Chapitre 1

       Dans une petite pièce où seule une fenêtre haute amenait la luminosité de cette fin d'après-midi, un jeune homme était assis dans une chaise usée par l'âge. Le bureau auquel il faisait face était couvert de diverses enveloppes, ouvertes pour la plupart. Le jeune homme aux courts cheveux blancs en bataille, soupira bruyamment en ouvrant une énième enveloppe : une facture. Le désespoir qui s'afficha sur son visage révélait que la note était salée. Alors qu'il reposait la feuille en grinçant des dents en jurant mentalement, quelques coups sur la porte lui firent lever la tête. Une jeune fille d'environ 17 ans, soit quatre ans de moins que le jeune homme, rentra dans la pièce. Son visage s'assombrit quand elle vit la tête que faisait son frère, et elle demanda doucement :

- Mauvaises nouvelles ?

- Des factures.... Le jeune homme donna un coup rageur sur le bureau, faisant tomber plusieurs papiers. Des factures et encore des factures! Et les comptes sont déjà à découvert !

La jeune fille s'approcha et enlaça son frère, essayant de l'apaiser un temps soit peu suite à son haussement de voix. Il avait toujours une voix douce et grave, et le fait qu'il élève la voix était plutôt rare. Cependant, depuis que leurs parents avaient péri dans un accident de voiture, quelques mois auparavant, ils étaient de plus en plus fréquents.

- La banque ne nous laisse que six mois. Si la situation n'est pas arrangée d'ici là, le centre sera saisit, et les chevaux...

La fin de la phrase du jeune homme se perdit dans un souffle, et sa sœur resserra son étreinte. Elle lança, d'un air qui se voulait confiant :

- Aller Daraen! On va bien trouver une solution, non?

Le sus-nommé secoua la tête et se leva, se dégageant ainsi des bras de sa sœur, avant de se diriger vers la porte d'un pas lent. La jeune fille lui emboîta vivement le pas, et il ne répondit que lorsqu'elle l'appela d'un air inquiet.

- Tu ne comprends pas, Lara. Nous n'avons plus assez de cavaliers... Les chevaux Terrestres sont passés de mode... Il n'y a que les Pégases et les Licornes qui les intéressent de nos jours : les gens veulent pouvoir se pavaner dans le ciel et monter un cheval à l'allure gracieuse et fière, pas un Terrestre tout ce qu'il y a de plus banal... Et nous n'avons pas les moyens d'acheter une Licorne ou un Pégase, finit-il d'un ton las.

Le silence retomba entre eux, chacun se plongeant dans ses pensées, tandis qu'ils se dirigeaient vers un long bâtiment, à l'écart des écuries. C'est dans cette maison de briques rouges, à un étage, qu'ils vivaient depuis cinq mois maintenant. Alors qu'ils passaient le pas de la porte, Lara poussa une soudaine exclamation, qui fit sursauter son frère. Sous le regard interrogateur de ce dernier, elle expliqua, excitée :

- Il y a peut-être un moyen ! Dans cinq mois, il y a le Défi des Centres : si on le gagnait...

- Mais à quoi penses-tu voyons, l'interrompit-il, tous les participants ont des Licornes ou des Pégases! Comment veux-tu que...

- On pourrait au moins essayer! Star est plutôt doué, et avec un peu d'entraînement...

- Nous n'avons qu'un cheval qui pourrait éventuellement concourir : je te rappelle que nous devons participer avec six chevaux.

La jeune fille ne répliqua pas, sachant pertinemment qu'il avait raison. Mais quand même : le Défi offrait un million de Fers à Cheval d'or au vainqueur, ce qui leur permettrait de rembourser leurs dettes, et de redonner un coup de jeune au centre. Voir même de s'offrir quelques nouvelles recrues : après tout, les écuries n'étaient pas en si mauvais état, et ils pourraient très bien se passer de la rénovation de la grange ; des bâches bouchent les trous depuis deux ans, elles tiendraient bien un an de plus. La soirée se passa tranquillement et aucun ne reparla de la possibilité de participer au concours, bien qu'ils y pensèrent tous deux, chacun cherchant mentalement quels membres de leur cavalerie pourraient concourir. Après quelques heures de réflexions, en parlant de tout et de rien avec l'autre, ils finirent par rejoindre leur chambre respective, en espérant que la nuit leur porterait conseil. Bien que Daraen fut persuadé de ne pas fermer l’œil de la nuit, il s'endormit instantanément dès que sa tête toucha l'oreiller.

       Daraen sentit quelque chose de dur dans son dos, comme s'il était sur le sol. De plus, de l'herbe lui chatouillait les bras, ce qui le conforta dans son idée : il n'était plus dans sa chambre.

Je suis dehors ? Pourtant, il me semblait que ma période de somnambulisme était passée...

Voulant tirer ce mystère au clair, il ouvrit les yeux : son regard se perdit dans un ciel emplit d'étoiles... Et de planètes.

Ça m'étonnerais que j'ai été enlevé par des extraterrestres... Je dois donc rêver.

Le jeune homme se redressa lentement, et jeta un coup d’œil autour de lui : peu importe la direction où il regardait, une prairie d'herbe verte s'étendait à perte de vue, et il n'y avait personne aux alentours. Par ailleurs, il sentait une genre de tension, paradoxalement agréable, dans l'air.

Magie.

Il avait déjà ressentit ça lorsqu'il s'était retrouvé en présence d'une Alicorne en étant petit. Son père lui avait expliqué que c'était normal, car les Alicornes étaient les seules à pouvoir utiliser la magie. Bien que ce don soit très rare, et qu'une Alicorne maniant la magie voyait son prix doubler ou tripler, en fonction de sa puissance. Autant dire que même les personnes les plus riches sentaient la note passer. Alors qu'il se levait, il aperçut deux silhouettes chevalines au-dessus de lui. L'une était blanche, et l'autre était plus petite et bleu nuit. Plissant les yeux, il remarqua qu'elles venaient vers lui. Il ne leur fallut que quelques secondes pour se poser devant lui, et il écarquilla les yeux en s'apercevant que ce n'était pas des Pégases, comme il l'avait pensé, mais des Alicornes. Une légère brise agitait la crinière arc-en-ciel de la première et celle, bleue nuit et parsemée d'étoiles, de la seconde. Daraen vit aussi une marque sur leur flanc tandis qu'elles repliaient leurs ailes : un soleil pour l'une, et un croissant de lune pour l'autre. Le jeune homme s'inclina respectueusement, ayant le pressentiment que ce n'était pas de simples Alicornes. Son soupçon se confirma lorsqu'une voix douce s'éleva :

- Redresse-toi, Daraen.

Le sus-nommé s'exécuta, et ne put s'empêcher d'adresser un regard surpris à la jument blanche. Certaines légendes racontaient que les équidés avaient la capacité de parler, à une époque, mais cela faisait si longtemps, qu'il n'aurait jamais cru avoir une conversation avec un cheval. La jument bleu nuit l'observait avec curiosité, la tête penchée sur le côté et les oreilles pointées vers lui. Daraen commença à bouger d'un pied sur l'autre, gêné par l'attention que lui portait l'Alicorne, et la plus grande réprimanda sa voisine d'un ton calme, bien que ses yeux roses brillaient d'une lueur amusée :

- Voyons Luna, tu le mets mal à l'aise. Ne le regarde pas comme ça.

- Désolée, s'excusa la concernée, mais tu es le premier Humain que je rencontre alors...

Le sourire qu'elle lui adressa détendit quelque peu le jeune homme, qui lui rendit. Il demanda ensuite, d'un air perdu :

- Qui êtes-vous? Comment me connaissez-vous? Et... Je croyais que les équidés ne pouvaient plus parler...

L'Alicorne blanche lui fit un sourire rassurant, et dit :

-Je pense que nous allons aborder chaque point tour à tour, qu'en penses-tu? Comme Daraen hochait la tête, elle poursuivit. Je m'appelle Célestia, et voici ma soeur, Luna. C'est grâce à elle que nous sommes ici.

- Que voulez-vous dire?

- J'ai la capacité de voyager dans les rêves, répondit la jument noire.

- Euh... D'accord.

Après tout, il parlait à deux Alicornes, alors apprendre qu'elles pouvaient voyager dans les rêves ne l'étonnait plus.

- Et nous te connaissons, car nous te surveillons depuis plusieurs mois, reprit Célestia, car ton désespoir et ta peur sont telles, que nous avons été alertées.

- Vous avez été...Alertées? Par moi? Vous m'avez perdu là...

- Eh bien... Ce n'est pas parce que nous avons quitté Equestrian il y a plusieurs millénaires, que nous ne veillons plus sur ses habitants... Mais là n'est pas le sujet. À ton époque, rares sont les humains qui respectent nos cousins, et le fait que ta famille continue de le faire, a attiré notre attention.

- Vos cousins? Attendez, vous voulez dire que...

Son idée lui semblait si farfelue, que la fin de sa phrase se perdit dans un souffle. Il étudia à nouveau les juments, et remarqua un détail : elles étaient plus petites que des chevaux, même si la blanche avait presque la taille d'un petit cheval. En fin de compte, son hypothèse était peut-être exacte... Il pouvait toujours demander, ça ne lui coûtait rien.

- Vous êtes des ponettes?

Elles le fixèrent un instant, avant d'hocher la tête.

- Eh ben... Les légendes sont vraies alors...

Devant l'air pensif de Daraen, Célestia voulu récupérer son attention. Elle n'eu cependant pas le temps de parler, que le jeune homme revint au sujet premier, avec un air sérieux et, il faut le dire, un peu perplexe :

- Vous disiez donc que vous surveilliez ma famille...?

Les deux juments lui lancèrent un regard, surprises par sa vitesse à changer de sujet. C'est L'Alicorne bleu nuit qui répondit finalement, après quelques secondes :

- Oui... Et nous aimerions pouvoir t'aider.

- M'aider? Il éclata d'un rire sans joie, et reprit. Pardonnez moi, mais seul un miracle pourrait m'aider. Je suis enfoncé dans les dettes jusqu'au cou, j'ai à peine de quoi nourrir ma cavalerie, et je ne parle même pas de nous nourrir, ma soeur et moi...! Il s'arrêta brièvement, afin de reprendre son souffle, et continua. Les légendes disent les ponettes Alicornes puissantes, mais personne ne peut faire de miracles...

Les concernées se regardèrent, avant de reporter leur attention sur Daraen. Ils se fixèrent quelques instants, avant que le jeune homme ne titube soudainement, pris de vertiges.

- Que... Que se passe-t-il?

- Il semblerait que tu sois sur le point de te réveiller, expliqua Luna, il est donc temps de nous quitter. Ce fut un plaisir de te rencontrer, Daraen. J'espère que nos routes se recroiserons.

Le jeune homme voulu répondre, mais il se sentit tomber et tout devint noir.