Chapitre Unique

La salle d'attente du petit hôpital de Poneyville était presque vide en cette chaude journée d'été. La canicule durait depuis quatre jours déjà, mettant à rude épreuve l'humeur de tous les poneys. Il y avait bien eu des plaintes adressées à l'équipe météo mais cette dernière était restée inflexible, affirmant que cette chaleur était nécessaire à la floraison de certaines plantes. Alors les habitants de Poneyville passaient la majeur partie de la journée à se rafraîchir au bord de l'eau, du moins lorsqu’ils n'avaient pas d'obligation urgente à remplir.

C'était malheureusement le cas de Candy Mane qui, assise sur l'une des chaises inconfortables qui meublait la pièce aux couleurs pastels, commençait à perdre patience. Le docteur Rubshoes les recevait décidément toujours en retard. D'un caractère doux, elle avait d'abord pensé que ce pauvre étalon était encore plus infortuné qu'elle de devoir continuer à honorer tous ses rendez-vous par ce temps, mais trois heures d'attente avait fini par avoir raison de ses bons sentiments. Heureusement, le jeune poulain qu'elle accompagnait ne paraissait pas gêné de la situation. Comme à son habitude, il fixait le vide d'un air absent, fredonnant parfois une mélodie dont les notes ne semblaient pas faites pour se rencontrer.

La terrestre était en passe de s’endormir- le silence? La chaleur? L'ennui? Surement un peu des trois- lorsque un vacarme retenti dans le couloir attenant à la pièce. Le poulain qui l'accompagnait boita avec une étonnante rapidité vers la source du bruit, et avant que Candy n'ai pu voir ce qui se passait, il éclata d'un rire tonitruant qui ne lui ressemblait pas.

-Day Dreamer, arrête... On est dans un hôpital, le cal...

Elle fut interrompue par la vision de la chose qui s'approchait, ou plutôt qu'on approchait sur un brancard. Une masse de poils d'un blanc perlé gémissait de douleur. Elle distinguait une aile de ci de là, mais les membres semblaient empêtrés de façon irrémédiable. Cependant, au delà de l’inconfort évident de cette position, la situation ne semblait pas grave et elle devait bien reconnaître que c’était très drôle. Les infirmières Redheart et Sweatheart laissèrent là le tas vaguement équin qui grommelait des vulgarités à l’encontre de tout Equestria et repartirent accomplir une autre tâche, visiblement épuisées. Pendant ce temps, la jument beige s'efforçait de calmer son protégé, qui était en train de s'étouffer de rire.

-Day... Doucement... Allons s'il te plait...
-Laissez, marmonna la forme vaguement équine. A sa place, je rirais aussi.
Candy sourit.
-S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour vous aider...
-En fait, il y a bien quelque chose.
-Je vous écoute.
-Mon nez me gratte.

Elle regarda la pégase, abasourdie, puis elles éclatèrent de rire à l'unisson. Apres avoir gratté son museau du bout du sabot, la terrestre lui demanda comment une telle situation était arrivée.

-Vous voyez, cette année, Poneyville a été choisie pour remplir les réservoirs d'eau de l'usine météo. D'ailleurs il est temps si vous voulez mon avis, cette température est infernale... Bref. J'étais sensée y participer mais ma séance d’étirements s'est mal passé… Je crois que ça se voit plu...
-Day Dreamer, c'est à toi! Claironna un vieux médecin en ouvrant la porte du cabinet d’un coup sec. Non, restez assise mademoiselle, continua le docteur à l'adresse de Sugar Mane. J'ai besoin qu'il soit concentré.

Le poulain boitilla à la suite du docteur, jetant au passage à la ponette un regard déçu. Elle lui fit un signe du sabot et un sourire encourageant. Un blanc s'installa.

-Alors... Comment vous vous appelez?
-Candy Mane et vous?
-Blossomforth. Il a quoi votre petit frère? Si ce n’est pas indiscret...
-Oh, euh, ce n'est pas mon petit frère… Elle se redressa sur son siège. Il s'agit d'un des petits de la maison de l'enfance de la ville. Il y a un système de parrainage, je me suis inscrite et on m'a offert de passer du temps avec Day Dreamer. Malheureusement, ça tend plutôt à l'accompagner à ses rendez-vous médicaux pour l'instant... mais c'est un bon petit. Un peu renfermé peut être mais très gentil et plein de vie.
-C'est très généreux de votre part, répondit la pégase en se tortillant pour essayer de trouver une position plus confortable.
-C'est normal, et puis...

Elle tourna sa croupe vers Blossom, dévoilant une cutiemark représentant un poulain et un adulte.

-... je suis faite pour ça!

La jument blanche rougit un peu.

- Je vois ça... En ce qui me concerne, je suis bien plus douée avec les plantes. Et puis, l'avantage avec les végétaux, c'est que si on les tues par accident, personne n'en fait tout un plat.

Il y eu un nouveau silence puis Candy éclata à nouveau de rire. Blossom souffla, soulagée. Elle avait eu peur de la choquer.

-Et voilà, à la semaine prochaine mon petit!

Day s'avança d'un pas bancal, visiblement heureux d'en avoir fini.

-N'oubliez pas ses médicaments! Euh... mademoiselle, c'est à vous... Dit-il en considérant Blossomforth de toute sa hauteur.
-Arrêtez de me reluquer et décoincez moi, bougonna-t-elle.

Sugar quitta la pièce en pouffant, le poulain bleu sur ses épaules. Il avait toujours trop mal pour rentrer en marchant après une séance.

Le soleil commençait à se coucher lorsqu’ils sortirent de la pharmacie ou ils avaient achetés les remèdes et Candy se mit à penser. Elle avait tendance à réfléchir davantage lorsque la nuit tombait et ses préoccupations se portaient cette fois sur son protégé. Cela faisait maintenant plusieurs mois qu’elle le côtoyait et malgré tous ces rendez-vous et les dizaines de pilules qu’il ingurgitait, son état ne paraissait pas s’améliorer. En plus de cela, elle savait qu’il n’était pas heureux à la maison de l’enfance. Oh, les éducateurs faisaient de leur mieux bien sûr, mais des petits aussi malmenés par la vie causaient forcément quelques problèmes.

Elle frappa à la porte et un poulain bâti comme une brindille vint lui ouvrir.

-Bonjour, Echo Hollow, murmura-t-elle. Tu veux bien me laisser entrer ? Je dois déposer Day dans son lit.
-B-Bien su-sur, suiv-v-v-vez m-moi !

Elle emboita le pas du poulain. Echo Hollow, surnommé Echo Echo par ses camarades à cause de son bégayement, était un petit d’un caractère assez flegmatique. Il était aussi doté d’un solide sens de l’autodérision qui rendait sa vie supportable, et était un bon ami de Day. Ils arrivèrent dans le dortoir où une vingtaine de lits étaient serrés les uns contre les autres et Candy Mane déposa le poulain sous ses draps avant de le border.

-Il a d-de la ch-ch-chance de v-vous avoir, déclara Echo. Ma m-m-marraine ne v-vient p-pas très souvent…

La jument le regarda d’un air compatissant avant de quitter silencieusement le bâtiment. La lune fut seul témoin de la larme qui roula sur sa joue tandis qu’elle rentrait chez elle.

Au cours de la semaine qui suivit, elle passa beaucoup de temps avec Day, mais elle eue également la surprise de croiser Blossomforth un peu partout. La pégase paraissait plutôt normale une fois décoincée. Il semblait qu’elles aimaient les mêmes activités et la terrestre s’étonna de ne pas l’avoir remarquée plus tôt. Elle en vint même à se demander si la jument crème ne cherchait pas à la revoir, et cette idée la fit rougir de plaisir. Cependant, la conversation ne s’engagea pas et elles se contentèrent de sourires discrets et de petits signes de sabot lorsqu’elles se croisaient.

Quelques jours après le dernier rendez-vous, la petite salle pastel accueilli de nouveau Candy Mane et Day Dreamer. Mais cette fois ci, ce dernier était en fauteuil roulant et son accompagnatrice avait des cernes et un rictus inquiet. Quand Blossomforth arriva pour son contrôle, elle ne trouva que la terrestre mais son air suffit à lui dire que quelque chose n'allait pas. La jument blanche pris place sur le siège voisin de celui de Candy Mane et attendit. Son tempérament lui dictait de parler, de presser la ponette jusqu'à ce qu'elle lui avoue ce qui se passait. Mais pour une fois, elle choisit d'écouter sa raison: la jument avait clairement besoin de calme et de soutien, pas de subir une curiosité malsaine.

-C'est la petite Scootaloo qui l'a trouvé.
-De?
- Day Dreamer, dit-elle en reniflant. Il était étendu sur le sol, incapable... Incapable de bouger ses jambes.
-Oh.

Elle se sentait ridicule. Sa réponse était nulle, elle le savait! Son esprit, plutôt vif d'habitude, était incapable de raisonner correctement dans ce genre de situation. Trop de sentiments, trop de facteurs inconnus... Elle était sure d'avoir déçu la terrestre.
Elle sursauta, interrompue dans ses réflexions par la pression contre son poitrail d'une tête aux yeux pleins de larmes.

-Je l'aime ce poulain... Je sais qu'il a l'air particulier mais il est si courageux! Il a eu la vie la plus difficile que je puisse imaginer et il se bat encore pour s'en sortir, garder la tête hors de l'eau! Alors POURQUOI? HEIN, POURQUOI?? POURQUOI EST CE QU'IL DOIT ENCORE SOUFFRIR POUR LES ERREURS DES AUTRES? C'EST PAS JUSTE TU ENTENDS?!

Elle lui hurlait furieusement dessus, son museau à quelques centimètres du sien. Des grosses larmes perlaient sur ses joues et Blossomforth senti son cœur se briser en de touts petits éclats. Elle l'entoura doucement de son aile pour la réconforter.

-Ecoute, je ne peux pas te dire que je comprends. Je n'ai aucune idée de ne serait-ce qu'un quart de ce que tu dois ressentir. Mais je sais que le docteur fait de son mieux pour le soigner et que tant qu'il est entouré de personnes qui l’aiment, il gardera le sourire. Il a besoin de toi maintenant plus que jamais alors ce n'est pas le moment de craquer ma belle, il faut te relever et le soutenir.

-Mais je n'y arrive plus….

La fureur laissait naturellement place au chagrin et la jument fondit en larmes pour de bon.

-Je ne sais plus quoi faire pour lui remonter le moral et le voir dépérir comme ça, ça me tue à petit feu... Il n'a jamais eu droit aux friandises, ni de pratiquer un sport alors qu’il en rêve depuis des années! Et maintenant, il ne peut même plus jouer ?! Qu’est ce qui lui reste ?
-Toi ! Ecoute, commença Blossom, Je pense que tu as vraiment besoin de te détendre, et lui aussi. Que dirais-tu d’aller ensemble se promener au bord du lac après les consultations?
-D... D'accord, je suppose que ça ne peut pas me faire de mal...

Elles attendirent en silence, la pégase massant doucement le dos de son amie avec son aile pour la réconforter.

-Mademoiselle, je dois vous parler…

Candy sursauta avant de suivre le docteur, pleine d’appréhensions.

-Ecoutez, commença le vieux poney, visiblement mal à l’aise, si son état continue de s’aggraver, il va falloir l’opérer. C’est risqué, bien sûr, et on évitera de recourir à cette solution tant que c’est possible mais si cela empire d’avantage, ce sera la seule chance qui lui restera. Continuez de suivre rigoureusement le traitement, un progrès pourrait survenir… Il dansa d’un sabot sur l’autre.

-Oui, bien sûr... Je comprends...

Elle sentait son chagrin revenir, et il redoubla quand le petit poulain lui sourit courageusement.

Ils sortirent et Blossom entra à son tour pour contrôler la façon dont sa blessure avait évolué, ce qui ne prit que cinq minutes. Puis elle passa la porte en trombe, débordante d'énergie, et les entraîna dehors. Une fois dans le parc, Day et Candy retrouvèrent rapidement le sourire, et le soleil, qui tapait désormais plus raisonnablement, réchauffait leurs pelages et leurs cœurs. Ils longèrent les allées du parc, puis la pégase les dirigea vers la bibliothèque de la commune pour que le poulain choississe un livre ou deux à emprunter. Ils le conduirent ensuite au foyer ou Candy lui lu une des deux histoires, réservant l'autre pour quand il s'ennuyerait. Elles veillerent sur lui jusqu'a ce qu'il s'endorme puis elles sortirent sans bruit du batiment.

-Tu te sens mieux? Demanda la pégase.
-Oui... Beaucoup mieux. Merci... murmura la jument beige. Elle frotta affectueusement sa tete sur l'encolure de Blossom, les yeux clos.
-C'est normal, repondit cette dernière, dont les joues avaient maintenant une teinte rosée. Ecoute, il est tard, je vais te laisser. Si tu as encore besoin de moi, tu sais ou me trouver?
-En fait... J'ai encore besoin de toi là, maintenant... chuchota Candy en se rapprochant.

La réponse de Blossom mourut sur ses lèvres lorsqu'elles rencontrèrent celles de son amie. C'était doux et sucré, et, d'abord prise de court, elle se surprit rapidement à l'attirer plus près avec ses ailes pour intensifier ce moment.
Leur étreinte dura plusieurs minutes, mais cela n'avait semblé qu'un instant, une seconde de pure tendresse partagée entre deux êtres que rien ne semblait unir et qui pourtant s'attiraient comme le font parfois des forces opposées. Le baiser rompu, le charme se brisa aussi et Candy, quand elle trouva le regard de la pégase, n'y vit pas le reflet de son amour mais une incertitude qui la gela sur place.

-Ça ne t'as pas plu?... elle fit un pas en arrière.
-Si, c'était très bien, c'est juste que... avec une jument... je n'ai jamais ... je suis plutôt étalon et...
-Ça va, ne te fatigue pas, j'ai compris.

Sa voix était devenue froide mais on sentait dedans une douleur qu'elle s’efforçait de dissimuler. Elle fit volte face et se dirigea d'un pas rapide vers sa maison.

-Candy, attends! Cria Blossom en la poursuivant.

La terrestre lui fit soudain face.

- Pour quelqun de pas interessé, tu as quand même un comportement sacrément ambigu!
-Ce n'est pas que je ne t'apprecie pas, mais je....
-Écoute, la coupa-t-elle, je ne sais pas si tu as remarqué mais ma vie est assez compliquée comme ça. Tu penses vraiment que j'ai du temps à perdre dans ce genre de choses?

Elle n'attendit pas de réponse et partit au galop, plantant la la jument blanche qui se haïssait de sa maladresse.
Cette nuit-la, deux habitantes de poneyvilles eurent du mal à trouver le sommeil.

Les jours suivants, Blossom chercha par tout les moyens à parler à Candy Mane, mais la jument se révela introuvable. Personne en ville ne l'avait vu et, le sixième jour, des rumeurs commencèrent même à courir comme quoi elle avait dû quitter la ville. En désespoir de cause, la pégase retourna voir le médecin en charge de Day Dreamer.

-Ah, une triste histoire...

Les poils de Blossom se hérissèrent.

-Il lui est arrivé quelque chose??
-vous savez, c'est un poulain courageux...

La jument se détendit en l'entendant parler de lui au présent et pas au passé.

-Qu'est-il arrivé?
- Il a vécu le début de sa vie chez son père, devenu violent et alcoolique après la mort accidentelle de sa mère. Il maltraitait le petit qui était sous-nourri et souffrait de nombreuses fractures qui n'étaient pas soignées. Cela a entraîné des grosses carrences, notamment osseuses, qui... Mais attendez, pourquoi je vous raconte tout ça moi?...

Il s'assit, visiblement perdu.

-Ne vous inquiêtez pas, ça restera entre nous. Mais ou est il? Je cherche la jument qui l'accompagne.

Candy était en train de se ronger les sangs sur un siège inconfortable quand elle vit une jument familière s'asseoir juste à côté.

-Qu'est ce que tu fai...

Elle fut coupé par un baiser dont la fougue ne laissait ancun doute quant aux sentiments de la pegase qui le lui donnait.

-Écoute, je sais que je suis maladroite mais je t'aime d'accord?!

Elle l'avait presque crié et la terrestre senti ses joues prendre feu.

- Blossom..
- Je t'aime et je suis désolée, j'ai été nulle, mais tout cela est nouveau pour moi tu comprends? J'ai besoin d'apprendre et je veux apprendre avec toi. Nous deux, je sais que c'est improbable mais je sens qu'on est faite pour s'aimer! C'est pourquoi ...

Elle sorti de sa besace un paquet de papier.

-...C'est pourquoi je voudrais qu'on adopte Day Dreamer toute les deux si tu le veux bien. Il y a assez de place chez moi pour nous trois, ou si tu préfères, on peut acheter une nouvelle maison ensemble, ou...

Cette fois, ce fut elle qui fut coupée par un tendre baiser.

- Oh, Blossom.. Tout ce que tu veux...

Elles se serrèrent l'une contre l'autre. Candy fourra son museau dans la crinière aux couleurs vives de sa petite amie, respirant l'odeur étonnament délicate qui en émanait, tandis qu'elle sentait des levres douces couvrir son cou de baisers plus leger que des plumes...

Le docteur entra dans la pièce et elles se levèrent d'un bond.

-Il va s'en sortir??
-L'opération s'est bien passé, mais seul l'avenir pourra nous dire si il vivra...
Candy tressaillit. Une aile l'entoura et une voix chuchotta à son oreille:
-Quoi qu'il arrive, je serais la pour te soutenir. Je te le promets.