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Krrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr. Le son résonna lentement dans l'Everfree Forest, similaire à un violon qui aurait été réglé par un imbécile de première catégorie. Se répétant et changeant de longueur et d'octave à chaque fois qu'il se reproduisait. Les diverses créatures de cette forêt maudite levèrent les oreilles. Parasprites, hydres, manticores et autres serpents de mer s'interrogèrent un court laps de temps sur ce qui pouvait causer ce crissement strident et désagréable.
Il s'était passé, oh environ une semaine ou deux depuis la série d'évènements qui avait frappé Equestria. Tout était revenu à la normale depuis. La vie de la forêt avait repris son cours et ses règles habituelles. Même l'unique poney qui avait jamais pu habiter en ces lieux sans se faire charcuter par on ne sait quel monstre était revenu et s'était installé chez elle, lisant un livre sur les magies orientales.
Krrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr. Quelque part, profondément dans la végétation démoniaque, se trouvait une petite clairière recouverte de poussière, en son centre se trouvait une lumière qui provenait du ciel. Dans ces endroits-là, que n'importe quel poney avec un minimum de bon sens se tâchait d'éviter, les arbres semblaient beaucoup plus... c'était assez difficile à expliquer. Disons que s'il y avait encore des gens pour témoigner de leurs expéditions là-bas, et s'ils étaient prêts à dire ce qu'ils savaient... ils diraient qu'ils avaient l'impression d'être observés en continu par quelqu'un. Ou quelque chose.
Krrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr. Dans cette clairière se trouvait un cadavre de manticore en train de pourrir, son estomac ouvert et ses organes exposés en plein air. Le corps dégageait une odeur insupportable. Après toute examination en détail, on pouvait noter que certaines parties intérieures de son corps étaient absentes ou... à moitié dévorées. Des os étaient brisés, en miettes ou avaient été arrachés avec brutalité. En dessous du cadavre se trouvait une grosse flaque de sang coagulé qui s'était répandu dans une grande partie de la clairière.
Le spectacle était, à proprement parler, répugnant.
Un peu sur le côté, caché dans l'obscurité, une forme vague était en train de jouer avec quelque chose, un petit objet blanchâtre et droit. Mais quiconque l'aurait remarqué aurait ignoré le petit objet. Il aurait fixé les deux ronds jaunes et le sourire en demi-lune de la même couleur. Ils n'éclairaient pas l'obscurité, non... même si on pouvait les noter avec facilité, ils semblaient faire partie des ténèbres, voir les diriger. Et regarder ces yeux était comme signer son arrêt de mort.
Chesyre passa une de ses griffes sur l'os. Krrrrrrrrrrrrrrrrrrrr. Il espérait que les charognards allaient bientôt passer à la vitesse supérieure pour bouffer le cadavre. Pas que l'odeur le dérangeait spécialement, c'était difficile quand on n'avait pas d'odorat, mais cela causait certains problèmes avec les wyverns et les chimères qui s'étaient installés par ici. Leur terrain de chasse était compromis par ce foutu monstre un peu rebelle qui l'avait empêché de mettre la main sur ces six fauteurs de troubles. Il n'aimait pas spécialement tuer ses propres créations, surtout vu le bordel que ça causait par la suite avec les autres. Et puis, le spectacle des monstres qui venaient lui bouffer les organes était rapidement lassant.
Il soupira, son sourire se retournant, lui donnant une mine triste. Il fit tourner l'os dans sa main et l'envoya tel un javelot sur un arbre qui fut transpercé à moitié par le projectile. Depuis que la malédiction de ce Tundra s'était dissipée, il attendait avec patience la suite... qui ne s'annonçait pas très rose pour lui.
Bah, elle n'allait pas tarder. Il pouvait la situer avec précision, un peu après la bâtisse de cette Zecora, qui restait chez elle. Son sourire revint. Zecora était le locataire le moins lourd de cette forêt, ne gênant personne, se débrouillant elle-même et ayant même aidé le gardien à régler quelques problèmes délicats de maladie parmi ses enfants. Il fut ravi de savoir qu'il avait eu raison de ne pas la déchiqueter dès qu'elle avait commencé à construire par ici.
Sa main s'allongea, telle une serre noire comme l'encre. Elle se mit à fouiller avec difficulté dans le corps de la manticore avant d'en arracher un nouvel os tâché de sang qu'il ramena vers lui. Et il se remit à le polir tel une arme. Cela ne devrait être qu'une question de minutes... oh, il aurait pu l'attaquer par surprise mais franchement, quel intérêt ?
Par contre, il fut vexé de savoir qu'elle tentait d'être discrète. Franchement. Après un millénaire, elle aurait pu un peu s'en souvenir, quoi.
« Célestiaaaaaa. » dit-il d'une voix doucereuse. « Tu sais, je t'ai grillé depuis que tu as posé un sabot par ici. Pas la peine de te cacher, hein. Je vais pas te manger. »
Il pouffa de rire. Sa voix avait résonné à travers chaque arbre, chaque végétal, chaque forme de vie non-consciente dont il pouvait se servir en tant que mégaphone. Ce fut une voix remplie de dédain et de puissance qui lui répondit.
« Avec toi, on ne sait jamais. Mais soit, j'arrive. »
« À la bonne heure. »
Il quitta sa cachette pour se positionner juste dans la lumière. Il se présentait comme un être entièrement fait d'une matière liquide noirâtre dans laquelle se trouvaient ses yeux et sa bouche. La masse gélatineuse s'était étirée pour former une sorte de tronc fin avec comme base une flaque. De ce tronc sortaient deux traits fins qui se terminaient en présentant deux mains massives et solides. Les formes jaunes, elles, étaient situés sur une grosse sphère surmontant le tout, et bougeaient, rapetissaient, grandissaient selon la volonté et l'humeur de cet être étrange et unique.
Célestia fit son apparition dans la clairière, illuminant d'une puissante aura magique. Chesyre plaça ses mains derrière son corps, son sourire rapetissant légèrement. Oui. Elle n'avait absolument pas changé depuis leur dernière rencontre... et elle était probablement devenue beaucoup plus puissante. Assez puissante pour le désintégrer en combat singulier.
BONUS TRACK - Shadow Sentinel
« Tu es venu pour me tuer, hein ? » demanda-t-il, même si la réponse était évidente.
« Oui. C'est fini. Tes crimes s'arrêtent aujourd'hui. »
Il bâilla. Son discours était si prévisible que ça en devenait franchement barbant.
« Oh pitié. Tu me prends pour qui ? Un imbécile ? Je trouve ça assez hypocrite que tu veuilles me punir pour des crimes... qui n'étaient que de bons et loyaux services que je t'ai rendu. Sur ton ordre. J'ai besoin de te faire une piqûre de rappel ? »
« Ça ira. Mais ton existence maléfique ne commence pas avec moi, Chesyre... »
« Vrai. Et c'est triste. »
« Que veux-tu dire ? »
Il plaça une de ses griffes sur ce qu'il lui servait de tête, se grattant un menton qui n'existait pas. Il fut soudainement empli d'un sentiment de nostalgie.
« Tu es barbante, Célestia. Vois-tu, quand Discord m'a créé, il avait le sens de l'humour au moins... il me disait juste : tu élimines ceux qui viennent ici. Et c'était tout. Un jeu, tout était un jeu ! Et moi, j'étais le type qui tuait les perdants ou ceux qui abandonnaient la partie en voulant fuir. Bah, c'était le bon temps. Puis tu es venu, tu as tout raflé, enfermé mon idole dans une statue... alors oui, je devais faire la même chose qu'avant. Sauf que c'était en sens inverse et que toi, tu es la personne la plus coincée que j'ai vu. J'aurais bien une expression pour ça, mais j'ai peur de choquer tes douces oreilles royales. »
« Ton maître n'était qu'un tyran qui n'avait aucun respect de la vie. »
« Au contraire, je pense qu'il comprenait radicalement mieux la vie que vous tous... il savait en profiter, s'amuser, se laisser aller quoi ! Toi, tu es là, avec tes grands airs et tu te fais passer pour un défenseur de la justice alors que tu as plus de sang sur les sabots qu'il n'en a eu sur les mains... »
« ASSEZ ! » cria-t-elle. « Qu'importe ce que tu penses. Il est l'heure pour toi de disparaître. »
Chesyre éclata de rire. Hilare, son corps se tordit par terre, se déformant, s'étirant et se fermant sur lui-même aléatoirement. Célestia cligna des yeux, ne comprenant pas ce qu'il y avait de drôle ici.
« Haaaaa... » Il réussit à se calmer, revenant à sa première posture. « J'avais aussi oublié que tu étais idiote. Tu crois que c'est si simple ? Te servir de moi pour cacher ta basse besogne et me tuer quand je ne te sers plus ? C'est à crever de rire. »
« Ha. » Elle sourit. « Je connais déjà l'étendue de tes pouvoirs, Chesyre. La seule chose dangereuse que tu peux faire est déchaîner tes monstres sur Equestria. Mais la situation est différente. Je peux facilement m'en débarrasser avec mes pouvoirs, sans compter que j'ai des alliés aussi puissants que moi, qui tueront dans l'œuf ta tentative de déchaîner le chaos. »
Elle finit à peine le dernier mot que Chesyre se remit à rire, tapant du poing par terre. Elle grogna. Ce n'était pas la réaction à laquelle elle s'attendait.
« Ooooooh. Hilarant... tu crois que j'avais pas prévu ça, Miss Soleil ? Tu crois que je ne me suis pas préparé pendant un millénaire ? »
« Pardon ? »
« L'étendue de mes pouvoirs est... beaucoup plus grande que toi, ta sœur ou les six autres idiotes vous pouviez l'imaginer. Tu crois que je suis juste un coordinateur qui garde un écosystème mais en réalité, je suis plus. »
Il se remit à la normale, pointant son index vers le ciel.
« Je suis l'Everfree Forest. Toute forme de vie animale et végétale vit à travers moi comme je vis à travers elle. Je suis devenu le pilier de tout ce monde, garantissant que le cycle de vie et de la mort soit intact. Me tuer, Célestia... revient à détruire toute cette forêt, et causer effectivement le plus grand chaos que ce monde aura jamais connu ! »
« Sois plus clair ! »
« Oh, on va tenter en devinettes alors. À ton avis, que va-t-il se passer quand tes sujets vont voir que la forêt a complètement pourrie, ses habitants en agonie ou frappadingues... et surtout, que va-t-il se passer quand le Nord que tu cherches à cacher sera entièrement libre d'accès par le premier péquenaud venu ? Comment réagiront-ils en voyant les cadavres des infortunés que j'ai tués sur ton ordre ? »
Son sourire s'agrandissait au fur et à mesure que celui de Célestia disparaissait. Tout se passait exactement comme il l'avait prévu.
« Tu bluff. »
« Peut-être. Peut-être pas. Qui peut savoir, honnêtement ? En tout cas, perso, je ne suis pas sûr qu'ils apprécieront de comprendre que tu as laissé aller à la mort une grande partie de tes sujets sans rien faire, et surtout vont beaucoup s'interroger sur ce continent mystérieux couvert de neige. Il y aura des fouilles. Il y aura des doutes sur pourquoi tu as caché tout ça. L'harmonie sur laquelle repose ton royaume va lentement s'effriter, avant d'exploser en miettes. Et alors, dans la tombe, je me poilerais comme jamais. »
Il y eut un grand éclat de lumière et Chesyre fut catapulté à travers la clairière, emportant un arbre avec lui. Il gémit de douleur avant de se révéler en se massant sa tête. Célestia était en train de bouillonner de rage. Il se remit à rire.
« Tu vois ? Tu as besoin de moi. Le moment où tu as décidé de m'engager à ton service... nous nous sommes liés pour l'éternité, Célestia. Et je ne mourrais jamais. Je serais celui qui gardera ton secret pour toujours... à la condition que je puisse continuer de gérer cette forêt comme je l'entends. Pigé ? »
Célestia s'avança vers lui et le pointa avec sa corne, tremblante. Son sourire avait doublé de taille. Il pouvait voir dans ses yeux beaucoup d'incertitude, de frayeur. Exactement ce qu'il adorait.
La Princesse détourna la tête et se retourna. Il avait gagné.
« J'aurais bien une expression pour toi mais... non seulement elle est vulgaire, mais en plus pas approprié pour toi. Ma foi. »
Elle se mit à marcher, disparaissant petit à petit dans l'obscurité, probablement pour rentrer dans son château, son cœur rempli d'amertume.
« Mais hé, tu sais, on devrait refaire plus souvent ce genre de réunions de travail. Te voir est toujours un grand plaisir... »
Il se remit à rire une ultime fois, un rire proche de l'hystérie et de la folie furieuse. Tandis que Célestia marchait, son visage déformé par la rage, vers la sortie, elle fut accompagnée du rire tonitruant du monstre qu'elle n'aurait jamais dû laisser en vie. Et ce rire résonna dans toute la forêt, effrayant toutes les créatures l'habitant. Zecora elle-même interrompit sa lecture, inquiète. Et Chesyre se dissipa lentement dans les ténèbres, laissant en ultime souvenir ce ricanement suraigu, bestial. Une hilarité digne du plus horrible des cauchemars.
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