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Le Manuscrit

Une fiction écrite par cocolicoco.

Chapitre unique

Tac tac tatac tac tac tatatac tac tac tac tac cling ! Vroooooooch.

Il faisait presque trop froid pour écrire.

Au-dessus de moi, la fenêtre donnait sur les plaines enneigées des abords de Ponyville. La lumière blanche de l’hiver commençait déjà à s’estomper, et dans une heure tout au plus, il ferait nuit noire. Le gel deviendrait alors vraiment insupportable.

La couverture de grosse laine qui m’emmitouflait ne me protégeait pas vraiment de l’assaut pernicieux du froid, et le bout de mes sabots qui dépassaient pour taper à la machine me semblaient durs comme du bois. Mécaniquement, ils pressaient les touches de métal gelé sans discontinuer, et le son produit devait résonner dans toute la maison.

Il avait de doute façon résonné toute la journée, et toutes celles d’avant, à tel point qu’il ne sortait presque jamais de mon crâne.

Dans mes rêves, j'entends le bruit d’une machine à écrire.

Tac tac tatatatac tac tatac tac tac tac tatac cling ! Vroooooooch.

Mais les idées étaient là. Je me savais capable de supporter l’inconfort tant que je les gardais à l’esprit, et rien qu’elles. C’était facile. Il suffisait de me demander : qu’est-ce qu’il se passe, après ?

J’étais prise dans le suspense de l’histoire que j’avais moi-même inventée.

Cela m’arrive de temps en temps. Ça part toujours d’une idée, toute simple, qui me vient par hasard. Elle prend racine dans mon esprit et me ronge jusqu’à ce que je lui donne une forme. Alors elle bourgeonne, fleurit et je me mets à écrire.

Je l’épuise, je la presse pour en tirer toute la substance et je la jette sur le papier, d’une traite. Je ne peux pas faire autrement. Je ne sors plus de chez moi, je ne dors presque pas, je mange à peine, et j’écris.

Tatatac tac tac tatac tac tac tac tac tatatatac tac cling ! Vroooooooch.

Cela faisait trois semaines que j’étais rivée à mon bureau, cet hiver. Des cernes démesurées s’étaient lentement creusées derrière mes lunettes rondes et épaisses, et mes yeux fatigués luttaient chèrement pour rester ouverts. Mais je touchais au but. Ce soir, je mettrais un point final à cette histoire.

Malgré le froid, je transpirais, et mes lèvres tremblaient d’excitation. La fin, c’est toujours le meilleur moment quand on écrit une histoire. Tout prend son sens, et l'on peut enfin embrasser l’œuvre dans sa globalité. On ne peut comprendre un livre que si l’on l’a lu jusqu’à la fin, c'est vrai, mais cela marche aussi avec l’écriture. Jusqu’à la dernière ligne, toute notre vision du roman qu’on écrit peut changer. Je n’en pouvais plus d’attendre, je voulais savoir comment cela allait finir.

J’étais aussi, il faut le dire, pressée de reprendre une activité normale, et de répondre aux besoins qu’exprimait mon corps depuis des jours. Je mourais littéralement de faim et de fatigue.

Tac tac tatatatac tac tatac tatatac tac tac tac cling ! Vroooooooch.

D’un geste fébrile, je retirai la feuille remplie de la machine et la posai face retournée sur la pile du manuscrit. Il devait y avoir un peu plus de quatre cents pages dans ce tas.

Je relevai un instant la tête. La nuit était tombée. Par magie, j’attirai ma vielle lampe à pétrole sur le rebord de la fenêtre et l’allumai, ajoutant une touche de chaleur à la pièce. Sans plus y penser, je lévitai une feuille neuve et la passai dans le rouleau.

Cette page serait la dernière.

J’avais oublié mon épuisement, et mes sabots tapaient sur les touches avec une frénésie renouvelée. L’agitation et l’impatience montaient en moi. Les dernières lignes s'égrenèrent à une vitesse folle, sans que je ne puisse me retenir. Les mots à écrire m'apparaissaient comme des évidences, et tout s’emboîtait parfaitement.

Bientôt, mes pattes restèrent en suspens au-dessus de la machine, et je repris conscience. Le livre était fini. Je passai une minute à reprendre mon souffle, et commençai à réaliser que j’en avais enfin terminé. Dans un mélange de solennel et de satisfaction retenue, je sautai une ligne, et tapai les trois lettres de rigueur pour mettre fin à un livre.

Tac tac tac.

Je sortis la feuille et réussis à la déposer délicatement sur le dessus de la pile. J’eus ensuite le temps de pousser un soupir de pur contentement, puis je m'effondrai sur le bureau et sombrai dans les ténèbres.

Dans la froide nuit d’hiver, nul bruit ne parvenait plus à mes oreilles, sauf le léger souffle du vent dans les volets, et le claquement tenace de la machine à écrire.

Tac tac tatatatac tac tac tatac tac tac tatac tac tatatac tac cling ! Vroooooooch.



***



Je me réveillai avec la moitié du visage marquée par les touches rondes de la machine. Le soleil était déjà haut, dehors. Il devait être plus de midi. Je m’extirpai de ma couverture et quittai enfin mon bureau, pour rejoindre la seule autre pièce de ma petite maison : le salon-cuisine-bibliothèque.

J’avais fini par m’attacher à cette pièce, au point d’y entreposer tout ce qui avait de la valeur pour moi. Mon bureau n’était finalement qu’un lieu de travail, mais dans mon salon, j’étais vraiment chez moi.

Au centre trônait un vieux réchaud à bois noirci par l’usage, duquel sortait un long tuyau qui évacuait la fumée par le toit. Presque machinalement, j’allai le rallumer, puis je posai dessus ma bouilloire remplie d’eau. Un thé ne serait pas de refus.

Devant le réchaud, il y avait mon infatigable fauteuil en vieux cuir rouge capitonné. Malgré mon repos de cette nuit, il exerçait sur moi une attraction presque irrésistible. Je décidai de faire une sieste une fois que mon travail serait fini, et bien fini.

Enfin, tout autour, il y avait les étagères, qui recouvraient complètement les murs de la petite pièce circulaire. Des dizaines de livres de toutes tailles et de tout sujet les remplissaient, puis s’entassaient par piles sur le parquet. Le tout formait un ensemble qu’un observateur extérieur aurait qualifié de bazar innommable, sans aucun doute. Pourtant, tout était bien à sa place, et rien que la vue de ma collection ordonnée me redonnait le sourire. Je connaissais par cœur chacun des tomes entreposés ici, et j’étais capable de retrouver n'importe lequel d’entre eux en un clin d’œil.

Mon estomac me fit sortir de ma rêvasserie, et j’entrepris d’urgence de me trouver quelque chose à manger, ce qui était nettement moins facile que de mettre le sabot sur un de mes livres. Par chance, je tombai sur un sac en papier qui contenait trois belles pommes, auxquelles je fis un sort sans tarder.

Je décidai finalement d’en finir avec mon livre. Le travail qui me restait à accomplir n’était pas très long, mais il était important, et mes lecteurs attendaient. Enfin, surtout une, pour l'instant.

Je fis léviter le lourd manuscrit et je m’installai sur mon fauteuil, m'enfonçant d’une vingtaine de centimètres. Un sifflement s’échappa de la bouilloire : le thé était prêt, parfait. Je posai sur une pile de livres proches ma plume et mon encrier, et je me mis à l’ouvrage.

Je passai ainsi le reste de l’après-midi à relire consciencieusement mon écrit en sirotant du thé. L’objectif premier de cette relecture était de détecter les fautes qui auraient échappé à ma vigilance lors de l’écriture. Il n’y en eut aucune.

Toute petite, j’avais déjà montré une grande maîtrise de la langue, et tout me prédestinait à passer ma vie le museau dans les livres. J'écris vite, avec une précision orthographique millimétrée, et je lis encore plus vite. Dans ma classe, je fus la première à avoir ma Cutie Mark, et cela m'a valu le surnom de rat de bibliothèque durant toute ma scolarité. Mais bon, au fond, c’est ce que je suis.

Ainsi, j’avais fini de relire mon manuscrit un peu avant que la nuit ne tombe. Au moment de reposer la dernière (et quatre cent vingt-cinquième) page, un grand sourire étira mes lèvres, et je sus enfin le titre que j’allais donner à mon livre.

C’était le second objet de ma relecture. On ne peut comprendre un livre qu’après l’avoir lu en entier. Par conséquent, on ne peut lui trouver son titre qu’après avoir accompli cet effort.

Je retournai dans mon bureau avec mes pages, allumai ma lampe, et me posai sur ma chaise pour ce que j'espérais être la dernière fois avant longtemps.

Tac tac tatatac tac tac tatac tatatatac tac tac tac tac cling !

Oui. C’était parfait. Exactement le titre qui convenait. Mais il restait une dernière chose à ajouter. Non sans une certaine fierté, je sautai toutes les lignes pour aller au bas de la page, et je tapai sur les touches, avec la légèreté de celle qui a écrit ces mots des dizaines de fois.



Par Littera Inkwell



Enfin satisfaite, je déposai la couverture du manuscrit sur le dessus de la pile, et me retirai dans mon salon. Le vieux fauteuil m’attirait toujours autant, et cette fois, je décidai de satisfaire cette envie. Je me roulai en boule en son sein, et la couverture en grosse laine vint me recouvrir.

Encore et toujours, dans mes rêves, j'entendais le bruit d’une machine à écrire.



***



Cette fois-ci, je me réveillai avec le Soleil. Par la fenêtre, on ne voyait que lui. Sous ses éclats, la neige commençait à fondre. La fête du remballage de l’hiver était pour bientôt.

J’entendais des voix dehors, dans le lointain. Des vendeurs qui vantaient la fraîcheur de leurs légumes, la qualité de leur artisanat, la finesse de leurs fromages ou l’éclat de leurs joyaux. Un marché. On était dimanche.

Je ne trouvai soudain plus aucune bonne raison pour rester chez moi. Il faisait doux pour la saison, mon garde-manger était vide, j’avais près de trois semaines de nouvelles et potins à rattraper, et pour finir, je devais me rendre à la poste, pour enfin satisfaire ma lectrice. A vrai dire, je mourais d'envie de m'ouvrir à nouveau au monde exterieur.

Prenant mon mal en patience, je glissai mon manuscrit dans une grosse enveloppe en papier kraft. Je me forçai ensuite à sortir calmement une belle feuille de papier à lettre, et trempai calmement ma plume dans mon encrier. Tout en moi réclamait de sortir enfin de cette maison pour profiter du tout début du printemps.

Scrch scrh scrh.

Lorsque j’entendis le crissement de la plume sur le papier, ce fut comme une libération. L’idée qui m’avait habitée tout ce temps avait germé, s'était épanouie et exprimée, et mon travail était terminé. Je sus que mes rêves seraient, pour un moment, débarrassés de l’entêtant martèlement de la machine à écrire.

Un sourire fleurit lentement sur mon visage. Ma lettre était adressée à une amie de longue date. Un rat de bibliothèque, comme moi, et ma plus fidèle lectrice et critique. Elle serait la première autre que moi à lire mon manuscrit.

Mon sourire s’agrandit quand je me remémorai le sujet de mon livre. C’était une histoire de magie et d’amitié, je savais que ça lui plairait.



Chère princesse Twilight Sparkle...

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cocolicoco
cocolicoco : #16676
@Pinkie007
Arg, la gaffe. D:
Je regarde si je peux corriger

edit : Ouf... c'est bon. Desolé, même à moi ca me piquait les yeux.
Modifié · Il y a 3 ans · Répondre
Pinkie007
Pinkie007 : #16665
Très belle histoire, mais tout se casse lorsque je vois quoi? Le L manquant à Sparkle! ^^
Il y a 3 ans · Répondre

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