20 ans après

Un enterrement se déroulait au cimetière de Ponyville. Scootaloo était morte. Toutes ses amies étaient présentes: Apple Bloom, Sweetie Belle, et même Button Mash qui avait changé de sexe pour ses vingt ans. Ses compagnons qui l’avaient épaulée à chaque instants de sa vie. Les larmes coulaient sur chacun des visages présents. Mais quelque chose clochait. Les poneys furent pris subitement de convulsions incontrôlées, leurs visages se déformèrent en un rictus moqueur, cela sans le moindre bruit. Tout ceux qui comptaient à ses yeux étaient maintenant pris d’un fou rire silencieux, la pointant du sabot alors qu’on la mettait en terre. Le groupe d’équidés se scinda en deux, dégageant un couloir entre leurs corps sans pour autant cesser leurs moqueries hystériques. La princesse de l’amitié traversa la foule tel un prophète pour s'arrêter devant la tombe fraîchement creusée. Un livre couvert de symboles sacrés et de reliefs dorés s’éleva sous les yeux de l’alicorne. La voix lourde de la dirigeante Equestrienne s'éleva parmi les stèles de pierres.

- Je vous remercie d'être aussi nombreux en ce jour. Comme vous le savez Scootaloo nous a quittés il y a de ça une semaine. C’est un immense… Bonheur pour nous. Je pense que chacun d’entre vous sait que cette pégase a toujours été la honte de notre village. Ne pouvant pas voler, ayant hérité du surnom de “poulet”, n’ayant jamais réussi à obtenir sa cutie mark. Oui mes chers amis, cette pouliche n’aurait jamais dû voir le jour. Pointez la du sabot en riant et lapidez son cadavre pour que plus jamais un tel déshonneur ne plane sur notre chère bourgade.

Suivant l’ordre de l’alicorne, les dizaines de poneys se saisirent de tout ce qui leur passait sous le sabot, puis projetaient leurs armes de destruction, tenter de tuer l’infortuné cadavre.

~

Scootaloo se réveilla en hurlant. Sa fourrure était trempée de sueur et sa crinière lui retombait devant les yeux, ce qui la fit paniquer un peu plus. Reprenant son souffle, elle vérifia si tout ses membres étaient en place. Apparemment elle n’était pas morte, cela la rassura un peu. Ses côtes la faisait souffrir quelque peu, et, se dirigeant vers la salle de bain pour s'inoculer de quoi calmer ses douleurs, elle se prit les sabots dans son tapis, s’étalant de tout son long sur le parquet. Elle se remit douloureusement sur ses sabots et en profita pour allumer une bougie. Il valait mieux ne pas réitérer cette chute.

Les lattes du plancher craquaient à chacun de ses pas, provoquant un même son dissonant qui venait résonner entre les couloirs froids de l’appartement. Scootaloo jeta un rapide coup d’œil vers les photos couvrant les murs. Les quelques années à l’école élémentaire qu’elle avait vécues avec ses amis lui revinrent à l’esprit. La pégase avait encore la sensation de son premier baiser avec Apple Bloom, et ce souvenir lui fit monter le rouge aux joues. Chassant ces pensées venues d’une époque révolue, La jument orangée entra dans la salle de bain.

La flamme de la bougie faisait danser une lumière jaune pâle sur les carreaux de la pièce et cela raviva une nouvelle fois les souvenirs de Scootaloo. Les instants vécus avec les cuties mark crusaders entre les murs de cet appartement, lorsqu’il n’était qu’un taudis et qu’elles s’éclairaient à la bougie lors des longues nuits à le réparer pour le rendre habitable. Mais maintenant Scootaloo avait vingt ans révolus et était la dernière des CMC; Apple Bloom sous-payait des griffons pour exploiter une plantation de pomme pendant que Sweetie Belle se contentait de tenir plusieurs clubs très privés dans Canterlot, où les performances s'enchaînaient pour le plus grand plaisir des clients. La jeune pégase s’accouda au lavabo et se fixa dans la glace. Sa crête violette avait explosé en une multitude de mèches éparses et des cernes tombaient sous ses yeux, marquant le manque de sommeil auquel elle était constamment forcée avec ces cauchemars à répétition. Son sabot atteignit enfin ce qu’elle cherchait: Une petite boite rectangulaire contenant une multitude de pastilles multicolores. Elle observa rapidement le slogan inscrit au dos, “taste the rainbow”. A chaque fois que son médecin lui conseillait ces calmants, elle revoyait son mentor, une pégase cyan maintenant passée dans la légende, en avaler de pleines louchées dans son lit d'hôpital peu de temps avant de mourir de sa maladie.

Scootaloo fixa son flanc vierge de toute marque. Elle avait écumé tout Equestria avec ses amies à la recherche de son talent. Mais rien n’avait fonctionné. Elle avait tout essayé: le rodéo sur vélociraptor, voler les sous-vêtements de la princesse Luna ou encore accoucher d'un ornithorynque. Elle s’était même prostituée un temps. Mais pour elle qui pouvait enfin voler après toutes ces années d'entraînement, la simple idée de devoir rester au sol lui paraissait insupportable. Le problème était là : elle avait rendez-vous dans la matinée à la ferme des Apple. Reprenant une dose de pastilles de couleur, elle retourna s’enrouler dans ses couvertures et laissa le sommeil la gagner.

Le réveil de la pégase fut on ne peut plus brutal. Son lit fut retourné comme un fétu de paille, la jetant au sol. Une énorme masse de muscle lui bloqua les membres postérieurs dans une clé de patte violente. Tournant tant bien que mal son museau pour voir qui était à l’origine de cette agression matinale, Scootaloo aperçut une jument monstrueuse, un concentré de muscles purs et de stéroïdes, le tout surmonté d’un petit nœud rose et d’une crinière rouge. Le poney, colossal, se retourna alors vers sa proie, un grand sourire aux lèvres, et sans pour autant desserrer sa prise :

- Salut Scoot’ ! Ça fait une paye ! Hurla la jument aux oreilles de sa prisonnière.

La jument fut tellement surprise qu’elle en oublia un instant le fait qu’un équidé d’une centaine de kilos était en train de lui casser l’arrière train. Apple Bloom rapprocha son visage de son amie, qui lui jetait un regard empli d'incompréhension mêlé à de la perplexité; Un regard bovin en somme. La body-buildeuse laissa retomber les pattes de la pégase au sol en attendant que celle-ci se remette de sa stupeur.

- Mais... Mais… C’est vraiment toi Apple Bloom ? bégaya la pégase aux crins violets.

- Bien sur ! beugla la cyclopéenne jument, Qui ça pourrait être d’autre Poulette ?!

Scootaloo prit quelques secondes pour détailler son amie d’enfance tout en massant ses ailes endolories. Elle possédait une carrure impressionnante malgré une taille moyenne. La pratique intensive de sport l’avait transformée en une athlète remarquablement musclée, connue en tout Equestria pour avoir remporté le concours d'épaulé-jeté d’Ursa major en plomb. D’après la légende, elle parvenait même à vaincre le mythique Big Mac au bras de fer, mais cela est une autre histoire.

La pégase se releva du mieux qu’elle put et claudiqua jusqu’à son lit. Prenant appui sur le matelas, elle jeta un regard assassin à sa comparse avant de prendre la parole:

- Et que me vaut ce cassage de côtes dans les règles de l’art ? Tu avais une raison de revenir voir ton ancienne petite amie ou c’était juste pour le plaisir d’écouter mes os se briser ?

- T’étais pas au courant Poulette ? C’est moi qui t'emmène à la ferme d’la famille ! Allez Volaille, en route pour la voiture stéroïde !

Scootaloo fut emportée dans un tourbillon de sueur chevaline et de rire virilement féminin, ne lui permettant que de prendre une brosse à dent et son exemplaire du nécroponicon. La voiture, si on pouvait appeler ça une voiture, de Apple Bloom portait sur son toit une représentation gigantesque de la terrestre à ruban dans une pose exposant le moindre de ses muscles. Le tout affublé d’un panneau affichant la phrase ayant rendu la famille Apple si célèbre, le si populaire “EEYUP”. Les deux juments s'assirent sur les sièges mités et la mécanique fatiguée se mit en marche dès qu’Apple Bloom enfonça son sabot là où auraient du se trouver les clés. Le poussif destrier accéléra subitement en même temps que l’autoradio se déclenchait, et la body-buildeuse se lança dans un solo de chant country, suivie de près par Scootaloo. Les chants du duo résonnèrent jusqu’à ce qu’elles s’enfoncent dans la campagne.

Les pommiers défilaient sous les yeux de Scootaloo alors que la deux-places cahoteuse empruntait l’allée menant à la ferme des Apples. Cela faisait maintenant plusieurs heures qu’ils avaient quitté la ville et le duo de juments n’avait jamais cessé de chanter tout du long, arrosant les phonèmes et couplets de cidre afin de préserver leur gosier de la sécheresse qui n’avait pas manquer de les saisir. La voiture fit un dernier crochet sur la route caillouteuse avant que la si célèbre grange de la ferme familiale ne soit en vue. Mais la vision qui s’offrit à Scootaloo fut bien différente de ce que ses souvenirs d’enfance lui suggéraient. Les griffons étaient présent à tout endroit, leurs plumes sales et leurs mines fatiguées contrastant fortement avec la peinture rouge éclatantes des bâtiments. Chacun charriait des sacs entier de pomme dans des installations bruyante qui broyaient les infortunés fruits. Des dizaines de containers empilés formaient des grappes à une centaine de mètre de ce qui semblait être le bâtiment principal. Ces énormes cubes métalliques servaient de nid aux griffons qui faisaient des aller retour à l’intérieur.

Apple Bloom gara sa pétaradante monture sur une place circulaire. Dés que les voyageuses eurent poser un sabot sur le sol, Apple Jack vint les accueillir, un grand sourire aux lèvres.

“Alors les chtiotes pitchounes, z’avez bien bourlingué ? Big mac vous attend à l'intérieur, ch’rais prête à met’ mon sabot au feu qu’il vous à déjà mit d’la tarte et du bon cidre d’chez nous sur la table.”

La fermière prit les deux amies par le sabot avant de les emmener à l’intérieur de la maisonnette aux peintures rouge et or. La pégase ne put s'empêcher de remarquer deux choses. De un, Apple Bloom devait bien faire deux fois la taille et la carrure de sa sœur aînée. Et de deux, une statue en or de Big Mac trônait au centre de la cour dallée, et celle-ci devait bien mesurer trois mètres de hauteur au bas-mot.

Quelque chose clochait aux yeux de Scootaloo lorsqu’elle pénétra au sein de la maisonnette. Contrairement à l'extérieur de la ferme, rien ici n’avait changé. Le mobilier rustique et grinçant était encore au même endroit, que ce fut la cuisinière où elle et Apple Bloom préparaient leurs tartes lors des anniversaires, ou encore la chaise à bascule ou somnolait Granny Smiss les soirs d’hiver. Apple Jack sembla remarquer son désarroi et, lui mettant un sabot sur l’épaule, lui demanda:

“- Y’a quequ’chose qui t’chagrine sucre d’orge ?

- Je ne sais pas… Je me demande si nous sommes dans la même ferme. Dehors tout semblait si développé, mais là j’ai l’impression d'être retournée treize ans en arrière.

- Ah, tu parles de ça ? T’fie pas aux apparences petiote, c’est juste pour faire croire à ces couillons d’griffons qu’on a autant de privilèges qu’eux. Viens par là t’vas voir c’que j’veux dire.”

Sur ces mots, la cow-girl enfonça son sabot dans une tête d’ours accrochée à l’un des murs de la pièce. D’imposants volets métalliques se déroulèrent devant les vitres et les portes, plongeant la pièce dans le noir. Un vrombissement sourd se fit entendre, accompagné de fortes vibrations, et la salle dans laquelle se trouvaient les trois juments s’enfonça dans le sol. Scootaloo regarda les tableaux aux murs s'élever alors qu’elles plongeaient toutes trois dans les profondeurs de la terre.