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Le péril vénérien

Une fiction écrite par Acylius.

Le péril vénérien

Le silence s’était fait dans le cabinet ; un silence épais, pesant, presque palpable. Le praticien, tranquillement installé derrière son bureau, observait d’un air impassible l’étalon debout devant lui. Les premières gouttes de sueur perlaient sur le pelage rouge qui couvrait le front de l’équidé, sous les crins roux de sa crinière en bataille.

- Vous… vous êtes sûr ? demanda-t-il d’une voix étranglée.

- Certain, répondit calmement le médecin. Vu votre état et les symptômes que vous m’avez décrits, il n’y a aucun doute.

Les pattes flageolantes de Big Mac faillirent le lâcher. Les yeux bordés de larmes, il laissa échapper un petit gémissement.

- Mais… comment ?

- Ça ne s’attrape que d’une seule manière, j’en ai bien peur.

En entendant cela, l’étalon rouge s’effondra encore un peu plus sur lui-même, incapable d’ajouter un mot. Avec un soupir compatissant, le médecin s’approcha et lui posa le sabot sur l’épaule.

- Allons, ce n’est pas la fin du monde. Vous auriez pu attraper bien pire que ça, croyez-moi, ajouta-t-il avec une pointe de sévérité. La prochaine fois, j’espère que vous penserez à prendre vos précautions.

Big Mac, la lèvre tremblotante, fit de son mieux pour retenir le flot qui menaçait d’inonder ses yeux.

- Et… qu’est-ce qu’il faut que je fasse ?

- Je vais vous prescrire une batterie complète d’antibiotiques, répondit le médecin en revenant vers son bureau pour attraper son carnet d’ordonnance. Prenez-les jusqu’au bout puis revenez me voir. Si vous évitez les autres sources d’infection, ça devrait finir par passer. Bien entendu, tout rapport est défendu d’ici-là.

Il alluma sa corne pour faire voler sa plume. Big Mac, le regard rivé au sol, sortait déjà son porte-monnaie mais, avant qu’il n’ait pu l’ouvrir, l’autre reprit la parole.

- Un baril de la prochaine cuvée de Granny Smith devrait faire l’affaire, annonça-t-il sans même cesser d’écrire.

Big Mac releva le regard, indigné. Les Apple n’avaient pas pour habitude de réserver leur cidre, encore moins en échange de services. Il n’en était pas question ! Cependant, au moment où il allait ouvrir la bouche pour protester, le licorne en blouse croisa son regard, un petit sourire aux lèvres.

- Vous pourrez compter sur ma totale discrétion à propos… de tout ceci, fit-il en lui tendant le papier.

Big Mac, sourcils levés, fixa l’ordonnance, puis le sourire du médecin, puis à nouveau l’ordonnance. Avec un petit hennissement misérable, il attrapa le papier et baissa les yeux. L’auscultation était terminée. Alors qu’il ramassait son harnais pour le remettre sur ses épaules, le docteur reprit une dernière fois la parole.

- Naturellement, j’espère que vous assumerez comme il se doit vos responsabilités en informant au plus vite votre partenaire de la situation. Elle a de fortes chances d’être également touchée. A présent, bonne journée, Monsieur Macintosh.

Et il referma la porte, laissant sur le seuil un Big Mac aussi honteux que dévasté.

 

 

Big Mac ne traîna pas longtemps autour du cabinet du médecin. Dès qu’il eut un minimum retrouvé ses esprits, il fila aussi décemment que possible vers la ferme.

« Informer au plus vite votre partenaire de la situation. »

L'étalon rouge frissonna. Il avait des sueurs froides rien que d’y penser.

La traditionnelle fête de fin d’été que donnaient les Apple attirait à chaque fois une bonne partie des habitants du village, et l’édition qui venait d’avoir lieu n’avait pas fait exception. Comme à chaque fois, le cidre ainsi que de nombreuses autres boissons fermentées avaient coulé à flot jusque tard dans la nuit. Big Mac avait rapidement perdu le compte des godets ingurgités, ainsi que de pas mal d’autres choses. La chaude lumière du feu de joie, les chants, les danses, la moiteur des corps, le parfum des juments… Un nouveau frisson lui parcourut l’échine.

Une fois à la ferme, il monta directement jusqu’à sa chambre, où, supposait-il, avait eu lieu le crime. Supposait…

La vérité, c’est qu’il n’avait aucun souvenir clair de la fin de la soirée. Une jument l’avait-elle accompagné jusque dans son lit ? Les quelques bribes vagues et floues qui lui faisaient office de souvenirs semblaient le confirmer. Mais laquelle ? Impossible de s’en rappeler. Qui qu’elle fut, elle s’était éclipsée le lendemain avant qu’il ne se réveille. Et avec un méchant cadeau de sa part…

« La prochaine fois, j’espère que vous penserez à prendre vos précautions. »

Ça oui, il y penserait, et plutôt deux fois qu’une, à condition qu’il ne se soit pas pendu de honte avant.

Une fois dans sa chambre, il cacha son ordonnance au fond d’un tiroir puis entreprit d’examiner la pièce à la recherche d’indices. Hélas pour lui, ce fut à ce moment-là qu’Applejack décida de passer sa tête par l’embrasure de la porte.

- Alors, frérot, on évalue les dégâts ? lança-t-elle avec bonne humeur.

Big Mac crut qu’il venait d’être foudroyé. Raide comme une planche, il se retourna en tremblant. La jument au chapeau était appuyée contre le chambranle, un sourire taquin aux lèvres.

- Les… dégâts ?

Applejack sourit de plus belle.

- Je vous ai vus vous éclipser en douce, l’autre soir, fit-elle avec un clin d’œil. Mais ne t’inquiète pas, je ne dirai rien. Applebloom et Granny n’ont rien vu.

Big Mac poussa un demi-soupir de soulagement. Il s’apprêtait déjà à poser la question fatidique, mais il se rattrapa in extremis. Non, il ne pouvait pas demander ça ! Pour qui passerait-il ? Ce serait encore plus honteux !

Applejack, qui avait bien vu que le sujet mettait son frère mal à l’aise, n’insista pas. Avant de partir, elle lui adressa tout de même un dernier sourire.

- Elle en a de la chance, la veinarde !

Et elle ferma la porte derrière elle. A l’intérieur, Big Mac s’effondra sur le lit.

 

 

Il fallut une bonne heure à Big Mac pour trouver le courage de quitter sa chambre et s’aventurer hors de la ferme. Il avait fini par s’y résoudre : en tant qu’étalon, en tant que Apple, en tant même que sujet des princesses, il avait le devoir d’assumer ses responsabilité, aussi lourdes et humiliantes soient-elles. Il n’avait pas le choix : il devait retrouver cette jument mystère et lui faire les aveux auxquels elle avait droit. Son honneur en dépendait ; ou du moins ce qu’il en restait.

Il avait minutieusement passé en revue les quelques restes de souvenirs qui lui restaient et, après de longues et intenses cogitations, avait réussi à circoncire les rangs des suspectes à seulement trois juments. A présent, il n’avait pas d’autre choix que d’aller à leur rencontre, trouver un moyen de savoir laquelle était la bonne et avoir le courage de lui dire… Il en suait d’avance.

Il lui semblait que les regards de tous les poneys qu’il croisait sur le chemin du centre-ville étaient pointés vers lui, comme si tous savaient déjà. Mais ils ne pouvaient pas savoir, il n’avait rien dit à personne. Se pourrait-il que la fameuse jument soit déjà au courant et que, par vengeance, elle ait tout révélé ? Que se passerait-il si de tels bruits arrivaient aux oreilles de sa famille, de sa grand-mère, de sa petite sœur ? Dans un glacial éclair de pensée, il eut l’image de sa tête à la une de tous les journaux de la ville, barrée d’une banderole dénonçant ses crimes, puis de lui-même, nu et misérable, mis au pilori sur la place et bombardé de fruits pourris. Tous l’insultaient, le huaient, certains le frappaient, ils étaient sur lui, il ne voyait plus rien, il…

- Tout va bien, Big Macintosh ?

Big Mac cria lorsqu'un sabot lui toucha l’épaule et le tira de son horrible rêverie. Il reprit son souffle, avant de crier une deuxième fois en reconnaissant celle qui se tenait à côté de lui. Cheerilee cligna des yeux, surprise. Big Mac recula d’un pas. La première de ses trois cibles venait de le trouver. Cheerilee… Se pourrait-il que… Après tout, ils avaient déjà… A cause de cette potion, l’autre fois… Avait-elle réellement été séduite ? Et lui ?

- Je… hem… euh...

Cheerilee le fixait toujours, de plus en plus inquiète. Face au malaise évident de l’étalon, elle finit par sourire et par prendre elle-même la parole.

- Ce fut une délicieuse soirée, l’autre jour, à la ferme. Je suis ravie d’avoir pu t’y voir. Je regrette simplement de...

Big Mac tremblait de plus en plus. C’était elle, elle allait le dire… Il fallait qu’il lui avoue avant ! Mais les poneys autour les regardaient, ils les écoutaient, ils l’espionnaient, prêts à révéler ses crimes au reste du monde ! Il fallait qu’il disparaisse, il fallait qu’il s’en aille ! Dans un hennissement tremblant et paniqué, il partit au galop, des sanglots dans la gorge.

- … de ne pas avoir pu rester jusqu’à la fin, termina malgré tout Cheerilee, surprise, en voyant le grand étalon rouge détaler au loin.

 

 

Big Mac galopait droit devant lui, sans même regarder où il allait. Cheerilee était déjà hors de vue depuis longtemps, cependant vieux valait s’éloigner encore un peu. Du coin de l’œil, il aperçut une forme blanche passer tout près de lui, mais le poteau qu’il heurta de plein fouet une seconde plus tard l’empêcha d'investiguer davantage. Il rebondit en arrière et tomba sur le dos, à moitié sonné. Il entendit un bruit de sabot à côté de lui, puis la même forme blanche se pencha et dessus de sa tête.

- Oh, Big Mac, tu ne t’es pas fait mal ?

Big Mac n’arrivait pas à voir clairement qui lui parlait. Cette voix, cette couleur, cette silhouette... Dans un battement de cils, sa vue redevint nette et il bondit sur ses pattes, comme monté sur ressorts. La deuxième de ses cibles était devant lui. Rarity l’inspecta de bas en haut, un sourcil levé.

- Hem… est-ce que ça va, Big Mac ?

Un désagréable sourire crispé surgit sur les lèvres de l’étalon. Bien sûr que non, ça n’allait pas, mais comment le lui dire ? Cependant, Rarity se radoucit rapidement.

- Je voulais te parler, justement, fit-elle en s’approchant de lui. Sache que j’ai beaucoup apprécié la fête de cette année. Les Apple prennent toujours tellement soin de leurs invités…

Big Mac déglutit. Ça y était, c’était elle, il avait trouvé. Rarity fit un nouveau pas vers lui, un doux sourire aux lèvres. L’étalon rouge se mit à trembler.

- Il y a une chose en particulier que je voulais te dire, continua-t-elle. Je tiens à ce que tu saches que...

Big Mac avait l’impression que son cœur allait exploser dans sa poitrine. C’en était trop, il ne pouvait pas supporter de l’entendre. Dans un nouvel hennissement confus et paniqué, il partit au galop.

- … que je suis désolée d’avoir dû m’éclipser avant la fin, termina Rarity avant de le voir, étonnée, filer au loin en criant.

 

 

Big Mac n’avait pas couru très loin, cette fois. Une fois passé quelques maisons, il avait plongé dans une petit bosquet en bord de pré. Caché dans les buissons, il s’était roulé en boule, tremblottant, gorge serrée, au bord des larmes. Tout entier à son malheur, il n’entendit pas les petits pas qui s’approchaient de lui, ni la branche qui s’écarta doucement pour révéler ce qui se cachait au milieu des feuilles.

- Hem… Big Mac ?

L’étalon fit un bond d’au moins deux mètres au dessus du buisson. Lorsqu’il retomba sur ses pattes, il s’immobilisa, pétrifié. Sa troisième cible était venue elle-même le chercher. Fluttershy, penaude, croisa les pattes avant et cacha son visage derrière sa mèche.

- Hem… Je suis désolée de t’avoir fait peur, murmura-t-elle, le regard fuyant.

Big Mac était secoué par la panique. Non, par Célestia, pas elle ! Il ne pouvait pas lui avoir fait ça !

Fluttershy, toujours aussi timide, gratta le sol du sabot. Alors que le silence s’étirait, elle releva finalement le museau, un petit sourire aux lèvres.

- Tu sais, j’ai été très heureuse d’avoir dansé avec toi, l’autre jour à la fête. C’était vraiment agréable.

Big Mac était devenu blême. C’était elle, elle allait le lui dire. Ils avaient dansé, et puis ils… et puis ils…

- Mais je voulais te parler de ce qui s’est passé après, continua Fluttershy, tremblante elle aussi. Je…

Big Mac n’entendait plus rien. Il ne voyait plus rien. Il n’y avait plus que la voix de la panique dans sa tête qui lui criait de s’enfuir, de partir loin d’Equestria et de vivre le restant de ses jours au fond d’une grotte, seul pour l’éternité. Dans un énième hennissement étranglé, il partit au galop, sans même regarder dans quelle direction il allait.

- … je suis désolée d’avoir dû partir avant la fin, continua Fluttershy avant de le regarder, penaude et navrée, s’enfuir au loin en zigzaguant.

 

 

Plus tard, quelque part à l’orée de la forêt, une forme rouge et massive s’écroula en boule entre deux troncs d’arbre.

Big Mac n’avait plus le force de bouger le moindre muscle, ni de penser à quoi que ce fut. La seule pensée qui flottaient encore dans son esprit, c’était qu’il ne saurait jamais qui était cette fameuse jument, et que son propre honneur était souillé à jamais. Il était condamné à vivre dans l’ignorance et la honte. Cette honte qui l’écrasait… mais aussi la faim, à présent. Il tenta de l’ignorer et de rester sans bouger, mais il ne put bientôt plus résister aux gargouillements de son estomac et il finit par se remettre debout et prendre le chemin de la ferme. Après tout, son ordonnance l’attendait toujours, cachée au fond de son tiroir. Et il avait aussi un tonneau de cidre à réserver, se rappela-t-il en grinçant des dents.

 

***

 

Le silence s’était fait dans le cabinet ; un silence épais, pesant, presque palpable. Le praticien, tranquillement installé derrière son bureau, observait d’un air impassible la jument debout devant lui. Les premières gouttes de sueur perlaient sur le pelage beige qui couvrait le front de la ponette, sous les crins gris de sa crinière.

- Vous… vous êtes sûr ? demanda-t-elle d’une voix étranglée.

- Certain, répondit calmement le médecin. Vu votre état et les symptômes que vous m’avez décrits, il n’y a aucun doute.

Les pattes flageolantes de la jument faillirent le lâcher.

- Mais… comment ?

- Ça ne s’attrape que d’une seule manière, Mme la Maire.

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Acylius
Acylius : #46273
@Luiwen :
Faute d'inattention. C'est corrigé.
Il y a 10 mois · Répondre
Luiwen
Luiwen : #46270
En tout cas cette fiction prouve bien une chose. Même si la profession de mèdecin est considérée comme très sérieuse, certaines situations de leur carrière doivent bien leur faire fendre la gueule.

"Big Mac était secoué par la panique. Non, par Célestia, pas elle ! Il ne pouvait pas lui avait fait ça !"
Ouille! Remplace-moi ce "avait" par "avoir" s'il-te-plait. C'est vraiment moche.
Modifié · Il y a 10 mois · Répondre

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