Primaire

« Sous les montagnes, au-delà du temps

sommeillent à jamais les léviathans »

Ce jour-là, la famille Apple était partie tôt le matin à Manehattan pour rencontrer un potentiel gros client et devait revenir le lendemain matin. Au moment du départ, Applejack laissa sa petite sœur aux soins de Twilight pour la journée. Celle-ci fut ravie de pouvoir aider son amie et de garder Applebloom ; car même si la vie de couple n’était pas sa priorité, l’alicorne trouvait ça agréable de s’occuper de poulains de temps en temps. Sans doute l’instinct maternel commençait-il à prendre le pas sur sa soif démesurée de savoir.

Toujours est-il que le soir venu, lorsqu'il fut l’heure pour la jeune pouliche de se glisser sous ses draps, celle-ci débordait encore d’énergie.

— Je préférerais rester encore un peu debout, geignit Applebloom. J’suis même pas fatiguée d’abord.

— Tu devrais dormir, choupette. Il est tard et j’aimerais me coucher aussi, répondit Twilight en ne laissant qu’une bougie allumée, la journée a été bien remplie. Demain, ta sœur reviendra te chercher et je préfère qu’elle te retrouve dans le meilleur état possible.

— J’ai même pas terminé tout c’que je voulais faire avec toi, bouda Applebloom, on se voit presque jamais…

La pouliche offrit alors à l’alicorne un regard qui fit fondre son cœur, un de ceux dont les enfants avaient le secret.

— Et bien… Peut-être qu’on pourrait effectivement repasser une journée ensemble à l’occasion, proposa Twilight.

— Le prochaine fois, on ira prendre le goûter chez Zecora ?

— Bien sûr.

— On s’arrangera pour que Spike et Rarity se retrouvent seuls dans la même pièce ?

— Si tu veux.

— On enverra mes coloriages à la princesse Celestia ?

— Toujours, assura l’alicorne, toujours.

La petite terrestre parut satisfaite de ces conditions, mais elle ne sembla toujours pas prête à dormir. Dehors, des grillons chantèrent comme pour répondre au bal des lucioles. Finalement, Twilight eut une idée :

— Si je te raconte une histoire, tu accepteras de dormir ?

Le visage de la pouliche s’illumina.

— Oh ouiii, une histoire ! Une histoire ! Mais pas une que je connais déjà !

— Très bien, accepta la bibliothécaire. Je vais te raconter l’histoire... des Léviathans.

Elle marqua un temps de pause.

— Il était une fois, il y a très longtemps, bien avant qu’Equestria ne s’appelle ainsi…

« C’était à une époque reculée où rien de ce que nous connaissions n’existait, une époque si lointaine qu’elle est pratiquement impossible à imaginer.

« La Terre venait tout juste de se former. C’était un brasier permanent, une boule de roche et de métal liquide.

« Pendant une éternité, aucune vie ne fut possible sur Terre. Il n’y avait rien, excepté des volcans crachant des roches en fusion et vomissant des nuages de gaz toxique. Et c’est là qu’apparurent les Léviathans, fils du sol nés des entrailles de la Terre-Mère et animés par les prémices de la magie.

« Ils furent les premiers habitants du monde et ils en seront probablement les derniers. Nul ne les a vus, mais l’on sait que ce sont des formes de vie issues de la Terre Primaire*, des êtres faits de roche mouvante. Leur constitution minérale les rend cependant lents, au point que leurs mouvements s’étalent sur des milliers voire des millions d’années, mais inversement pour eux les millénaires passent comme des fractions de seconde.

« Vestiges des temps immémoriaux et spectateurs silencieux de ce monde, les Léviathans ne seraient qu’un seul et même être. Une conscience abstraite pouvant se fragmenter en un tout.

« Mais plus que ça, ils sont un peuple vivant littéralement à travers les âges. Pour eux, nous existerons au mieux une poignée d’instants, avant de nous faire balayer par le temps. Mais c’est aussi une race invisible vivant parmi nous, au cœur même de ce que nous considérons comme notre dû le plus fondamental : la Terre.

« Toutefois, la légende raconte qu’au cœur de chaque montagne se terre un léviathan s’étant fait recouvrir de terre et de pierre jusqu’à former ladite montagne. »

Lorsque les derniers mots s’évaporèrent à la lueur de la bougie, Twilight fut satisfaite de voir Applebloom assoupie, bercée par le timbre de sa voix.

— Et bien tu vois quand tu veux…, chuchota la princesse pour elle-même.

Elle moucha la bougie et sortit de la chambre en silence, refermant la porte sur un monde de Léviathans en sommeil.

Sans avoir vu la petite pouliche sourire sitôt la porte close.

*jeu de mot faisant référence à l’Ère Primaire, qui fut la première des périodes géologiques.