Chapitre unique

La lune toucha l’horizon au moment où le soleil se dévoilait derrière ce dernier. Les deux princesses étaient sur le plus haut balcon de Canterlot, faisant leur rituel matinal comme à leur habitude, leur stature imposante donnant une impression de grandeur à n’importe quel poney posant les yeux sur elles. Lorsqu’on les regardait depuis le sol, c’était une vision éblouissante sans défauts, le jour et la nuit travaillant de concert. Cependant sur le balcon, la réalité était autre.

Si la princesse Luna était souriante, bien que fatiguée après avoir veillé sur le royaume toute la nuit, la princesse Celestia semblait perdue dans ses pensées, son regard plongé dans le vide devant elle. Cela faisait plusieurs jours qu’elle n’était présente que pour la forme, la princesse lunaire s’occupant des deux astres le temps que sa soeur arrive à retrouver le moral.

Luna avait proposé à sa soeur plusieurs fois de rester avec elle en début de matinée, de l’aider à régler des problèmes quand elle en avait besoin, mais Celestia avait pris pour habitude d’en gérer le plus possible elle-même au cours de ce dernier millénaire. L’alicorne bleu nuit respectait ce choix, même si ça la peinait de voir cette jument qu’elle avait toujours connue supporter seule une grande partie des fardeaux du royaume. Elle avait quand même réussi à négocier que les rencontres avec les dignitaires venant d’autres pays se fassent en sa présence, et de ce fait qu’elles se déroulent dans l’après-midi. C’était une petite victoire, mais au moins elle pouvait être là pour soutenir sa soeur.

Cette dernière continuait de l’impressionner, car elle arrivait toujours à garder un sourire sur son visage quand elle était à son poste, et ne le laissait tomber qu’en privé, avec elle. Les princesses Cadance et Twilight n’avaient jamais été témoins elles-mêmes de l’humeur maussade de la monarque solaire, mais elles avaient compris qu’il y avait un problème avec la princesse. Luna se demanda si elles pouvaient l’aider à convaincre sa soeur de prendre un peu de repos.

Une fois le soleil lancé dans sa course, les deux princesses se séparèrent sans un mot, l’alicorne de la nuit se risquant d’enlacer tendrement sa soeur pour lui donner un peu de courage. L’alicorne blanche lui rendit avant de se diriger en silence vers la salle du trône. Il était encore très tôt, et la garde n’avait pas encore été relevée. Ils portaient tous la même armure dorée réservée aux poneys en poste à Canterlot. Elle commençait sérieusement à se lasser de celle-ci. Tous les soldats la saluèrent sur son passage, prêts à obéir à tout ordre qu’elle donnerait, lui ouvrant les portes sur son passage. Elle savait qu’ils ne faisaient que leur devoir et rien d’autre, mais ça commençait à la fatiguer. Elle arriva, après de longues minutes avec un sourire forcé, à la place qu’elle occupait depuis plus d’un millénaire.

La salle était calme, Celestia avait encore quelques minutes avant que la séance de doléances qu’elle tenait en début de journée ne commence. Elle dominait depuis son trône les deux seuls gardes présents. Leur simple présence l’empêchait de profiter de ce moment de calme. De plus, ces derniers semblaient être impatients d’être relevés et de pouvoir enfin aller dormir.

Celestia s’adressa à eux, leur demandant de sortir. Ils protestèrent, expliquant qu’ils se devaient de rester afin de la protéger. Elle commença à s’impatienter, elle ne voulait que quelques minutes seule avant le défilé grotesque de poneys de la journée. Pourquoi ne pouvaient-ils pas juste lui accorder ça ? Elle était persuadé que s’ils voulaient rester, c’était juste parce qu’ils ne voulaient pas abandonner leur poste et la gloire associé avec le fait de garder la salle du trône, la salle d’où elle régnait sur des milliers d’âmes.

Malgré toute la maîtrise d’elle-même qu’elle avait réussi à garder ces derniers jours, elle se mit à hurler sur les gardes. Une telle désobéissance ne pouvait être tolérée, et elle réaffirma sa position de chef tout en les menaçant de terribles sanctions pour leur attitude présente. Les deux pauvres gardes tremblaient devant un tel déchaînement de la part de leur princesse et ils finirent par obéir. L’idée que leur dirigeante soit dans une telle colère leur faisait peur et ils ne souhaitaient pas que les paroles de la monarque deviennent réalité.

Celestia se retrouva enfin seule pour quelques minutes, dans une grande salle remplie de grandes tapisseries qui n’avait quasiment pas changé en plusieurs siècles, de nombreuses tables sur lesquelles les serviteurs du palais posaient chaque jour les mêmes plats, et ce depuis depuis des décennies. Elle savait que cette pièce allait se remplir de poneys qui ne sont là que pour profiter d’une pseudo place proche du pouvoir de par leur position sociale, sans aucun intérêt pour ce qu’il s’y passe réellement. Toutes ces pâtisseries hors de prix, ces boissons issues de tous les coins de son royaume, tous ces gens qui allaient en profiter sans vraiment de raison l’énervaient. Elle souleva une table avec sa magie et lui fit traverser la pièce, répandant tout son contenu sur le sol.

Elle se demanda combien de temps elle avait avant que les gardes ne viennent voir ce qu’il se passait. Elle se demanda si elle devait nettoyer la salle avant qu’un de ses serviteurs ne le fasse pour elle. Elle se demanda si elle avait vraiment envie de faire quoi que ce soit aujourd’hui. Elle se dirigea vers la fenêtre, prête à attendre que les gardes arrivent, prête à trouver une autre excuse pour ce qu’il venait se passer. Elle souffla en posant ses yeux sur une forêt lointaine, située proche du village où habitait son ancien élève. Depuis que cette dernière était devenue une alicorne, leur relation avait un peu changé, leurs discussions contenaient de plus en plus de décisions politiques, de réflexions sur l’avenir du royaume. La petite pouliche qui avait un jour voulu apprendre à soulever le soleil pour l’aider lui manquait. Ces petits moments de liberté lui manquaient.

Une idée traversa l’esprit de Celestia. Elle devait se décider rapidement, elle n’avait que peu de temps avant l’arrivée des gardes. Elle pouvait partir, maintenant, sans prévenir personne. Il lui faudrait être discrète et rapide pour rejoindre cette petite forêt à côté de Ponyville. Il lui faudrait éviter ses propres gardes, son ancienne élève, et elle serait sûrement chassée par les Wonderbolts dès que la nouvelle de sa disparition sera parvenue aux oreilles de sa soeur. Une fois dans cette forêt, elle risquerait de devoir affronter des Timberwolves, des manticores ou d’autres animaux dangereux. Il lui faudrait esquiver des arbres à haute vitesse pour échapper à tous ces dangers, et dès qu’elle serait fatiguée, elle savait où elle pouvait se reposer, une petite hutte avec une amie qu’elle n’a plus vue depuis trop longtemps.

Celestia se mit sur la rambarde et se laissa tomber dans la pénombre du début de journée, elle allait voler proche du sol, dans les petites ruelles de Canterlot que plus personne n’utilise. Elle aurait pu se téléporter directement à sa destination, mais elle rejeta cette idée avant même d’y penser. Elle voulait sentir ce sentiment de crainte, cette excitation d’être chassée, ce petit serrement au coeur à chaque fois qu’elle risquait d’être repérée. Elle avait décidé qu’elle n’utiliserait pas ce genre de magie, elle voulait son aventure. Elle avait prévu de passer dans les anciennes mines de diamant sous la ville. Avec de la chance, elle rencontrerait même un changelin coincé depuis l’invasion de Chrysalis, ou un ver de terre géant qu’elle devrait affronter. Elle vivrait sûrement plein d’aventures avant d’atteindre la sortie située au pied de la montagne. Un grand sourire d’impatience se dessinait sur son visage à l’approche de l’entrée oubliée des mines.

Au bout d’une petite demi-heure, elle ressortit au pied de la montagne avec un peu de déception sur son visage. Il ne lui était rien arrivé, et la descente fut particulièrement simple et rapide. Elle regarda vers la ville se tenant sur un plateau au-dessus d’elle, se demandant comment avait réagi sa soeur, comment avait réagi toute la ville. Elle fut prise de remords, la panique devant avoir envahi les rues de la capitale à l’heure actuelle. Elle n’avait cependant pas l’impression qu’il y ait tant d’agitation que ça. Sa soeur devait avoir réussi à contenir les informations. L’idée de revenir pour arranger les choses lui parcourut l’esprit, mais l’idée de revenir dans cette grande salle qui lui semblait si vide lui faisait peur. Elle ne voulait pas y retourner, pas aujourd’hui.

Elle se mit à courir aussi vite qu’elle le pouvait à travers la forêt qui s’étendait au pied de la montagne, partant en direction de Ponyville. Elle était encore loin de son objectif, mais à cette vitesse elle pensait l’atteindre en milieu de journée. Elle essayait déjà de planifier la manière dont elle passerait les quelques étendues de plaine entre cette forêt et l’Everfree Forest. Elle n’était pas vraiment une jument très discrète, avec sa crinière multicolore flottant par magie, sa stature imposante, ou ne serait-ce que sa cutie mark qui ornait toutes les pièces en circulation dans le royaume. Si elle avait eu un peu plus de préparation, elle aurait sûrement pris une cape pour se cacher, mais au final le fait qu’elle soit partie sur un coup de tête ajoutait du piquant à ce moment, lui permettant d’apprécier encore plus cet instant.

Même si ce n’était pas les aventures qu’elle s’était imaginées, ce petit goût d’interdit et de transgression lui rappelait une époque lointaine où sa soeur et elle rendaient ses parents fous. Elle n’avait pas beaucoup de souvenirs de cette époque, en dehors de quelques fois où elles étaient toutes deux punies pour avoir désobéi une fois de plus. Un grand sentiment de nostalgie s’empara d’elle. Même pour une alicorne, elle était très âgée. Son enfance lui semblait maintenant si lointaine, pourtant y repenser la faisait sourire.

Elle arriva à la lisière de la forêt avec des plans plein la tête, prête à toute éventualité, ayant préparé toutes les variables, une solution pour chaque situation. Elle s’était même amusée à nommer son plan, même si elle aurait aussi aimé le noter afin de vraiment faire comme son ancienne élève. Elle avait pris le temps de se faire la coiffure de Twilight, et rien que l’idée qu’elle puisse être vue comme ça la faisait rire, surtout si c’était Twilight qui la voyait comme ça.

Elle regarda la plaine qui la séparait de l’ancienne forêt où elle avait élu résidence avant que sa sœur ne devienne Nightmare Moon. Elle n’avait qu’une centaine de mètres à parcourir, mais elle espérait avoir à mettre en application l’un de ses nombreux plans. Cependant, aucun poney n’était présent dans la grande étendue herbeuse devant elle. Elle souffla de dépit avant de se lancer dans cet espace entre les deux forêts. Elle se cacha rapidement derrière une grande pierre, sortant sa tête pour voir si quelqu’un l’avait vue. Elle savait que c’était parfaitement inutile, mais ça l’amusait de faire semblant d’être poursuivie, de devoir se cacher pour n’importe quelle raison.

Une fois qu’elle s’était assurée que la voie était libre, elle atteignit un autre rocher d’un rapide battement d’ailes. Au moment où elle allait partir vers une autre cachette, elle entendit le cri d’un aigle. Elle posa son regard sur le magnifique rapace, et se mit à imaginer qu’il s’agissait d’un espion à sa recherche, travaillant pour un poney aux plans machiavéliques qu’elle devait arrêter. L’animal ne devait pas la voir, c’était trop dangereux qu’elle se fasse repérer si près du but.

Après avoir traversé cette dangereuse étendue d’herbe et de rocher en se cachant à la vue de son adversaire imaginaire, elle atteignit enfin son objectif. L’Everfree Forest s’étendait devant elle, un grand rassemblement d’arbres proche les uns des autres, envahis par une végétation proche du sol quasiment infranchissable. Ce n’était pas la première fois qu’elle traversait cette forêt, mais elle avait toujours un peu peur en arrivant dans l’ombre de celle-ci. Bien que les légendes et rumeurs à propos de la dangerosité du lieu étaient grandement exagérées, cette forêt restait dangereuse. Même avec ses pouvoirs, si elle était attaquée par surprise, elle risquait de ne pas pouvoir s’en sortir, et étrangement elle aimait ça.

Elle déploya ses ailes, chargeant autant de force qu’elle le pouvait dans ces dernières. En prenant appui sur ses quatre pattes, les renforçant avec sa magie, elle se propulsa à travers la canopée, replongeant dans l’océan vert rapidement. Elle s’amusa à passer de plus en plus près des arbres, se donnant le défi de les toucher avec le bout de sa corne, laissant une trace visible sur une grande partie de son trajet. Elle s’amusait à passer à travers le feuillage, passant au-dessus de la forêt au risque d’être repérée, mais le vent sur son visage lui donnait un sentiment de liberté qu’elle appréciait énormément.

Elle finit par survoler un arbre d’où s’échappait une légère fumée parfumée. Elle reconnut rapidement les herbes permettant de créer une telle odeur, et atterrit juste devant une porte en bois travaillé. Elle frappa à la porte tout en trépignant d’impatience. Cela faisait bien trop longtemps qu’elle n’avait pas vu l’habitante de ce lieu.

La porte s’ouvrit lentement, révélant un intérieur rempli d’objets exotiques, un énorme chaudron avec une mixture verte se tenait au centre de la pièce. Une zébrelle se tenait dans l’embrasure, regardant cette nouvelle arrivante avec stupeur.

“De par votre sourire, j’en déduis que vous n’êtes pas en danger.

Une lettre je vais faire partir pour que les princesses cessent de s’inquiéter.”

“Deux choses, Zecora,” intervint Celestia. “Premièrement, je ne veux pas qu’elles soient au courant, j’ai besoin de temps, et si jamais elles apprennent que je suis ici, je vais devoir retourner dans ce palais.”

Son ton devint un peu sombre en terminant sa phrase, l’autre jument la regarda avec un sourire.

“Bien, si tel est votre désir, je ne préviendrais pas les princesses.

Et quelle est ce second point que j’évite toute indélicatesse ?”

“Pas. De. Rimes,” prononça lentement la princesse solaire. “Je sais parfaitement que tu es capable de parler sans rimes quand tu le veux, et je viens de passer deux semaines avec l’ambassadeur des zèbres et je ne veux plus entendre une seule rime.”

“Tu sais que ça va juste m’encourager à en faire plus,” répondit la zébrelle avec un regard malicieux, “mais je vais t’accorder ça. Que me vaut ta visite ? Je pensais que tu serais trop occupée, avec tout ce qu’il se passe dans ton royaume ces derniers temps.”

“Ne m’en parle pas, c’est tellement la merde que je passe des heures à écouter des poneys se plaindre de choses tellement idiotes,” dit la monarque en entrant dans la hutte.

“C’est malheureusement ton rôle, tu es la souveraine d’un pays, pas juste une vendeuse de pommes. Je suppose que tu es partie sans prévenir personne au vu de ta réaction. Tu n’aurais pas dû.”

“Et c’est toi qui me dis ça, Grande Prêtresse Zecora ?” lui fit remarquer l’alicorne en s’affalant sur le lit. “Ça va faire vingt ans que tu as fui tes responsabilités, et maintenant tu oses me dire que je ne devrais pas le faire ?”

“Tu as vu ce que ma fuite a produit. Ce serait dommage que la tienne ne mène au même résultat.”

“Si mon royaume ne peut survivre une journée sans moi, c’est qu’il y a un gros problème en Equestria. Surtout que contrairement à toi, il y a des poneys qui peuvent me remplacer. J’ai toute confiance en Luna, Twilight et Cadance. Elles sont toutes les trois capables de gérer le royaume sans moi.”

“J’ai mes raisons d’être partie, ne serait-ce que pour rester en vie. Ton royaume est stable, rien ne menace ta place. Pourquoi risquer l’avenir de ton royaume pour une journée étendue sur ma paillasse ?”

“Parce que j’ai besoin d’une pause, ne serait-ce que d’une journée. Je suis fatiguée, Zecora.”

“Fatiguée ? La grande Celestia est fatiguée ? En même temps, vu l’état de ta crinière, je suis sûre que ton passage dans cette forêt doit en être une cause.”

“Ma crinière ?” demanda l’alicorne en faisant voler un miroir jusqu’à elle.

Elle se mit à rire en voyant de nombreuses feuilles et des petites branches coincées dans sa chevelure habituellement parfaite. Zecora vint se placer à côté d’elle en posant une tasse de thé sur une petite table. Elle commença à enlever méthodiquement tout ce qui encombrait les crins de Celestia.

“Tu as échappé à qui pour venir ici ? Un scientifique fou ? Une licorne surpuissante voulant détruire le monde ?”

“Une zébrelle un peu trop curieuse,” répondit l’alicorne blanche de manière neutre en trempant ses lèvres dans le thé.

“Oh, et de quelle couleur était-elle ?”

“Blanche avec des rayures noires… quoiqu’elle était peut-être noire avec des rayures blanches. Je ne me souviens pas trop, je l’ai juste entraperçue avant qu’elle ne lâche sa horde d’aigles-espions.”

“As-tu fait attention aux castors ? J’ai entendu dire qu’ils gardent les caches secrètes de cette zébrelle maléfique.”

“Je n’en ai pas vu, mais je n’y ai pas fait attention. J’espère que je ne t’ai pas mise en danger en venant ici.”

“Oh, ma très chère et innocente alicorne,” fit Zecora avec une voix digne d’un mauvais méchant de comics, “je ne suis pas en danger, car c’est moi qui te poursuis, WOUAHAHAHAHAHAH !”

“Oh non, je suis tombée dans ton piège, comment vais-je faire pour m’en sortir ? Oh, je me sens si mal; ce thé devait être empoisonné,” répondit Celestia en mimant de s’évanouir.

“Celestia,” s’inquiéta la zébrelle, “tu vas bien ?”

“Je suis un si bonne actrice que ça ?” demanda la monarque.

“J’ai vraiment cru que tu t’évanouissais, j’en étais terrifiée.”

“Merci, “ fit la jument blanche en se mettant sur son dos. “Ton lit est si confortable, je n’ai pas envie de le quitter.”

“Tu peux y rester pour la journée, mais en échange tu prépares le repas de ce soir.”

“Un repas préparé par une princesse contre une simple couche ? Je ne peux accepter que si tu rajoutes un peu de remontant zèbre.”

“Tu parles de celui qui est interdit dans tout le royaume ?” demanda Zecora.

“Je suis certaine que tu en as quelque part,” répondit Celestia en la fixant d’un regard incrédule. “Et au pire, je peux t’accorder le pardon pour cette petite transgression.”

“Tu as raison, j’ai bien une réserve, mais pas dans ma maison, de peur qu’une princesse violette ne le remarque. Attends-moi ici, le temps que je retrouve où je le conserve, et quand j’aurais réussi, je suis certaine que je rendrais heureuse une monarque.”

“Tu es chiante quand tu t’y mets.”

Zecora se mit à rire en sortant, laissant seule la princesse solaire. Cette dernière ferma les yeux et se laissa bercer par le bouillonnement du liquide dans la marmite au milieu de la salle. Tout était si calme, bien loin du vacarme constant de la capitale. Elle trouvait ça extrêmement reposant, n’entendre que le bruit de sa propre respiration ainsi que les quelques bulles qui éclataient à la surface du liquide. Elle se sentait partir dans un sommeil qui lui semblait bien plus agréable que tous ceux qu’elle avait eus ces derniers jours. Elle prit une grande inspiration avant que le monde ne disparaisse derrière ses paupières.

Quelqu’un frappa à la porte. Dans un demi-sommeil, la princesse se leva et alla ouvrir. Elle bailla sans aucune grâce en regardant la forêt derrière la ponette violette qui se tenait devant elle. La princesse était en train se demander pourquoi la porte de sa chambre donnait sur une forêt, et d’ailleurs pourquoi Twilight la regardait comme si elle était surprise de la trouver dans sa chambre. Elle se retourna, peut-être s’agissait-il d’une mauvaise blague de Discord. Elle ne se souvenait pas avoir redécoré sa chambre dans une ambiance si tribale, et surtout qui ressemblait autant à la hutte de Zecora.

“Oh merde, Twilight, je… euh je peux tout t’expliquer,” balbutia-t-elle.

“Cela… explique bien des choses,” répondit l’alicorne violette. “Je comprends pourquoi la princesse Luna m’a dit de ne pas m’inquiéter, que vous alliez revenir. Vous auriez pu nous prévenir, Cadance et moi, que vous aviez prévu de prendre une journée de repos. Nous aurions pu aider Luna ce matin plutôt qu’elle ne tombe de fatigue à dix heures. Je ne comprends même pas pourquoi elle ne s’est pas reposée un peu si elle était au courant de votre départ.”

“Elle ne savait rien,” avoua la princesse solaire. “Ce matin, en la laissant lever le soleil, je ne savais pas que je partirais comme cela.” Elle se dirigea vers le lit pour s’y laisser tomber. “Je suis partie sans réfléchir, j’avais besoin de… prendre l’air, d’oublier tout ce que les gens attendent de moi.”

“Vous êtes la princesse Celestia, vous ne pouvez pas juste partir,” hurla Twilight. “Vous avez de nombreuses responsabilités, vous n’avez pas le droit de juste tout laisser tomber comme cela, comme si vous n’étiez qu’une enfant capricieuse.”

“J’ai passé mille ans à régner sur ce pays, toute seule, alors ne me parle pas de responsabilités, je sais ce que c’est,” cria en retour la monarque en lançant sa couronne aux pieds de son ancienne élève. “Et tu sais quoi, je te les lègue sans aucun problème. Sais-tu ce que c’est de se s’attacher à de nouveaux poneys tout en sachant qu’aucun ne te survivra ? As-tu la moindre idée de la difficulté de savoir que je vais lentement oublier tous les visages des personnes qui me tiennent à coeur ? As-tu la moindre idée de ce que l’on ressent quand on ne peut être que témoin de l’amour que se portent deux poneys, tout en sachant que tomber amoureuse serait trop douloureux ? Beaucoup voient mon immortalité comme une bénédiction, mais en réalité, c’est une malédiction. À cause de cette immortalité, j’ai dû vivre avec la culpabilité d’avoir banni ma soeur. À cause de cette immortalité, j’ai dû vivre avec le sentiment d’être à jamais seule alors que j’étais toujours entourée. Je suis fatiguée de tout ça.”

La princesse violette ramassa la couronne et vérifia son état. Elle s’approcha de son mentor, et posa la couronne sur une table basse à côté du lit.

“Un jour, une jument très sage m’a dit que tout le monde avait besoin de prendre du repos, et elle m’a aussi appris à compter sur les autres, à leur demander de l’aide quand j’en avais besoin,” fit-elle calmement. “Je ne me suis jamais inquiétée pour elle, car je pensais qu’elle appliquait ce que j’avais appris d’elle. Aujourd’hui, je m'aperçois qu’elle aussi peut se tromper, qu’elle aussi a le droit de faire des erreurs.”

Twilight se dirigea tranquillement vers la sortie, sans dire un seul mot de plus. Celestia l’interrompit.

“Que vas-tu faire maintenant ?” demanda-t-elle.

“Je vais rassurer votre soeur, car même si elle essaye de le cacher, elle s’inquiète pour vous,” répondit Twilight sans se retourner. “Ensuite, je vais m’organiser avec Cadance et Luna pour que vous ayez autant de temps que nécessaire pour vous reposer. Revenez quand vous voulez, ou ne revenez pas, je ne vous forcerais à rien. Nous prendrons soin du royaume le temps qu’il faudra.”

“Je peux te demander un service ?”

“Que voulez-vous ?” continua l’alicorne violette d’un ton extrêmement détaché.

“Il y a un garde, un pégase, il s’appelle Night Watch. Je l’ai fait muté il y a deux semaines après une dispute avec lui. Il doit être encore affecté à la porte sud. Dis-lui que je suis désolé, que je n’aurais pas dû réagir comme je l’ai fait.”

“Ce sera fait,” fit simplement la ponette.

“Twilight,” s’écria Zecora en entrant tout en essayant de cacher un sac qu’elle portait sur son flanc, “quelle surprise, que me vaut une telle visite… ise ?”

“Rien, j’ai mes réponses. Et j’oublierais ce que j’ai vu si tu t’occupes bien de la princesse.”

“Très bien,” accepta la zébrelle. “Je suppose que tu vas de nouveau faire fouiller la forêt.”

“Ça ne servirait pas à grand chose, tu arrives toujours à cacher le double de ce que je trouve. Et pourquoi ne rimes-tu pas ? C’est étrange.”

“Parce que si elle rime, je l’explose, littéralement,” intervint Celestia. “Et ramène ton cul, espèce de vieille zébrelle. J’ai soif.”

“Fais attention à elle,” termina Twilight avant de partir.

Zecora eut le temps de lui faire signe de tête pour accepter cette tâche avant fermer la porte derrière l’alicorne.

“Elle a vraiment l’air de tenir à toi,” reprit Zecora en s’approchant de Celestia. “Je ne l’avais jamais vu comme ça avant.”

“Tu parles, elle était froide comme l’empire de cristal. Je l’ai déçue, une personne de plus. Quelle semaine de merde.”

“Si tu veux parler, je suis là,” la réconforta la zébrelle. “Et clairement, elle n’était pas déçue, elle avait un grand sourire, même si elle pleurait un peu. Et je crois qu’elle a raison, tu devrais te reposer un peu. Un dernier petit thé avant de commencer le remontant ?”

“Ton thé est toujours aussi bon que je ne vais pas y résister.”

Zecora prépara la boisson promise à la princesse, jonglant avec diverses plantes avant de lui servir. L’alicorne trempa ses lèvres dans le délicieux breuvage avant de sentir ses paupières se fermer. Elle ne se souvenait être aussi fatiguée, mais elle entendit Zecora prononcer quelques mots.

“Reprenez des forces princesse, vous allez en avoir besoin dans les prochains mois.”

Celestia s’enfonça dans un profond sommeil mérité, aucun de ses cauchemars habituels ne vint la hanter. Elle se réveilla le lendemain, parfaitement reposée, sa soeur allongée à côté d’elle. Elle se sentait légèrement nauséeuse, Zécora devait avoir changé sa façon de faire du thé, ce dernier ayant eu goût légèrement différent de ses souvenirs.

Elle se leva, évitant de réveiller les deux juments encore endormies. Elle attrapa sa couronne et se dirigea vers un miroir. Elle remit le symbole de son rang sur sa tête tout en regardant son reflet. Elle avait l’impression d’avoir pris un peu de ventre, mais elle savait pertinemment que toutes les libertés qu’elle prenait avec le menu préparé par son majordome en étaient la cause. Elle n’avait pas arrêté de grignoter depuis sa dispute avec le garde.

Elle était triste de ce qui était arrivé ce jour-là, mais elle se sentait étrangement prête à avoir une discussion à coeur ouvert avec ce dernier. Elle se tourna vers les deux juments.

“Luna, il est temps. Des poneys importants nous attendent à Canterlot.”

La princesse lunaire releva la tête, et fit un grand sourire en voyant sa soeur qui se tenait droite, avec une stature royale qu’elle n’avait plus eue depuis deux semaines, depuis qu’elle s’était disputée avec le poney partageant sa couche.

Les deux princesses s’envolèrent de concert vers Canterlot, de nouveau prêtes à prendre leurs places respectives.