagit pas, aucune expression. Jamais il ne laisserait une émotion transparaître sur son visage et même si une émotion était trop forte, il la limiterait. Dark Shield continuait de parler :

Bon, tu m'excuseras mais le prince m'attends. Une grande leçon a été apprise et il faut que je la lui transmette.

Hum.

Je dois le former, c'est mon rôle. Je suis sûr qu'il sera un plus grand seigneur que son père. Si tu voyais toutes les propositions de lois qu'il a déjà écrite, c'est impressionnant pour son âge. En plus, ses lois sont encore plus justes que celles de son père. Ha ha ! Cela devrait te faire plaisir, tu vas bosser à plein temps !

Le consul ne semblait ne rien ressentir, pourtant il serrait les dents. Alors que les gardes raccompagnaient Dark Shield au palais, le consul de la justice se tourna vers l'horizon du désert et en pensant à la pauvre licorne orangée, il versa une larme.



Le soleil de l'après-midi brûlait toujours plus fort sur Dustjustice. Mais la demeure du consul de la justice était un lieu d'une grande fraîcheur. Il était serein et sa femme était heureuse, mais des pas de sabots semblaient se presser derrière la porte d'entrée. La porte vola en éclat, des gardes s'introduisirent dans la maison. Le consul se leva dans le calme :

Qu'est-ce qui vous prend, on peut le savoir ?

Maître consul de la justice, nous avons un mandat d'arrêt contre vous et votre femme.

Quoi ?

Le consul exprima pour la première la surprise, sa femme était apeurée, elle ne comprenait rien, à vrai dire, le consul non plus ne comprenait rien :

Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

Capturez-les ! Lança le chef des gardes.

Mais...lâchez ma femme bande de...

Allons calmes toi, ça ne sert à rien de te débattre. Dit une ombre en entrant dans la demeure.

Dark Shield ? Qu'est-ce qui tu fous, tu as perdu la tête ou quoi ?

Hum, c'est plutôt à moi de te poser cette question.

Comment ça ?

Allez, fouillez la maison ! Ordonna le premier consul aux gardes.

Le consul de la justice se débattait, les gardes avaient du mal à le retenir, il possédait une force hors du commun. Alors que les gardes fouillaient chaque armoire, chaque coffre, Dark Shield s'approcha du consul :

Tu es au courant que cela fait plus d'une semaine que l'émeraude sacrée a été volé, et nous avons toutes les raisons de penser que c'est toi ou ton épouse qui l'ont prise.

C'est ridicule, jamais nous aurions volé cette...

Maître Dark Shield, je l'ai trouvé ! Hurla un garde.

Le visage du consul se ferma alors que celui du pégase semblait se réjouir. Comment cette pierre a-t-elle pu arriver ici ? Il savait que ce n'était pas lui qu'il l'avait volé, son épouse ? Non impossible, même si elle avait pu marcher dans son état, jamais elle n'aurait fait ça. Ce ne pouvait être qu'un coup monté !

Les gardes les enchaînèrent, 4 menottes aux sabots, une sur leur cou et pour finir une dernière sur leur corne. Un anneau particulier qui avait la propriété d'inhiber la magie des licornes. Dark Shield s'avança vers le consul et le frappa à la poitrine, il commença à perdre connaissance alors les gardes emmenait Golden Heart. Ses yeux se fermèrent.

Le consul se réveilla dans une pièce sombre, une sorte de cellule. Seules quelques traces de lumière arrivaient à traverser la porte du cachot. Il était toujours enchaîné, les chaînes reliées au mur de pierre. Il ne voyait presque rien, il ne pensait qu'à une seule chose : Golden Hearth. Il aurait tellement voulu qu'elle soit loin de lui, un poney haït par les habitants, par les soldats et même par le seigneur ne peut pas vivre avec quelqu'un d'autre. Il n' y avait qu'elle qui le regardait différemment, c'était il y a environ 2 ans. Pourquoi tous ceux qu'il l'entourent finissent par partir ?

La porte du cachot s'ouvrit avec un grincement strident. La lumière l'aveugla quelques instants, mais il finit par reconnaître l'ombre qui s'avançait vers lui : Dark Shield. Ce dernier se mit à la hauteur du consul :

Dis-moi tu n'as pas l'air en forme, serais-ce l'atmosphère de cette prison qui t'affaiblit ? Hé hé...

Qu'est-ce que tu me veux ? Demanda le consul.

Ha ha toujours aussi antipathique à ce que je vois...enfin bref, je suis venu te voir pour te faire part de la condamnation de notre seigneur : la mort par les flammes !

Tsss ! Peu importe la mort que vous avez choisis pour moi, je n'en ai cure. Répondit le consul dans son calme le plus serein.

Ah pardon, il y a méprise. Cette condamnation...est pour ton épouse. Dit Dark Shield en arborant un sourire démoniaque.

Le consul ne pouvait plus contenir ses émotions, son regard se changea, son expression neutre changea, son visage se ferma complètement. Le pégase se mit à rire :

Devine quoi, c'est notre jeune prince Green Glare qui a eu cette merveilleuse idée. Et toi qui voulait tant changer les lois du pays, mais à chaque fois que tu en modifiais une, moi j'incitais le prince a en créer une autre, encore plus juste que la précédente ! Hahahahaha !

Le consul se refusait de le regarder, Dark Shield continua :

_ L’exécution aura lieu ce soir sur la grande place, désolé mais tu n'es pas invité, tu peux le comprendre n'est-ce pas ? Hé hé hé...oh ne t'inquiète pas, tu n'auras pas le temps de t'ennuyer. Tiens un peu de lecture, c'est ton livre préféré je crois, non ?

Dark Shield lui jeta un livre et partit en riant. Lorsque la porte se ferma, le consul regarda de plus près le livre : Justice et lois de Dustjustice.

Le consul serra les dents de plus en fort et commença à verser des larmes :

Ce n'est qu'un livre...ce n'est qu'un putain de livre !



Le soleil s'était couché depuis quelques heures, la lune brillait de mille feux dans le firmament sans aucun nuage. Sur la grande place, les lampes étaient allumées, il y avait tellement de lumière qu'on se serait cru au milieu de la journée. Les poneys s'étaient réunis autour d'un grand bûcher, pourtant pas un bruit ne se laissait entendre, les habitants n'osaient pas murmurer leurs pensés. Les gardes tenaient des torches, ils étaient sur une grande estrade en bois. Cette estrade portaient également le trône de Blood Armor sur lequel il était assis, à sa droite siégeait le premier consul Dark Shield. Ce dernier parlait à un petit poulain d'une douzaine d'année, un terrestre au pelage bleu cyan et à la crinière verte-bleue :

Souviens-toi de ce que je t'ai appris Aqua Mirror, un jour te me succéderas et tu conseilleras le prince Green Glare, alors sois attentif à ce qui va suivre.

Oui père.

Le prince Green Glare était assis à gauche de son père, le seigneur Blood Armor. Il avait les yeux baissés, son visage était fermé, on aurait dis un garnement pris en faute.

Des tambours retentirent, les gardes battaient en rythme. Une escorte sortit du palais et se dirigeait vers la grande place. Golden Hearth. Elle était enchaînée de la corne aux sabots. Tous la fixèrent. Les gardes la firent monter sur l'estrade, devant le seigneur Blood Armor. Dark Shield se leva et parla si fort que tous les habitants purent entendre :

Licorne Golden Heart, vous comparaissez ce soir devant sa seigneurie et roi de Dustjustice Blood Armor, afin de répondre de vos crimes. Pour complicité de vol de la relique antique : l'émeraude sacrée, notre seigneur Blood Armor a prononcé la sentence selon les lois de ses ancêtres. Vous êtes condamnée à mourir par les flammes. Avez-vous une dernière volonté ?

Golden Heart se mit à sourire :

Je peux voir mon mari ?

Hors de question ! Répondit le pégase. Il ne peut sortir de sa cellule.

Ce n'est pas grave, je l'attendrai. Je sais qu'il viendra.

Le consul savait. Il savait que Golden Heart pensait à lui. Il savait que c'était l'heure. Il n'avait aucune fenêtre dans la cellule, il ne pouvait rien voir et pourtant il savait que la vie de son épouse allait s'éteindre dans peu de temps. Il le ressentait. Il avait suffisamment attendu :

Gardes ! Hurla-t-il.

Un garde ouvrit la porte :

Oui consul, que voulez-vous ?

Je veux la voir. Amène-moi à elle.

Mais...c'est impossible consul. J'ai des ordres...

Je t'en supplie, je veux la voir une dernière fois. Je te jure que je ne m'enfuirais pas.

Le consul avait toujours la même expression : neutre. Le garde connaissait bien ce visage, il n'en a pas connu d'autre de la part du consul. Il hésitait vraiment à l'emmener, mais le consul n'était pas comme le seigneur Blood Armor. Il avait amélioré les conditions de vie des gardes en supprimant des lois injustes à leurs égards. De plus, le consul est un poney d'honneur, il n'allait pas s'enfuir. Et puis, les menottes et l'anneau inhibiteur le rendaient complètement inoffensif. Il pouvait lui faire cette faveur.

Le garde détacha les chaînes du mur, le consul se leva et commença à suivre le garde, mais il était toujours enchaîné. Tous deux sortirent de la cellule. Le consul avait du mal à marcher, ses pattes étaient trop engourdis, il faillit tomber :

Consul ! Vous allez bien ? S’inquiéta alors le garde.

Le consul reprit son équilibre et lui répondit du voix calme :

Ne m'appelle pas consul.

Un garde finissait d'attacher Golden Hearth au bûcher, les poneys s'étaient rapprochés. Certains commençaient à chuchoter, le sentiment d'injustice se fit de plus en plus grand. Ils savaient que la licorne à la crinière dorée n'était pas comme le consul, elle venait les consoler, les réconforter, les soigner pendant les pires moments. Pourtant, aucun poney ne bougeait.

Le premier consul leva le sabot, un poney habillé en bourreau tenait une très longue torche, son feu émettait des flammes multicolore. Un feu ensorcelé, rien ne pourrait l'éteindre, pas la moindre goutte d'eau, pas le moindre grain de sable et aucune magie, il ne s'éteindrait qu'après avoir tout consumé et tout ce qu'il consume disparaît sans laisser la moindre cendre. Le pégase abaissa son sabot, le bourreau comprit que l'heure était venu, il s'approcha du bûcher, tendit la torche et la lâcha. Les brandilles répandirent le feu petit à petit jusqu'à atteindre Golden Heart.

Le garde de la prison arriva derrière la grande estrade avec le consul de la justice, ils se mirent sur le côté. Dark Shield se tourna et hurla :

Imbécile ! Qui t'as ordonné d'amener ce traître ?

Euh...mais seigneur... répondit timidement le garde apeuré.

Arrête de t'inquiéter Shield ! Intervînt Blood Armor. Que veux-tu qu'il fasse ? Et puis, c'est une bonne chose qu'il la voie une dernière fois. Ha ha ha.

Le consul ne l'écoutait pas, il n'entendait rien, il ne regardait que Golden Heart au milieu des flammes. Elle brûlait mais elle ne souffrait pas, elle ne criait pas. Elle était heureuse. Heureuse car il était là. Elle lui sourit. Il comprit. N'aie pas peur.

Le consul n'entendait rien, mais un son brisa ce silence. C'était la voix du jeune prince Green Glare. Il s'approcha de son père :

Père, croyez-vous que tout se passera bien ? Vous savez c'est moi qui...

_ Allons, arrête de te morfondre. L'interrompit Blood Armor. Je suis au courant, je ne suis pas dupe. Je sais que c'est toi qui a volé l'émeraude.

Le consul se figea, il n'entendait plus qu'eux. Le seigneur poursuivit :

Tu nous as mis dans un beau merdier. Mais j'ai tout arrangé, Dark Shield a retrouvé la pierre et l'a laissée chez cette licorne. Jamais je ne laisserais ces vulgaires lois nous tourner en ridicule. En fait, ça nous arrange bien, maintenant plus aucun poney n'osera s'opposer à mes lois.

Le consul garda son expression neutre, mais au fond, il n'était plus là. Il avait une absence. Sa force grandit, grandit, grandit. Sa magie devînt de plus en plus puissante, puissante, puissante. Ses chaînes se brisèrent, l'anneau inhibiteur ne put retenir sa magie, ses menottes partirent en éclats. Avant qu'un seul poney n’eut le temps de réagir, le consul sauta sur l'estrade en prenant par sa magie l'épée du seigneur Blood Armor. Ce dernier était confus. Le consul lui enfonça sa propre épée dans son cœur. Des gouttes de sang coulèrent de sa bouche, il comprenait rien à ce qui se passait. C'est alors que le consul, dans le calme le plus serein qui soit, lui murmura ces quelques mots à l'oreille :

Adieu...mon frère...

Il le frappa au cœur un nombre incalculable de fois. Tous les poneys regardèrent la scène, pétrifiés. Blood Armor s’effondra sur le plancher de l'estrade. Sans vie. La mort l'a emporté. Un silence s'installa, même les flammes ne semblait plus crépiter. Green Glare toujours terrorisé lança :

Mon oncle...qu'avez-vous fait ?

Dark Shield se leva rapidement de son siège et pointa le consul du sabot :

Régicide !...Fratricide !

Le consul laissa tomber l'épée sur le plancher et regardais fixement le prince Green Glare. Dark Shield n'eut qu'un seul réflexe :

Gardes, tuez-le !

Les gardes se précipitèrent devant la licorne de la justice. Mais celle-ci ne réagit pas, elle les regardait. Puis elle fît volte-face, elle tournait le dos aux gardes. Au moment où les gardes empoignèrent leur lance, ils reçurent les pierres en plein visage. Les villageois s’opposaient à l'autorité pour la première fois. Deux gros poneys étaient montés sur l'estrade, ils tenaient des fourches et des couteaux. Les pierres pleuvaient toujours sur leur tête, le premier consul n'eût pas d'autre choix que de battre en retraite :

Gardes...au palais...protégez le prince !

Les soldats emmena le prince au palais, les habitants avaient pris la place, la tyrannie du roi Blood Armor était révolue.

Le consul de la justice n'avait toujours pas bouger, il était sur l'estrade en train de regarder les flammes du bûcher ardent. Golden Heart était toujours là, encore entre la vie et la mort. Comment est-ce possible ? Comment fait-elle pour ne pas souffrir ? Elle avait mal, mais elle ne l'exprimait pas, elle l'a appris de son mari. La licorne regard son époux une dernière fois, elle lui sourit. Elle allait partir. Le consul la regarda une dernière fois.

Les habitants ne l'avaient jamais vu comme ça. Le côté droit d son visage était inondé de larmes, il pleurait comme jamais il n'avait pleuré. Le côté gauche ne bougeait pas, il était fixe, son expression neutre habituelle. On dirait deux poneys dans un même corps. Golden Heart ferma les yeux en gardant son sourire. Les flammes colorées s'élevant de plus en plus vers le ciel étoilé. Le consul savait qu'elle n'était plus. Pourtant il continua à fixer le bûcher.

Un gros poney s'avança vers lui :

Je compatis à ta douleur, nous savons ce que tu ressens.

Tu fus le premier à verser le sang contre le seigneur. Dit un autre poney. Mais nous ne pourrons jamais pardonner ce que tu as fait.

Il est vrai que beaucoup de ces lois étaient cruelles. Mais en ce qui te concerne...certaines lois restent justes. Tu nous as libéré, mais tu es un assassin, un régicide ou plutôt un tyrannicide mais surtout un fratricide.

Nous ne pouvons tolérer à un tel poney parmi nous. Le pays que nous allons construire devra refléter l'opposé de Dustjustice. En vue des anciennes lois justes, nous les rendrons plus justes. Un fratricide doit mourir, mais il y a eu assez de morts. Part, loin dans le grand désert, tu es banni...exilé.

Le consul ne pleurait plus, il n'avait plus que son expression neutre, sans sentiment. Il descendit de l'estrade, prit un sac et le remplit de quelques brins de blé et d'un petit tonnelet d'eau. Il suivit le chemin qui menait hors de Dustjustice, les autres poneys le regardaient partir. Mais ils n'avaient pas leurs regards noirs de haine, c'était des regards septiques. Ils ne savaient plus quoi penser de lui maintenant. À la limite de la ville blanche, le consul s'arrêta, et leur dit sans tourner la tête :

Si vous restez immobiles, vous ne pourrez pas avancer. Et ne comptez pas sur le vent pour vous pousser...

Les habitants furent surpris, chacun comprit ses paroles. Le consul commença à disparaître à l'horizon du désert.



Le soleil se lève. Les rayons percent l'horizon. Premier jour de mon exil.





*

* *





Lueur d'espoir

 

Il fait nuit. Je ne saurais dire depuis combien de temps le soleil s'est couché. Mais je peux dire qu'il s'agit de la 39ème nuit de mon exil. Je ne sais plus où je suis, j'ai dû tourner en rond dans ce désert. N'est-ce pas mieux ainsi, tourner en rond plutôt que de marcher tout droit ? Peu importe le chemin que nous empruntons, nous allons tous vers la même destination.

Je sens que je partirai bientôt, après tout, que puis-je faire maintenant ? Je ne peux revenir en arrière, et honnêtement, je n'en ai pas envie. Revoir Golden Hearth pour qu'elle meurt à nouveau ? Revoir mon frère pour que je le tue à nouveau ? Au bout du compte, à quoi bon ? Ma marque de beauté n'est plus, enfin presque. Ma balance d'or n'est plus qu'une vague silhouette sur mon pelage, ma cicatrice était, quant à elle, bien visible.

Une tempête de sable frappe loin de moi. Cette tempête m'évite. Lorsque la mort me voulait, je résistais. Mais quand c'est moi qui n'attend plus rien, elle ne veut plus de moi. Une coïncidence ? Alors pourquoi cette nuit n'est pas glaciale ? J'aurais dû mourir de froid maintenant que je n'ai plus de feu pour me réchauffer. Mais au fond, peu importe, qu'elle m'emporte cette nuit ou demain, cela n'a pas d'importance.

Je marche toujours et soudain : CRAK. J'ai marché sur quelque chose. J'ai regardé sur le sable, un sabot dépassait de la dune. Le vent se leve et je découvre le corps d'un poney. Un pelage orangé, une corne coupée, les genoux broyés. Bien sûr, c'est lui. Lui en revanche, la mort l'a bien pris. Une traîné de sang se profile derrière lui. Il a rampé, rampé dans la douleur. Il a bien essayé de rentrer à la ville, mais trop tard.

La vue se dégage, des maisons apparaissent. Des murs blancs, une longue rue, une grande place. Je suis bien revenu sur mes pas, je suis encore loin il faut que j'approche pour mieux voir. Cette pauvre licorne avait bien retrouvé son chemin et a essayé de revenir, il voulait honorer ses dernières paroles avant qu'il ne perd ses pattes. Dommage, tu y étais presque.




L'exilé était rentré dans la cité blanche, enfin plutôt dans ses ruines. 39 jours ce sont écoulés depuis qu'il est parti, plus aucune maison n'était debout, des centaines de corps étaient à moitié recouvert par le sable. Qu'a-t-il bien pu se passer pendant ces 39 jours ? Même si n'était pas là, l’exilé savait ce qui s'était passé.

Green Glare a succédé à son père, et sous l'influence de Dark Shield, il a mis en place de nouvelles lois. Mais des lois sans aucune justice, aucun procès, que des massacres. Des dizaines et des dizaines d’exécutions avaient lieu chaque jour. Les habitants se souvinrent des paroles du consul et prirent les choses en sabots : la guerre civile. Une bataille meurtrière est venue à bout de tous les poneys, soldats, consuls, citoyens. Plus aucun survivant.

Plus l'exilé progressait dans la ville, plus les rues étaient remplies de corps sans vie. Le palais a été complètement détruit, il ne restait plus qu'un tas de pierres concassées. L'exilé avait presque traversé toute la ville lorsque des gravas bougèrent en face de lui. Trois poneys en sortirent, une licorne, un grand pégase et un jeune terrestre.

L'exilé les reconnut aussitôt : le prince Green Glare, le premier consul Dark Shield et son fils Aqua Mirror. Ils étaient très mal en point, couverts d'ecchymoses, de plaies ouvertes. Dark Shield avait les ailes complètement broyés, il était incapable de voler. Tous les trois s'étaient assis sur le sol, ils étaient fatigués, désorientés, déshydratés. La licorne regarda autour d'elle et vit, grâce à la lumière de la lune, le visage du consul de la justice :

Mon oncle...que...que faîtes-vous ici ?

Toi ici ? Dit Dark Shield en le fixant avec un air de colère. Espèce d'enfoiré...qui t'a permis de revenir sale traître !

L’exilé les regardait sans bronché, il a retrouvé son air d'autrefois, son air neutre. Le prince essayait de calmer le pégase, mais ce dernier aveuglé par la haine s'approchait de l'exilé et l’attrapa par le col de sa cape :

Tout est de ta faute ! Toi et ta foutue justice ! Tes foutues lois ! Mais tu n'es rien ! Un putain de régicide ! Tu n'es rien ! Moi, je suis le premier consul ! Mon sang est noble ! Le tien n'est que de la...

L'exilé le poussa et le plaqua son dos contre le sol, il sortit une lame de sac et lui demanda :

Dis moi, ton sang peut arrêter ma lame ?

Quoi ?

 Je te demande si ton sang peut arrêter ma lame ? Redemanda l'exilé en gardant son visage neutre.

Le pégase ne répondait pas, mais il continuait de fixer l'exilé avec son regard de haine. Il se contenta de lui cracher au visage. L'exilé n'eut aucune réaction, mais lui dit :

La réponse était pourtant simple.

L'exilé lui enfonça alors sa lame dans le front de Dark Shield, il lui avait percé la tête de part en part, puis la retira. Les deux autres poneys furent terrorisé et hurlait :

Père non !

Mon oncle...qu'avez-vous fait ?

L'exilé s'approcha alors du jeune Aqua Mirror, le prince et ce dernier n'arrivait plus à bouger, ils étaient paralysés. L'exilé regardait le jeune terrestre :

Tu es encore jeune, je vais te poser une question. Ton sort dépendra de ta réponse, elle est entre tes sabots...Qui es-tu ?

Aqua Mirror n'avait plus peur, il arborait un visage noir, un visage de haine comme celui de son père, il récita ce que son père lui avait enseigné :

Je suis Aqua Mirror, fils du premier consul Dark Shield ! Je suis celui qui te tuera, j'aurais ma vengeance ! Tu n'es plus qu'un poney comme un autre, je suis supérieur à toi !

Mauvaise réponse...répondit l'exilé en fermant les yeux.

Il leva sa lame et lui enfonça dans sa gorge. Le jeune terrestre s'effondra et se vida dans son sang, mais il était mort sur le coup.

L'exilé se tourna vers son neveu. Ce dernier était affolé, pris de panique, que pouvait-il faire ? Rien. L'exilé se trouvait devant Green Glare, il se pencha :

Tu es encore jeune toi aussi, ne suit pas les traces, fais les tiennes dans le sable. Une question, et tu suivras les traces ou alors tu feras les tiennes...

Green Glare n'avait plus peur, il était intelligent, il a remarqué que les deux questions avait un lien. Il n'est qu'un poney, un poney parmi tant d'autres, une arme conçue pour tuer un poney, tuera toujours le poney visé. Il était prêt à répondre à la question, il esquissa même un léger sourire. Il savait exactement quoi répondre. L'exilé lui demanda alors :

Pourquoi le monde tourne ?

La panique repris Green Glare. Qu'est-ce que c'était que cette question ? Elle n'avait aucun lien avec les deux autres. Il ne pouvait pas répondre, mais son oncle attendait une réponse. Alors en toute franchise, il répondit :

Je ne sais pas.

L'exilé leva sa lame et l'enfonça dans le cœur de Green Glare et lui murmura ces quelques mots à l'oreille :

Moi non plus, je ne le sais pas...Adieu...mon neveu.

Il le frappa au cœur un nombre incalculable de fois. Green Glare s’effondra sur le sol de la cité. Sans vie. La mort l'avait emporté.

Maintenant, l'exilé serait affublé de beaucoup de titres : régicide, tyrannicide, fratricide, génocide et maintenant nepoticide. Mais peu importe pour lui, ce ne sont que des mots. Le soleil ne va pas tarder à ce lever.

Quelques rayons perçaient les sommets des montagnes derrière la ville. Il les regardait. Aucun poney n'est encore allé de l'autre côté de ces montagnes, il y avait des rumeurs qui empêchaient quiconque de les franchir.

C'était le seul endroit où il pouvait encore aller maintenant, il avait exploré tout le désert jusqu'au moindre grains de sable. Il se mit en marche et escalada ces montagnes, jusqu'à atteindre le sommet. Il pouvait voir maintenant l'autre côté.



Je suis au sommet, le soleil commence à se lever. 40ème jour de mon exil. Non pas le 40ème, mais plutôt le premier. Le premier jour de mon véritable exil commence en ce jour, celui que j'ai choisis. Les autres jours n'étaient que des préludes à cet exil.

Je vois ce qu'il y a de l'autre côté, un nouveau pays. Il n'y a pas de désert, mais des plaines verdoyantes, des grands lacs, d'immenses forêts. Aucun poney de mon pays n'est allé là-bas et pourtant, je vois des villes, des champs et des villages. Je vois un château sur le flanc d'une montagne, une cité dans les nuages, un royaume étincelant entouré de glace, un petit village au centre à côté d'une forêt noire.

Quel est donc ce pays ? Quelle est sa justice ? Qui sont ses habitants et leurs dirigeants ? Et que puis-je faire pour cet endroit ? Deux choix s'offrent à moi. Soit j'écoute une part de moi et j'anéantis tout, soit j'écoute l'autre part et je participe à la vie de ce pays. Les poneys de ce pays méritent-ils un de ces choix ? Que vais-je faire ? Je ne sais pas. Je dois y aller.

Je me mets en marche. Ma marque de beauté a complètement disparu, je suis une nouvelle pousse. Quel choix vais-je faire ? Je verrais demain, ce soir c'est la pleine lune. La nuit porte conseil.

 

Je marche.

Qui peut m’arrêter ?

 

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