Les rues sont si belles la nuit… c’est la réflexion que se faisait l’enquêtrice spéciale Applebloom alors qu’elle était au volant d’une voiture de police filant sur les routes pavées de la ville millénaire de Canterlot. Les lumières de l’éclairage public semblaient presque former un chemin lumineux à la vitesse à laquelle elle se déplaçait et le ciel nocturne avait ce bleu si familier, cette teinte presque terne, masquant l’existence des étoiles et révélant la silhouette d’épais nuages d’un bleu plus sombre.
Tout dans Canterlot lui donnait cette impression de familiarité… C’était étrange mais réconfortant. Elle ne s’expliquait pas pourquoi mais depuis trois ans maintenant tout lui semblait plus intense. Les couleurs qu’elle distinguait étaient plus vives et ce qu’elle ne faisait que remarquer en passant était maintenant une part intégrale de cette ambiance quasi-onirique. Et… les pensées de la jeune femme furent interrompues par le bruit guttural d’un vomissement dans un sac en plastique…
“Est-ce que tu pourrais rouler moins vite, AB ?” dit l’enquêtrice spéciale Sweetie Belle assise sur le siège passager, sa belle chevelure en bataille, tête la première dans un sac en plastique qu’elle avait dû piquer dans la boîte à gants.
“Je pourrais… mais tu sais très bien que tu n’aimes pas être en retard lorsque l’on nous convoque sur une scène, hein Sweetie ?” répondit-elle avec un petit sourire moqueur. “La ponctualité est une vertu cruciale.” singea-t-elle avec un petit rire en direction de son amie qui était dans un piteux état.
“Putain AB, tout ça parce que je t’ai pas laissé finir ta piquette… Sale gosse.” dit-elle, le nez froncé par l’odeur âcre se dégageant du sac. “Tu te rends compte que tu te comportes comme une gamine ?” se permit-elle d’ajouter avec un oeil vert sévère dans sa direction.
“Oui, totalement, mais regarde comme le temps passe ! Il ne faut pas être en retard !” répondit la conductrice à la belle chevelure rousse en accélérant soudainement, un sourire sadique sur le visage.
“AB ! Espèce de…” commença Sweetie Belle avant de continuer à confier ses suppliques à son seul ami le sac plastique.
La voiture continua sa course effrénée vers un des plus grands immeubles de la ville, le siège social de l’entreprise TimeOut…
***
Au pied de la gigantesque tour de verre et d’acier ornée d’une immense horloge dorée, un groupe d’officiers de police en uniforme montait la garde, des voitures de police ainsi que des grandes bandes jaunes indiquant une scène de crime faisaient barrage. Les rues voisines avaient été barrées par le chef de la police canterlotienne qui s’était déplacé sur les lieux de… l’incident. Grand et large d’épaules, le commandant de police Sunder était le genre d’homme qui avait cette faculté innée d’être écouté quand il parlait et ses yeux gris honnêtes donnaient une impression de bienveillance qu’il était rare de retrouver dans les forces de l’ordre des autres villes.
Semblant presque serré dans son uniforme bleu marine, Sunder était en train de ruminer le rapport qu’avaient fait ses hommes. Les incidents magiques devenaient de plus en plus incontrôlables et semblaient frapper de manière aléatoire le pays entier. Il n’y avait aucune sorte de cohérence et cela le frustrait. Parfois, la magie avait des effets plus ou moins inoffensifs comme faire pousser un palmier en plein milieu d’une route ou encore de provoquer une crise de rire sur toute une ville pendant quelques minutes. Cependant… elle pouvait également être la cause de choses bien plus graves comme c’était le cas aujourd’hui.
Tout ce que Sunder savait sur ce mic-mac magique c’était que depuis le passage de la comète Daescordia, il y a une dizaine d’années, les problèmes étaient devenus comme des champignons poussant absolument partout. Il avait d’ailleurs créé à la demande du ministère de l'Intérieur une cellule d’investigation spéciale constituée de volontaires et des meilleurs éléments des forces de police…
Cela avait tourné au drame.
Depuis cette terrible affaire, il y a trois ans, la cellule avait presque été détruite et une rumeur circulait comme quoi les survivants étaient maudits voire que toute la cellule était maudite. Comment leur en vouloir ? Trente morts et plusieurs officiers de police qui auraient sans doute préféré l’être...
Le vent froid et le bruit d’un moteur de voiture le sortit de ses pensées moroses. Il se retourna pour voir sortir de la voiture les enquêtrices spéciales Applebloom et Sweetie Belle. La première était souriante, portant une queue de cheval pas très réglementaire mais c’était un beau petit brin de femme malgré sa fâcheuse habitude pour l’indiscipline. Celle-ci avait l’air de se masser le bras comme s’il était douloureux, étrange… La seconde était aux antipodes de son homologue, impeccablement coiffée avec ce charme tout féminin qui était le sien n’ayant pour tout bijou qu’un anneau noir à l’index droit. Sérieuse, confiante en ses capacités et très efficace, elle était l’archétype de l’officier de police idéal. Elle semblait se nettoyer le coin des lèvres avec un mouchoir que lui avait tendu Applebloom.
“Eh bien, vous n’avez pas traîné mesdemoiselles !” commença le quinquagénaire avec un petit sourire alors qu’elles arrivaient à sa hauteur.
“Courtoisie de l’officier Applebloom.” répondit Sweetie avec un mince sourire que Sunder n’arrivait pas à analyser. “Quelle est la situation, commandant Sunder ? Cela faisait longtemps que vous n’aviez pas convoqué personnellement la division magique.”
“Dix contre un qu’un gros bonnet s’est fait descendre.” dit Applebloom du tac-o-tac en observant la tour au bon goût discutable. “Sinon, Sundy ne nous aurait jamais appelé et ne serait très certainement pas sur place. D’ailleurs, puisqu’on en est à parler de trucs qui n’arrivent jamais, quand est-ce que tu penses m’offrir une voiture de fonction ? Nan parce que devoir négocier avec la crim’ à chaque fois, ça fait moyen.” ajouta-t-elle avec nonchalance.
“Une autre fois, officier, la situation demande votre attention toute particulière.” répondit Sunder avec le sérieux qui lui était propre. “La secrétaire de Mr Richard Filthon, PDG de TimeOut a trouvé son patron mort, assassiné, dans son bureau à dix-sept heures trente aujourd’hui et…”
“Bingo, le PDG ! Sweetie, tu me dois vingt balles.” interrompit soudainement Applebloom.
“Eh merde !” dit l’habituellement sérieuse Sweetie Belle avant de tendre un billet de vingt dollars à une Applebloom qui ne dissimulait pas sa joie.
“Officiers, un peu de sérieux s’il vous plaît !” cria Sunder, supportant mal leur attitude dans la situation présente. “Il s’agit d’une affaire de meurtre au premier degré, pas d’une kermesse !”
“Toutes mes excuses, commandant Sunder. Cependant, c’est le travail de la criminelle que de se charger des meurtres. Qu’est-ce qui vous laisse penser qu’il s’agit d’un incident magique ?” se permit de demander une Sweetie Belle qui avait repris contenance et perdu vingt dollars.
“Plusieurs choses.” reprit-il visiblement plus calme. “Le meurtre a été incroyablement sauvage et violent, au delà de ce qu’une personne normale aurait pu causer, les circonstances de la mort semblent étranges et le tueur a été appréhendé sur les lieux du crime, couvert de sang et dans un état… second.” dit-il en crachant presque ce dernier mot. “Ce que vous devez comprendre c’est que la mort de Mr Filthon n’est pas une chose à prendre à la légère. Il avait des amis puissants dans le monde politique et financier et je suis poussé au cul pour régler cette affaire dans les plus brefs délais… Je ne dors déjà pas beaucoup mais avec sa mort, je me nique la santé et cette affaire sordide me dépasse...”
Il fit une pause alors que les officiers l’écoutaient attentivement se massant les paupières doucement. Ses traits étaient tirés et malgré sa corpulence, sa musculature… Il semblait fatigué, épuisé. Sunder avait toujours été le genre de personne qui voulait faire les choses correctement… Elles comprenaient donc que leur présence n'était pas du fait de ces mystérieuses personnes qui jouaient des relations dans l’ombre. De plus, les incidents magiques étaient des phénomènes qui étaient difficiles à appréhender surtout pour des personnes comme Sunder, très cartésien dans l’âme.
“Vous pensez que le suspect pourrait être innocent ?” demanda Sweetie qui comprenait à demi-mot son supérieur.
“Innocent ? Certainement pas, il était couvert de sang de la tête aux pieds et il a avoué le crime… mais je pense que la magie est à l’oeuvre. Enfin, vous êtes là pour le confirmer. Faites votre boulot. Le bureau du président est au dernier étage, les gars de la police scientifique doivent avoir terminé leur travail. Allez-y et… faites sens de tout ce merdier.” termina-t-il.
“Compris, Sundy. Tu peux dormir tranquille, on va te la boucler cette affaire et comme ça tu me fileras cette voiture de fonction. En dix ans de service, il serait temps.”
Sunder se mit à sourire naturellement alors que les deux officiers se dirigeaient vers la scène de crime à proprement parler, au sommet de la tour qui semblait se lancer à l’assaut du ciel et des nuages bleu nuit…
***
Dernier étage de la tour. Un long couloir au sol recouvert d’une moquette vert sombre et aux murs couverts de tableaux des succès de l’entreprise : modèles de montre, photographies de partenariat. Le genre de couloir qui criait “Gloire à TimeOut” et qui donnait visiblement le ton quant à la personne au sommet. Applebloom jetait un oeil distrait aux environs et tout ce qu’elle voyait l’irritait profondément. Tout puait le fric, la glorification du patron et de l’entreprise et cela donnait de l’urticaire à l’enquêtrice qui venait d’un milieu bien moins reluisant et sans aucun doute plus humain selon elle.
Bien que Sweetie Belle ne le montrait pas, les gens qui la connaissaient, comme Applebloom, pouvaient remarquer au froncement subtil de son nez que le lieu ne lui plaisait pas non plus. Elle avait toujours été la plus posée du trio… ou du duo en l’occurrence. Cependant, n’importe qui connaissant la jeune femme à l’allure stricte savait à quel point elle pouvait faire preuve d’autant de passion que de retenue et c’était dans ce contraste que résidait sa force. La force qui lui avait permis de tenir après l’affaire d’il y a trois ans où tant de personnes avaient trouvé la mort… C’était une journée qu’aucune des deux enquêtrices ne pourrait oublier et qui hantait encore par moment le regard orangé d’Applebloom.
Quelques gars de la division criminelle les attendaient devant la porte de bois massive qui constituait l’entrée au bureau de Mr Richard Filthon. Ils échangèrent quelques mots avec les enquêtrices, procédant au contrôle de leurs plaques par pur respect du protocole avant de leur ouvrir la porte d’une main gantée. C’est en entrant dans la vaste pièce qu’elles constatèrent à quel point Sunder avait été en deçà de la vérité : la pièce était saccagée, les meubles retournés, du sang avait giclé du sol au plafond jusqu’à recouvrir la gigantesque fenêtre qui donnait une vue imprenable sur l’entièreté de Canterlot. On aurait dit que la pièce venait d’être frappée par une tempête, même le bureau en bois laqué qui pesait son poids avait fini écrasé contre un mur. Le corps avait été allongé dans un coin de la pièce conformément à la procédure lorsque la division “magique” était de la partie. Plus loin, vers le centre de la pièce, se trouvait une marque faite au scotch pour indiquer la position du corps lors du crime et… la forme ressemblait plus à ce à quoi ressemblerait un pantin désarticulé plutôt qu’un être humain et à cet endroit le sang avait imbibé la moquette verte, la rendant marron… Pour le reste, les tableaux et autres plantes en pot étaient brisés. C’était le chaos.
Cependant, ce n’était pas tout ce que les yeux brillants d’Applebloom voyaient.
“Alors, AB ?” demanda Sweetie alors qu’elle était en train de mettre des gants chirurgicaux par principe. “Que voient tes yeux d’elfe ?” ajouta-t-elle pour essayer de plaisanter, l’ambiance pesante et désagréable du lieu ne l’ayant toujours pas quittée.
“C’est un putain de vivarium.” répondit-elle fixant des points de la pièce qui apparaissaient comme vides pour son amie. “On est dans la bonne centaine au bas mot. J’avais jamais vu ça avant.” ajouta-t-elle avec une surprise peu coutumière chez elle.
En effet, devant elle une myriade de papillons dorés semblaient voleter dans la pièce tandis que d’autres étaient simplement posés sur les meubles et le sol. C’était un spectacle saisissant pour l’enquêtrice et ce malgré le fait qu’elle possède ce pouvoir depuis maintenant trois ans. Les papillons de Poussière, car c’est comme ça qu’avait décidé de les appeler AB en raison de leur habitude de laisser tomber une sorte de poudre brillante derrière eux à chaque battement d’ailes, étaient des créatures qui se rassemblaient près des lieux saturés en magie. On ne savait pas s’ils faisaient quoi que ce soit si ce n’est juste s’en rapprocher comme des insectes de la lumière que les gens normaux ne les voyaient pas et ne pouvaient même pas interagir avec, les traversant comme s’ils s'agissaient de fantômes ou de poussière dans l’air.
D’habitude, ces petits êtres se voyaient rarement par groupe de plus d’une petite dizaine d’individus autour des zones d’incident magique mais là… La peau bronzée d’Applebloom se mit à pâlir à vue d’oeil. Une telle quantité de magie… C’était comme…
“AB ! Calme toi.” dit froidement Sweetie Belle sans même se retourner alors qu’elle avait commencé à regarder le corps de la victime. “Si ce que tu dis est vrai alors ça veut dire que nous allons avoir besoin de revoir le meurtre en détail. J’ai besoin que tu te concentres.”
“Bien sûr…” répondit Applebloom sans conviction. “Ta sale habitude est toujours là…” ajouta-t-elle avec un regard de reproche en notant son absence d’empathie.
“Et tu sais très bien que je ne peux rien y faire. Donc, cesse de faire l’enfant et ressaisis-toi.” répondit son amie sur le même ton alors qu’elle se saisissait de la main aux doigts sectionnés de l’ancien PDG. “Torturé… On est au delà du crime passionnel.”
Le corps du PDG était méconnaissable de l’homme d’affaires souriant qu’on pouvait apercevoir sur les photos. En lieu et place d’un sexagénaire aux cheveux argentés, aux yeux pétillants de malice et au sourire arrogant se trouvait un cadavre froid, au visage déchiré par des lacérations semblables à des griffures qui relevaient plus de l’animal que de l’homme… Le bilan n’était pas glorieux : os brisés, corps mutilé, bras droit arraché, crâne enfoncé, nombreux hématomes sur les bras et les jambes… Le crime était d’une violence rare et certaines blessures semblaient avoir été infligées post-mortem mais seul le rapport d’autopsie pourrait en attester… ou Applebloom.
“Comment fais-tu pour tripoter des cadavres avec cet air de t’en foutre complètement ?” demanda AB moins pour entendre une réponse qu’elle connaissait déjà que l’aider à penser à autre chose.
“Facile. Je les vois comme de la viande froide et pas comme des gens morts. C’est un peu comme regarder une côte de boeuf.” dit-elle d’une voix sibylline. “Bon. Peux-tu me montrer ce qui s’est passé ici ? Il faut déterminer en quoi la magie a joué un rôle...”
“Donc, toi, ça te suffit pas que le mec soit devenu une pièce d’art contemporain ? T’es sûre que t’as pas une curiosité morbide ?” se plaignit Applebloom.
“Exactement. C’est pour avoir des références quand je m’occuperai de toi si jamais tu me refais recracher mon déjeuner dans ta voiture de l’enfer.” répondit-elle avec un ton qui se voulait plus chaleureux qu’auparavant.
“Oh, madame fait dans la menace ?” se mit à rire Applebloom. “A vos ordres, mon colonel, commençons.” finit-elle par dire alors qu’elle tendait son index en avant, invitant un des papillons à s’y déposer, son regard fixant celui qui semblait être le plus gros.
Le papillon de Poussière monarque vint gentiment voleter vers le doigt tendu et lorsqu’il effleura la peau de l’enquêtrice, ses iris orangées se mirent à luire intensément et l’intégralité des papillons s’agitèrent et tournoyèrent autour d’Applebloom tant et si bien qu’elle se mit à étinceler, briller… aveugler. Sweetie Belle fut contrainte de détourner le regard et l’instant d’après, elle se trouvait… ailleurs. C’était toujours le même bureau au bon goût discutable mais tout était parfaitement rangé et le sang et le cadavre avaient disparu. Richard Filthon était assis dans son grand fauteuil de cuir noir, un sourire irritant sur le visage… Le temps semblait figé pour le moment, comme si elles étaient dans une photographie grandeur nature. C’était toujours étonnant d’assister au pouvoir de vision temporelle d’Applebloom… surtout lorsqu’on voyait ce qui lui arrivait. Son corps avait perdu tous ses traits, elle n’était qu’une vague silhouette humanoïde d’un blanc scintillant aux larges ailes de papillons monarques. Tout ce qu’il y avait de distinctif étaient les deux yeux sombres qui ornaient son visage de marbre blanc. Elle n’avait plus rien d’humaine mais Sweetie Belle ne ressentait rien pour son amie alors qu’elle savait qu’elle aurait dû et cela l’irritait.
La silhouette ailée bougea simplement un doigt et le temps se mit à aller plus vite, la course du soleil se fit plus rapide, les aiguilles des horloges s’affolaient et le futur cadavre se mettait à bouger à la vitesse de l’éclair, répondant au téléphone et pianotant parfois sur son ordinateur. Les yeux de Sweetie Belle suivaient cependant tous les mouvements de la scène sans problème, c’était presque lent pour elle maintenant qu’elle se concentrait.
Quand l’horloge indiqua 16h50 un homme d’une petite trentaine d’années pénétra dans le bureau, petit, maigre, cheveux courts et filasses, des lunettes avec des verres épais, c’était typiquement le genre de petit employé commun et sans importance et le contraste entre les deux hommes était assez impressionnant. Là où Richard semblait être une force de la nature avec un sourire arrogant malgré son âge avancé, l’employé semblait plus le genre à s’excuser à tout bout de champ et se faire utiliser. Un badge d’employé pendait à son pantalon de jean : “Clark Weight”. Une caricature vivante digne des meilleurs films de série B. C’était d’autant plus surprenant que selon toute vraisemblance, il s’agissait du tueur.
Le temps filait toujours à toute allure, Applebloom étant confiante en la capacité surhumaine de Sweetie Belle à analyser la scène de crime. Le petit employé semblait avoir du mal à regarder le président dans les yeux qui était assis dans son grand fauteuil, un énorme sourire faux sur le visage. Visiblement, le rendez-vous ne s’annonçait pas plaisant.
“Bonjour, Mr Filthon…” commença t-il avec une voix faiblarde.
“Ah, mais c’est mon p’tit Clark. Que me vaut ta visite à une heure pareille ? Est-ce que tu as des nouvelles de nos amis communs ?” répondit le PDG avec une gouaille surprenante pour un homme aux cheveux grisonnants.
“Oui… enfin non… justement, je viens vous voir pour ça… Je… Je ne peux pas garder secret vos agissements, Mr Filthon. C’est… trop dangereux, j’ai l’impression que ma tête va exploser, je me sens épié en permanence…”
“Clark, Clark, Clark… Tu sais comme moi que tu n’as pas le luxe de me refuser quoi que ce soit. Ne fais donc pas l’enfant, nous savons tous les deux que notre… petite expérience va porter ses fruits et que bientôt, tous les habitants de Canterlot pourront jouir d’un nouveau produit révolutionnaire.” dit-il avec son éternel sourire de façade.
“Mr Filthon, la dernière fois que quelqu’un a essayé de faire la même chose que vous des gens sont morts !” finit par crier Clark.
“Oui et justement nous ferons en sorte que cela n’arrive pas. Nous serons plus malins.” dit le président avant que son sourire ne disparaisse face au visage anxieux de son employé. “Clark, je tiens à te rappeler que je peux faire de ta vie un enfer. Trois coups de téléphone aux bonnes personnes et tu ne retrouveras jamais un travail et tu finiras en taule.” déclara le PDG en se levant de son fauteuil. “Continue à fermer ton clapet et à travailler en silence et tout ira bien.” finit-il par dire en sortant nonchalamment de son tiroir une boite de cigares ainsi qu’un coupe-cigare en argent.
“...”
Le dénommé Clark serra les poings et Sweetie Belle nota une sorte de changement. Un éclat rosé dans ses iris semblait de plus en plus présent et son attitude semblait se mettre à changer de façon radicale. Ce qui se passa ensuite fut impressionnant. L’homme se projeta en avant, sauta par dessus le bureau et écrasa son poing contre le visage du PDG si fort qu’il projeta le colosse contre le mur. Le comportement de Clark semblait incohérent, ses mouvements étaient erratiques mais seuls ses yeux brillants de rose différaient du petit homme timide d’il y a quelques instants.
Sans même que le président ne puisse réagir, un autre coup d’une violence inouïe rencontra la cage thoracique qui émit un son effroyable, un bruit écoeurant d’os brisés se fit entendre avant que Richard ne se mette à hurler de douleur. Clark se saisit alors du crâne du sexagénaire et sembla exercer une pression croissante. Traînant sa victime au sol comme un boucher une bête à équarrir, il l’approcha du bureau de bois laqué et fracassa le crâne de sa victime contre la surface.
Une fois. Puis deux. Puis trois. Marquant le rythme de la macabre symphonie, le son du cartilage éclaté et la respiration entrecoupée de gargouillis sanglants accompagnaient le rire du tortionnaire. Un rire presque enfantin, plein de soulagement, un rire heureux bien loin du rire diabolique que l’on pourrait s’imaginer. Quand la surface du bureau se brisa sous les assauts répétés, Clark donna un grand coup de pied au meuble, l’envoyant se briser contre le mur d’en face dans un fracas assourdissant.
C’est alors que Clark remarqua le coupe-cigare en argent et le rire prit une teinte bien plus sinistre. Il s’en saisit. Il le soupesa. Il en vérifia le fonctionnement presque comme un enfant découvrant un nouvel objet. Il sourit. Il se saisit de la main de Richard Filthon et presque comme un amant qui passerait la bague au doigt de sa fiancée, il passa le coupe-cigare à l’annuaire du président. Il sourit plus grand encore et…
“J’en ai assez vu.” dit simplement Sweetie Belle, ce qui mit “en pause” la scène. “On remballe AB.”
La grande figure blanche acquiesça mais ses grands yeux noirs semblaient observer quelque chose derrière elle.
“Ah oui, j’oubliais la vermine.” dit Sweetie Belle en se retournant vers plusieurs formes noirâtres qui avaient pris son apparence.
Les Ombres, ou Doppels, étaient comme les papillons de Poussière dans la mesure où ils se nourrissaient de magie et se trouvaient souvent près des zones d’incident magique. La grande différence est qu’ils étaient visibles et tangibles par tous et très agressifs. Des prédateurs en somme. Une balle de pistolet suffisait généralement à s’en débarrasser…
Les six adversaires fondirent sur elle en un instant prêt à la déchirer pour la vider de sa magie. Les six figures ombreuses étaient mortelles, efficaces et avaient l’avantage du nombre. Dix ans parmi les humains leur avait permis de savoir où se situaient les points faibles et comment détruire une proie en quelques secondes. Sweetie Belle n’avait aucune chance contre eux et ils salivaient déjà à l’idée du festin.
On fait tous des erreurs, n’est-ce pas ?
L’enquêtrice ouvrit grand les yeux et retira l'anneau noir qu’elle portait au doigt. L’instant d’après, deux Doppels se retrouvèrent avec un pistolet 9mm dans la bouche. L’instant d’après, ils se brisèrent au son du glas appelé Beretta. Les Ombres semblaient confuses, leur proie se déplaçait plus vite qu’à l’accoutumée et ils avaient l’impression de chasser du vent. Un coup de pied retourné dans le plexus envoya un Doppel au sol tandis qu’un troisième coup de feu réduisait le crâne d’un autre en miettes. Prises de panique, les deux créatures restantes chargèrent alors leur adversaire, en espérant l’intimider.
Des animaux…
Elle s’apprêta à faire feu mais un claquement de doigts se fit entendre, faisant éclater sur place les deux Doppels qui la chargeaient. Applebloom sous cette forme était plus ou moins une déesse pour ces créatures. Elles étaient fragiles et ne gagnaient que grâce au nombre. Le Doppel qui avait été envoyé au sol éclata à son tour après qu’un rayon de lumière ne traverse son corps étalé.
Cela n’avait pas été un combat.
Sweetie Belle possédait depuis l’incident deux nouveaux pouvoirs passifs. Une capacité d’analyse et des réflexes surhumains ainsi que le pouvoir de réduire ceux des autres autour d’elle par six. En se concentrant, elle pouvait modifier sa puissance mais cela lui demandait énormément d’énergie et sans son anneau, elle aurait été contrainte de vivre en recluse. Il s’agissait d’un limiteur qui empêchait aux deux pouvoirs d’être présents simultanément et qui lui permettait donc de vivre une vie normale autant que faire se peut.
Remettant l’anneau à son index, Sweetie put remarquer qu’Applebloom avait retrouvé une forme humaine et que les gars de la criminelle avaient poussé la porte, armes brandies, sans doute alarmés par la petite altercation.
“Repos, officiers. Procédure habituelle de la division magique.” dit très calmement Sweetie Belle avant de ranger ses pistolets dans leurs holsters. “Le cadavre de Mr Filthon peut être emporté à la morgue pour autopsie sans précaution particulière cependant l’affaire est dorénavant de notre ressort. Nous vous demanderons donc de bien vouloir coopérer.” ajouta-t-elle en remettant ses cheveux en place.
“Comme elle dit. D’ailleurs, il est fortement conseillé d’isoler le prévenu Clark Weight et de prendre des mesures extrêmes quant à son interrogatoire. Il est mentalement instable et semble posséder des capacités magiques. Dites à vos supérieurs de transmettre ça au commandant de police Sunder Lane.” surenchérit une Applebloom qui se massait légèrement la tempe en se dirigeant vers le couloir de la sortie avec Sweetie.
Les deux officiers qui semblaient connaître la procédure se contentèrent d’acquiescer gravement l’un d’eux se saisissant de son communicateur alors qu’elle refermait la porte derrière elles.
“Oh ! Et ajoutez que la division magique a un besoin urgent d’une voiture de fonction attitrée. C’est crucial !” ajouta AB avec un grand éclat de rire avant de s’en aller.
Elles avaient du pain sur la planche comme elles allaient bientôt s’en rendre compte. Richard Filthon et Clark Weight semblaient tremper dans une sombre histoire qui sonnait dangereusement comme une affaire que les enquêtrices ne connaissaient que trop bien et le tueur semblait avoir bénéficié d’un petit coup de pouce magique inconnu. Applebloom se mit à penser à Scootaloo et son regard s’assombrit quelque peu…
Elle n’aimait déjà pas cette affaire.
****************
Le rêve était toujours le même… Inlassable. Cruel. Corrosif… Maléfique.
Le ciel était gris, couvert de nuages, masquant les rayons du soleil et le vent était glacial. Une fin d’après-midi de Décembre comme il en existe beaucoup. Ils étaient tous là, armés et portant l’uniforme des forces d’intervention canterlotiennes. L’une de mes premières missions sur le terrain ! Que j’avais été fière ! Je voulais montrer à tous que je n’étais plus la bleue que l’on pouvait charier à tout bout de champ. C’était l’occasion de faire enfin fermer sa gueule à ce crétin de sergent Bulk...
Applebloom et Sweetie Belle étaient là aussi… Elles semblaient toutes excitées de participer à leur première mission sur le terrain. Surtout Sweetie Belle, elle avait ce regard déterminé, résolu… Typique de la première de la classe. Contrairement à moi, Applebloom et Sweetie Belle ne portaient pas de casque ou même de fusil automatique, seulement un simple gilet pare-balles et leur arme de service. Elles avaient été désignées comme faisant partie du groupe devant s’assurer qu’aucune personne ne s’échappe de l’usine. Bloquer les accès et neutraliser les fuyards. C’était un boulot qui n’était certes pas au coeur de la bataille mais qui était nécessaire, sans quoi l’opération pourrait capoter…
En face des officiers armés, une usine désaffectée. Il s’agissait là du repère d’une branche extrémiste cherchant à utiliser la magie à des fins nuisibles et aux prétentions belligérantes. Il s’agissait là de délires dangereux… La magie n’était pas faite pour être maîtrisée, elle était instable, imprévisible et elle avait déjà montré sa létalité en de nombreuses occasions. Mon regard se posa sur Bulk, il était très différent en opération. Mortellement sérieux, il avait fait en sorte de rassembler tout le monde et donnait un ordre avec un professionnalisme que je n’aurais jamais pu lui soupçonner…
Soudainement la scène changea… Nous étions tous à l’intérieur d’une sorte de laboratoire, armes pointées vers divers hommes et femmes en blouse qui étaient en train d’être menottés. Ils semblaient terrifiés. L’air était lourd, l’ambiance pesante et le décor de métal et de fumée n’aidait en rien. Le sergent Bulk était plus loin dans une autre pièce, près d’une sorte de gigantesque cuve qui semblait irradiée d’une lumière bleuâtre. A côté de lui se trouvait un homme… Le chef des extrémistes qui se surnommait lui-même Discord. Sans doute un hommage macabre à la comète...
“Au nom de la loi, je vous arrête, professeur.” beugla Bulk avec force. “Reculez loin de cette cuve et posez vos mains derrière la tête, j’ai l’autorisation de faire feu et de vous abattre sur place si vous avez l’idée débile de résister.”
“Espèce de crétin, vous ne voyez donc rien ?! Notre travail va aider l’humanité ! Imaginez les avancées si nous arrivons à isoler et contrôler la particule de magie ! Nous pourrions peut-être la synthétiser. Nous avons la possibilité de faire des choses incroyables et vous allez tout foutre en l’air !” riposta l’homme au bouc blanc.
Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête à ce moment là. Peut-être que la tension m’avait rendu plus sensible, peut-être que j’ai simplement eu envie de faire de l’excès de zèle… Je ne sais vraiment pas. Toujours est il que lorsque Discord s'était mis à bouger de manière agressive vers Bulk… J’ai tiré...
J’étais une excellente tireuse à l'entraînement, le genre à mettre à l’amende le sergent lui-même et je m’enorgueillissais de pouvoir éclater une canette de bière à une centaine de mètres. J’étais typique du genre de recrue qui veut aller au front pour frimer et le sergent était toujours là pour me remettre les pieds sur terre. J’admets que lorsqu’il m’avait annoncé qu’il me prenait dans le groupe d’intervention, j’étais extatique, heureuse au delà des mots…
Discord et Bulk étaient un peu plus loin que mon record et j’avais tiré avec un angle un peu foireux étant donné que je ne pouvais les voir qu’au travers de la porte. Le bon sens aurait dû retenir ma main mais j’avais été stupide. Le bon sens aurait dû me crier d’attendre d’avoir un meilleur angle pour tirer mais j’avais été une abrutie… Le bon sens aurait dû me faire comprendre qu’une balle près de cette saloperie de cuve de merde était une idée à la con… mais j’avais été la plus grosse conne que le monde ait porté.
La balle ne fit qu’effleurer l’épaule de Discord et alla percer la cuve avec un bruit métallique qui résonna dans toute l’usine… L’instant d’après, un bruit comme un crissement strident me percuta et tout devint blanc…
La scène changea encore… Le laboratoire couvert par les ombres… Les murs étaient tous noirs et des yeux… Des yeux partout ! Ils me regardent ! Je les entends bouger… Ce bruit ignoble… Je suis dos à une porte et tout est silencieux. Tout semble tourner autour de moi et les yeux bougent… Des corps tout autour de moi… Oh Dieu tout puissant ! Pandémonium… Tous les corps étaient horriblement difformes et parcourus de soubresauts. Des os saillaient, de la peau fondue et du sang partout…
Alors que je tentais de me relever en poussant mon bras contre le sol… Une absence. Deux absences. Je ne veux pas baisser le regard mais le rêve m’empêche de fermer les yeux, m’empêche de ne pas voir…
Par pitié, non…
Mes pupilles, comme des lames de guillotines, tombèrent sur mon épaule droite… puis mon épaule gauche et sectionnèrent les derniers fils de santé mentale.
“AAAAAAAAAAAH” criais-je sans pouvoir m’arrêter, mes yeux se trempant de larmes avant de tomber dans une miséricordieuse inconscience...
Mais c’était un rêve et le rêve ne s’arrêtait pas là. Spectatrice invisible, je revivais inlassablement les mêmes moments… et la scène changea.
Blanc. Une blancheur presque aveuglante et un tintement régulier mais artificiel. Une chambre d'hôpital. Comme pour m'assurer que tout cela n’était qu’un mauvais rêve, mes yeux se posèrent à nouveau sur mes bras. Le tintement régulier s’accéléra et une sorte d’alarme se mit à gronder comme le tonnerre. Je criais comme une folle, je priais ce dieu invisible de me tirer hors de ce cauchemar infernal, je demandais grâce, je demandais pardon et je criais à m’en détruire les cordes vocales si ça pouvait me sauver de cette vision. Car c’était ce que c’était n’est-ce pas ? Une chimère. Une illusion de l’esprit. Juste un mensonge habile fait par quelques démons qui voulaient me briser…
Et pourtant… personne ne vint. Ou plutôt si, des infirmières entrèrent en trombe dans ma salle d'hôpital et m’injectèrent rapidement ce que je supposais être des calmants, des somnifères mais que j’espérais être du poison. Juste… s’il vous plait… Pas encore un autre réveil dans ce cauchemar.
Et pourtant le rêve semblait continuer. De nombreux visages se suivirent sans se ressembler. Un homme en uniforme d’abord. Plutôt gentil qui me dit que j’étais un exemple pour la police et que mon sacrifice dans l’exercice de mes fonctions montreraient à tous ce qu’abnégation voulait dire. Il m’annonça également que pour des raisons évidentes, j’étais retirée du service actif mais que je trouverais toujours un soutien dans la police.
Ta gueule, scribouillard de merde ! Je veux mes bras ! Je veux...
Un autre visage ensuite. Je ne sais pas combien de temps s’était écoulé… Un médecin au vu de la blouse. Il m’exposait qu’ils avaient réussi à soigner les lésions que j’avais reçu aux jambes et au torse et que ma vie n’était plus en danger tant que je restais calme. Il m’annonça ensuite qu’aucune prothèse ne pourrait m’être greffée car pour une raison certainement magique, mon corps rejetait en bloc toutes leurs tentatives. Je l’entendis s’excuser et me dire que s’il pouvait trouver une alternative, il me le ferait savoir.
Je ne sais pas pourquoi mais je trouvais ça hilarant, tordant même. Ce devait être les nerfs qui lâchaient après tout, il n’y avait rien de drôle et je n’avais même pas de bouc émissaire autre que moi-même. Je ne pouvais plus me supporter…
Sweetie Belle et Applebloom furent les suivantes et elles me sourirent. Elles me tinrent au courant de tout et notamment du fait que depuis l’affaire Discord, de nombreux policiers avaient démissionné ou avaient changé de division. Dans le service actif, seules elles deux subsistaient. J’étais tellement contente qu’elles soient en vie… ou plutôt j’aurais dû l’être. Tous les autres avaient été tués dans le flash ou étaient morts des suites de leur transformation. J’avais tué tellement de gens… J’étais seule responsable de ce cataclysme. Seule responsable. Coupable mais personne ne me croirait. J’étais devenu la folle dingue qui culpabilisait… Mais tout était ma faute… Je n’étais pas une victime, j’étais un bourreau…
J’ai pleuré jusqu’à ce que j’épuise les larmes de mon corps.
J’ai crié jusqu’à brûler les cordes de ma voix.
J’ai perdu trop de choses qui comptaient pour moi.
***
J’ouvre les yeux en tremblant. J’ai le souffle court et je sens la froideur désagréable de la sueur sur ma peau. J’avale difficilement ma salive, ma gorge est sèche et j’ai la poitrine comme dans un étau. Je réalise à nouveau que je n’ai plus de bras, que mes épaules s’arrêtent simplement là où mes bras devraient commencer… Ma respiration s’accélère. Merde, pas encore une autre crise !
Soudainement, je sens une présence familière près de moi qui vient m’enlacer, m’aidant à me mettre en position assise. Je sens sa chaleur contre moi et je me sens incroyablement mieux… ma respiration ralentit avec les battements de mon coeur. Toujours fidèle au poste… Nous n’échangeons pas un mot tandis qu’il me serre dans ses bras. Il doit avoir l’habitude de dormir avec une hystérique depuis le temps. Juste l’écouter respirer m’apaise…
“Quelle heure est-il ?” demandé-je
“Quasiment sept heures… six heures cinquante-deux pour être très précis.” me répondit Eric avant de s’étirer comme un chat.
“Au moins je ne t’aurais pas réveillé trop tôt cette fois…” dis-je avant de jeter un oeil à la petite présence au bord du lit qui me regarde fixement. “Maman t’as réveillé ?”
La petite bouille d’amour de cette petite fille fait non de la tête avant de tendre les bras pour que je la monte sur le lit. Le geste ne me dérangeait même plus à ce stade et en un battement de coeur, je téléportais la petite sur mes genoux ce qui eut pour effet de la faire éclater de rire. Elle disait toujours que cela la chatouillait dans le ventre quand je faisais ça. Enfin, c’est ce que j’avais pu déchiffrer. Cassiopée est une petite fille très intelligente malgré le fait qu’elle n’a pas encore deux ans pour l’instant et elle imite son père en me donnant le câlin le plus mignon de la création.
“Maman.” fut tout ce que la petite Cassie me dit et je ne sais pas pourquoi mais ça me fit rire. Une éternelle bizarrerie que d’être maman, moi Scootaloo mais c’était une bizarrerie chère à mon coeur.
“Café ?” me demande Eric.
“Evidemment.”
“Deux cafés et un biberon pour la table 2, c’est noté.” répondit-il en faisant le pitre comme d’habitude. Il prit la petite dans ses bras et partit vers le salon-cuisine de notre appartement.
“Crétin.” murmuré-je à moi-même avec un sourire involontaire. Je me téléporte hors de mon lit et en face de ma commode où j’avais entassé mes fringues comme à l’accoutumée. J’inspire. J’expire. En quelques secondes, le vilain petit canard qui n’avait que des sous-vêtements gris sur elle fut habillé de pied en cap, des vêtements très près du corps idéal pour l’entraînement quotidien que je me suis fixé. Malgré la perte de mes bras, je n’avais pas entièrement tout perdu. Ce pouvoir de téléportation m’avait été donné sans doute dans l’explosion de lumière… Enfin, c’était l’explication la plus logique et de toute façon, je n’en avais pas d’autres.
Ce pouvoir me rendait la vie moins dure car avec un peu d’entraînement et beaucoup de ratés, j’avais réussi à faire en sorte de transporter les vêtements et autre objet pesant moins lourd que moi dans les positions que je souhaitais. C’était presque devenue un réflexe et Cassie trouvait ça hilarant que je fasse de la magie devant elle. Ce pouvoir avait cependant des limites assez claires, je ne pouvais pas me téléporter à plus d’une dizaine de mètres ni bouger des objets éloignés de plus de dix mètres. Cependant, chose importante, je n’avais pas nécessairement besoin de voir ce que je voulais bouger pour que ça marche. C’était déjà plus que je ne pouvais me permettre d’espérer.
“Chéri, tu pourras m’aider à mettre de l’ordre dans mes cheveux ?” demandé-je en les rejoignant dans la cuisine, la petite tapant faiblement sur la petite table en plastique de sa chaise bébé, exigeant que son larbin lui apporte son biberon.
“Pourquoi pas ? J’ai le temps avant d’amener la petite à la crèche et de partir pour le boulot. Tu vois Dash ce matin ?” me dit-il en sortant le biberon du micro-onde avant de le secouer énergiquement. La plupart des docteurs déconseillaient le micro-onde mais Eric s’en fichait pas mal, disant que si on écoutait tous ces paranos, on ferait tout aussi bien d’arrêter de respirer. Bizarre pour un kiné’ mais je n’allais certainement pas le contredire sur ce point. Étrangement, je n’ai pas la plus grande estime pour les docteurs.
“Ouais, elle voulait que je la vois ce matin parce que quelqu’un m’a fait louper notre rendez-vous d’hier.” dis-je en lui jetant un regard faussement accusateur en m’asseyant en tailleur sur la table.
“Je plaide coupable. J’étais sous l’emprise d’un sort qui me forçait à faire l’amour à ma fiancée.” réplique-t-il avant de poser un mug de café chaud avec une paille en face de moi en m’embrassant gentiment.
Je ris de bon coeur et me saisit de mon mug avec le pied pour le mettre à hauteur de mon visage. La journée commençait bien.
***
“Sois plus mobile !” me crie une femme qui devait avoir la quarantaine et qui, malgré cela, arborait une chevelure bariolée attachée derrière la tête afin qu’elle ne gêne pas sa vision. “Si tu restes aussi statique, n’importe quel connard te plaquera au sol.”
Pour toute réponse, je fonce vers elle avant de me téléporter dans son dos et de lui asséner un violent coup de pied retourné qui aurait dû se loger dans le creux de ses reins. Aurait dû. Elle fait un pas de côté et évite de peu l’assaut et se saisit de ma jambe avant de se servir de mon élan contre moi et de me lancer face à elle. Avant même de toucher le sol, je me téléporte à nouveau et me retrouve sur mes pieds.
Je transpire comme une vache et il ne m’aurait pas étonné que Dash se venge un peu d’avoir poireauté comme une abrutie la veille. Quelques gouttes de sueur tombent de mon front détrempé.
“Trop prévisible ! N’importe qui habitué à ton pouvoir s’attendra à ce que tu l’utilises de cette manière ! Varie les angles d’attaque, trouble ton adversaire ! Si jamais il lit tes mouvements, tu as déjà perdu avant même de porter le premier coup.” me gueule-t-elle, elle aussi en sueur.
“Compris !” répondis-je à celle que je considérais comme un professeur.
Je souris intérieurement, cette femme avait un palmarès incroyable : ancienne championne olympique, c’était presque une légende vivante dans le milieu des arts martiaux. Une fois qu’elle avait été considérée trop vieille pour participer aux compétitions, elle avait pris sur elle de découvrir et maîtriser tous les styles de combat afin d’en apprendre la philosophie, la discipline. Elle avait toujours été un modèle pour moi… Après tout, c’était elle qui m’avait préparé à entrer dans les forces d’intervention de la police de Canterlot.
Cette fois-ci, je ne charge pas vers elle. Gardant mes distances afin de reprendre une respiration régulière. Je dois garder la tête froide et me concentrer, analyser mon adversaire, ses mouvements… Je lance mon pied en avant et nos jambes se percutent avec force et à ce stade, ça devient douloureux. Ancrant mon pied fermement dans le tapis du gymnase, je brise le contact avant de me téléporter au dessus d’elle, pieds en avant.
Evidemment, c’était le genre de coups que j’avais déjà essayé contre elle et elle s’y attendait. Elle fait un bond en arrière avec un petit sourire et est surprise de tomber à la renverse. Je lui avais fauché les jambes en usant à nouveau de mon pouvoir pour déstabiliser ses appuis… La fatigue devait avoir joué un rôle important mais je n’étais pas mécontente de mon petit tour d’improvisation. Son dos heurte le tapis dans un son très satisfaisant et elle se met à rire.
“Bien joué, Miss. C’est déjà plus l’esprit !” dit-elle en jetant un coup d’oeil à l’horloge accrochée à l’un des murs du gymnase. “Dix heure et demie. C’est l’heure de la douche. Bon travail aujourd’hui, Miss. Tes yeux ont l’air un peu plus résolus aujourd’hui, tu es sur la bonne voie.”
“Merci, Dash. J’ai encore quelques… soucis, mes crises ne sont plus aussi fréquentes et j’arriverais presque à m’habituer à ne plus avoir droit au chocolat.” dis-je pour plaisanter.
“C’est…” commence Dash, les yeux écarquillés par la surprise. “C’était nul…” finit-elle par dire avant d’éclater de rire.
“Te fous pas d'ma gueule ! Je trouvais ça drôle !” réponds-je, embarrassée.
“Ah ouais, pour être drôle, ça l’est !” continue-t-elle en me donnant une grande tape dans le dos, ce qui me fait me rendre compte à quel point la douche est nécessaire…
***
L’horloge indique qu’il est une heure de l’après-midi. Juste après avoir déjeuner avec Dash, je reprends mes activités. Détective privée Scootaloo. Avec le chapeau et le grand imper’, hein ? Je n’étais pas du genre à laisser la vie me dicter ses termes. J’étais une femme d’action, de terrain. C’était mon élément et je n’allais certainement pas l’abandonner parce que la police m’avait laissé sur le banc de touche avec une médaille de participation. Enfin… je devrais déjà être heureuse qu’on ne me foute pas en taule pour ce que j’avais fait, faute de témoin. Je subodorais également que des gros bonnets avaient préféré mettre l’affaire sur le dos de la branche extrémiste plutôt que sur un des leurs…
Pour le moment, je me trouve dans Baker Street pour une affaire assez classique. Une certaine Cadenza, une femme approchant de la cinquantaine, m’avait approché pour me demander d’enquêter sur son mari Shining qui était extrêmement soucieux en ce moment, perturbé, absent et qui rentrait tard le soir et évidemment, il restait muet sur le sujet. Cas classique d’enquête sur le mari adultère mais le problème vient du fait que je connais Shining par le biais de sa soeur, Twilight Sparkle. Lorsque nous étions plus jeunes, Twilight avait été notre professeur de physique. Le genre guindé mais passionné, après tout c’est une éminente scientifique qui donnait simplement des cours sur le côté pour arrondir les fins de mois.
Cette affaire est, de fait, un peu personnelle et c’est la raison pour laquelle je me trouve ici. J’avais suivi Shining à la trace grâce à des contacts que je m’étais fait du temps d’où j’étais dans la police. Il avait rendu visite à sa soeur et disparaissait très souvent dans un bâtiment près de la bordure nord de Canterlot, un truc ressemblant à un temple zen typé asiat’. Maintenant que j’avais à peu près cerné ses habitudes, je me demandais si je pouvais tirer quelque chose de sa soeur.
Je frappe à la porte du 221 et attend patiemment que l’on m’ouvre. Après une petite minute, c’est une Twilight Sparkle semblant très jeune malgré son âge avancé qui se trouve devant moi, et c’est assez déstabilisant. Elle n’est plus la jeune chercheuse que j’avais connue mais elle avait cet air sérieux mais avenant que j’avais gravé dans ma mémoire.
“Professeure Sparkle ?” demandé-je par réflexe.
“Vu le nom sur la plaque, je pense que oui.” me répondit-elle avec un mince sourire avant d’écarquiller les yeux. “Nous nous sommes déjà rencontrées ?”
“Oui, c’était il y a longtemps mais j’étais une de vos élèves. Scootaloo” déclaré-je avec un sourire sincère.
“Oh, je me souviens de toi. La petite turbulente qui s’amusait à tout surdoser durant les cours de chimie. Comment allez-vous, toi et tes amies ?” me dit-elle alors qu’elle m’invite à entrer.
“On fait aller… mais les choses sont un peu compliquées.” lui dis-je non sans un goût amer dans la bouche en repensant à Applebloom et Sweetie Belle. “Disons qu’Applebloom me passe encore quelques coups de téléphone et me parle des enquêtes qu’elles mènent avec Sweetie. En revanche… elle, elle ne m’a pas parlé depuis bientôt trois ans maintenant.” dis-je en téléportant mon chapeau et mon manteau sur les patères près de l’entrée pendant qu’elle avait le dos tourné.
“Vous vous êtes fâchées ?” demande Twilight alors qu’elle me guidait vers le salon.
“Disons simplement qu’on s’est perdus de vue depuis mon accident.” rétorqué-je en anticipant douloureusement cet instant.
Elle se retourna et put noter l’absence éloquente de mes bras. C’était toujours pareil la première fois. J’avais beau avoir l’habitude c’était toujours désagréable d’être vue comme une personne diminuée, un vase en cristal autour duquel on devait faire attention.
“Je suis désolée de l’apprendre.” dit-elle avec un regard doux une fois la surprise passée. “Mais je vois que cela ne t’as pas empêché de devenir une sublime jeune femme.”
“Et je suis même maman, c’est pour dire.” ajouté-je avec un petit rire en m’asseyant dans le sofa vert du salon.
Et la discussion continue ainsi pendant un moment. C’est étrange mais je me sens plus légère à rattraper le temps perdu avec cette femme qui avait dû croiser des tas d’enfants de ma trempe. Je lui parle très librement de mon parcours après le lycée, de ma relation avec Dash ainsi que de celle que j'avais avec mon mari, Eric et de notre petite fille… J’en aurais presque oublié que je suis initialement venue pour lui tirer les vers du nez et finalement c’est moi qui vide mon sac.
“Je suis heureuse de voir à quel point tu as grandi, Scootaloo, cependant j’ai comme dans l’idée que tu n’es pas venue me voir seulement pour parler de ta vie. Je me trompe ?” finit-elle par dire en me regardant droit dans les yeux sans hostilité, énonçant juste un fait.
“Vous avez raison. Je suis venue pour vous dire que je suis actuellement en train de faire une enquête pour le compte de la police. Cela concerne Shining Armor.” déclaré-je, masquant ma condition de détective.
“Oh… Je m’en doutais.” dit-elle, ses yeux se voilant.
“Je sais que ce sont des informations sensibles et je comprendrais que vous ne vouliez pas me parler de sujets privés mais c’est pour son propre bien. Vous a-t-il dit quelque chose récemment ?” dis-je en bluffant à mort.
Mes contacts m’avaient seulement révélé que le temple était occupé par une de ces nouvelles sectes new age qui prônaient la paix intérieure pour “une somme modique”. J’avais prévu de visiter l’endroit de toute façon.
“Pourquoi ne pas l’interroger directement ?” répond-elle un peu sur la défensive.
“D’autres personnes s’en chargent actuellement, on m’a envoyé ici à ma demande. Je voulais faire les choses à ma manière et je ne voulais pas que ces crétins se mettent à faire du zèle.”
“Eh bien… je ne sais pas trop quoi dire mais Shining est venu me voir récemment. Il semblait étrangement calme. Enfin, ça et il avait débarqué à l’improviste un soir. C’était il y a quelques jours, il devait être neuf heures du soir.” débute-t-elle avec une voix calme. “Il avait des propos… étonnants, choquants même et son regard brillait d’un éclat rosé. On aurait dit qu’il était possédé par quelque chose… Je ne le reconnaissais plus et pourtant je n’avais pas peur de lui… Après ça, il s’en est allé… Je ne l’ai pas revu depuis.”
“Des propos étonnants ?” relevé-je
“Je refuse d’en parler. Il s’agit de sujets strictement familiaux et avec tout le respect que je te dois, Scootaloo, cela ne regarde en rien la police.” déclare-t-elle, catégorique.
“Je comprends. Si jamais quelque chose vous revient, appelez moi directement à ce numéro. Je vous promet que nous vous informerons de tout avancement conséquent dans l’enquête.”
Je lui dicte mon numéro, ne pouvant décemment pas me permettre de sortir ma carte de détective privée après tout mon laïus comme faisant encore partie de la police. J’aurais pu lui montrer ma fausse plaque qui fait son toujours son petit effet mais comme se faire passer pour un officier de police est déjà un crime en soi, je n’allais pas en plus ajouter “contrefaçon” à mon casier. C’est pesant que de devoir mentir à Twilight mais c’est la vie que je me suis choisie et culpabiliser n’apporterait pas grand chose, si ce n’est d’autres problèmes et j’en ai suffisamment, merci.
Je me lève en la remerciant de sa coopération et pour tout avant de m’en aller, reprenant manteau et chapeau hors de sa vue. Je ne lui cache pas mes pouvoirs parce que c’est secret défense. Je les lui cache parce que je ne veux pas qu’on me voit comme une bête de foire plus que je ne suis déjà.
****************
Une salle d’interrogatoire des plus classiques. Une salle avec une table de métal vissée solidement au sol à laquelle était menotté le prévenu, Clark Weight. Derrière un miroir sans tain, Applebloom et Sweetie Belle discutaient avec les membres de la division criminelle. La procédure pour interroger un prévenu qui relevait de l’autorité de la division magique était assez particulière, d’autant plus maintenant qu’elles n’étaient plus que deux à être agents de terrain. A la demande d’une Sweetie Belle très calme, Clark leur fut laissée non sans un regard hésitant de la part d’un des officiers de la criminelle. Les règles de la division magique étaient très particulières…
Applebloom verrouilla la porte dès qu’ils furent sortis et suivit rapidement Sweetie Belle à l’intérieur de la salle d’interrogatoire. Le silence était assez oppressant et la lumière pâle du néon n’aidait pas à rendre la scène plus charmante. Sweetie fut la première à briser le silence avec un ton qui se voulait professionnel.
“Bonsoir, Mr Weight. Je suis l'enquêtrice spéciale Sweetie Belle et voici l’enquêtrice spéciale Applebloom. Nous sommes chargées de votre cas au nom de la division magique. Je vous informe que rien de ce qui sera dit dans cette salle ne sera enregistré et vous n’aurez pas droit à un avocat en raison de l’article premier de la charte sur la “Magie et êtres magiques” qui déclare qu’en raison de la nature imprévisible et dangereuse de la magie, il est autorisé aux agents de police habilités de gérer de la manière la plus efficace des cas comme le vôtre et ce, dans le respect de vos droits élémentaires. L’enquêtrice Applebloom est ici pour s’assurer que tout se passe sans problème. Avez-vous compris, Mr Weight ?” dit-elle avec une élocution parfaite, ses yeux froids comme l’hiver.
“Je…” dit le petit homme avec un regard vague. “Je refuse de dire quoi que ce soit qui pourrait être retenu contre moi… Je…”
Sweetie Belle posa simplement l’un de ses pistolets sur la table métallique qui résonna bruyamment dans la pièce exiguë. Applebloom gardait son regard planté dans celui du prévenu, le dos contre l’un des murs de la salle. Le bruit avait fait sursauter Clark et il semblait devenir encore plus nerveux.
“Permettez moi d’être plus claire maintenant que les formalités d’usage ont été dites. L’unique raison pour laquelle vous n’êtes actuellement pas au fond d’une cellule à vous faire enculer comme la petite fiote que vous êtes est parce que le meurtre barbare de Mr Filthon semble lié à un fort phénomène magique. Nous souhaitons donc comprendre grâce à votre témoignage le pourquoi de votre action et si vous pouvez nous éclairer quant à la raison de votre transformation. Je vous préviens également que si vous deviez devenir une menace comme lors du meurtre, nous serions dans notre bon droit de vous abattre ici et maintenant pour sauvegarder la paix de Canterlot. Nous sommes-nous compris ?” asséna-t-elle sans se départir de son masque de glace.
“Je… oui…” dit-il simplement, tremblant comme une feuille.
“Donc, en date du 22 octobre 2018 dans les alentours de dix-sept heures à dix-sept heures trente, vous avez commis un homicide volontaire précédée et suivi d’actes de barbarie sur la personne de Mr Richard Filthon, votre patron et PDG de la société TimeOut. Pourquoi ? Notre analyse des faits semblent indiquer le meurtre d’opportunité, sur le moment.”
“Je… Je l’ai tué… Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, je n’avais aucune chance ! Je veux dire, regardez moi. Je devais être possédé ! Je suis une victime, pas un assassin… Mais quand je l’ai… fait, j’étais extatique… ce poseur, cet enfoiré avait fait de ma vie un enfer et j’avais soudainement le pouvoir de tout arrêter.” dit-il son regard devenant plus fou à chaque mot qui sortait de sa bouche, un rire nerveux parcourant son corps. “C’était… enivrant. J’avais tellement désiré le faire souffrir autant qu’il m’avait fait souffrir ! A cause de lui, je suis devenu parano, ma femme est partie chez sa mère avec le gosse parce qu’elle ne supportait plus de vivre avec un mari absent… Et son sourire arrogant et faux qui vous écrase comme si vous n’étiez qu’un insecte ! Je ne regrette absolument rien, ce vieil enfoiré méritait de mourir et vous seriez d’accord si vous le connaissiez !” finit-il en hurlant.
Applebloom avait serré les poings. Cet être la répugnait, criant haut et fort son statut de victime comme un bouclier contre l’oppression. Tout était toujours la faute des autres avec ces gens-là… Cependant, elle avait vu les deux hommes interagir et elle se retint de tout commentaire. Elle avait été tellement prise dans ses pensées qu’elle n’avait pas vu que Sweetie Belle venait d’utiliser son pouvoir. En tant qu’être magique, elle ne subissait que très légèrement l’effet au point qu’il était presque inefficace mais Clark lui ne semblait pas voir qu’il venait d’être frappé au niveau du front par Sweetie Belle qui coupa rapidement son pouvoir. Cela lui avait fait fermé sa gueule et il était confus. Compréhensible, avec un temps d’analyse multiplié par six, il n’avait sans doute pas vu le coup venir. C’était la manière de Sweetie de réagir.
“Je vous prierai de ne jamais tenter l’expérience ridicule de me mettre à votre niveau. Vous êtes un être pathétique et je me fiche éperdument de vos réflexions sur ma personne. Si ma conscience ne m’en empêchait pas, vous seriez en train de baigner dans votre sang actuellement.” déclara-t-elle avec encore moins de chaleur si c’était possible. “Maintenant, vous souvenez-vous de comment vous auriez pu entrer en contact avec un élément magique ? Et quelle était cette mission que Mr Filthon vous avez donné, ce que vous menaciez de révéler au monde ?”
“Je…” dit-il alors qu’il tentait de reprendre contenance, visiblement secoué par ce qui se passait. “Mr Filthon se servait de moi comme d’un intermédiaire pour communiquer avec une autre personne. Je suppose que c’était parce que j’étais juste un gars super commun et que personne ne me regarde à moins d’avoir quelque chose à me demander, un écran de fumée pour protéger la réputation de Mr Filthon et ses amis. Un jour j’ai recopié le contenu d’un des messages… C’était codé mais j’étais sûr de pouvoir le déchiffrer si je restais discret… Je savais que Filthon m’observait… JE LE SAVAIS… Quand j’en ai eu fini, cela parlait d’une nouvelle méthode révolutionnaire pour contrôler la magie, d’en faire quelque chose que les nations du monde s’arracheraient… Oh je n’aurais pas dû.” fit-il, des larmes lui montant aux yeux alors que sa voix s’emplissait de sanglots. “Je devais déposer mes messages au ‘temple du Nénuphar noir’, sans doute pour qu’un autre intermédiaire en fasse quelque chose ...”
“Le temple du Nénuphar noir ?” interrompit Sweetie Belle.
“Un vieux temple shintoïste qui a été remis au goût du jour dans le vieux Canterlot, c’est à quelques kilomètres de la tour TimeOut. Je n’en sais pas plus… Je vous jure… Pardon...” s’excusa-t-il alors qu’il devenait presque hystérique… “QUE VAIS-JE DEVENIR ?! Vous allez me sauver, n’est-ce pas ? S’il vous plaît !” dit-il, les yeux rouges en regardant tour à tour les enquêtrices. Là où Applebloom devait faire en sorte de ne pas s’énerver, Sweetie Belle réagit avec un grand calme.
“Nous vous remercions pour votre coopération. Votre cas étant magique, vous pourrez plaider la folie et espérer finir avec un bon avocat dans une maison de fous. La loi est encore un peu jeune pour traiter efficacement des cas comme le vôtre.” déclara-t-elle sur un ton neutre, rangeant son arme dans son holster. “Bonne soirée.”
Elles sortirent toutes deux de la salle sous les cris désespérés de Clark Weight, ex-petit employé de TimeOut. Certains n’avaient simplement pas de chance dans la vie. Dévérouillant la porte, elles se dirigèrent vers la division criminelle afin qu’ils s’occupent du meurtrier… et pour négocier l’utilisation d’une voiture pour les jours à venir. Applebloom avait au moins autant, sinon plus envie de voir ce qu’il se trouvait dans ce fameux temple mais Sweetie et elle devaient encore s’occuper de toute la paperasse…
Le temple pouvait bien attendre.
***
“Et j’en suis là pour le moment.” finis-je de raconter à Eric alors que nous sommes paisiblement assis à un banc d’une petite aire de jeux près de notre appartement. Le sol est dans une sorte de matière en plastique granuleuse vert-bleu fait pour que les enfants ne se fassent pas mal s’il venait à tomber. Cassie court joyeusement autour d’un petit toboggan, semblant juste contente de courir sur ses petites jambes.
“Scoot’ chéri, je sais que tu n’aimes pas que je me mêle de tes affaires de détective privée mais… ce que tu fais deviens de plus en plus limite.” me répond Eric, visiblement soucieux depuis que je lui ai parlé de mon coup de bluff avec Twilight. “Je ne veux pas qu’il t’arrive de pépin et que tu finisses en taule parce que tu t’accroches à tes anciennes passions. Nous avons des responsabilités.”
“T’as raté ta vocation de psy.” dis-je un peu amère. “Je sais que tu n’approuves pas totalement que je sois retourné sur le terrain mais je croyais qu’on avait été clair sur le fait que je faisais comme je voulais dans mon travail.”
“Scootaloo, la question n’est pas que tu fasses ou pas ce que tu veux, c’est de savoir si tu vas ou non devenir une criminelle. Tu n’as plus besoin de prouver quoi que ce soit à personne.” me dit-il en me montrant Cassiopée. “Tu es maman et je suis papa d’une superbe petite fille, ce n’est pas suffisant ?”
“T’es quand même vachement mélodramatique. J’ai simplement menti à une vieille dame, pas assassiné un politicien.” dis-je nonchalamment.
“On sait tous les deux très bien que tu as besoin de stabilité dans ta tête et avec tes âneries, tu vas réussir à te faire du mal.” renchérit-il sans se démonter.
“Ah parce que je suis une folle dingue maintenant ?” provoqué-je, commençant à me sentir agacé par son comportement bien-pensant.
“Ah, ne commence pas avec ça. A chaque fois, ça finit en gueulante. T’es peut-être une super détective mais je pense que tu pourrais essayer de devenir une super maman aussi, non ?” fit-il en élevant la voix. “Je t’aime Scoot’ et je ne veux que ton bonheur mais tu as des problèmes que je ne peux pas régler tout seul.”
“Je peux m’occuper de moi-même. Je n’ai pas besoin de nourrice…” dis-je en rougissant un peu de colère et d’embarras. “Mais j’essaierai… Je ne sais pas comment, mais j’essaierai.”
Il m’embrasse gentiment sur la joue et se jette sur moi pour me chatouiller comme un idiot : il sait très bien que ça m’énerve. Après un moment où je manque de lui mettre mon pied dans la tronche en représailles, je vois une petite Cassie qui nous regarde avec des petits yeux verts très sérieux et qui me dit en tendant les bras en l’air.
“Maman ! Papa ! joue ‘vec moi !”
Eric et moi nous échangeons un regard avant d’éclater de rire devant notre petite fille jalouse de notre jeu débile. Avant même que je ne puisse me lever, je me retrouve avec un gremlin fermement agrippé à ma jambe. Face à la ténacité de l’adversaire ô combien déterminée, le chevalier Eric n’eut d’autre choix que d’utiliser son adresse dans l’art du chatouillage de petite fille - et grande à ses heures - sur la vile créature qui rapidement se tord d’un rire suraigu qui doit sans doute être fait pour percer les tympans.
Le temple peut bien attendre demain.
***
Demain fut là très vite, bien trop vite. Après avoir passé tout le reste de la soirée à discuter avec Eric et faire l’idiote avec Cassie, j’avais beaucoup réfléchi. Je ne suis pas parfaite, loin s’en faut et ce n’est pas la première fois qu’Eric me balance au visage que je m’investis trop dans mon travail et il avait raison sur toute la ligne. Je pense que je trouve une certaine forme de confort dans ma vie actuelle et que j’ai envie qu’elle reste identique…
J’ai peur que tout bascule, que du jour au lendemain tout finisse dans l’égout et je ne sais pas comment faire… Et pourtant, c’est à moi de trouver mes réponses. Je ne peux pas toujours compter sur Eric pour me lancer au visage ce que je sais éperdument pour que je bouge mon cul. Au moins il y en avait un sur deux qui avait le sens des responsabilités… Je ris toute seule alors que l’horloge de la mairie de Canterlot résonne dans toute la ville, indiquant qu’il est deux heures de l’après-midi.
Il est temps que je rende visite à ce temple du Nénuphar noir. De ce que j’ai pu glaner de mes contacts, c'est moins une secte qu’une espèce d’école de philosophie. Il n’y a pas de croyance véritable en une divinité et les dons d’argent sont volontaires. Enfin, ça sonne quand même comme une secte mais bon. La prêtresse ou chef de ce temple serait apparemment une personne du nom de Célestia et aurait été là depuis aussi longtemps que les gens s’en souviennent. Mis à part ça, le reste est assez vague car l’accès y est assez réglementé, strict, sévère.
Je caresse un instant l’idée de m’introduire en douce avec mes pouvoirs mais je ne connais pas suffisamment l’endroit et le nombre de personnes à l’intérieur à cette période de la journée et je risquerais juste de me faire jeter et de devenir une cible de surveillance. C’est une mauvaise idée. Je me décide donc à simplement passer par la porte d’entrée. Qui sait ? Si je joue bien mes cartes, il est possible que j’ai droit à une entrevue.
Le temple est plutôt grand pour une antiquité. Entouré par une sorte de muraille blanche au sommet de tuiles noires, il donne vraiment l’impression d’être une petite forteresse même si le design semble bien moins agressif et plus décoratif. Une porte ronde noire semble être la seule entrée. Je sonne à l’interphone métallique qui se trouve juste à côté et qui jure un peu avec l’aspect traditionnel du temple. Je n’ai pas à attendre longtemps avant que j’entende le bruit d’une petite glissière par laquelle je peux voir deux petits yeux bleus m’observer.
“Oui, c’est pour ?” demande une voix masculine.
“Bonjour, excusez-moi de vous déranger, mon nom est Scootaloo, j’ai entendu parler de ce temple, et j’aurais voulu savoir si je pouvais rencontrer votre prêtresse.” tenté-je.
“Scootaloo ? Votre nom me dit rien et je ne crois pas vous avoir déjà vu parmi les élèves. Pour quelle raison, vous voulez voir Célestia ?” dit-il nonchalamment, pas plus perturbé que ça.
“Eh bien, j’espérais devenir une élève. Une de mes connaissances, Shining Armor, vient ici et il me semble bien plus calme et je me suis dit que peut-être je pourrais moi aussi gagner à écouter vos enseignements.”
“Oh, vous connaissez Shining ? Il vient très souvent en ce moment, parait que ça va pas fort fort avec sa femme. Rapport à sa soeur, je crois ou un truc du genre, vous savez, j’suis pas du genre à creuser dans la vie des gens mais bon comme on a un peu rien à faire nous les sentinelles…” commence-t-il à déblatérer en me racontant sa putain de vie pendant encore cinq bonnes minutes pendant lesquelles je me contente de sourire comme une conne.
“Mr Snails, laissez notre jeune amie entrer, je vous prie.” fit soudainement une voix très élégante, presque chantante.
“Oh… je… tout de suite, Prêtresse.” fit soudainement mon amie la sentinelle, ouvrant la porte sans un bruit après avoir fermé sa glissière et sa gueule.
M’invitant sans plus de manière à l’intérieur, je suis surprise de voir que je suis dans un espèce de jardin zen. De la verdure et des petites mares viennent border un petit chemin de pierre blanche qui se dirige plus profondément dans le temple. Des fleurs dans les tons de bleu et de violet longent les murs immaculées et des papillons dorés volettent en grand nombre dans le jardin. C’est vraiment une sensation étrange, on se sent comme dans un autre monde.
Mes yeux se posent ensuite sur la prêtresse qui m’a laissé très aimablement entrer. C’était une grande jeune femme à la peau pâle et aux cheveux brillants d’azur et de rose. Ses iris d’un violet délicat me semblent emplis d’une gentillesse profonde. Elle porte une sorte de kimono noir couvert de papillons en fil d’or attaché à la taille par un grand ruban rouge noué dans son dos. Un coup d’oeil à sa poitrine me rend un peu jalouse mais à part cela, elle semble irréelle.
“Veuillez bien vouloir pardonner à Mr Snails sa volubilité, c’est un de ses grands défauts.” dit-elle avec un petit sourire complice à la sentinelle derrière moi. “Mais je vous en prie, suivez-moi à l’intérieur, ce sera bien plus confortable pour discuter et je suis sûre que nous avons beaucoup de chose à nous dire.” ajoute-t-elle, sybilline.
Je lui rends son sourire et continue d’observer les jardins. Une aura sereine s’en dégage et je me sens comme légère… Le son de l’eau qui coule de bassin en bassin et… je le remarque assez tardivement, mais les bruits de la ville sont totalement absents. Pas de marteau-piqueur, de grand coups de marteau ou de klaxon… Même l’air semble plus pur. Le terme “sanctuaire” me vient à l’esprit. L’endroit est magique, ça crève les yeux mais étrangement, je n’ai aucune appréhension. Alors que je me dis cela, je me rends compte avec stupéfaction qu’il y a un pingouin dans une grande mare, plus loin dans le jardin.
“C’est Mr Charles, notre petit ami magique.” me dit-elle avant que je ne lui pose la question, trop amusée par ma réaction. “Il est apparu un jour et a décidé de rester. Nous n’avons même pas à le nourrir puisqu’il est de nature magique, il semble juste vouloir s’amuser dans l’eau et les élèves l’apprécient.”
“Un vrai zoo plutôt qu’un temple.” rétorqué-je.
“Je ne peux que vous donner raison.” fit-elle sur le même ton.
Elle m’emmène ensuite dans le bâtiment à proprement parler dans une grande salle dans laquelle brûle un brasero qui emplit l’air d’une odeur sucrée. Elle s’assoit devant moi, sur ses genoux et je fais de même, mais en tailleur. La salle est vide si l’on excepte le petit autel derrière elle. Avant même que je n’ouvre la bouche, elle prit la parole.
“Shining Armor est actuellement dans une période de doute. Son désir pour sa soeur et son devoir envers sa femme s’opposent. C’est la raison pour laquelle il est si distant actuellement. C’est un problème qu’il doit régler seul, comme vous vous en doutez.”
“Comment savez-vous que…”
“J’ai écouté votre petit dialogue avec Mr Snails. Je me doutais que la femme de Shining enverrait quelqu’un. C’était inévitable. Et avant que vous ne me posiez la question, non, je n’ai pas le pouvoir de le forcer.”
“Vous avez dit… désir pour sa soeur ?” relevé-je en levant un sourcil, incrédule.
“Cet école, Miss Scootaloo, enseigne à tous que les désirs sont humains et que leur répression volontaire et systématique est une erreur. Ils sont de plusieurs natures et cette société dans laquelle nous vivons étouffe donc l’humain.”
“Avec tout le respect que je vous dois, Célestia, je ne suis pas ici pour discuter philosophie.” réponds-je en sentant que la discussion évoluait vers des considérations métaphysiques. “Je veux simplement savoir si Shining est en danger. Il est évident qu’il n’était pas lui-même selon les dires de sa soeur et comme tout ici pue la magie, je suis en droit de poser la question.”
“Bien sûr que non. Les élèves ne sont pas en danger, la magie que je suis capable de diffuser est simplement celle qui aide les gens à réaliser leur désir. Le terme “miracle” n’est pas une mauvaise analogie.”
“Vous… vous contrôlez de la magie ? Mais c’est impossible, la magie est censé être instable et dangereuse… Ne me mentez pas.” dis-je avec une lourdeur au niveau du coeur.
“Il y a beaucoup de chose que vous ignorez sur la magie, Miss Scootaloo. Mais vous avez raison dans la mesure où il s’agit effectivement de quelque chose d’instable, d’aléatoire et de fait d’extrêmement dangereux. Cependant, la magie n’est pas quelque chose d’immuable et de monolithique. On peut lui donner une nature et des propriétés si on sait comment faire.” continue-t-elle sur le même ton en me regardant dans les yeux.
“Mais… je ne comprends pas pourquoi vous me révélez tout ça. Vous pensez vraiment qu’une fois hors d’ici, je ne vais pas vous balancer à la division magique ?” tenté-je pour reprendre contenance alors que je me sentais ma respiration s’accélérer.
“Simplement parce que nous pouvons nous rendre service. Nul n’est exempt de désir, pas même moi et ce que je désire faire nécessite… pour simplifier, l’énergie de votre désir. En échange, je peux vous rendre vos bras.”
La phrase résonne dans ma tête et j’ai un espoir. Un espoir fou qui vient du fond de mon être. Un cri qui me conforte. Le champ des possibles qui s’offrait à moi si je retrouvais mes bras était si grand… Si vaste. Je sens mes yeux me piquer et je me retiens difficilement de fondre en larmes devant cette femme qui me promet l’impossible. Je la crois, je veux la croire. Tout est tellement magique ici,.. Peut-être qu’elle peut apaiser toutes mes angoisses, me rendre normale… L’idée qu’elle me mente me parait tellement aberrante sur le moment.
Je pris une grande inspiration d’air sucrée et je lui donne ma réponse. Mes yeux brillants d’une nouvelle résolution.
********************
Il était tard quand Sweetie et Applebloom eurent enfin terminé de remplir des documents pour régulariser les récents avancements de leur enquête et elles étaient rapidement parties prendre la voiture. Mandat en poche, Sweetie était comme un démon quand elle était lancé sur une enquête et Applebloom devait un peu lui courir après pour garder le rythme. Dans l’idée, c’était quand même AB qui avait encore dû préparer leur moyen de transport étant donné que Sweetie Belle était à peu près aussi sociable qu’elle semblait l’être.
“Tu penses qu’on va trouver quoi là-bas ?” demanda l’enquêtrice aux cheveux de feu à son amie alors qu’elle conduisait doucement.
“Des informations, j’espère. Clark Weight finira derrière les barreaux, c’est quasiment certain. Il a admis avoir un mobile et être conscient au moment des faits. Son cas est terminé pour moi et je me fiche totalement du sort que la justice lui réserve mais la façon dont il a acquis ses pouvoirs reste un mystère et ça, je ne peux pas le supporter.” répondit Sweetie en croisant les bras, les yeux braqués vers le pare-brise, un sac en plastique dans la main droite.
“Sweetie… Tu as pensé à prendre du repos ? Ton obsession pour le travail devient vraiment inquiétante.”
“Nous ne sommes plus que deux, AB. La magie est une menace pour l’intégralité de Canterlot voire du monde. Il est hors de question que je sois laxiste. Nous devons au moins ça à ceux qui sont morts afin que d’autre ne connaissent pas le même sort.”
“C’est noble, Sweetie, mais tu devrais arrêter de porter le poids du monde sur tes épaules. Personne ne te demande de sauver Canterlot avec une seule main. Personne ne t’en voudra de prendre une pause. Le monde ne va pas exploser à la seconde où tu t’arrêtes de travailler.” déclara-t-elle avec fermeté en accélérant un peu ce qui eut pour effet de faire réagir Sweetie… et le sac.
“Tu ne peux pas comprendre, AB. C’est tout ce que je peux faire.” finit-elle par dire en s’essuyant le coin des lèvres.
“Après cette affaire, je veux te voir dans un lit à faire des mots croisés.”
“On verra...” concéda-t-elle à contrecoeur, soucieuse de ne pas l’avoir au bord des lèvres en énervant le conducteur.
Elles arrivèrent bientôt devant le temple et ce fut Applebloom qui brisa le silence des rues désertes et de la nuit canterlotienne.
“Sweetie ! Des centaines… Il y des centaines de papillons de Poussière autour du temple !” lui révéla-t-elle.
Ce fut suffisant pour les enquêtrices pour qu’elles se lancent vers l’entrée. Applebloom tambourina à la porte tandis que Sweetie Belle appelait déjà des renforts pour encercler le bâtiment.
“Division Magique de Canterlot ! Ouvrez la porte sur le champ ou nous l’enfonçons.”
La porte fut alors ouverte en trombe par un petit homme terrifié qui n’en menait pas large. Applebloom put alors se rendre compte que le jardin entier était saturé de volutes magiques et de papillons qui se gorgeaient de ce nectar. L’endroit entier pouvait être une bombe à retardement mais pour le moment, elles n’avaient pas à sortir leurs armes.
“Que se passe-t-il ici ? Un lieu de culte magique ?” murmura Sweetie sans comprendre.
“C’est… c’est l’école du Nénuphar noir… Y’a rien de dangereux ici même si c’est magique.” bégaya la sentinelle.
“C’est à nous d’en juger. Où est le responsable de cet endroit ?” demanda une Sweetie qui semblait plus à cran qu’à l’accoutumée.
“Dans le temple… Mais ne lui faites pas de mal ! Célestia aide les gens d’ici avec leur problème, c’est pas une criminelle.”
“Peut-être ou peut-être pas.” répondit simplement Applebloom. “Sweetie, tout va bien ?”
“ AB, pourquoi je peux voir les papillons ?”
“Tu peux les voir ? Le seul moment où ça devrait être possible c’est quand ils s’accumulent…” fit une AB pensive et confuse. “L’endroit est peut-être bien plus magique qu’on le pense…”
Abandonnant la sentinelle, elles passèrent le mur intérieur du temple et arrivèrent dans une grande cour toujours bordée par de la végétation. Le temple était en face des enquêtrices, des petits escaliers en bois menant à la porte d’entrée. Cependant, il y avait ici une personne qui n’aurait pas dû être là.
“Bonsoir les filles.” dit Scootaloo en tenue de sport. “Ca fait un bail.”
“Scoot’ mais qu’est-ce que tu fais là ? Tu fais partie de ce culte à la con ?” demanda Applebloom.
“Ce n’est pas vraiment un culte mais je vois la méprise. Et non, je n’en fais pas partie, je suis là pour le travail. Sinon, je vous demanderais de ne pas faire de bruit, Célestia est actuellement assez occupée.” continua-t-elle sur un ton beaucoup trop calme.
“Tu sais que la zone est complètement saturée de magie ?” questionna Sweetie Belle.
“Oui.”
“Tu sais qui en est à l’origine ?”
“Oui”
“Célestia ?”
“Oui.”
“Tu n’as pas l’intention de nous laisser passer, je me trompe ?”
“Correct.”
Sweetie mit par réflexe la main sur son arme alors que les iris de Scootaloo devenaient de plus en plus rose au point que dans la lumière déclinante du soir, elle semblait irradier de lumière.
“Vois-tu, Célestia m’a promis de me rendre mes bras et donc, j’ai comme dans l’idée que l’aider serait bon pour moi.” enchaîna Scootaloo en changeant de position alors qu’elle regardait les enquêtrices.
“Les filles, calmez-vous, il n’y a aucune raison de se battre !” fit Applebloom qui sentait la tension monter. “Scootaloo, tu dis que c’est Célestia qui est à l’origine de cette magie ?”
“Exactement.”
“Donc, elle est responsable indirectement d’un meurtre si j’en crois tes yeux, Scootaloo.” dit Sweetie Belle sur un ton glacial. “Laisse nous passer pour que nous l’emmenions au poste. Elle doit y être jugée.”
“Je ne crois pas, non.” répondit Scootaloo avec résolution. “Elle va me rendre mes bras et là, tout de suite, c’est tout ce qui compte.”
“Mais elle te mène sûrement en bâteau, Scoot’” dit Applebloom. “Tu n’as aucune garantie qu’elle puisse ou veuille le faire !”
“Oui, c’est vrai. Cependant, aussi ténu que soit la possibilité que j’ai de revoir mes bras, je me dois de la saisir. Et avec toute l’absence de respect que j’ai pour Sweetie Belle, j’ai actuellement envie de tout faire sauf de vous laisser passer.”
“Même si ça veut dire laisser une criminelle s’enfuir ?!” finit par crier Sweetie qui était blême.
“Oui.”
Deux coups de feu coupèrent court à la discussion. Un Beretta noir dans la main de Sweetie Belle fumait et deux douilles résonnèrent sur le chemin pavé. Applebloom avait les yeux écarquillés, ne croyant pas à ce que venait de faire sa collègue et amie. Sweetie Belle aussi était surprise. Surprise d’avoir raté sa cible. Scootaloo se tenait toujours dans la même position. Les balles ayant fini dans le sol de part et d’autre d’elle.
“Laisse moi éclairer ta lanterne.” dit Scootaloo en faisant disparaître le Beretta des mains de Sweetie Belle pour le faire tomber dans une mare de façon sonore avec un sourire satisfait.
“AB, occupe toi de Célestia. Je ne sais pas ce qu’elle est en train de faire mais pour qu’elle ait ensorcelé Scootaloo pour la défendre, ce doit être important.” murmura-t-elle à sa collègue. “Je m’occupe d’elle.”
Applebloom était encore sous le choc mais se rendait compte de la menace, elle aussi. Scootaloo était sérieuse.
“Elle est blindée de magie. Concentre toi sur tes réflexes, le reste est inutile ici.” fut tout ce qu’elle répondit entre ses dents avant de partir en direction du temple. Alors que Scootaloo allait foncer pour interrompre la course d’Applebloom, Sweetie sortit son second Beretta et le pointa sur elle, ce qui, malgré l’apparente nonchalance de Scootaloo, la fit s’arrêter dans sa course. Elle était à plus de dix mètres... et téléporter les balles avaient beau être quelque chose qu’elle pouvait faire, une seule suffisait pour l’abattre. Elle ne pouvait pas se permettre d’être imprudente.
Sweetie se mit à sourire, ses yeux brillants de vert alors qu’elle utilisait son pouvoir et tira. Scootaloo se téléporta au moment de la détonation pour arriver à quelques mètres de Sweetie qui appuya à nouveau sur la détente pour entendre un bruit sec. Plus de balles ? Comment ? Elle nota le chargeur qui était à dix mètres d’elle, courtoisie de Scootaloo.
Pas le temps de réfléchir. Un coup de pied fulgurant fusa vers le crâne de Sweetie qui l’évita de peu, le sentant raser son menton alors que Scootaloo hurlait pour accompagner son attaque.
“Tu es pitoyable, Scootaloo ! Cela ne t’a pas suffit de tous les tuer, il faut en plus que tu couvres un assassin !” gueula Sweetie Belle alors qu’elle envoyait son poing dans les côtes de son ancienne amie.
“Ferme-là, salope ! Tu ne sais pas ce que c’est d’avoir peur de dormir, peur de revoir les mêmes horreurs encore et encore !” riposta Scootaloo en projetant son genou avec violence vers le plexus de Sweetie.
Elle en eut le souffle coupé malgré le fait qu’elle s’était jetée en arrière pour réduire l’impact du coup. Un coup d’oeil vers son adversaire et Sweetie la vit disparaître pour réapparaître juste derrière elle. Rapide et précise… La jambe de Scootaloo rencontra celle de Sweetie dans un claquement violent. Scootaloo voulut briser le contact mais Sweetie avait anticipé la manoeuvre et se saisit de Scootaloo au niveau de la gorge et la plaqua au sol.
“Je n’ai aucune sympathie pour celle qui est responsable de la mort de tant de gens.” cracha Sweetie avant de lancer son poing vers le visage de Scootaloo.
Le bruit écoeurant de l’os contre la pierre et la douleur incisive qui suivit firent hurler Sweetie Belle avant qu’elle ne manque de se prendre un nouveau coup de pied létal de Scootaloo. Sa main droite était ensanglantée… Scootaloo s’était téléporté avant que le coup n’atteigne sa tête et elle n’avait pas eu le temps d’arrêter sa main. L’état émotionnel de Sweetie lui faisait faire des erreurs stupides.
“Bravo, t’as trouvé ton bouc émissaire, le porteur de tous tes malheurs !” cria Scootaloo en chargeant une Sweetie Belle qui tentait de gérer sa main ensanglantée. “J’ai tout perdu ! Ma foi en moi-même, mon avenir dans la police, ma santé mentale, tout ! Mais tu es encore obnubilée par ton code moral à la con. Tu ne penses qu’à toi...”
Sweetie finit par se concentrer et écrasa son coude sur le genou de la jambe tendue et elle toucha au but. La douleur fit grimacer la femme aux iris roses qui tomba sur un genou. Elles s’échangèrent des coups pendant un long moment mais la fatigue gagnait plus vite Sweetie Belle à cause de son pouvoir qui parvenait à peine à gérer cette Scootaloo dopée. Et finalement, elle fit une erreur.
Jambe blessée par les chocs répétés, une main en sang, fatiguée au point où son regard se troublait, elle trébucha et tomba face contre terre. Scootaloo, trempée de sueur, observa donc son adversaire avec un profond mépris… et une légère tristesse ? Les iris de Scootaloo n’étaient plus roses.
“J’ai perdu.” dit Scootaloo en s’asseyant à côté de Sweetie. “Applebloom doit avoir réussi à capturer Célestia ou alors j’ai été trahie… toujours est-il… que j’ai perdu. Je suis désolée Sweetie Belle.”
“...”
Sweetie Belle resta silencieuse, serrant les dents. Elle avait détesté Scootaloo de toute son âme pour la mort de Bulk et des autres. Elle ne voulait plus que des criminels puissent échapper à la justice comme elle l’avait fait. Cependant, maintenant qu’elle avait le visage couvert de poussière, elle était vexée… Vexée de voir qu’elle avait tort… En n’allant plus voir Scootaloo, elle s’était auto-persuadée qu’elle avait raison d’agir comme elle le faisait mais face à la réalité des faits, elle était vexée. Non, Scootaloo ne se pensait pas innocente de l’affaire d’il y a trois ans. Non, elle n’en était pas sortie indemne… Elle avait payé sa dette à bien des niveaux…
En battant Scootaloo, elle pensait pouvoir prouver quelque chose. Au lieu de cela, elle était forcée de réfléchir au fait qu’elle avait diabolisé une amie parce que c’était plus facile comme ça. Plus facile que de s’accabler de “et si…”
“Notre combat était vraiment inutile, hein… Deux nanas pleines d’ego et de rêves absurdes qui se battent.”
Sweetie Belle, trop fatiguée pour bouger, tourna simplement le visage du côté où Scootaloo n’était pas. Des larmes coulant silencieusement sur son visage sale. “Non… Il ne l’a pas été…” murmura-t-elle.
Le son des sirènes résonna dans l’air du soir et la lumière dorée des papillons de Poussière avait disparu…
***
Alors que le combat venait de commencer, Applebloom entra dans le temple en trombe et inspecta les salles une à une avant de se rendre compte que les papillons se dirigeaient vers les étages supérieurs. Grimpant les escaliers quatre par quatre, elle tomba sur quelque chose qui l’effraya : un être de magie pure qui irradiait simplement de lumière et autour duquel voletaient les papillons. Par réflexe, Applebloom appela le papillon monarque et prit son apparence d’avatar magique, comme pour se protéger de ce qui était en face d’elle.
La personne qui devait être Célestia ne la regardait même pas et se contentait de parler à un miroir étincelant dans lequel se trouvait un visage qu’elle n’avait pas vu depuis trois ans maintenant. Discord, le chef du groupe extrémiste. Elle était prête à utiliser son pouvoir pour attaquer Célestia mais… la scène était étrange. Ils discutaient et ils riaient même mais elles ne pouvaient pas les entendre, un moment privilégié entre deux personnes et dont on lui refusait l’entrée.
Cependant, Applebloom n’était pas du genre à rester pantoise et de fait, elle utilisa le pouvoir du papillon monarque pour voir ce qu’il s’était dit auparavant, contournant le problème. Comme à l’accoutumée, elle était dans la même pièce avec les mêmes personnes mais elle entendait un discours cette fois.
“Discord… enfin, je peux te revoir avant de disparaître…” dit une femme qui devait être Célestia. “Les énergies qui m’animent sont trop instables pour que je les contrôle plus longtemps… Tu m’as tellement manqué.”
“C’est particulier pour une âme de parler au travers d’un miroir… Moi aussi tu m’as manqué, Cely. Je suis désolé de t’avoir laissé toute seule. J’aurais voulu que tu puisses vivre ta vie dans notre monde plus longtemps… Si j’avais réussi à contrôler la magie, tu aurais pu te stabiliser définitivement, le simple fait que tu sois encore là prouve que c’est possible. Mais si tu me racontais un peu ce que tu as fait en trois ans…”
Le reste de ce qu’entendit Applebloom comprenait les détails de l’accumulation du désir en échange de la force pour les réaliser. Le reste fut majoritairement une discussion de couple. Soudainement, alors que les souvenirs se terminaient, Applebloom assista impuissante à quelque chose d’inédit. La forme de Célestia commençait à chavirer, comme un mirage en plein désert. Elle n’entendait toujours pas ce qu’il se disait dans le présent mais elle comprenait que c’était un adieu.
Sans un son, sans un flash, ce qui avait été Célestia dans un magnifique yukata n’était plus maintenant qu’une image rémanente dans les yeux noirs de la forme éthérée d’Applebloom.
Les sirènes se firent entendre alors et les papillons de Poussière quittèrent l’endroit, s’envolant par la fenêtre et abandonnant l’enquêtrice confuse.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, la vie reprit son cours. Les renforts qu’avaient appelés Sweetie Belle arrivèrent et emmenèrent Sweetie Belle et Scootaloo à l’hôpital. Sweetie expliqua que des créatures magiques les avaient attaquées et que cela expliquait leur état. Applebloom suivit leur version et raconta ce qu’elle avait vu.
Eric et Cassiopée vinrent voir Scootaloo qui devait simplement se reposer pour se remettre de ses blessures. Sweetie Belle, quant à elle, n’expliqua jamais à Applebloom pourquoi elle avait décidé de prendre sa semaine.
Il y avait encore beaucoup de questions sans réponse dans la tête d’Applebloom. Elle pouvait faire des hypothèses pour certaines mais le fait est qu’au final, elles n’avaient toujours pas découvert les détails du manège dont Filthon avait fait partie…
C’était un problème qu’elles devraient régler avec Sweetie Belle plus tard. Tout ce qui comptait maintenant…
C’était que Sunder leur avait enfin dégoter une bagnole !
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