À peine le clairon brise-t-il le silence du matin que tu es déjà levé, tes sabots arrangeant machinalement la couverture de ton lit trop dur. Tes membres s’activent tout seuls, suivant la routine des gestes répétés pendant des années de service. En regardant autour de toi, tu remarques que les autres aussi sont debout.
Tu rigoles doucement en lissant ton oreiller, te demandant s’ils sont aussi disciplinés par crainte d’une visite surprise des officiers ou par respect des Commandements. Vu comment s’est passée la dernière inspection, tu penches plutôt pour la première option.
Tu fais partie des premiers à partir vers les douches. Sur le chemin, tu surprends plusieurs bâillements et ronchonnements. La vie de garde réussit mieux à certains qu’à d’autres.
Quinzième Commandement : La ponctualité et l’assiduité sont des impératifs de la Garde Royale. Tout retard ou absence non justifié sera sévèrement réprimandé.
***
Après une douche et un petit-déjeuner rapides, tu retournes à la baraque pour te préparer. L’atmosphère est électrique ; tu le perçois dans les démarches un peu plus vives de certains de tes camarades, et même toi tu es légèrement excité.
Aujourd’hui, tu fais quelque chose : au lieu de t’entraîner ou de jouer à la statue durant des heures devant un quelconque établissement public, tu accompagneras les trois princesses dans les rues de Canterlot. Tu ne sais plus trop en l’honneur de quoi le cortège est organisé, mais tu t’en fiches un peu. Le changement de routine suffit amplement à éclairer ta journée.
Arrivé dans ta chambre, tu décroches ton armure de son portant situé aux côtés de ton lit et entreprends de la lustrer avec un peu plus de soin que d’habitude. Après tout, aujourd’hui, tu sors.
Dixième Commandement : En armure et en public, la Garde Royale représente officiellement Ses Majestés Celestia et Luna. Par conséquent, tout garde en service a pour obligation de maintenir une apparence et un comportement irréprochables. En particulier, les vives manifestations d’émotion sont proscrites.
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La réunion d’information est brève. Aucun garde de l’escorte n’est un bleu et les rôles sont assignés rapidement. Le Lieutenant vous rappelle le Premier Commandement, bien que ce soit parfaitement inutile. Depuis le début de ta carrière, tu ne l’as pas une fois oublié.
La procession part du château, mais pas avant plusieurs heures. En attendant, ton groupe décide d’un commun accord d’aller boire un verre. Sans alcool, bien sûr. La petite troupe d’étalons –et une jument- en armure ne manque pas d’attirer les regards, mais tu y es depuis longtemps habitué.
Un cri vous fait tous tourner la tête. Devant la porte d’un magasin, une jument à l’air complètement paniquée balbutie des propos incohérents, un sabot tendu dans la direction d’une silhouette s’enfuyant en courant.
Sans un mot, la jument de votre groupe croise vos regards, les yeux inquisiteurs. Vous hochez rapidement la tête et, satisfaite de votre approbation silencieuse, elle déploie ses ailes d’albâtre et s’élance à la poursuite de l’individu.
Septième Commandement : La Garde Royale est garante de la loi équestrienne. Tout garde est tenu, autant que faire se peut, de la respecter et de la faire respecter.
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Le cortège s’est enfin mis en marche. Même si c’est loin d’être la première fois que tu les vois, tu ne peux t’empêcher d’être émerveillé par la prestance naturelle que dégagent les Deux Sœurs, et ton cœur s’emballe un peu quand elles te saluent tour à tour. À côté d’elles, Princesse Twilight a l’air d’une enfant dans la cour des grands. Évidemment, cela ne t’empêche pas de la traiter avec la même déférence.
Les princesses se sont installées dans le chariot de cérémonie, Twilight en avant. Le cortège doit être en son honneur, ou alors Celestia a voulu mettre en valeur son ancienne élève. Encore. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à toi de décider, ni de juger.
Le chariot est tiré par deux gardes ailés tandis que tu marches à droite du convoi, avec quelques pas d’avance. Plus loin devant toi, un pégase et une licorne ouvrent la marche et repoussent les curieux trop proches qui débordent sur la voie. Sans les voir, tu sais que la soldate qui a appréhendé le voleur à la tire un peu plus tôt dans la journée garde le flanc du véhicule et que, symétriquement, deux poneys se tiennent du côté gauche.
La procession se déroule paisiblement. Tout le long du chemin, les habitants acclament leurs souveraines, certains jetant même des fleurs accueillies par des sourires. Avec trois alicornes à moins de dix mètres, personne ne fait attention à toi, et cela te convient tout à fait. En gardant l’air stoïque signature de la Garde, tu te focalises sur l’itinéraire prévu en scannant machinalement la foule, toujours aux aguets.
Devant toi, des pleurs te font dresser les oreilles. À quelques pas, une pouliche en larmes se débat contre sa mère qui tente vainement de la calmer. Tu comprends la situation en apercevant le lapin en peluche en plein milieu de la route, bien au-delà du cordon de sécurité établi. Arrivé à son niveau, tu ramasses prestement le doudou et le tends à sa légitime propriétaire qui passe instantanément de la plus profonde tristesse à la joie la plus intense. Tu réponds aux remerciements de la mère par un simple hochement de tête avant de rejoindre à la hâte ton poste.
Troisième Commandement : La Garde Royale est au service de la population civile. Son bien-être et sa sécurité sont une priorité pour tout garde.
Il fait bon. Juste assez chaud pour que le fait de porter une armure ne soit pas inconfortable. Une légère bise se promène et joue dans le plumeau de ton casque. Le soleil haut dans le ciel illumine copieusement la matinée, sans aucun nuage pour opposition. C’est son reflet près d’une fenêtre de la rue qui t’alerte.
L’avant-garde s’est immobilisée, ayant sûrement remarqué la même chose que toi. En un instant, le convoi s’arrête et la tension monte d’un cran. Tu plisses les yeux et vois distinctement l’archer décocher.
Instinctivement, tu tournes la tête vers le chariot où les trois princesses se regardent, intriguées. En un éclair, la pégase en armure bondit sur Princesse Twilight et la force à se coucher une fraction de seconde avant que la flèche ne l’atteigne. Le trait les manque de peu et égratigne l’oreille de la soldate. Tu ne peux qu’assister impuissant à la suite des évènements.
Un court couinement se fait entendre et la pouliche au lapin s’effondre, la poitrine transpercée. Alors que les civils amassés sur les pavés n’ont pas encore réalisé ce qui se passe, la Garde s’est déjà mise en mouvement : les deux étalons qui tiraient le chariot se sont détachés et volètent à quelques mètres du sol, à l’affût de la moindre menace ; le pégase de tête s’est déjà élancé vers la fenêtre, suivi au sol de la licorne qui écarte sans ménagement les poneys agglutinés ; la seule jument de l’escorte s’est relevée et, s’assurant d’un coup d’œil que l’alicorne violette n’a rien, s’envole vers l’enfant blessée ; et toi, tu recules doucement vers les princesses, examinant attentivement chaque individu, recherchant la moindre trace d’intention hostile dans les regards.
Seulement après t’être assuré que la probabilité d’une autre attaque est minime, tu t’autorises à te retourner. Sur le chariot, Luna secoue doucement une Twilight complètement hébétée tandis que Celestia est descendue et marche vers la pégase. Cette dernière a délicatement ramassé la pouliche et l’a enveloppé dans ses ailes pour l’isoler de la foule, qui a enfin compris que quelque chose d’anormal se produisait.
Celestia adresse quelques mots à la soldate parmi lesquels tu ne saisis que « hôpital ». La pégase fronce les sourcils et semble protester, mais la régente du soleil la coupe sèchement. Aussitôt, la jument se tait, salue hâtivement et s’envole, la gamine blottie dans ses pattes. Sa mère la suit au galop.
Deuxième Commandement : La Garde Royale répond ultimement à Ses Majestés Celestia et Luna. Tout ordre direct venant de Sa Majesté Celestia et/ou Sa Majesté Luna prévaut sur tous les autres. Il ne peut être refusé sous aucun prétexte, sauf si :
-le garde le recevant est persuadé en son âme et conscience que Sa Majesté Celestia et/ou Luna ayant donné l’ordre n’est pas dans un état mental permettant des décisions sensées, et est prêt à le jurer sur l’honneur après l’action en cours ;
-l’ordre rentre en contradiction avec le Premier Commandement.
Un bruit de verre brisé te fait faire volte-face. Au bord de la route, sous la fenêtre d’où a été tirée la flèche, le garde pégase peine à maintenir au sol un étalon qui se débat furieusement. Son compagnon licorne intervient alors et plaque l’archer sur la pierre par sa magie.
Animé d’un terrible pressentiment, tu jettes un regard vers Celestia. Ses yeux, auparavant voilés d’inquiétude, sont fixés sur la peluche gisant dans une mare de sang, seul vestige de l’enfant et du poney qui la transporte, déjà pas plus gros qu’un point diminuant au loin. Lentement, elle tourne la tête vers la lutte qui a lieu sur le trottoir où un cercle vide s’est formé spontanément. Son visage est dénué de toute expression.
Oh non.
Tu te précipites vers le tumulte, avec plus de difficultés que d’habitude à garder une expression neutre. Le poney au sol paraît délirer et braille des propos incohérents. D’un coup de sabot à la tempe, le pégase l’assomme proprement, mettant fin à ses discours illuminés et à sa farouche résistance. Les deux gardes laissent échapper un minuscule soupir de soulagement et leurs épaules se détendent imperceptiblement. Ils croisent ton regard et te signalent d’un hochement de tête que la situation est maîtrisée avant d’écarquiller les yeux d’horreur.
« Écarte-toi. »
Même sans la voix qui semble résonner dans ton crâne, même sans l’élévation brutale de la température qui rend ton armure peu à peu brûlante, tu saurais sans problème qui se tient derrière toi. C’est le pire cauchemar d’un garde, la situation plus qu’exceptionnelle redoutée par tous les soldats, quel que soit leur grade.
L’application du Premier Commandement.
Millimètre par millimètre, tu pivotes pour faire face à la vue la plus effrayante de ta vie. Celestia marche vers toi, un pas après l’autre, les traits complètement calmes. Sa crinière, d’habitude aux nuances douces et colorées, est désormais d’un bleu ardent et s’élève en volutes autour d’elle. Chaque impact de ses sabots sur le sol laisse une trace noire sur le pavé. Chaque foulée qui la rapproche rend plus insupportable encore la fournaise qu’elle génère.
Tu as depuis longtemps arrêté d’essayer de cacher ta terreur. Tu trembles comme une feuille, incapable de te détacher de cette vision de l’enfer. La peur, la vraie, a déjà envahi ton cerveau, a pris possession de ton cœur et te tord impossiblement les boyaux. Tous tes neurones te crient de t’en aller loin, très loin d’ici et tes pattes semblent d’accord. Seule une chose te maintient en place, par le plus gros effort de volonté que tu n’aies jamais fait, fruit de la discipline acquise pendant tes longues années de carrière.
Celestia se répète : « Écarte-toi. »
Elle n’est plus qu’à quelques mètres maintenant, et tu sais que ta prochaine décision sera peut-être la dernière. La terreur pure que tu ressens fige tes pensées.
Courir.
Rester.
Mourir.
Même en gardant les yeux rivés sur la princesse, tu sens le regard de tous les gardes sur toi. Ils savent ce que tu dois faire et prient silencieusement pour que tu le fasses. Toi aussi, tu sais ce que tu dois faire.
Si tu peux compter le nombre de fois où tu as réellement craint pour ta vie, c’est la première fois que tu la mets aussi ostensiblement en danger. Au fond, un garde est entraîné dans le but de cette seule mission ; cependant, en être conscient ne rend en rien les choses plus faciles. Mais tu le feras, pour eux, pour elle, pour toi. Parce que tu en as fait le serment il y a si longtemps, lorsque tu as rejoint la Garde. Parce que tout ton service et ton grade ne valent rien si tu faillis à la tâche la plus sacrée d’un garde royal.
C’est presque serein que tu prends une grande inspiration et fixes Celestia droit dans les yeux. Dans un coin lointain, très lointain de ton esprit, tu remarques que la rue est complètement silencieuse. Tes mots résonnent dans la matinée ensoleillée comme un clairon.
« Sauf votre respect, non. »
Premier Commandement : Ce Commandement a préséance sur tous les autres et doit être respecté en tout temps, en tout lieu. Aucune exception n’est tolérée.
La Garde Royale a pour devoir absolu de protéger les citoyens d’Equestria de Ses Majestés Celestia ou Luna. Dès que Sa Majesté Celestia et/ou Sa Majesté Luna représente une menace pour un ou plusieurs individus de la population, tout garde doit, au péril de sa vie si nécessaire, tout mettre en œuvre pour soit la/les arrêter, soit assurer la sécurité de la population civile.
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En outre ça soulève une idée intéressante : si Celestia a participée a la rédaction du code de la garde royale, le premier commandement est complètement justifié par les crainte de la régente solaire de sombrer au même titre que sa soeur. Ce qui peu en partie justifié ce millénaire sans Célestia démoniaque. Et j'aime Beaucoup ^^.
Et le fait que l'on ne sache rien sur le protagoniste principale fait que l'on se sent complètement impliqué sans pour autant déshumaniser la garde royale grace à de petit détail au niveau du comportement.
J'aimerais sincèrement que ce code soit appliqué dans une fiction plus ambitieuse ^^
L'utilisation de la deuxième personne du singulier est très amené, et me suis même senti impliqué par toutes les décisions que ce personnage prend. Un sentiment très souvent dû a une narration irréprochable.
J'aime bien le suspense installé autour de ce Premier Commandement, mais je déplore qu'il soit arrivé si tôt. Comme toujours, j'aurai aimé voir et sentir plus sur la Garde Royale (que veux-tu, j'aime la longueur).
Mais ça reste néanmoins un excellent One Shot. Je ne peux que te féliciter d'avoir ainsi retranscrit l'univers autour de cette garde dont on ne sait pas grand chose, et je ne peux que t'encourager à continuer d'écrire :)
J'aime beaucoup la garde en général et les histoires concernant les soldats d'Equestreia ont toujours tendance à me plaire. J'ai bien aimé moi aussi l'emploi de deuxième personne, cela correspond parfaitement au type de personnage et à l trame de l'histoire. Bonne idée également que ces commandements. Alors certes, c'est vrai qu'après le second, on commence à avoir une bonne idée de ce que sera le premier, mais bon, c'est pas bien grave. Mieux vaut l'avoir à ce niveau qu'au début de l'histoire ^^ Pour la réaction de Célestia, c'est vrai qu'elle part un peu facilement en vrille. Néanmoins, ce ne doit pas être facile, sur un one-shot de cette taille, de trouver un prétexte montrant l'une des princesse forçant un garde à appliquer le Premier Commandemment. Personnellement, ça ne me dérange pas vraiment, le propos étant avant tout de présenter les devoirs de la garde royale et pas de montrer Célestia péter les plombs. J'ai beaucoup aimé aussi la description du ressenti du garde à la fin face à sa souveraine, c'est vraiment bien fait.
Enfin bref, un bon petit one-shot comme je les aimes ! ^^
J'aurais imaginé quelque chose de plus "sacro-sainte" qui justifie le mutisme permanent des gardes.
L'utilisation de la deuxieme personne pour un garde et un choix très judicieux, car il présente comme perso principal un protagoniste qui n’extériorise pas ses sentiments/émotions et qui sont donc peu décrits. On a bien là quelques info, mais c'est tout (sauf pour la fin, ce qui est normal). Et c'est donc à nous, lecteurs directement attachés à ce personnage, de les ressentir.
Pour ce qui est de la fin, difficile à dire. D'un côté, on a la frustration de ne pas connaître le sort de notre garde, et d'un autre, on a cette tension de fin qui embellit le tout. C'est un peu contradictoire, je conçois, mais voilà.
La seul chose que je pourrais reprocher à cette fic reste sa fin. Le suspense sur le premier commandement à beau être très bien fichu, sa révélation sous forme de fin ouverte ne fonctionne pas chez moi. Si on passe le fait qu'une opposition semble envisageable dès le deuxième commandement, cassant de ce fait une part de la surprise, celui-ci nous révèle juste que les princesses peuvent partir en mode berserk. Ce serait très intéressant si l'histoire se poursuivait, mais ce n'est pas le cas.
J'espère être parvenu à te faire comprendre mon ressenti sur cette fic qui reste malgré tout très bonne, et je te souhaite de tout cœur un agréable séjour sur ce site.
P.S : Ta couverture ressemble beaucoup à celle d'une autre fic ("étincelle de vie") Fais ce que tu veux de cette info ;-)