Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

La maladie venue d'ailleurs

Une fiction écrite par GeekWriter.

Chapitre 1

Manehattan.
Ce n’est pas une ville comme les autres, plus grande que toutes les autres villes du royaume d’Equestria. C’est l’incarnation de la modernité, surtout lorsqu’on la compare à la capitale, Canterlot. Ici, tout est immeuble et béton, il y a juste un peu de végétation dans les parcs dédiés. Les habitations individuelles sont rares et réservées aux plus riches, les poneys les plus modestes étant entassés dans des appartements dans des grands immeubles s’étalant dans le ciel dans des dizaines d’étages. Il y a des boutiques, mais il y a surtout des grandes entreprises, occupant des bâtiments aussi grands que les immeubles d’habitations, voire parfois beaucoup plus grand. On y trouve cependant une plus grande mixité raciale que n’importe où sur Equestria et les plus grands spectacles culturelles y prenaient place. Parfois, certaines comédies musicales ou certains opéras sont exclusivement visible à Manehattan. La nuit, contrairement à la majorité des cités d’Equestria, voir du monde entier, la ville est illuminé et dans certaines rues, on peut y voir comme en plein jour.

Mais ce qui est le plus remarquable à la ville de lumière, c’est son état d’esprit, que l’on constate dès son arrivée à la gare. Les valeurs de l’Amitié y sont les moins présents que partout ailleurs. Est-ce dû à l’influence des griffons qui possèdent un quartier bien à eux en ville ? A la très grande puissance des grosses sociétés dont l’influence peut s’étendre jusqu’aux plus petites bourgades aux frontières du royaume des poneys ? A l’épuisement de la plupart des poneys à cause de leur travail ? Ce qui est sûr, c’est qu’aucune des valeurs ne semble avoir d’importance pour la majorité.
Si quelqu’un vous donne sa parole, il peut tout aussi bien décider de ne pas la respecter si énormément de bits sont en jeu. Ne comptez pas sur la gentillesse des individus en ville, même lorsque la matinée est belle, votre bonjour aura un goût et une sonorité amère. Le rire est souvent teinté de moquerie et la générosité est rarement innocente. Seuls l’honnêteté et la magie semblent être respectés… l’une parce qu’il faut bien que les contrats soient légaux et l’autre parce qu’il y a des licornes.

Oui, Manehattan n’est pas une ville comme les autres, mais comme partout, il y a du bon et du mauvais, aussi bien pour la ville qu’au niveau de ses habitants. Après tout, vous ne pouvez avoir une telle diversité sans avoir automatiquement des bons éléments dans le lot, illuminant la ville et ses habitants par leurs valeurs brièvement avant de retomber dans l’oubli. La vie peut y être dure dans cette ville… Et s’il y a des poneys bon… il y a aussi quelque chose de très rare à Equestria : du crime. Et on ne parle pas de sac à selle pris à l’arraché sur le dos de pauvres juments âgées, on parle bien de crime organisé avec braquage de banque, de magasin de luxe, de revente de contrefaçon et parfois même d’agression physique. Les deux principaux gangs de la ville, composés respectivement de poneys et de griffons, jouent souvent sur la pauvreté des individus pour les embaucher, les dépraver et en faire des membres loyaux. Pour ça, rien de mieux qu’un détournement des valeurs de l’Amitié afin de tromper les éventuels candidats. Vous avez été trompé ? On vous a trahit ? Vous en avez assez de cette société froide ? Rejoignez notre gang, et vous serez sûr d’avoir des membres loyaux avec vous, de ne plus être seul…
Le pire, c’est que chaque gang traite très bien ses membres, quel que soit son grade.

Les deux gangs ont aussi leurs spécialités :

D’un côté, nous avons la famille Easy Money, dont la préférence va aux magouilles, cambriolages sans effractions, escroqueries diverses, blanchiment de bits frauduleux et fabrication de faux. Dirigé par des licornes, ils ont très peu de pégases dans leur rang mais compense par des poneys terrestres, plus commun, plus discret et plus fort aussi. Avec eux, votre argent peut soudainement disparaître sans laisser de trace. Parfois, c’est même vous qui le donnez avec le sourire avant de pleurer toutes les larmes de votre corps en vous rendant compte que vous ne pourrez jamais le récupérer. Et pour cause, vous avez signé un contrat pour certifier que c’est légal de vous tondre la laine sur votre dos comme un vulgaire mouton.
De l’autre côté, vous avez les Wings and Talon. Connu pour leur manque de discrétion, ils ne se cachent même plus à présent. Leurs membres exhibent leur appartenance au gang avec des lunettes de soleil et des blousons en cuir cloutés. Braquages et vols spectaculaires de fonds sont leurs fonds de commerce. Ils aiment cependant se mettre la population dans la poche en payant des tournées dans les bars à cidres, en balançant au-dessus d’un carrefour très fréquenté une partie de leur butin et surtout en protégeant avec sincérité le quartier griffon de Manehattan.

Mais ces deux gangs ne sont rien face à la nouvelle menace qui pèse sur la ville, en particulier pour ses poulains. Car une étrange maladie ne frappant que les plus jeunes s’est rependue au sein de notre ville. Personne ne sait ce que c’est, ni d’où elle vient. Selon les parents, elle provoque cauchemars à répétition et au stade final, même réveillé, le poulain continue de délirer et de souffrir, comme s’il ne pouvait échapper à ses démons. Les médecins ont alors inventé le terme de terreur diurne pour donner un nom à ce symptôme.

Actuellement, le nombre de malade est de 147. En deux mois, cela donne environ 2 à 3 nouveaux cas par jour. Afin de gérer cette épidémie, c’est l’hôpital spécialisé pour les jeunes poneys, Sainte Snowdrop, qui s’est dévoué à recueillir tous les enfants de Manehattan frappés par la maladie. En prévision, tous les autres cas n’impliquant pas de cauchemar ou de terreur diurne sont transférés vers d’autres hôpitaux. Ce soir, le directeur général de l’hôpital a convoqué la presse afin de faire un bilan vis-à-vis de la situation.

« Hey Geek ! T’as bientôt terminé ton torchon ? »

L’écrivaine se tourna vers un poney terrestre brun à la crinière blonde et à la marque de beauté représentant une tête de serpent. La jeune jument soupira, elle détestait que l’on cassait sa concentration lorsqu’elle travaillait, c’était des plus pénible lorsque l’on était plongé dans son travail, à travers les mots et l’imagination, comme dans un cocon vous protégeant des agressions extérieures comme le bruit d’une cité ne dormant presque jamais. Mais hélas, toutes les protections mentales du monde ne pouvaient vous protéger des poneys désagréables comme Hard Mouth. Hard Mouth était doué pour blesser affectivement les autres, mais semblait bien incapable d’écrire plus de 10 lignes par jour.

« Je viens juste de terminer. » Lui lança-t-elle en dévoilant un petit sourire satisfait. Certes, il faudrait améliorer deux ou trois petites choses, mais toutes les idées qu’elle souhaitait exprimer sont présentes. Le visage de son interlocuteur se rembrunit puis il reprit de plus belle.

« Ouaip, pis après les lecteurs vont encore te tomber dessus à sabot raccourcis dans le courrier, et tu seras mise à pied une semaine. Comme d’habitude. Si seulement tu restais à ta place pour changer…
- Justement jeune homme, elle ne reste pas à sa place, et c’est comme ça qu’elle fait du meilleur boulot que toi. Et qu’elle gagne plus que toi, même avec une semaine de salaire en moins par mois. Maintenant va finir ton article sur ta bagarre de bar au 39eme Mere Street, et laisse tes camarades bosser. »

Personne ne discutait les directives du patron : Wright Quill, un étalon licorne d’âge mûr. Il avait commencé le boulot de journaliste alors que la plupart des employés actuels étaient encore des poulains au flanc vierge. Au DailyMane, on ne plaisante jamais avec une décision ni avec une déclaration du boss. Il était sévère, mais juste. Aussi juste que sa robe était blanche et sa crinière grise avec l’âge. Le patron du journal local s’approcha de la jeune jument qui signait son travail avec deux mouvements de magie générés par sa corne cachée sous son chapeau. Il parcouru son article d’un œil expert avant de soupirer à son tour.

« Tu ne peux pas t’empêcher de pointer les défauts de cette ville hein ? Bon, on n’a rien de mieux sur le sujet, donc au pire, je ferai quelques coupes.
- Roo, boss !
- Je sais Geeky, je sais. Mais si tu veux faire dans le sentiment, aussi positif ou négatif soit-il, écrit plutôt un livre. Là, ce que l’on veut surtout, c’est les faits. Et effectivement, on n’a pas encore grand-chose. Je compte sur toi ce soir. Rentre chez toi et vas te préparer. »

La jeune ponette fit la moue, mais acquiesça. Elle prit son sac-selle et sortie du bureau. Quelques dizaines de minutes plus tard, elle était de retour chez elle et s’observait dans le miroir de la salle de bain. Ses yeux bleus étaient de nouveaux fatigués et des cernes commençaient déjà à se dessiner de nouveau. Sa crinière violette aux reflets verts était des plus désordonnée sa robe grise semblait prendre des teints plus sombres. Elle enleva son sac-selle de son dos et observa son flanc où sa marque en forme de plume mauve se trouvait. Avec la magie télékinésique, elle tâcha de prendre une brosse et de donner une forme plus correcte à sa crinière tout en se perdant dans ses réflexions.

Elle était de retour à Manehattan peu après les débuts de l’épidémie, mais contrairement à la plupart des maladies, le nombre de malade n’augmentait pas de façon exponentiel, mais avec une régularité troublante : preuve qu’il ne s’agissait pas de quelque chose de ‘’naturelle’’ mais au contraire, de quelque chose de magique. De toute manière, selon les informations qu’elle a recueilli, les réserves d’eaux étaient propres, les nourritures dans les magasins et les cantines scolaires ne portaient rien de dangereux et leurs fournisseurs ont été vérifiés. La maladie venait d’ailleurs donc, mais de quoi ? D’où ? Les parents se retrouvaient séparés de leurs poulains et submergés par la peur, et jusqu’à maintenant, personne n’était capable de les aider ou du moins, de leur fournir une réponse.

Prenant une mine contrariée, la journaliste se demanda un instant si elle-même pourrait fournir une réponse à qui que ce soit en ces temps troublés ou en des temps futur. Ce n’est certes pas par grande vocation qu’elle soit devenue journaliste, mais elle a toujours mit tout son cœur et son énergie dans ce qu’elle faisait. Elle se laissa aller à une rêvasserie, s’imaginant dans un coin tranquille, un peu en ermite des autres poneys, vivant de son écriture de manière plus libre. Etre reporter, c’est bien quand on aimait manier la plume, mais ça impliquait aussi beaucoup de contraintes, comme l’obligation d’être objectif, direct, concis et parfois, de ne pas trop se fâcher avec les notables de la ville afin de ne pas gêner une réélection. Elle se gratta le menton, sa rêvasserie allant ailleurs : l’un de ces notables avait comme marque de beauté une tranche de pizza. Comment était-il entré en politique et surtout, quels étaient ses véritables talents pour se faire élire à un poste aussi important ? Etait-ce une margherita pour un vote ? Un complot à base de calzone aux fruits exotiques ? Voilà un sujet intéressant sur lequel elle pourra se pencher une fois ce sac de nœud démêlé… Mais en attendant, elle devait assister à une conférence. C’est la première fois qu’elle assistera à une conférence traitant de médecine, et ça s’annonçait passionnant !

***

Geek Writer bailla pour la troisième fois. Non seulement le directeur mentait comme un arracheur de dent (était-ce un concours pour aligner tous les tics nerveux qu’avaient les poneys menteurs le plus rapidement possible ? Car là, il était vraiment en train de toute les faire, c’est sublime), mais en plus, il meublait son discours avec moult répétitions et autre sujets qui n’avait rien à voir avec les terreurs diurnes. Et… non… Il était en train de faire de la pub en plus ? En disant que l’hôpital allait généreusement recruter une dizaine d’infirmières pour combler le manque d’effectif, il était sûr de se mettre dans la poche quelques ponettes sans-emplois un peu désespérées de devoir retourner ‘’à la cambrousse’’ faute de labeur rémunéré. Décidément, c’était louche. Elle observa silencieusement ses confrères à ses côtés. Certains avaient effectué deux ou trois photographies et attendaient mollement que ça se termine, le regard vide. D’autres, un peu plus attentifs, se contentaient cependant de noter le discours, leur concentration uniquement focalisé sur l’intégralité pour retranscrire un maximum la forme au détriment du fond. Seul deux ou trois confrères et consoeurs avaient un regard tout aussi scandalisé que celui de la ponette à la robe grise et avaient rajouté sur leur carnet nombre de questions et d’interrogations auquel le directeur allait certainement rapidement mettre court en prétextant avoir du travail.

Et ça ne manqua nullement :

« Bien. A présent que j’ai terminé mon discours…
- Oui Docteur Heal Search, à ce propos…
- … vous conviendrez que je n’ai plus de temps à consacrer aux questions. Vous comprendrez que nos poulains ont besoin de nos soins et cela demande énormément d’organisation. A l’heure où nous parlons, peut être que d’autres victimes sont en train d’affluer… »
Et bla bla bla, et je dois partir, parce que, oulala, je n’ai rien apporté de neuf sur les terreurs diurnes, j’ai pris deux heures de mon temps à meubler du vide avec du rien pour faire écran de fumée, et j’ai du travail bien trop important pour que vous puissiez me retenir. Et si vous le faite, c’est que vous ne pensez pas aux poulains, bande de mécréant.

Enfin, ça, c’est ce qu’entendait Geeky. Parfois, ça lui arrive d’interpréter librement un discours quand on se fout du museau du monde. Certains journalistes voulurent insister mais les parents s’interposèrent, prenant une posture agressive en tapant du sabot sur le sol. Sentant le conflit s’élever doucement, la ponette aux cheveux violet et vert commença à s’éclipser doucement vers les ruelles proches.

Elle s’enfonça peu à peu, ignorant la clameur qui s’élevait. Les cris et bientôt les insultes se déversèrent comme un orage, de quoi éveiller les Wendigos, les cheveux célestes de la fureur et des calamités. Une chose était sûre dans cette folie naissante : le directeur n’allait être une aide pour personne et il va falloir que Geeky s’occupe elle-même de la récolte d’information… Quitte à flirter avec la ligne jaune.

Ce qui est bien à Manehattan, c’est que si tu vas dans le bon coin, la bonne ruelle, tu trouveras ce que tu cherches. La journaliste vagabonda un moment aux alentours de l’hôpital malgré les cris. Au bout de dix minutes, les gardes traversèrent le ciel et les rues, leur armure d’or étincelante sur le dos et le regard sévère. La petite jument soupira en les laissant passer, retenant son chapeau de justesse pour éviter qu’il chute et prenne la poussière.

Là, le quartier portuaire. La journaliste fouilla les environs. Comparé au reste de la ville avec ses rues parfois très étroites, ici, tout semblait immense quand les quais étaient vides. La jument au pelage gris sourit en se rendant sur les lieux d’un casse. Normalement, le chantier aurait continué, mais avec les terreurs diurnes, la plupart des étalons rentraient chez eux et le nombre d’ouvrier étaient alors trop faible pour que les travaux puissent perdurer tard dans la nuit. L’écrivaine observa les lieux du chantier et trouva son sésame : un escabeau pliable et une charrette. Rapidement, elle plaça l’escabeau dans le véhicule qu’elle commença à tracter. C’était lourd et ça lui pesait sur son dos, mais malgré son manque d’habitude des exercices physiques, elle parvint rapidement aux abords de l’hôpital. Le silence était étouffant, signe que la Garde avait dispersé les quelques bagarreurs. La ponette aurait pu faire son papier sur la bataille, mais ça ne l’intéressait guère : tous les charognards allaient en faire un torchon sur cette événement et seul la Vérité l’intéressait.

Rapidement, elle trouva une ruelle avec une fenêtre disponible à mi-hauteur, dans l’accès aux escaliers. Elle observa rapidement les alentours et plaça l’escabeau avant de grimper rapidement, s’infiltrant dans l’hôpital. L’escalier en spiral était plongé dans les ténèbres. La journaliste fureta dans ses souvenirs, tentant de se remémorer son prochain objectif : le vestiaire. Et bêtement, elle se souvint que c’était au rez-de-chaussée, comme dans la plupart des hôpitaux. Se tapant doucement le front avec son sabot pour se remettre les idées en place, la jument infiltrée descendit quelques marches et se pencha pour observer la sortie par la serrure. Personne. Elle entrouvrit la porte et d’un petit trot fluide, s’engouffra en silence dans le vestiaire, à quelques mètres sur la droite. Toujours personne et les seuls bruits audibles sont les cris des poulains dans les étages supérieurs. D’ici, cela semblait supportable, mais en haut, ce doit être une véritable cacophonie.

Très rapidement, elle s’empara d’une blouse ainsi que d’une coiffe et s’arrangea devant un miroir. Elle cacha sa corne comme elle le pu sous la coiffe d’infirmière et plaça sa blouse pour cacher sa marque de beauté. Comme à chaque fois qu’elle le faisait, elle en avait un peu honte, mais il n’y avait pas meilleure et pire carte d’identité à la fois, surtout au sein d’un hôpital. Une plume violette n’évoquait guère les soins ou la pédiatrie et les quelques rares secrétaires devaient être trop connus. Elle cacha enfin son appareil photo et son carnet de note dans la blouse et prit le temps, enfin, d’analyser la pièce.

Il y avait beaucoup d’uniforme. Beaucoup trop pour un hôpital qui est censé être très actif et remplit de malade pour l’instant incurable. Presque chaque casier disponible était recouvert d’un cintre avec deux ou parfois trois uniformes propre et prêt à être portés. Devant l’improbabilité de la scène, la journaliste commença à farfouiller dans la pièce, presque sans prendre de pincette, le cœur affolé. Derrière un énième cintre débordant de tissu blanc, elle découvrit le planning du personnel, le document relatant qui travaille et quand.

Elle déglutit en retenant une inspiration de surprise : il n’y avait que cinq ou six infirmières pour tout le mois. Et l’hôpital regorge de poulains délirants.

Pour l’instant, elle manquait d’élément…mais ça expliquerait certaines choses. Mais tout d’abord, elle allait devoir prendre de gros risques : pénétrer dans le bureau du directeur ou du moins, d’un responsable. Elle prit quelques clichés de la salle et du document et retourna dans le couloir. Elle se dirigea vers les escaliers à nouveau, croisant un couple de poney, les yeux en larmes, la tête basse. Tout en farfouillant l’hôpital, elle évita les infirmières qui naturellement, la démasqueraient. Le premier étage était réservé aux pégases et chaque chambre était capitonnée pour éviter que les bambins à la mobilité élevée ne se blessent dans leur délire. Les parents présents effectuaient de véritables luttes dignes des plus grands lutteurs terrestres pour maintenir leurs poulains en place le temps que la seule infirmière de l’étage arrivait en renfort. La réserve de médicament était presque exclusivement remplie de sédatif et il y avait même quelques camisoles adaptées aux poulains ailés. Associé au vacarme permanent, l’établissement n’était plus seulement éreintant moralement, il devenait aussi extrêmement glauque. L’écrivaine déglutit en imaginant le pauvre enfant, déjà en détresse, voir son corps entravé. Il n’y a rien de pire pour les pégases que ne plus pouvoir se mouvoir selon leurs désirs. C’était une espèce fière, qui aimait sa liberté au point de fabriquer leur demeure avec des nuages, pour limiter leur point d’attache.
Le second étage contenait de nombreux poulains terrestres vagabondant au gré de leurs délires. Les structures avaient néanmoins été renforcés afin d’éviter des accidents : les terrestres restaient les plus robustes et les plus forts physiquement. Les quelques parents présents se contentaient de suivre leur enfant, las du bruit et le poid de leur inquiétude sur leurs épaules. Pour sa part, les tympans de Geeky la firent souffrir au bout de deux minutes, mais elle tient à vérifier l’étage. Pas de bureau de responsable non plus, et la salle de garde était désespérément vide. Même les tasses à l’intérieur pour prendre le thé ont pris la poussière et le mini-réfrigérateur est vide. Même pas une carotte pour un snack de milieu d’après-midi. Au retour, la jument grise dû se cacher dans les toilettes à l’arrivé d’un nouveau patient sur un brancard. Sa voix s’entendait à peine dans le brouhaha déjà ambiant. C’est avec peine et larmes de douleurs plein les yeux que la journaliste reprit l’escalier.

Le troisième étage était en pleine mutation. Non personne ne déménageait le mobilier pour en faire autre chose qu’un service de pédiatrie, non c’est juste qu’avec les poussées de magie des licornes malades rendus fous par la terreur diurne, vous avez des cactus coiffés de perruque encadrant une chambre explosée. Une grenouille sauta près des sabots de Geeky qui dû faire un pas de côté pour éviter d’écraser la créature des marais par mégarde. Elle évita de justesse du carrelage mouvant et un mirador encadré par des jouets en plastiques. Une infirmière hurla en échappant à un guet-apens monté par un ours, un poulet et un renard en peluche alors que les nombreux parents présent s’associaient pour désenchanter tout ce qui n’était pas vissé sur le sol. De toute manière, rien ne restait vissé longtemps à part les murs.

La journaliste rua pour se défaire d’un lapin bleu moche un peu trop collant et galopa pour atteindre la salle de garde au bout du couloir. C’était bien la seule pièce où tout était à sa place à l’étage et où rien n’essayait d’étrangler la licorne écrivaine. Soufflant un coup, elle tenta d’ignorer les clameurs de la bataille se déroulant juste de l’autre côté de la porte et fouiller sans trop d’espoir la pièce. Tout ce qu’elle trouva, c’était une pomme moisie, une carotte défraîchie, deux feuilles de thé et un petit journal. Elle ouvrit le petit livre directement à la dernière entrée et tâcha de rester vigilante en lisant.

« Je pense que je n’en peut plus et j’en suis dévastée. Cette situation, même avec tous les poneys du monde entier, n’est pas gérable. De toutes les maladies magiques ou naturelles que j’ai vu, c’est la pire à éprouver alors que l’on n’est pas infecté. Voir tous ces enfants déchirés sans pouvoir y faire quoi que ce soit me peine et m’enlèvent mes forces. Ce soir, je démissionne, et je laisse ce journal ici pour que mes collègues puissent comprendre. J’espère juste que je suis la seule à être à bout de force… »

Quelques taches sur le livre. Certainement des larmes. Mais visiblement, personne ne l’avait lu, sinon la denrée périmée n’y serait pas. La journaliste prit un cliché du dernier paragraphe et se trouva un miroir. Il restait encore plusieurs étages. Certains devraient être en travaux… mais il devrait y avoir un coin où on gère l’administratif. C’est aussi inévitable qu’une chrysalide s’ouvre pour laisser place à un magnifique papillon. Replaçant tous les objets comme ils étaient à l’origine, Geek Writer inspira un grand coup et ouvrit la porte. Derrière, le quatuor de peluche s’était posté devant, comme pour l’attendre, leur couture leur donnant une sorte de sourire goguenard carnassier.

« Alors là… je ne suis pas d’humeur les gars… »

Elle sursauta au cri suraigu et presque métallique des peluches et d’un geste télékinésique, les envoya valser par une fenêtre en guimauve et toile d’araignée. Celle-ci éclata dans un bruit mou et moelleux avant d’être réassemblée en vitesse par des parents désespérés. La ponette à la crinière violette et verte en profita pour s’éclipser le plus rapidement possible de ce chaos. Discord en serait fier, certainement. Il n’est pas du tout responsable, mais se baignerait sans doute avec plaisir dans ce joyeux bazar. Peut-être même qu’il en rajouterait, mais pas trop, il aime bien la créativité mine de rien, ce serait tellement dommage de priver les jeunes de s’exprimer n’est-ce pas ? Cette perspective ironique n’était pas réjouissante, mais permit à Geeky de tenir le coup alors qu’elle s’éloignait des étages bruyants. Au fur et à mesure qu’elle grimpait les étages, tout devenait plus silencieux. Comme prévu, presque tout était en travaux : déménager les différents services n’est pas si simple, il faut tout réaménager. Mais ce qui inquiéta Geeky, c’était la taille des chambres prévu sur les plans : elles semblaient beaucoup plus petites que celles existantes aux 4 premiers étages. Le septième et dernier étage était bien celle de l’administration. Quelques poneys en tailleurs ou costard vaquaient à leurs occupations, rendant la tâche de la journaliste délicate. Il faut dire que l’infiltration, c’était bien, sauf quand on est obligé de patienter plus d’une heure dans un local d’entretien. Ou placard à balai, c’est comme bon vous semble. Elle en profita pour se concentrer et tâcher de rendre sa crinière noire par un petit sortilège d’illusion. Une ponette à robe grise et au crin noir était des plus banal, si on l’apercevait de loin, on fera moins attention. Mais de près… Elle risquait de voir sa couverture voler en éclat.

Elle sortit avec précaution de sa cachette et déambula dans le dernier étage. La décoration était très pauvre, ils venaient juste d’aménager (aucun doute avec le nombre de carton pas encore déballé) et la plupart des employés présent ne semblait ni abattu ni complètement épuisé. La geekete écrivaine trouva enfin son but : une petite pièce que le directeur s’était réservé. Elle vérifia que personne ne s’y trouva et s’y engouffra subtilement en refermant la porte. Elle devait aller vite, à partir de maintenant, même une infirmière n’avait rien à faire dans ce bureau à cet heure avancé de la soirée… ou de la nuit, la journaliste ne savait plus. Geeky farfouilla dans les papiers sans trop les déranger à l’aide de sa magie.
Plus elle fouilla, plus elle sentit son cœur se serrer : des lettres de démission, des réclamations venant des parents et bel et bien ce qu’elle craignait. Elle prit les clichés des pièces les plus incriminantes et se posa un instant.

Les étages supérieurs sont destinés à parquer les patients les plus atteints, comme pour les stocker. Aucune note n’indiquait de progrès sur la recherche, pire, la dernière entrée en la matière datait du mois dernier. Ca fait donc plus ou moins un mois qu’il ne savait plus quoi faire. Et le pire dans tout cela, c’est que le destin de St Snowdrop n’est pas de devenir un hôpital exclusivement pédiatrique, mais un asile où l’on placera les victimes incurables de terreurs diurnes en attendant… on ne sait quoi.

***

« Et donc tu vas faire quoi à propos de ça ? »

Deux heures plus tard, Geeky s’était posée dans le bar de sa cousine, Dongeon Maker, une ponette à la robe dorée et à la crinière noire et argent. Comme Geeky, le côté argent n’était visible qu’avec des reflets que beaucoup associaient à une sorte de bénédiction de Célestia bien que c’était la Princesse Luna qui préférait cette palette de couleur. Celle-ci était en train d’assembler et de programmer avec précaution la borne d’arcade préférée de sa cousine journaliste.

« Je ne sais pas encore. C’est choisir entre affronter un Ursa Major ou provoquer un village de bison au combat…
- Tu veux dire quoi par-là ?
- Soit je ne dis rien et le directeur va embaucher des infirmières qui seront poussées à bout, sans oublier son projet qui est de transformer un prestigieux hôpital en asile… Soit je balance tout et dans ce cas les parents vont certainement se méfier de tous les hôpitaux de Manehattan. Et à long terme, on risque d’avoir une situation qui empire. »

Dongeon ayant terminé son ouvrage, elle posa la borne sur le bar, devant Geeky avant de contourner le meuble et de se poser à ses côtés.

« Tu n’es que l’enquêtrice. Ce n’est pas vraiment ta responsabilité. Laisse tout ça à ton patron.
- C’est moi qui déniche… c’est moi qui assume, même si ce n’est qu’une partie. Passe-moi un bloc de sel… »

La barmaid bricoleuse fila un coup de sabot sur la tête de la journaliste, lui faisant perdre son chapeau.

« Tss tss. Tu as arrêté, tu n’auras pas cette cochonnerie.
- Oui oui… je sais. Un thé alors, comme je les aime.
- J’te l’offre. Allez, détend toi, tu auras pire à faire demain. »

Geek Writer acquiesça, mais dans son for intérieur, son instinct lui criait que tout allait empirer. Et ce pour une bonne raison : la maladie est apparemment d’origine magique. Alors pourquoi l’hôpital n’a pas encore reçu les meilleures spécialistes de Canterlot ? Tout cela n’indiquait rien de bon. La geekete mit sans conviction un petit jeton dans sa borne personnelle et tâcha d’oublier, le temps de quelques minutes au gré du son cheaptune, les problèmes de la cité qui étaient maintenant aussi les siens.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Note de l'auteur

Pour ne rien spoiler, à part sur la bannière, j'ai décidé de ne pas indiquer clairement les personnages apparaissant dans ma futur oeuvre à venir. Déjà, comme je viens de le dire, pour ne pas vous gâcher la surprise, et deuxièmement, parce que chaque personnage de la série ne va de toute manière pas avoir tant de temps et de place dans le récit pour mériter un signalement. Merci de votre compréhension.

Note : Ce récit fait suite à "Un Week end de repos à Ponyville".
Je ne peux que vous conseiller de le lire avant de démarrer votre lecture ;)

Chapitre suivant

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

MintInkwell
MintInkwell : #30601
Et ben, je ne pensais pas que les détails et l'attirance pour l'investigation me charmeraient, mais c'est effectivement le cas! Pour ma part, l'histoire se lit bien, sans a-coups ni lenteurs et chaque action est dosée convenablement, on n'a pas l'impression que c'est trop fourni!
Je ferais cependant une remarque sur la forme, il y a quelques fautes, mais surtout, surtout, les répétitions. Avec un vocabulaire aussi fourni que celui que tu présentes, je trouve dommage que tu ne l'exploites pas assez, les synonymes rendraient tes descriptions bien moins lourdes!
Mais franchement, même si le synopsis fait penser à Plague Inc, cette histoire a clairement un potentiel, enfin me concernant, alors bon courage, en attendant je vais lire la suite! ;)
Il y a 2 ans · Répondre

Nouveau message privé