Intemporel

Intemporel

L'espace d'un instant, un millénaire s'abat sur moi. Il n'est rien face à ce que je vais endurer mais il suffit pour changer mon monde, et en faire la révolte. La guerre a couvert mon empire, le changeant en une chose laide et corrompue. La magie, ma force, a vite fait de nettoyer cette planète habitée par la haine. En la réduisant en cendres.

Pour ceux qui survivent, la famine les achève. Les autres immortelles laissent leurs espoirs disparaître dans le firmament et partent rejoindre des mondes plus noirs. Même le chaos a quitté ces terres. Mais moi je reste, je suis la cause de la destruction, je suis immortelle.

Les plaines sont devenue désert, le ciel est devenu poussière, les villes se changèrent en ruines et mon château n'est plus qu'un roc stérile qui s'effrite lentement. Le royaume où j'ai vécu ne connaît plus que la mort désormais, elle l'a dévoré.

Mais je suis son âme, qui pour toujours portera ce qu'il reste de cette vie déchue. Je suis la gardienne éternelle de l'existence et il y a fort longtemps mon pays a sombré dans le néant. La lumière d'un nouveau monde est si faible que je peine à l'entrevoir. Pourtant je sais que la vie va à nouveau naître quelque part, mais il me faut d'abord attendre.

Combien de millénaires ont suffis pour m'amener jusqu'à ce monde nouveau? Où m'a donc amené ma planète creuse, errante à travers le vide? Pour faire de ces roche noires un berceau pour la vie, je dois user de magie, tout ce qu'il me reste avant de sombrer dans un sommeil léthargique, un sommeil dont on ne sort peut-être jamais.

Il me faut d'abord faire ma demeure, là où j'attendrai, là où viendront ceux qui feront vivre cette terre nouvelle. Je grave, sur le dessus de mon sarcophage, ces quelques phrases qui m'accompagneront à travers les âges :

« Par les mots que je grave dans cette pierre, retentit mon appel séculaire. A ceux qui à nouveau verront la vie, ce message je dédie. Désormais je rejoins le sommeil profond, et j'oublie les méandres du temps, constamment dans l'attente. Venez jusqu'à moi. Car lorsque votre présence se fera autour de mon sarcophage, quand vous arpenterez cette chambre que j'ai taillé dans la pierre, je renaîtrai.

Et une fois cela fait, vous serez tous témoin de mon empire qui s'élèvera, tous témoin de ma métamorphose, car je ne suis plus princesse, ni reine, ni impératrice, je suis le Dieu Celestia ! »

« Vous savez de quoi il s’agit?»

« Je n'ai jamais rien vu de tel. »

Une lumière vive émanait des lampes que les archéologue avaient disposées. Leurs voix résonnaient dans les couloirs de roche dure traversant la mine aux profondeurs abyssales. L'un d'eux passa ses doigts sur les bords froids d'un bloc rocheux parfaitement taillé qui occupait le centre de la pièce. Cela faisait près d'une heure qu'ils inspectaient cette salle si profonde sous la terre, qu'ils grattaient les murs taillés dans le roc de cette grotte aux dimensions parfaites. Mais le plus intriguant restait ce bloc qui se tenait au centre de la cellule, le second archéologue était fasciné par cette chose. Après leurs longues recherches, ils s'accordèrent une pause. Ils s'assirent près de l'entrée.

« Monsieur Creed?

Un autre homme entra dans la pièce, les deux autres vinrent à sa rencontre.

Arnold Creed avait enseigné dans plusieurs écoles et universités depuis de nombreuse années. Ses connaissances en anthropologie, en archéologie et en théologie lui donnèrent sa place en ce lieu de fouille inédit.

Comme tous ceux qui avaient pu voir la pièce où il se trouvait, il avait essayé d'identifier et de classer le style et la civilisation qui aurait pu creuser cette salle pleine de mystère. En vain, il n'avait jamais rien vu de tel.

Celui qui l'avait accompagné durant ses recherches dans la mine était le directeur de fouille. Quand des mineurs ont creusé une galerie dans cette partie du puits, à la place de trouver fer et argent, des murs d'une pierre étrange apparurent  Ils envoya dès qu'il put les meilleurs archéologues pour inspecter l'endroit. Une belle occasion de se faire connaître, Arnold n'avait aucune idée de pourquoi il se trouvait ici.

« Nos équipes ont trouvé d'autres murs fossilisés près de la pièce principale».

« Autour de la pièce je présume, répondit Arnold qui se questionnait sur l'identité de ce nouvel arrivant»

« Exact, et de votre côté, avez vous pu dater ces pierres ?».

Arnold détourna le regard de son interlocuteur avant de le faire glisser sur le bloc de pierre. Il lança :

« Cet endroit existait déjà bien avant l'aube de l'homme, peut-être même avant l'ère du mésozoïque, je ne jamais rien vu de tel. »

Un silence s'était installé. Tous, semblaient réfléchir, tous plein de questions.

« C'est ridicule ! ».

La voix du troisième homme résonna entre les murs étroits de la salle. Surpris par cet excès, Arnold et le directeur eurent un sursaut. L'autre poursuivit :

« Écoutez, je m'appelle Brian Stevenson et cela fait trois ans que j'étudie l'archéologie, et je peux vous dire qu'il est totalement impossible que cette chose fut édifiée à une époque aussi ancienne ! ».

Arnold poussa un long soupir, se dirigea vers l'entrée de la salle et répondit juste:

« Pourtant, ça existe ».

Une fois dans le tunnel où le camp avait été installé et où une foule de chercheurs se bousculaient pour voir la salle de pierre si mystérieuse, le directeur, qui avait suivi, Arnold, s'adressa à lui :

« Et maintenant, que comptez vous faire ? »

« Ce bloc de pierre est très intriguant, je suis sûr que quelque chose est gravé sur le dessus mais je ne peux pas le lire, il commence à s'effacer ».

« Vous savez Arnold, je suis capable de vous fournir tout ce dont vous avez besoin pour en faire la lecture ».

Arnold laissa apparaître un léger sourire sur ses lèvres.

« Vous voilà fort utile pour une fois ».

Un craquement sourd déchira toute la mine, faisant tomber une fine pluie de poussière. Croyant à un éboulement, Arnold s'était jeté à terre, craignant le pire. Mais puisque la secousse était révolue, il se releva lentement, puis fut assailli d'un énorme doute. Il se précipita à travers le tunnel, enjambant les autres archéologues qui eux aussi avaient mis face contre terre. Il courait vers la salle de pierre.

Arrivé sur le seuil, il fut comme paralysé. Le bloc de pierre était brisé, Brian Stevenson était étalé sur le sol avec les débris de roche.

Mais toute son attention résidait au centre de la pièce, vers cette chose d'une lumière aveuglante, qui étendait deux longues ailes d'un blanc pur. Cet être semblait abattre toute pensées, tout ce que l'on pouvait se dire en présence de cette omnipotence se traduisait par une adoration fanatique.

Arnold murmura dans un souffle :

« Voilà nos dieux... »

FIN