Chapitre unique.

Aujourd’hui j’ai décidé et je marche.

Je marche car on m’a certifié que je ne pourrais plus voler, je marche parce qu’on m’a rejetée.

Je marche pour oublier cette aile pendante, inutile, paralysée.

Je marche un carnet et un crayon dans une sacoche, sans vivres car je sais que la prochaine ville n’est pas loin. Je ne m’y arrêterai que pour prendre eau et nourriture, car je marche sans but, vers les confins d’Equestria.

Aujourd’hui j’ai décidé et je marche, parce que je ne serais jamais plus acceptée parmi les miens et que je ne veux pas me mêler aux autres, je n’ai jamais voulu le faire, j’ai même eu du mal à me faire des amis dans ceux de ma propre race. Mais je marche surtout parce que je veux savoir ce que cela fait, je n’ai jamais vraiment marché, ni galopé. J’ai toujours volé. Les seules fois ou j’ai marché, c’était lorsque je ne pouvais pas faire autrement, c’était rare.

Maintenant c’est tout ce que je peux faire.

Clouée au sol, je marche sur un chemin boueux. Les autres pégases, ceux de l’équipe météo, on mis trop de nuages pour la pluie de ce matin, mais ça ne m’a pas empêchée de marcher.

C’est étonnant comme les nôtres sont douées pour rejeter ceux qu’ils considèrent plus faibles. Je me souviens avoir raté mon examen de vol et être passée au rattrapage, après ça j’ai toujours été considérée comme un rebut de la société. C’est dur de passer un examen lorsqu’on a la nausée et les ailes en compote. Mais je vole normalement. Je volais.

Maintenant je marche, car je l’ai décidé ce matin, je pars loin de ma ville et de ceux qui se disaient mes amis. Ceux qui m’ont abandonnée à mon sort sur le sol, qui m’ont dit qu’ils ne parleraient plus jamais à quelqu’un comme moi. Tout simplement parce que j’ai eu un pauvre accident. Et comparé à l’autre qui m’a percutée, je m’en suis bien tirée. Il est mort, lui… et pas sur le coup en plus.

Je ferme les yeux un instant, entend le bruit de mes sabots qui barbotent dans une flaque d’eau, puis je m’arrête quelques secondes.

Les terrestres et licornes m’auraient tout à fait acceptée dans leur ville et j’ai choisi de marcher. C’est peut-être idiot. Je devrais peut-être y retourner.

Mais si je tombe sur quelqu’un comme les pégases que j’ai quittés ?

Je rouvre les yeux et continue de marcher devant moi. Je commence à avoir mal aux sabots et je fixe la route de terre parsemée de flaques. Je trouve la boue amusante, même si j’ai parfois du mal à la décoller de mes sabots. J’aime le bruit qu’elle fait en se décollant.

Je ne comprends pas pourquoi on m’a rejetée et laissée au sol, tout de même. Ce n’est pas parce que mon aile droite est fichue que je ne peux plus marcher sur les nuages. Il n’y a qu’à faire des escaliers pour les handicapés comme moi.

Pardon, j’avais oublié que tous les pégases sont fiers de voler et ne voudront jamais se rabaisser à aider les plus faibles. Quoiqu’il y ait des exceptions, très rares. Généralement c’est justement les plus faibles des pégases qui aident les autres, parce qu’ils comprennent.

Je me demande ce qui me serait arrivé si j’avais raté le rattrapage de l’examen de vol. Probablement la même chose que maintenant, juste plus tôt. On était quatre à y être, dont un de ma classe d’apprentissage, Sky Wish. Il a raté le rattrapage. Avec un peu de chance je le retrouverai durant mon voyage.

C’est fou comme je me suis mise à réfléchir aujourd’hui. Jamais je n’aurais cru cela possible. Est-ce à cause de notre vitesse de vol qu’on dit des pégases qu’ils n’ont rien dans le crâne ? Pourtant c’est sympathique de réfléchir, ça fait passer le temps, et on ne pense plus à ses sabots qui font mal.

Quoiqu’il en soit je viens à nouveau de décider quelque chose. Deux choses en fait.

D’abord j’ai décidé que je retrouverais Sky Wish.

Ensuite j’ai décidé que, jusqu’à ma mort, je ne m’arrêterai jamais de marcher.