Dernier repas

Cette grande plaine de poussière s’étendait devant mes yeux. Les quelques arbres morts étaient tout ce qui restait de cette ancienne forêt si dangereuse. Lors de mes voyages dans ce qui fut un jour un grand royaume, une zébrelle, la seule que j’ai croisée, m’avait prédit que je devrais faire un choix dans cette plaine. Sa description des lieux avait été si précise que je n’eus aucun problème à trouver cet endroit. Mes proies ne devraient pas tarder à arriver selon les prévisions de Zecora, la zébrelle. Pendant deux jours, j’ai laissé la fine poussière me recouvrir afin de me fondre dans le décor. J’aurais bientôt la preuve des pouvoirs de cette zébrelle, j’espère cependant qu’elle ne m’a pas menti. J'attends ce repas depuis trop longtemps maintenant et je ne pourrais de toute façon plus la punir pour cela.

L’air autour de moi se chargea de la même aura magique qui entourait toutes les licornes que j’ai chassées. Je devais faire attention, une licorne est toujours dangereuse, surtout si on ne les prend pas par surprise. Une espèce de trou dans l’espace apparut et une table se matérialisa en dessous. Deux poneys et un petit dragon passèrent à travers l’ouverture. Je n’ai jamais goûté de dragon, ils ont disparu avant que j’en ai eu l’occasion.

J'observais ces deux poneys se disputer sur un sujet que je ne comprenais pas. L’une d’elles était une licorne violette, mais l’autre était clairement une alicorne d’un violet plus foncé. Je n’en avais jamais goûté non plus. Cette journée s’annonçait si belle. Pouvoir manger des races que je n’avais jamais essayées m’excitait, mais je devais rester concentrée. Si j’agissais trop vite, je risquais de ne pas pouvoir profiter de ce festin qui s’offrait à moi. Je préparais mes lames au bout de mes sabots.

Elles n’étaient pas sur la défensive, comme si elles n’avaient jamais vécu dans cette époque. Je me déplaçai sans un bruit vers le jeune dragon. C’était la cible la plus facile. Cependant, je n’étais pas sûre que mes lames seraient assez résistantes pour traverser ses écailles, mais elles ne m’avaient jamais fait défaut. Je devais avoir une confiance absolue en elles car elles étaient mes compagnes de chasse depuis si longtemps maintenant. Elles avaient goûté autant de sang que moi et l’avaient toujours apprécié, surtout si celui-ci appartient à une race que nous n’avions jamais essayé.

À un moment où les deux autres ne le regardaient pas, je plaquai le petit dragon au sol tout en plongeant une de mes compagnes au niveau de son cou. Ma lame glissa sans aucun problème dans la chair de cette proie, le silence de ce mouvement était si intime. Plus un bruit ne pouvait sortir de cette gorge complètement ouverte. L’autre lame pénétra dans le cœur de mon prochain repas sans aucune résistance. Son regard croisa le mien. Des larmes baignaient ses yeux interrogateurs alors que la vie le quittait. L’odeur de ce sang m’excita et me rendit joyeuse. Je repris mon calme avant de l’enterrer sous la poussière environnante pour que les autres ne puissent pas le voir par accident.

C’était maintenant au tour des deux poneys. Elles ne semblaient pas vouloir s’éloigner l’une de l’autre, s’affairant autour de la table qui était apparue avant elles. Je me rapprochai de celle-ci, réfléchissant au moyen de m’occuper de mes deux autres proies. Elles étaient tellement concentrées sur leur dispute que je n’aurais aucun problème à les prendre par surprise. Il me suffisait d’être aussi rapide que la pégase bleue que j’ai mangé il y a quelque temps. Rien que le souvenir de ce repas me donne faim. Cette pégase avait été si bonne. J’en avais profité pendant des jours, appréciant chaque morceau avec le même plaisir, malgré le fait que j’avais dû la défendre d’un autre poney, lui aussi excellent.

La licorne se rapprocha de moi, mais sans réellement me voir. Elle commença à parler de montrer son passé lorsque je lui tranchai la gorge, ne lui laissant aucune chance de survie. Mon autre lame trancha sa corne net. J’avais appris à ne jamais laisser de chance à une licorne car elle avait toujours moyen lancer un sort tant qu’elle possédait une corne. Et si elle peut lancer un sort, elle peut vous emporter avec elle dans sa mort. Je l’avais presque vécu lorsque j’ai trahi cette magnifique licorne blanche. Elle avait été si généreuse, dans sa vie comme dans sa mort. Elle fut l’une des seules que je regrette, juste pour les nuits qu’elle avait passées à mes côtés.

L’alicorne semblait surprise de me voir attaquer, restant tétanisée. C’était dommage pour elle car je n’aurais aucune de pitié. Je me précipitai vers elle, l’odeur du sang fraîchement répandu m’ayant rendue extatique. Je mangerais cette alicorne si appétissante, quel qu’en soit le coût. Elle n'eut aucune réaction de défense pour empêcher ma lame de séparer sa corne du reste de son corps, la privant elle aussi de sa magie. La douleur qu’elle ressenti la poussa à se mettre à genoux. Elle ne semblait pas vouloir se battre avec moi, comme si elle me connaissait. Cela me convenait, un repas gratuit est toujours appréciable. Elle releva la tête et me regarda. Elle prononça mon nom. Personne ne prononce mon nom. Je la poussai sur le dos, et la poignardai. Mes sabots heurtèrent son poitrail à de nombreuses reprises, même après que mes lames soient tombées au sol. Chaque coup projetait son sang sur moi, teintant de rouge ma crinière rose. J’aimais cette odeur de sang qui m'entourait, me poussant à martyriser ce corps même après que la vie l’ai quitté. Je finis par reprendre le contrôle, me rappelant que prendre un tel moment d’oubli à découvert était stupide. Toute cette violence était inutile, et m’avait mise en danger. Il me fallait amener ces trois corps vers un endroit plus sûr.

Le vent souffla. Une odeur de cendre m’entoura. Je ne sentais plus mes ailes. Les derniers mots de cette délicieuse Zecora me revinrent dans ce moment. J'étais censé choisir un futur, et que mon choix pourrait me sauver. Je regardai une dernière fois mes ailes d’un jaune pale avant que celles-ci ne se transforment en poussière. La malédiction de ce monde m’avait rattrapé. J’aurais au moins eu l’honneur d’entendre une dernière fois mon nom avant de quitter ce monde. J’avançais péniblement vers le corps du petit dragon. Je voulais savoir si la viande de dragon avait meilleur goût que celle de zèbre avant de ne devenir que poussière. Les radiations de magie alicorne rendaient ce moment si douloureux, mais cette viande était si bonne. Ce repas aurait été si agréable à partager avec Rarity. Une larme vint humidifier la poussière de mon visage.