« Continue simplement avec tes croyances, et prouve-moi
que les miennes ne sont pas une erreur. »
D'un côté de la grotte se tenait le roi Namar.
Les sabots croisés, le regard noir, le sourire vainqueur, le roi bouc dominait le docteur de toute sa masse. Dans son dos la machine infernale faisait fulminer son pelage fauve et ses cornes, et découpant les gardes boucs avec leurs cuirasses et leurs lances, elle jetait par contraste des ombres terribles sur l'étalon et son assistante.
« C'est ta dernière chance, Namar, » lança le docteur plein d'assurance, « accepte ta défaite et rends-toi ! »
« Défaite ? » Se moqua le roi. Son regard tomba sur la jument qui le foudroyait du regard, blottie contre l'étalon au poil beige, au crin brun. « Un contretemps. Et maintenant que vous êtes là je n'ai plus besoin de votre assistante. J'ai une bien meilleure source pour ma machine. »
Son regard retomba sur le docteur, qui s'indigna.
« Moi ? Ta machine a besoin d'un être à la magie puissante pour fonctionner. Ma compagne est spéciale, elle a dans son coeur une magie si fabuleuse que tu ne la comprendras jamais, mais moi ? »
« Tu es un seigneur du temps. »
« Et un seigneur du temps qui n'aime pas qu'on s'en prenne à son assistante. » Répliqua le docteur en serrant la jument encore tremblante contre lui. « Je n'ai aucune envie de te détruire ! Mais je le ferai si tu m'y forces. »
Pour toute réaction le roi n'eut qu'un petit gaussement méprisant. Il fit signe à ses troupes qui se mirent à avancer, de tous côtés, leurs lances pointées, rouges et crépitantes en leur bout, en direction du docteur cerné de toutes parts.
Roseluck voulut le défendre. La jument bravement se détacha de lui pour faire face aux gardes, repoussa la première lance d'une patte et renvoya le garde rouler par terre à grands coups de sabots, mais dut reculer face aux autres.
Avant que les lances ne la percent, le docteur la tira en arrière. Elle le sentit calme, ses deux coeurs d'étalon battant paisiblement à son oreille. Elle lui sourit, désolée, et il lui rendit son sourire en remerciement.
Puis le docteur pressa entre ses dents sur son tournevis sonique, et soudain la machine dans le dos du roi bouc se mit à crépiter.
Les gemmes, les cristaux, les disques, les rouages, les lampes à vide, tout sifflait et se brisait sous les premières flammes. La machine emballée s'apprêtait à exploser.
Namar rugit : « Qu'est-ce que vous avez fait ! »
« Oh moi ? Trois fois rien ! Je t'ai juste donné ce que tu voulais ! »
Et il pointa du sabot l'intérieur de la machine où était apparue, de nulle part et dans un souffle sidéral, une cabine de police bleue glorieuse et luminescente.
Profitant du choc et de la panique, le docteur saisit Roseluck par la patte et l'entraîna au galop à travers les gardes, jusque dans la machine folle, au coeur même et un instant l'énergie projetée faillit les repousser, mais il brava l'accumulation brute de magie qui enflait, rougissait et tournait à la fournaise. Dans un dernier bond, il se projeta ainsi que la jument à travers les portes ouvertes du TARDIS.
Tous deux se retrouvèrent sur le plancher froid de la machine, aux premières marches de la salle de contrôle. Elle était tombée sur le dos, lui sur elle, leurs museaux à quelques centimètres. Elle rougit. Il lui sourit, sembla se perdre une seconde dans ses yeux puis se reprit et, précipitemment, alla refermer les portes.
Puis il se retourna et, le plus naturellement du monde, alla trotter en direction de la console.
« Voilà qui devrait mettre un terme aux rêves de conquête de ce tyran mégalomane. Son armée est en déroute, son arme est détruite, ses prisonnières libérées et… » Allongea-t-il en manipulant les boutons de la console, avant de triompher, « … et tous ses stocks de poudre rouge viennent de disparaître au fond d'un lac. »
« Mais il n'est pas mort ? » S'inquiéta Roseluck.
« Oh non, bien sûr ! » La rassura le docteur. « S'il a un peu de bon sens, il aura eu tout le temps de s'échapper de la grotte avant que celle-ci n'explose. Que dirais-tu de regarder ? »
Son assistante, à présent remise de l'expérience, l'avait rejoint et le suivait autour de la console à mesure qu'il activait de nouvelles commandes et que le TARDIS, en réponse, sifflant et soufflant, les emportait à travers l'espace et le temps.
« Je préférerais ne plus voir de neige ni de boucs pour le reste de ma vie. »
« Tu veux retrouver la tranquillité de Ponyville, peut-être ? » Suggéra le docteur en s'arrêtant.
Elle le regarda moqueusement : « Et puis quoi encore ! Emmenez-moi dans les étoiles ! »
Le docteur se réjouit comme un enfant et se remit à manipuler les boutons.
Soudain, il y eut un choc terrible.
À la place de sa bonne humeur le docteur se mit à paniquer, « non non non non ! » et à s'activer sur les commandes tandis que tout autour d'eux la salle tremblait et se mettait à crépiter comme si à son tour elle allait exploser. Les afflux d'énergie sur la console provoquèrent un court-circuit et, dans une déflagration, l'étalon beige fut projeté au loin, contre le garde-fou. Roseluck se précipita pour le saisir et le protéger des pièces de métal qui volaient autour d'eux à présent dans le chaos de la salle de contrôle en furie.
Les lumières lâchèrent, il ne resta plus que le pilier central, derrière la machinerie, pour projeter ses feux dans la pièce. Roseluck gémit et supplia le docteur de revenir à lui, mais sa voix était couverte par le déchirement. Elle se sentait si impuissante sans lui !
Et l'idée qu'il soit blessé gravement la faisait agoniser.
Enfin, dans un dernier choc, le TARDIS s'immobilisa. La pièce retomba dans un silence seulement perturbé par le souffle régulier du pilier central.
Pendant une seconde encore la jument resta blottie contre le docteur, mais elle se rendit compte enfin du calme et, se relevant, un peu sonnée et éperdue, elle se mit en quête d'un kit de soin. Tout était endommagé : les débris reposaient partout à ses sabots.
« Ow. » Gémit le docteur derrière elle.
« Docteur ! » S'exclama-t-elle en se jetant sur lui. « Docteur vous m'avez fait peur ! J'ai cru que je vous avais perdu ! »
« Non, non, juste une légère contusion. » Lui sourit le docteur, avant de s'inquiéter. « Le TARDIS par contre… »
Il se releva précipitemment, l'abandonnant là, et Roseluck blessée se renfrogna.
« Je vais bien aussi, docteur. » Marmonna-t-elle.
« Plus de lumières, plus de chauffage… plus de boucliers. » Constata l'étalon. « Nous nous sommes crashés, Roseluck. Et nous sommes sans défense. »
« Et nous sommes où ? »
Le docteur se remit à manipuler les commandes, dont la plupart ne répondaient plus. Il s'arrêta à nouveau, interloqué.
« Dans le TARDIS. »
« Merci, ça je sais. »
« Non. Je veux dire que le TARDIS est dans le TARDIS. Allons, Roseluck, ce n'est pas la première fois ! Cela signifie que si j'ouvre les portes… si… j'ouvre les portes ! » S'agaça-t-il avant de frapper la console du sabot, ce qui ouvrit les portes. « Derrière nous devrions trouver une autre salle de commande. Est-ce qu'on va voir ? »
Peu sûre de comprendre, Roseluck suivit néanmoins et, collée au docteur, elle le suivit vers l'entrée. Celle-ci découpait alors un vaste cadre de lumière dans l'obscurité de la salle de commandes en ruines. Ils furent aveuglés une seconde, mais s'avancèrent et débouchèrent enfin de l'autre côté.
Ce n'était pas un autre TARDIS.
C'était un chemin à l'écart de Ponyville.
« Ponyville ? » S'étonna Roseluck. « Depuis quand Ponyville est une machine à voyager dans le temps ? »
« Dans l'espace et le temps. » Corrigea le docteur. « J'ai bien peur que ce soit beaucoup plus sérieux que cela. »
Il sortit son tournevis sonique et se mit à l'agiter avec la tête, dans tous les sens, pour prendre ses mesures.
« Une illusion ? Peu probable. Une reconstruction ? Trop perfectionnée. »
« Docteur, qu'est-ce qui se passe ? »
Le docteur se tourna vers elle, l'air étonné.
« Je croyais que c'était évident pourtant ! Le TARDIS a été piraté. Quelqu'un, ou quelque chose, en a pris le contrôle et l'a forcé à atterrir ici, précisément. La question est qui, et pourquoi, et la réponse se trouve sous nos sabots. »
« Je ne comprends toujours pas. » S'impatienta la jument.
« Tu ne reconnais pas cet endroit ? » S'exclama le docteur. « Ce chemin ? Ce pré ? Oh. » Il la considéra un instant. « Oh bien sûr, tu n'étais pas là. »
« Pas là pour quoi ? »
« Pour mon arrivée ! Roseluck, ce chemin de terre est Trotter's Lane, borne septante-six pour être précis, l'endroit exact où le TARDIS a atterri pour la première fois en Equestria ! »
Il désigna une petite borne blanche en bordure du chemin de terre, à peine visible parmi les herbes des prés, puis tout autour les prés et les bosquets d'arbres à l'écart des buttes et de Ponyville.
Roseluck se mit à regarder autour d'elle, s'attendant à être émerveillée. Le docteur lui avait montré tant de choses incroyables qu'elle s'attendait presque à voir des arcs-en-ciel sortir des fourrés. Mais non, ce lieu qui fascinait le docteur n'était que la prairie habituelle, si familière à Roseluck, et elle déchanta vite. Elle se tourna pour retrouver le docteur qui s'était mis à inspecter l'herbe avec son tournevis sonique, et qui parlait tout seul.
« Docteur, qu'est-ce que v- »
« Examen surprise ! » La coupa le docteur en se tournant brusquement vers elle, inquiet. « Quelle date sommes-nous ? »
« Je… je ne sais pas ? »
« Le dix octobre. Pas n'importe quel dix octobre, le jour précis, à l'heure précise, à la seconde près où je suis arrivé pour la première fois. »
« Mais docteur- »
« Ce qui pose beaucoup de questions très intéressantes comme, par exemple, qui est au courant du lieu et de la date précise de mon arrivée en Equestria ? Qui a accès aux contrôles du TARDIS et en connaît suffisamment le fonctionnement pour le contrôler à distance ? Pour réussir un tour pareil ce poney devrait disposer de sa propre machine temporelle, ainsi que d'une puissante source d'énergie pour réussir, à moins bien sûr qu'ils n'aient utilisé l'explosion de la machine des boucs… »
« Docteur. »
« … sauf que l'énergie dégagée ne serait jamais suffisante, même en prenant en compte le couloir temporel résiduel causé par le TARDIS, non, il faudrait quelque chose de beaucoup plus puissant, quelque chose capable de défier les lois de l'univers- »
« Docteur ! » Se fâcha Roseluck.
Le docteur sursauta et se tourna vers elle, décontenancé.
« Quoi ? »
« Si c'est vraiment le lieu et l'instant où vous êtes arrivé sur Equestria… alors où êtes-vous ? Enfin… le vous de la première fois ? »
****
Ponyville avait été déserte. À présent Canterlot l'était aussi. Le docteur et Roseluck s'avançaient côte à côte dans les couloirs vides du palais, le bruit de leur pas résonant sur les tapis des couloirs, brisé seulement par le signal irrégulier du tournevis sonique.
« Docteur, j'ai mal aux sabots. » Se plaignit Roseluck. « Vous savez seulement ce que vous faites ? »
« Peut-être, peut-être pas. » Supposa le docteur dans un haussement d'épaules. « En théorie le signal devrait nous mener à celui qui a piraté le TARDIS. »
Le signal les avait menés dans le hall principal, devant les colonnades et l'escalier au tapis rouge menant à la salle du trône. Là-bas, normalement, auraient dû se trouver les princesses d'Equestria, les alicornes, les êtres les plus puissants parmi l'équinité et protectrices du royaume. Les portes étaient ouvertes, comme une invitation.
Mais le signal pointait dans une autre direction.
Roseluck arrêta le docteur dans un sursaut et, le sabot sur son épaule, le força à regarder entre les colonnes blanches. Le docteur pencha la tête, stupéfié.
« Le TARDIS ! »
La cabine de police bleue se trouvait là, parquée entre deux colonnes. Il n'y avait pas moyen de la confondre : c'était la vraie.
Les deux poneys s'approchèrent à petit pas, étonnés et prudents. Une fois devant, le docteur tenta de l'ouvrir, mais le verrou refusa de bouger. Frustré, l'étalon tourna sur la serrure son tournevis sonique.
« Docteur, qu'est-ce que le TARDIS fait ici ? Elle nous suit ? »
« Nous suivre ? Oh. Tu te mettrais enfin à la respecter un peu ? Mais non. Non, je suspecte que ce TARDIS n'est pas mon TARDIS- enfin si c'est mon TARDIS mais pas dans ce sens- j'expliquerai une fois la porte ouverte ! »
« Mais pourquoi vous ne pouvez pas l'ouvrir ? »
« Un champ de force en bloque la serrure. Et un champ de force plutôt puissant. Très puissant, même. » Dit le docteur en éteignant son tournevis.
Il se tourna en quête d'indices pour ouvrir la cabine de police et se figea, les yeux fixés sur les portes surplombant les escaliers du hall.
« Roseluck, il faut qu'on parte. »
Roseluck regarda à son tour et eut un frisson. Au sommet de l'escalier se trouvait la statue d'une alicorne, haute et gracieuse, le visage détourné, comme honteux. La statue de pierre était sculptée de telle manière qu'elle semblait suspendre sa patte sur la première marche. Le marbre était superbe, et en même temps vieux, comme sans âge, d'un blanc nacré pur.
« Oh non. » Gémit la jument.
« Restons calmes, du calme ! » Paniqua un peu le docteur. « Tant qu'on la regarde, elle ne bougera pas ! Vite ! Est-ce que tu vois une échappatoire ? »
L'assistante se mit à fouiller le reste de la pièce des yeux, mais elle ne voyait que le tapis et les colonnades, et des portes fermées partout. Elle ne retrouvait même plus le chemin par où ils étaient venus.
Elle se retourna à nouveau vers les escaliers et vit la statue à mi-chemin sur les marches, une aile couvrant son visage nacré.
« Docteur, vous avez cligné des yeux ! » S'exclama-t-elle.
« Ce n'est vraiment pas le moment de se disputer, est-ce que tu as trouvé ? »
« Non, il n'y a rien ! »
« Rien ? Comment ça rien ? » S'étonna le docteur, les yeux toujours fixés sur la statue. « C'est un hall, il doit y avoir des portes partout ! »
« Elles sont fermées ! »
« Comment ça f- » Céda le docteur en se tournant vers elle.
« Docteur ! »
Il se retourna précipitemment et ses yeux saisirent la statue d'alicorne, blanche et royale, en bas des marches et saisie en plein mouvement, comme en début de galop. Le visage baissé était à moitié dévoilé et montrait des yeux clos.
Le docteur se mit à reculer, frappa la porte du TARDIS et, acculé, se mit à déglutir. De la patte il remit le tournevis sonique en bouche, puis il appela la jument.
« Roseluck ? Cette échappatoire ? »
« Docteur… »
Sa voix était presque morte. La jument recula à son tour, jusqu'à ce que sa croupe rencontre à son tour les portes en faux bois de la cabine bleue et qu'elle se colle à l'étalon beige. Il la sentit tremblante et craintive, et combative. Et rassuré par sa présence, il se rendit compte soudain qu'elle ne bougeait plus la tête. Comme si, elle aussi, elle fixait quelque chose.
Les autres portes s'étaient ouvertes. Le hall était rempli de statues. Des dizaines. Et des dizaines. Gardes, nobles, visiteuses, licornes, pégases et pouliches mêlées en une foule dont les visages, toujours plus proches à mesure que les yeux de Roseluck tentaient de passer de l'un à l'autre à toute vitesse, formaient des grimaces toujours plus haineuses.
En un seul coup d'oeil le docteur saisit tout cela, et quand il revint à l'escalier la statue de nacre était à un mètre seulement, les ailes déployées, les sabots tendus, le visage déformé par des crocs de bête.
« Docteur, faites quelque chose ! »
« Tout va bien, Roseluck ! Je maîtrise ! » Répondit-il en la plaquant dos au TARDIS, plaqués au maximum pour gagner le moindre millimètre. « Je ne voulais pas en venir là mais je n'ai pas le choix. »
« Comment ça ? » S'effraya la jument.
Ses yeux avaient filait toujours sur tout le hall. Elle les tourna sur le côté et vit, à l'angle de la cabine, une statue à quelques centimètres de son visage, crocs déployés, sur le point de fondre sur elle.
« Désintégration ! Si je couple la puissance du verrou à la fréquence dimensionnelle de ces créatures, avec un peu de chance et de savoir-faire elles seront réduites en poussière ! »
« Un peu de chance ?! » Gémit la jument terrorisée.
« D'accord, beaucoup de chance ! Ferme les yeux, maintenant ! »
Mais il ne pressa jamais sur le tournevis sonique.
Avant qu'il ne le fasse, il se rendit compte que Roseluck ne regardait plus le reste du hall. Il ne put s'empêcher de regarder et vit toutes les statues agglutinées comme une foule autour d'eux. Ses yeux revinrent instinctivement à la statue de l'alicorne si glorieuse, haineuse désormais, figée au même endroit où il l'avait laissée.
« Qu'est-ce qui se passe ? » S'étonna-t-il.
Une voix un peu vieille et assurée les interpella.
« Par ici ! »
Tous deux se tournèrent en même temps pour regarder, par-delà les statues, un étrange étalon au pelage bleu et à la crinière poudreuse. Le licorne, un jabot au col, stylé, portait sur la tête un assemblage improbable de miroirs.
Sans hésiter, le docteur et Roseluck se dirigèrent vers lui. Ils traversèrent les statues figées, toujours sans comprendre, et rejoignirent l'étalon vers la porte ouverte.
« Merci beaucoup. » Dit Roseluck.
« J'aurais pu m'en sortir. » Nota le docteur. « Et qui êtes-vous ? »
« Tu ne sais pas ? » Sembla se moquer, gentiment, l'autre étalon, et paternel : « Nous manquons de temps. Rentrez vite, avant que les statues ne se libèrent. »
Il les pressa à sa suite, puis ferma la porte et les dirigea dans le couloir.
« Comment avez-vous fait ? » S'enquit le docteur avec curiosité, presque avec agacement. « Une onde de choc cosmique ? Un rayon paralytique transdimensionnel ? »
« Une caméra. » Lui dit l'autre étalon.
Le docteur s'arrêta, incrédule.
« Bien sûr ! » S'exclama-t-il. « L'écran du TARDIS ! Il donne directement sur cet espace du hall ! Il suffit que quelqu'un regarde l'écran pour figer toutes les statues prises dans l'image ! »
« Un jeu très dangereux. » Nota l'autre étalon. « Vu que ces statues peuvent traverser les écrans. Par chance, il y a un type d'être dont les yeux ne clignent jamais. Les machines. »
« Les miroirs, » reprit Roseluck, « c'est pour les voir venir ? »
L'étalon s'arrêta, regarda la jument avec curiosité, puis se rendit compte des miroirs qu'il portait et les retira avec une moue.
« Une seconde une seconde… » intervint le docteur en pressant le pas, « … c'est ton TARDIS ! Mon TARDIS ! Ce qui signifie que… »
« Ah, pas trop tôt. » Se piqua l'étalon. « J'ai cru que je ne me reconnaîtrais jamais. Et quel blanc-bec je suis devenu. Désintégrer des statues avec un tournevis ? Vraiment ? La technologie de mon temps avait plus de panache. »
« Oh bien sûr c'est facile de critiquer quand on ne risque rien ! » Répliqua calmement le docteur, avec sourire.
« Docteur ! » Interrompit Roseluck. « Qu'est-ce qui se passe ? Qui est ce poney ? »
« Docteur ? »
C'était la voix d'une autre jument. Le groupe arrivait alors à une porte entrouverte. L'étalon les fit rentrer en hâte et referma la porte derrière. Avant qu'il ne puisse réagir, le docteur fut renversé par la jument grise et sa crinière blonde coupée courte.
« Oh docteur ! » S'enthousiasma Derpy. « J'ai cru que je vous avais perdu ! »
« Derpy ! » S'enthousiasma le docteur à son tour. « Enfin un visage amical ! »
Roseluck regardait ça aux côtés de l'autre étalon, et se sentit monter une jalousie sans nom. La jument était beaucoup trop « amicale » à son goût. Elle ne remarqua même pas l'air indigné et légèrement déçu du licorne.
Elle se permit de toussoter pour faire se séparer Derpy et son docteur.
« Ah ! Roseluck, voici Derpy Hooves ! Derpy Hooves, voici Roseluck ! Ma… nouvelle assistante ! »
« Ah. » Dit froidement Roseluck. « Je vois. Tu dois apprécier le docteur. »
Et elle tendit le sabot à Derpy Hooves qui le serra à contrecoeur, frappée par le ton agressif de la jument. Elle répliqua maladroitement :
« Bien sûr que je l'apprécie ! Je suis son assistante numéro un ! »
« Numéro un ? » Nota l'autre jument en jeta un regard perçant au docteur.
Ce dernier se précipita entre elles pour les saisir entre ses sabots et leur sourire : « Allons, mesdemoiselles ! Je suis sûr que nous pouvons nous disputer plus tard, considérant que nous sommes dans un palais rempli de statues tueuses ! »
Roseluck grommela qu'il ne s'en tirerait pas si facilement.
L'autre étalon, cependant, était en train de jeter un coup d'oeil par la porte entrouverte avant de la refermer. L'air soulagé, il alla trotter du côté d'un bureau pour s'y asseoir et se mettre à réfléchir. Le docteur le nota et s'approcha.
Les deux juments oublièrent leur hostilité pour regarder ces deux étalons. Dans l'esprit de Roseluck, l'idée se faisait que le docteur pouvait « régénérer » : au lieu de mourir, il devenait un autre poney. Mais que ce vieux licorne à la crinière poudreuse puisse être le docteur lui semblait absurde. Il n'était juste pas… pas…
« C'est vraiment le docteur ? » Demanda-t-elle en désignant l'étalon bleu.
Derpy Hooves hocha la tête. « Je préfère le vrai. » Avoua-t-elle.
Le licorne soupira, mais ne montra pas qu'il l'avait entendu. À la place, il continua sa réflexion, sous le regard de son double plus jeune et paradoxalement plus vieux.
Puis il s'en arracha enfin et ses yeux se tournèrent sur l'étalon beige. Ça avait été une transe. Un moyen pour les seigneurs du temps de se contacter entre eux, une forme basique de télépathie, qui ne fonctionnait qu'à très grande proximité.
L'étalon beige semblait sidéré.
« C'est pire que tout ce que j'imaginais ! » S'emporta-t-il.
« Je n'aurais pas dit mieux. » Se moqua doucement son alter ego. « Dans la salle du trône se trouve le plus grand pouvoir de tout Equestria, une source d'énergie illimitée. L'Harmonie. Et à présent l'Harmonie veut s'emparer du TARDIS. »
Les deux juments s'exclamèrent, complètement prises de court par l'énormité de la révélation.
« Qu'est-ce qu'on peut faire ? » Demanda d'instinct la jeune Roseluck.
Le docteur à la crinière poudrée eut un sourire condescendant.
« Nous parlons de l'Harmonie. La magie qui contrôle Equestria, Gallopfrey et, fondamentalement, le TARDIS. Même la régénération n'est, en définitive, possible ici que grâce à cette magie. »
« Et c'est pour ça que je veux me rendre ? » S'emporta le jeune docteur. « Céder ? Donner le TARDIS ?! »
« Ce n'est pas si terrible. » Ironisa le vieux docteur, avant de redevenir sérieux. « De toute manière, l'Harmonie a déjà gagné. Nous sommes littéralement dans l'Harmonie, et qu'est-ce que les capteurs du TARDIS disaient ? »
« Ça je sais ! » S'enchanta Derpy. « Que nous étions dans le… oh. » Et elle baissa la tête.
« Exactement. »
****
Les couloirs propre et paisibles du palais avaient laissé place à la végétation folle et sombre de l'Everfree Forest. Dans leur fuite, le groupe de poneys faisait voler l'herbe et les branchages. Ils galopaient tous les quatre sans regarder derrière eux, ventre à terre, sous les tirs des lasers qui désintégraient les arbres.
« Exterminer ! Exterminer ! Exterminer ! » Hurlaient les voix démoniaques.
Un laser toucha l'étalon beige à la patte. Il cria de douleur et roula par terre. Le reste du groupe s'arrêta et se précipita sur lui pour l'aider à se relever, une jument de chaque côté tandis que l'autre docteur guettait l'approche des machines et de leurs rayons.
« Partez devant. » Ordonna-t-il. « Je vais les retenir. »
« Vous, les retenir ? » Se moqua Roseluck. « Ne dites pas n'importe quoi et venez avant de nous faire tous tuer ! »
Le docteur se retourna, l'air empreint de fierté blessée.
« Je suis tout à fait capable de m'occuper de moi-même. Et je » dit-il en désignant l'étalon beige « suis plus important pour le moment. Maintenant dépêchez-vous et surtout, quoi qu'il advienne, ne rentrez pas dans les ruines ! »
De nouveaux lasers coupèrent court à toute discussion. Les juments jetèrent un dernier regard derrière elles puis emportèrent le docteur blessé tandis que le licorne, resté derrière, se tourna pour faire face aux machines destructrices.
Il soupira, se releva et, les yeux fermés, tremblant de peur, il s'avança en criant :
« Ne tirez pas ! Ne tirez pas je me rends ! »
En quelques secondes il fut encerclé par les formes ovoïdes des Daleks. Les perches où brillaient l'oeil rouge de chaque machine étaient toutes tournées sur lui. Leurs lasers également.
« Le docteur est un ennemi ! Il doit être détruit ! »
« Où est le docteur ? vous allez répondre ! » Ordonna un autre Dalek. « Vous allez obéir ! »
« Je suis sûr que nous pouvons discuter de tout cela rationnel- »
« Vous allez obéir ! » Le coupèrent les Daleks, presque en choeur. « Vous allez obéir ! Vous allez obéir ! »
« D'accord d'accord ! » S'époumonna l'étalon.
Il était mort de peur. Et il ne voyait véritablement aucune échappatoire. Dans sa tête, il cherchait à toute vitesse le moyen de gagner encore du temps. Aucun plan. Aucune arme. Juste des mots face à tous ces lasers braqués sur lui.
« Je peux vous mener au docteur. Je sais où il veut aller et ce qu'il prépare. »
« Vous allez nous conduire à lui ! » Ordonna le Dalek le plus proche. « L'échec n'est pas envisageable ! Les Daleks vaincront ! Vous allez nous conduire ! »
« Merci. » Dit l'étalon en voulant baisser les pattes, avant d'être forcé de les relever en hâte. « J'apprécie ce vote de confiance. »
Les machines se pressèrent autour de lui et le forcèrent à avancer en direction du château.
Les deux juments en traversaient déjà le pont de bois et portaient toujours le docteur qui se plaignait qu'il pouvait très bien trotter tout seul. Mais, pressées, elles ne l'écoutaient pas et cherchaient un lieu sûr où se cacher. Les ruines leur paraissait la meilleure option.
Derpy Hooves sursauta en arrivant devant l'entrée, à la vue d'une statue en sphynx qui en gardait l'entrée. Elle souffla ensuite. La statue avait les yeux ouverts et ne semblait pas décidée à bouger. L'autre statue, de l'autre côté de la porte, avait été détruite par le temps. Les ruines de l'ancien château étaient dans le plus piteux état de toute manière.
Une fois à l'intérieur, les juments déposèrent le docteur le plus confortablement possible, à l'écart dans un couloir, puis s'écartèrent pour discuter.
« Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » Demanda naïvement Derpy Hooves.
« On aide le docteur, bien sûr ! » Affirma Roseluck. « Tu étais une assistante, tu devrais savoir ça. »
« Eh ! » Se fâcha Derpy. « Je suis une super assistante ! Je connais le TARDIS par coeur ! »
« C'est vrai ça ? » Sourcilla l'autre jument.
« Non. » Et Derpy baissa la tête piteusement. « Mais ça veut pas dire que je peux pas aider le docteur ! »
Un grognement les fit se retourner. Le docteur, après s'être évanoui, revenait doucement à la conscience. Toutes les deux se précipitèrent à ses côtés et la jument grise se dépêcha de lui panser la plaie comme elle put.
Le docteur regarda autour de lui et parut surpris.
« Qu'est-ce qu'on fait dans les ruines ? »
« On va amené à l'abri ! » Se réjouit Roseluck. « Ne me remerciez pas, c'était tout naturel. »
« Oh, parfait. Parfait ! » Sembla-t-il s'enchanter. « Écoutez-moi, je vais rentrer en transe pour me soigner. Durant ce temps, j'ai besoin que vous fassiez quelque chose pour moi. »
« Tout ce que vous voudrez ! » S'exclama-t-elle avant Derpy.
« Ne vous disputez plus. D'accord ? »
Les deux juments se regardèrent puis, penaudes, hochèrent la tête et répondirent en même temps : « Pardon, Docteur. »
« Dans ce cas nous ne risquons plus rien. J'ai reprogrammé le tournevis sonique pour qu'il capte le bouclier du TARDIS et en détourne le flux. Les lasers des Daleks ne pourront jamais le traverser… en supposant, bien sûr, que le TARDIS est effectivement tout autour de nous ! Allez ! Il est temps de dormir ! Après tout, à quoi servirait une pause sinon à se reposer ? »
Et là-dessus l'étalon se reposa sur la pierre froide des ruines, ferma les yeux puis, grommelant, se retourna en quête d'une meilleure position. Ses deux assistantes le regardèrent faire, pouffèrent un peu puis Roseluck s'empara du tournevis sonique.
« Eh ! Je voulais le prendre ! » Se plaignit Derpy.
« Pas de dispute. » Nota l'autre avec plaisir. « Allez viens, on va s'assurer qu'il n'y a aucun Dalek qui traîne dans les environs ! »
Toutes deux s'en allèrent après un dernier regard pour le docteur, et déglutirent en se plongeant parmi les murs brisés et la végétation rampante.
Les ruines avaient quelque chose d'oppressant, plus encore que la simple nuit et le souffle du vent dans les feuillages. Il semblait aux juments qu'elles entendaient des bruits de bête partout et que les ombres, comme autant d'ennemis, s'étendaient sur elles.
En vérité, elles tournaient en rond, si bien que pour la troisième fois elles se retrouvèrent dans le hall central, là où autrefois avaient été suspendus les Éléments d'Harmonie.
Soudain, Derpy projeta Roseluck au sol, derrière un mur effondré.
Roseluck allait se récrier quand elle entendit à son tour les voix détestables de Daleks, puis vit les lumières emplir les portes d'entrée de l'ancien château. Bientôt les machines, une à une, entrèrent et commencèrent à se déployer. Il y en avait au moins une douzaine, un véritable armada dont les lampes aveuglaient les ténèbres.
Parmi cette troupe hostile s'avançait l'étalon bleu, d'un air calme et assuré qui fut troublé par une arme plaquée sur son flanc.
« Vous allez avancer ! » Clama le Dalek. « Vous allez nous montrer où se cache le docteur ! »
Les deux juments, depuis leur cachette, s'exclamèrent d'effroi. Heureusement la distance, la nuit et les appels des Daleks couvrirent leur sursaut.
Quelque peu bousculé, le licorne au pelage bleu s'agita un peu puis s'empressa de sortir la clé du TARDIS et s'approcha du piédestal où avaient reposé les Éléments d'Harmonie. Il se pencha, inséra la clé dans une fente et fit tourner. Dans un déclic, le piédestal et son bassin en entier vacillèrent puis se déplacèrent, révélant une rampe qui plongeait dans les profondeurs et d'où sortit une lumière aveuglante.
« Après vous. » Dit le vieux docteur.
Le Dalek le fit reculer et braqua son laser sur son museau. « Qu'est-ce que c'est ? Un piège ? Un piège ?! »
« Vous vouliez trouver le docteur, » se défendit le docteur, « eh bien voilà. En bas de cette rampe se trouve l'Arbre d'Harmonie, son objectif et, accessoirement, une source d'énergie cosmique potentiellement infinie. »
« L'arbre d'harmonie ? » Gronda le Dalek. « Les Daleks ont entendu parler de l'Harmonie. Cette source d'énergie assurerait la suprématie des Daleks ! L'harmonie appartient aux Daleks ! Les Daleks règnent en maître ! »
« Ce poney n'a plus d'utilité ! » Intervint un autre Dalek. « Il doit être détruit ! »
« Non ! Ce poney constitue un otage pour le docteur ! Il peut servir ! »
« Un otage est inutile ! » Affirma le Dalek en s'approchant du docteur, l'arme pointée sur lui. « Une fois que les Daleks auront asservi l'harmonie, il n'y aura plus besoin d'otage ! »
Le laser était déjà prêt à crépiter. Les deux juments, depuis leurs cachettes, se raidirent, prêtes à intervenir, tandis que l'étalon face à la menace se contenta de vouloir reculer, visiblement effrayé, la peur à peine voilée face au péril.
« Non ! Tu obéis ! » Ordonna le premier Dalek en se tournant. « Le docteur est vulnérable aux otages ! Tu obéis ! »
« J'obéis ! » Répondit l'autre machine en s'arrêtant, puis en détournant son laser.
« Toi ! Toi ! » Reprit le premier Dalek en désignant deux de ses pairs. « Vous allez garder le poney ! Le reste, avec moi ! »
« On obéit ! » Lancèrent en choeur les Daleks.
Les deux désignés glissèrent sur leur champ magnétique pour venir encadrer le vieux docteur, puis le reste des machines métalliques se mit à avancer en groupe par la rampe lumineuse, pour y disparaître un à un.
Dès qu'ils eurent disparus, Roseluck voulut s'élancer, mais Derpy Hooves la retint. L'étalon bleu, là-bas, restait assis les pattes en l'air, de façon inconfortable, avec les deux armes braquées sur lui.
Bientôt des bruits de lasers s'élevèrent de depuis les profondeurs, des rumeurs de combat intenses suivies bientôt par les voix désaccordées et paniquées des Daleks. Des appels à combattre, à battre en retraite, de la confusion, des alertes et bientôt, uniquement des appels à l'aide tus un à un.
« Qu'est-ce qui se passe ? » Gronda un Dalek face au docteur. « Vous allez répondre ! »
« Vous auriez peut-être dû réfléchir, » persifla ce dernier, « avant de charger tête baissée la plus grande puissance de cet univers. »
« Vous nous avez trahi ! » S'énerva le Dalek. « Vous allez mourir ! »
À cet instant l'étalon bleu était perdu. Il ne songea pas à fuir, sachant que c'était inutile, mais fit face à la mort qui l'attendait et, fièrement, défia une dernière fois ses ennemis avec un sourire presque victorieux.
Les lasers crépitèrent, mais ne tirèrent pas. Roseluck venait de surgir de derrière les débris pour les interpeller, Derpy derrière elle.
« Eh, les boîtes de conserve ! Vous n'avez pas honte de vous en prendre au troisième âge ? »
« Alerte ! Alerte ! » Lança l'un des Daleks en ouvrant le feu.
Mais Roseluck pressa sur le tournevis sonique et, en un instant, le bouclier du TARDIS se forma autour des deux juments. Les tirs des Daleks s'y perdirent sans effet. Les deux ennemis créatures paniquées sous leurs machines de guerre continuèrent à tirer furieusement à l'approche des juments vengeresses, puis Roseluck bondit en avant et frappa un premier Dalek dans l'oeil, l'aveuglant, avant de se glisser sous le second, esquivant un laser, et le frapper à l'arrière, dans la fixation de la trappe.
Derpy, à son tour, s'était jetée sur le Dalek aveugle et le poussait à présent en direction de la rampe. Le docteur se précipita à son tour pour l'aider et à eux deux ils parvinrent à l'y pousser, l'y faisant glisser et disparaître.
Roseluck appela à l'aide. La trappe ne voulait pas s'ouvrir et la machine la dépassait en force. Elle parvenait à peine à la maîtriser, mais bientôt les poneys furent trois et, avec peine, ils la poussèrent à son tour vers la lumière.
Quand le Dalek y eut plongé, le petit groupe attendit quelques secondes, jusqu'à entendre les cris et les appels à l'aide des deux machines, puis à nouveau le silence.
« Vous m'avez sauvé la vie, Derpy Hooves, Roseluck. » Nota le docteur avec calme. « Mais je croyais vous avoir dit de ne surtout pas aller dans les ruines. »
« Et où aller d'autre ? » Fit remarquer Roseluck.
« Où d'autre, effectivement. » Reprit l'étalon bleu en se tournant vers l'entrée. « L'une de vous se souvient seulement comment nous sommes passés du palais à la forêt ? »
Les deux juments se regardèrent, puis reconnurent que non.
« Le TARDIS a sa propre dimension, cette même dimension qui lui permet d'être plus grande dedans que dehors. Nous sommes dans cette dimension, et nous nous contentons de changer de salle. Cette porte, » il désigna la lumière, « est la seule que je ne dois jamais traverser, sans quoi je serai à la merci de l'Harmonie. »
« Mais, » demanda naïvement Derpy, « si l'Harmonie veut nous y attirer, pourquoi elle met des ennemis ? »
Le docteur la regarda, l'air soudain heureux.
« Je suis impressionné, Derpy Hooves. Tu as un esprit très affûté pour une indigène. » Derpy sourit, puis tiqua, mais le docteur continuait. « Ces monstres ne sont pas pour moi. Enfin, pas le moi que vous connaissez. Ils sont pour moi moi, pour tous les docteurs qui cherchent à me venir en aide. Pour nous empêcher d'intervenir. »
Il sortit son tournevis sonique et aussitôt les deux juments s'attendirent à ce qu'il l'utilise, ou prenne des mesures, mais à la place il le tendit à Roseluck, et sembla lui demander l'autre tournevis en échange. Elle obéit, étonnée, regarda l'étalon bleu prendre le tournevis qu'elle tenait, le jeter par terre et, d'un coup de sabot, le briser.
Toutes deux s'exclamèrent en même temps.
« Pourquoi vous avez fait ça ?! » S'affola Roseluck.
« Nous devons m'éloigner des ruines à tout prix. » Coupa le docteur. « Si je rentre là-dedans, tout est perdu. Maintenant : d'autres monstres vont apparaître, un autre lieu va se former. Je vais faire diversion, et j'ai besoin que vous alliez me retrouver et que vous me mettiez à l'abri. »
Elles obéirent et s'approchèrent de lui.
« Pas moi, le moi que vous connaissez ! » S'agaça un peu le docteur, avant de se reprendre et, paternel : « Je peux compter sur vous, Derpy Hooves ? Roseluck ? »
« Oui… docteur ? » Supposa Derpy Hooves.
Ce dernier lui sourit chaleureusement.
« Je comprends pourquoi je me suis attaché à toi. » Nota-t-il, puis il tourna le regard vers Roseluck. « Allez, et rendez-moi fier. »
Il trotta à l'écart, les regarda encore, leur sourit puis s'élança dans les ombres des ruines. Les deux juments restèrent là, devant la lumière, et sentirent soudain le froid et le vent qui soufflait parmi les décombres.
Derpy la première partit en direction de la cachette du docteur, suivie à contrecoeur par Roseluck. Cette dernière se sentait blessée horriblement et ne savait pas pourquoi, mais couvait une véritable haine pour la jument grise.
Qu'est-ce qu'elle avait de plus ? Rien. Elle n'était qu'une sotte.
Comment le docteur pouvait s'attacher à cette petite idiote.
Arrivées dans le couloir où aurait dû reposer le docteur, elles eurent le sang glacé. Le docteur avait disparu. Pendant une seconde la panique les frappa, puis elles sentirent une présence rassurante derrière elles, se retournèrent et virent le docteur en pleine forme leur sourire.
« Ah, je vois que tous les poneys vont bien ! C'est bien comme ça qu'on dit ? Tous les poneys. Nous n'avons jamais fini de cataloguer toutes les expressions d'Equestria… où est mon tournevis sonique ? »
Roseluck lui tendit celui de l'autre docteur.
« Vous l'avez détruit, docteur. Enfin l'autre docteur l'a détruit. »
« Détruit ? Pourquoi est-ce que je détruirais mon tournevis sonique ? J'adore ce tournevis sonique ! Il permet d'ouvrir des portes ! Vous savez à quel point c'est important de pouvoir ouvrir des portes ? Le nombre de héros qui rêvent de ce pouvoir… »
« Docteur, on doit partir ! »
« Exact ! Et je sais exactement où nous devons aller ! Si vous voulez bien me suivre ? »
Il se détournait déjà, persuadé qu'elles le suivraient et les deux juments, presque par habitude, s'empressèrent de l'accompagner. Moins forcées que pour s'assurer qu'il ne ferait aucune bêtise.
Il les emmena jusqu'au grand hall de l'ancien château, et les deux juments réalisèrent que la rampe y était toujours découverte, avec son flot de lumière. Elles voulurent détourner le docteur mais ce dernier, se jouant d'elles, s'y dirigea résolument. Il ne semblait même pas surpris de voir cette ouverture béante et lumineuse au milieu des ruines.
« Docteur ! Pas par là ! »
« Au contraire ! » Se moqua le docteur. « C'est exactement par là que je compte aller ! »
« Mais l'autre docteur a dit… » Tenta Derpy Hooves.
« Voyons, Derpy, tu sais très bien que je ne m'écoute jamais ! Et puis, je suis curieux ! Vous n'êtes pas curieuses ? »
Les deux juments se turent, ce qui revenait à dire oui.
« Alors allons-y ! »
Il s'avança vers la rampe, s'arrêta soudain en entendant un grondement s'élever du sol, puis en voyant le bassin supportant le piédestal de pierre glisser pour se remettre en place et couvrir le passage.
Après à peine un instant d'hésitation, le docteur se précipita au galop. Il sortit son tournevis, pressa dessus et s'étonna que rien ne se passe, puis constata que c'était celui de l'autre docteur et, encore plus pressé qu'avant, il bondit pour s'écraser lourdement contre la pierre du bassin qui venait de se refermer.
Roseluck l'atteignit la première et l'aida à se relever. Derpy, en la voyant faire, resta un peu en arrière, un peu peinée.
« Bien, bien, je vois… » sourit amèrement le docteur, « je sais reconnaître quand je ne suis pas désiré ! »
Et comme dansant un instant sur ses sabots il se jeta soudain sur la fente, là où l'autre docteur avait glissé sa clé, pour y essayer la sienne puis, à défaut, pour y utiliser le tournevis sonique. La pierre ne bougea pas.
« Docteur, arrêtez ! Il faut partir ! » Reprit Roseluck.
« Partir ! Partir, partir, et où ça ? » S'inquiéta le docteur. « Je vais ouvrir cette porte, regarde-moi faire ! »
Et il se mit à régler le tournevis sonique.
« Soyez raisonnable, d'autres créatures risquent de venir ! »
« Les créatures, ça aussi c'est intéressant ! Ces ennemis sortis de nulle part et qui nous détournent sans arrêt de notre objectif ! Je me demande vraiment quel est leur rôle. »
« L'autre docteur a dit- »
« Et tu lui fais confiance ? » S'étonna le docteur.
Roseluck recula, frappée par cette idée. Elle n'avait toujours pas imaginé que ce licorne bleu un peu âgé puisse être son docteur, mais elle le savait, et à présent elle s'imaginait un même poney qui ne se ferait pas confiance à lui-même.
« Docteur ? » Intervint Derpy Hooves. « Si l'Harmonie veut vous attirer, pourquoi elle a fermé la porte ? »
« Exactement ! » Triompha le docteur en se détachant de Roseluck, qui tiqua. « Pourquoi de la magie ferait ça ? Un minuteur ? Non. La vraie question est, qui a ouvert la porte en premier lieu ? Un poney avec une clé, la clé du TARDIS, de son TARDIS, la même qui permet de refermer les portes et pourquoi pas ? Y compris à distance. »
Il revint à la serrure, s'acharna dessus avec le tournevis sonique.
« Qui connaît mes ennemis ? Qui connaît les codes d'accès au TARDIS ? Qui connaît le lieu et l'instant exact où je suis arrivé en Equestria ? Qui mieux que moi ? Ah ! Comme si de la magie était consciente ! Un beau conte à dormir debout pour nous divertir ! Malheureusement pour moi, je suis devenu plutôt bon en technologie sonique, et je me connais suffisamment bien. »
Il y eut un déclic. À nouveau, la pierre vacilla puis se recula, dévoilant la rampe emplie de lumière. Le docteur, tout souriant, se tourna comme un enfant triomphant face aux deux juments qui le regardèrent étonnées, puis enchantées.
« Il est temps d'aller me confronter. »
****
La pièce où, après avoir passé la rampe, les trois poneys surgirent, était la salle de commandes du TARDIS.
Mais pas celle qui leur était familière. C'était une vieille, très vieille, très antique salle de commandes dont la console paraissait vétuste et ridiculement archaïque. Le docteur, par réflexe, s'approcha et abaissa un levier pour fermer la porte.
Puis, le souffle coupé, il admit :
« Je n'avais plus vu cet endroit depuis… un siècle… »
« Où sommes-nous ? » Gémit Derpy.
« Dans le TARDIS. » Constata le docteur. « Mon TARDIS, d'autrefois, du temps où je l'ai volée pour la première fois sur Gallopfrey. Cette console, » dit-il avec admiration en passant le sabot sur celle-ci, « cette console est plus ancienne encore que ma régénération que vous avez vues. Il y a un troisième docteur ici ! »
« Négatif. » Corrigea une voix robotique.
Les poneys sursautèrent, puis le docteur s'enchanta, le visage illuminé de joie en voyant s'approcher un robot chien glissant sur le sol avec, pour oreilles, deux petites antennes. Sur les côtés de sa caisse était marqué son nom.
« K9 ! » S'exclama le docteur.
« Il y a quatre docteurs. » Corrigea encore K9 en s'arrêtant et en secouant sa queue métallique. « Veuillez ouvrir la porte, maître. »
« Ouvrir la porte, pourquoi ? »
« Pour que l'autre docteur puisse rentrer. »
Le docteur, interloqué, hésita, recula jusqu'à la commande puis, après un dernier regard à K9, réactiva le levier. Les portes du TARDIS s'ouvrirent et la seconde d'après, l'étalon bleu entrait, l'air résigné. Derpy Hooves, en le voyant, s'approcha avec joie mais s'arrêta en le voyant si sombre.
« Félicitations, vraiment. » Dit le licorne en regardant le petit groupe. « Je savais que l'âge me rendrait un jour gâteux mais je ne pensais pas que ça viendrait aussi vite. »
« Regardez qui parle ! » Rétorqua le jeune étalon beige.
« Oh assez, » S'agaça l'autre docteur, « à cause de toi nous sommes désormais tous prisonniers et notre plan s'effondre. »
« Votre plan ? » S'étonna Roseluck.
« Quel plan ? » Demanda une voix immortelle et douce.
K9 se retourna. Une lumière encore plus aveuglante s'échappait de la porte attenante, à l'opposé de l'entrée du TARDIS. Les poneys s'en approchèrent et la traversèrent en file pour déboucher sur une pièce presque blanche, comme anéantie par la lumière pure qui y régnait. Les anciens aménagements, rustiques, du TARDIS s'y trouvaient dispersés, sans espace ni temps. Lits, pupitres et ordinateurs.
Derrière deux consoles couvertes de câblages se trouvait un étalon d'un vert pâle, ridé par l'âge, à la crinière blanche et au regard sévère.
À quelques pas se dressait une alicorne de lumière, pure et magnifique, pareille à l'univers, qui regardait les poneys avec douceur. Ses yeux se posèrent sur l'étalon beige et s'adoucirent. Un sourire fendit son merveilleux museau.
« Fin du jeu, » dit une voix sur leur côté, « je pensais que j'arriverais à tenir plus longtemps ! »
Le groupe se tourna et vit un autre étalon vêtu d'un manteau, d'un chapeau mou et d'une longue écharpe colorée sur laquelle glissait à présent le robot chien pour aller se caler sous ses pattes.
« Encore un docteur ? » Demanda Roseluck, visiblement méfiante.
« Nous nous sommes mis à trois pour me sauver, » repris l'étalon bleu parmi eux, « mais visiblement je n'ai plus besoin de personne. »
Et son regard accusateur se posa sur l'étalon beige qui l'ignora royalement pour s'avancer vers la source de la lumière, la superbe alicorne qui le fascinait.
Elle était. Magnifique. Sans description possible, une perfection équine et suréquine qui touchait tous les coeurs de toutes les races. Son regard avait une compassion infinie. Chaque mouvement, chaque plus petit geste et battement de cil, pareil aux astres, avait une grâce éblouissante.
« Harmony, je suppose ? » Demanda le docteur.
« Oh, docteur, mon docteur, » répondit l'alicorne de sa voix délicieuse, « j'ai attendu si longtemps. »
« Vous auriez attendu plus longtemps encore si j'avais pu l'empêcher ! » Clama le vieil étalon vert derrière ses consoles. « Réfléchissez, Harmony ! Cédez à la raison ! C'est l'univers qui est en jeu ! »
La gracieuse alicorne ne sembla pas l'écouter, absorbée par la vue du docteur qu'elle approcha lentement, si paisiblement que ce dernier se laissa faire. Elle étendit une aile et lui toucha la joue, et il la toucha du sabot pour la sentir si douce et agréable.
« Vous vouliez me voir ? » Demanda-t-il.
« Oui, docteur. » Dit-elle doucement. « Je voulais voir l'étalon qui a ravi mon coeur. Je vous ai vu, j'ai vu vos aventures, vos actes. Je vous ai vu apporter la justice et détruire le mal. Je vous ai vu souffrir… et je vous aime. »
Le reste de la pièce resta silencieuse une seconde, puis deux cris de deux juments éclatèrent de concert, étouffés aussitôt.
« Vous… m'aimez ? » Demanda le docteur, les yeux brillants.
« Je t'aime, docteur. » Lui dit-elle suavement. « De tout mon coeur. De tout mon être. Plus que l'univers tout entier. Tu es la seule raison qui me fait vivre. »
L'étalon bleu, resté derrière, se permit un ricanement dérisoire. Écrasés par la puissance de l'harmonie, les trois docteurs regardaient faire impuissants, et s'inquiétaient.
Mais plus encore, les deux juments regardaient cette scène, et leurs coeurs battaient follement. Elles se regardaient encore, paniquées, et elles se retenaient à peine de se jeter en avant avec furie. Tout ce qui les retenait était d'attendre que leur docteur rejette ces avances, et elles étaient persuadées qu'il le ferait.
« C'est… c'est très gentil mais… » Se défendit le docteur, gêné.
L'alicorne se jeta à ses pieds et, suppliante :
« Je t'en prie, ne me rejette pas ! Je ne te demande pas de rester avec moi, je sais combien cela te ferait souffrir ! Non, je te demande de m'emporter. Laisse-moi te suivre, laisse-moi t'accompagner, laisse-moi vivre l'aventure à tes côtés ! Je serai ton assistante, je te laisserai faire et ensemble, nous découvrirons l'univers ! Je te donnerai tout ce que tu voudras, je ferai selon tes conditions. Et si tu ne me considères par digne d'être ton assistante, laisse-moi être ta machine temporelle ! »
« Ma… TARDIS ? »
« Je te permettrai d'aller au-delà des limites de la création, plus loin encore que l'imagination, plus loin que tous tes rêves ! Mon docteur, mon amour, mon seigneur, mon prince, mon maître ! » Supplia-t-elle en lui baisant les sabots. « Je suis misérable et seule dans l'infini, une jument désespérée, enfermée dans sa fonction. Me libèreras-tu ? Diras-tu que tu m'aimes ? »
Elle frissonna.
« Non ! Si c'est encore trop tôt, si c'est trop demander, dis-moi juste que tu toléreras ma présence. »
« Jamais ! » Clama sèchement le vieil étalon au regard sévère. « Je n'ai jamais entendu un tel ramassis de bêtises de toute ma vie ! Vous voulez priver des millions d'âmes de votre magie ? »
« Nous la distribuerions partout et à tous ! » Se défendit l'alicorne pleine d'espoir.
« Gabegie ! » S'emporta le vieil étalon. « Petits caprices de petite sotte ! J'appelle cela de l'égoïsme et de l'arrogance ! On vous a confié un pouvoir qui dépasse l'entendement, et vous allez le dilapider stupidement, le soumettre à la volonté fluctuante de la vie ! Harmony, l'incarnation du plus grand pouvoir d'Equestria, va condamner l'ordre au chaos et pourquoi ? Pourquoi, hein ? Pour une romance qui ne durera même pas un siècle. »
« Assez ! » S'écria l'étalon brun.
Et il s'avança à son tour, colérique comme jamais, pour défendre l'alicorne.
« Je n'arrive pas à croire que j'ai été ça ! Cette cruauté ! Tout ce que je vois, moi, c'est une jument qui souffre ! Et une jument superbe, et gentille, et fragile, qui a trop de coeur pour elle seule. »
Les yeux de l'alicorne semblèrent s'embuer de bonheur. Mais le docteur continuait, rageur à l'encontre du vieil étalon.
« De quel droit est-ce que je donne des leçons ? »
« De quel droit en effet ! » Réclama ce dernier avec force. « Tu penses déjà à tout le bien que vous pourrez faire, toi et Harmony, et tu ne vois pas plus loin que le bout de ton museau ! J'ai presque honte de ce que je deviendrai. Cette déchéance ! Je me rappelle, moi, d'un docteur qui se battait pour l'équinité ! Un vieux fou dans sa machine, sans autre force que ses mots et son intelligence, son ben sens, ses convictions ! »
« Nous ne sommes pas à un mariage, mais à un jugement. » Nota l'étalon bleu en s'avançant. « Le jugement d'un blanc-bec qui se croit tout permis et qui veut tout résoudre en pressant sur un simple bouton. Si tu dis oui, tu auras le pouvoir d'un dieu. Je sais ce que tu te dis : je suis gentil, je n'en abuserai jamais. Tu oublies que je suis toi. Je sais comment tu penses. Et je sais ce qui est arrivé à Gallopfrey. »
« Combien de jours avant que je n'aie la tentation de sauver ma planète natale ? » Demanda le dernier docteur en se penchant vers K9, affectueusement. « À ton avis ? »
« Calcul. Six jours, dix-sept heures, quarante-et-une minutes et vingt secondes, maître. »
« Et une fois cette ligne rouge franchie, combien d'autres lignes je traverserai ? » Reprit l'étalon, l'air tranquillement satisfait. « Jusqu'à ce qu'un jour je me réveille et je découvre que j'ai dicté ma volonté à l'univers et je serai persuadé d'avoir bien fait. Ah ! Le Maître applaudirait. »
Là-dessus l'étalon se pencha en arrière et, emmitouflé dans son écharpe, il fit glisser du sabot son chapeau sur son museau, l'air de vouloir dormir.
L'étalon beige les regarda tour à tour, ces trois régénérations de son passé, comme trois fantômes, et la colère qui montait en lui manqua d'éclater. Mais il croisa enfin le regard de l'alicorne qui se colla à lui et le recouvrit d'une aile, et toute la colère s'évanouit. Il se colla à son tour à elle et glissa son museau sur sa poitrine.
« C'est trop tard. » Déclara-t-il gravement. « J'ai déjà pris ma décision. »
« Non ! »
Roseluck s'avança, désemparée, furieuse et livide à la fois. Elle ne sentait plus ses pattes flageolantes, manqua de tomber mais se força à avancer encore en direction du couple. Jamais le docteur ne lui avait paru si beau, si glorieux, si parfait. Elle ne savait pas encore si c'était de la haine qui se formait dans son coeur, ou au contraire, une angoisse absolue.
« Non ! » Cria-t-elle encore de toutes ses forces. « Je ne laisserai pas un monstre me voler le docteur ! »
« Roseluck ! » S'exclama le docteur.
« Silence ! Je vous connais, docteur ! Et je connais votre coeur ! Je sais que vous ne voulez pas ça ! » Elle s'approcha, suppliante à son tour. « Docteur, je vous en supplie… »
« Pourquoi… » Murmura Harmony. « Pourquoi veux-tu le garder pour toi seule… »
« Parce que… » La voix de la jument tremblait. « Parce que… parce que c'est le Docteur ! Et tu ne le mérites pas. Aucune de nous ne le mérite. Mais tu ne peux pas comprendre ça ! Tu n'es qu'une stupide magie animée, tu ne sais rien de la passion ! »
« Comment… oses-tu… » Murmura l'alicorne, frappée.
« Tu ne pourras jamais comprendre le Docteur ! Tu ne pourras jamais le satisfaire ! »
« Et tu as la prétention- »
« Je sais ! » Rugit Roseluck. « Parce que je l'ai senti. Là, au plus profond de mon coeur. Je sais ce que le Docteur veut vraiment. »
Soudain les lumières de la pièce s'inversèrent.
Un flot aveuglant s'échappa de la poitrine de Roseluck. Un flot doré, pareil à une myriade de lucioles. Le pouvoir de la matrice, venu du TARDIS même, l'enveloppa, la traversa et forma autour de la jument de vastes arcs éthérés.
Harmony s'avança pour défendre le docteur, fit face et projeta sa propre magie, mais Roseluck abaissa les yeux sur cette alicorne et les deux flots de puissance se rencontrèrent, crépitèrent et se déchirèrent.
Un instant, il sembla qu'Harmony allait gagner, mais Roseluck murmura… « Docteur » … et soudain les flots dorés brisèrent l'entrave de l'alicorne, plongèrent sur cette dernière et la firent s'évanouir en poussière.
Tout plongea dans les ténèbres, puis les lumières du TARDIS se rallumèrent. L'étalon bleu s'était déjà précipité par la porte vers la console où les commandes s'affolaient. L'autre docteur, suivi de K9, se précipita après lui. La porte se referma sur eux.
Derpy Hooves s'approcha de Roseluck à terre, la poussa du museau, lui murmura pour qu'elle se réveille. Puis, voyant qu'elle n'y parvenait pas, elle releva les yeux vers le Docteur.
L'étalon brun reposait au sol, meurtri. À côté de lui, là où s'était tenue Harmony, se trouvait une marque de brûlure atroce tout au long du sol, comme une déflagration.
« Docteur ! » S'écria Derpy Hooves.
« Allons allons ! » Intervint le vieil étalon vert. « Il va très bien, mon enfant. Il va se réveiller sous peu et je pense que le choc devrait lui avoir fait oublier toute cette triste aventure. Oh, il sera toujours le même ! Toujours aussi insupportablement prétentieux. Derpy Hooves, c'est cela ? »
« … Oui ? » Répondit Derpy, surprise par le ton soudain amical du poney.
« Je suis navré, tout cela est ma faute. Je me suis laissé piéger par Harmony, et à travers moi elle a pu vous forcer à venir ! J'ai été imprudent. Heureusement, Harmony était trop absorbée par son amour pour tout voir, et j'ai pu contrecarrer ses plans. J'ai appelé mes autres moi à l'aide, et attiré ces monstres pour nous donner du temps. C'était risqué, je sais, mais l'instant était critique et je manquais d'alternatives ! »
« Mais- » Tenta Derpy.
« Mais quoi ? » Demanda le vieil étalon, l'air amusé. « Allons, parle ! J'ai envie d'entendre ce que tu as à dire, plus que tout autre ! »
Derpy Hooves baissa la tête. Elle avait été secouée dans tous les sens, avec à peine la possibilité de suivre. Elle s'était sentie inutile, tout du long. Et à présent, avec des foules de questions dans sa tête, elle ne savait pas quoi dire.
Mais enfin, il lui vint la question la plus naturelle :
« Vous aviez un plan ? »
« Ah ah ! Bien sûr ! » Se réjouit le vieux docteur. « Le plan le plus simple qui soit ! Et, je dois dire, un peu plus raisonnable que l'amour. » Dit-il, un peu grognon. « Maintenant, il faut te ramener chez toi. Ne t'inquiète pas ne t'inquiète pas, tu retrouveras ce benêt ! Chaque chose en son temps. »
« Mais le plan ? » Répéta Derpy alors qu'il la tirait vers la salle de commandes du TARDIS.
« Le plan ? Ah oui ! Très simple. J'allais utiliser la plus puissante arme dans l'arsenal d'un seigneur du temps ! La vérité. Au moment fatidique, j'allais utiliser le lien mental entre nous tous pour forcer Harmony à voir qui je suis, enfin, qui nous sommes réellement. Et la convaincre de revenir à la raison. »
Il s'activait à présent sur les commandes de la console, et le pilier central se mit à souffler lentement. Le vol sembla court, même pas quelques secondes, avant qu'un bruit sourd n'indique qu'ils s'étaient posés. Vivement, le vieil étalon ouvrit les portes et fit un large signe aimable à la jument, avec un petit sourire amusé, pour qu'elle sorte.
Elle hésita, regarda encore l'autre porte derrière laquelle son docteur se remettait. Elle l'entendit parler, entendit la voix de Roseluck et sentit son coeur se serrer. Mais, bravement, Derpy Hooves obéit et alla au pas pour passer les portes du TARDIS.
Elle fermait presque les yeux pour le faire, mais enfin, avant que les portes ne se referment, elle se retourna et, tout surprise :
« Mais ce plan, il aurait marché ? »
Et le docteur, en refermant les portes, eut un rire avant de répondre :
« Je n'en sais rien, mon enfant ! Je n'en sais rien ! »
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