Pour moi elle était juste Luna. « Ma douce Lu » parfois. Mais jamais « Princesse ». À quoi bon se plier aux idiotes règles protocolaires quand nous étions seuls ? Les yeux de la cour ne portent pas jusqu’au jardin royal lors de ces crépuscules tranquilles où nous nous retrouvions à admirer la naissance des étoiles dans un silence apaisant. Bien sûr, devant les autres je m’adressais à elle avec toutes les révérences nécessaires à nos rangs respectifs. Je l’appelais « Princesse Luna » et ne me moquais jamais de toutes les politesses ridicules auxquelles elle devait s’adonner maladroitement. Mais au fond de mon cœur elle était toujours Luna, sans couronne ni trône, juste Luna comme je l’ai toujours connue. Quand je pense à elle, je ne m’imagine pas la sombre princesse d’Equestria qui vous lance des regards hautains du haut de son trône, mais cette petite licorne dont les yeux mélancoliques reflétaient les étoiles ces soirs de nuit d’été où nous échappions dans les jardins, cachés derrière les buissons de chèvrefeuilles.
Je la connaissais par cœur, du bout de sa corne bleue à la pointe de ses sabots que son père tenait à voir soignés. C’était Luna, ma Luna, mon amie d’enfance qui préférait les mures aux framboises à cause de leur couleur « sur mon pelage, ça se voit moins que j’en ai mangé en cachette ». Nous nous comprenions sans paroles. Nous passions de longs après-midi allongés flanc contre flanc à méditer, loin du tumulte des énergumènes que les adultes osaient appeler nos « camarades de classe ». Luna aimait le calme et le savoir. Décalée dans un monde en constant changement, elle trouvait sa place dans la contemplation des étoiles.
Oh Luna, combien de fois t’ai-je vue quitter précipitamment ton foyer pour te cacher dans mon jardin, cherchant à dissimuler les larmes de fureur que l’on voyait déjà sur ton museau froncé ? Elle était déjà si fière quand elle était petite, si déterminée. Ses colères étaient une tempête qui s’abattait d’un coup, dévastatrices, mais j’étais bien le seul à les voir. Oh bien sûr, tout le monde savait qu’elle avait son « petit caractère » comme disait si bien sa mère en un gloussement. Mais aux autres elle masquait la violence de son âme. Aux autres mais pas à moi. Être son confident n’était pas rôle simple, mais la récompense de son sourire me suffisait amplement.
Si j’étais celui qui recevait ses colères, j’étais également celui à connaître tous ses rêves, toutes ses peurs. Même Célestia n’en savait pas autant sur sa sœur. Luna avait tellement peur de me perdre, elle nous réunissait rarement dans l’espoir égoïste de me garder que pour elle. Déjà dans sa jeunesse Célestia, avec ses crins roses, son pelage blanc et son sourire réconfortant était une licorne très aimée. Mais toujours au Soleil aveuglant je préfère une Lune solitaire.
Je ne me souviens pas de ma première rencontre avec la lune de ma vie, avons-nous vraiment été présentés l’un à l’autre ? Ma présence à ses côtés était tellement évidente avant qu’elle ne monte sur le trône. Je sentais dans nos moments ensemble la tristesse qu’elle ressentait de s’éloigner de plus en plus de moi, ses devoirs la contraignant à travailler pendant des heures, le temps qu’elle pouvait m’accorder était précieux mais si court.
Je ne servais pas à grand-chose à la cour. Je n’étais ni fort, ni futé, ni habille de mes sabots. Je n’étais le plus ingénieux des poneys terrestres, ni le plus érudit. Mon savoir se résumait aux cartes célestes et aux légendes des constellations. Luna réussit à me faire nommer « cosmologue officiel d’Equestria ». Je ne méritais pas vraiment ce titre mais cela lui faisait tellement plaisir. Je travaillais avec une petite équipe de savants à contempler le ciel. Des poneys plus courageux que moi acceptaient volontiers de partir à l’aventure pour vérifier tel ou tel fait ou me ramener des livres de contrées lointaines. Je ne quittais jamais Ponyville une fois que j’eus emménagé. Rester auprès de Luna était la seule chose qui m’importait.
Je n’ai eu ni jument ni poulain. Je n’étais pas amoureux de Luna même si toute la tendresse dont j’étais capable lui était dédiée. Je n’ai jamais eu de succès auprès de la gente féminine. Mon pelage était d’un bleu-gris fade, mon corps un peu trop frêle et mes cernes inquiétants. Mais ce n’était pas l’avis de Luna. Elle trouvait en ma physionomie un réconfort que je n’ai jamais réellement compris. « Ce que j’aime le plus chez toi, Célian, c’est quand je pose ma tête contre ton poitrail. Tu sembles fragile mais ton cœur bat si fort », m’avoua-t-elle un matin froid d’automne alors que nous rentions discrètement d’une de nos escapades nocturnes.
L’entourage que Luna a eu pendant des années disparaît petit à petit. À chaque mort, chaque départ, chaque dispute, elle se renferme encore plus sur elle-même, alors qu’elle s’était tant ouverte après son couronnement. La nuit évoque la mort, la puissance malveillante, ses sujets craignent Luna. Et elle souffre de cette peur, de l’image tyrannique qu’elle peut donner. Luna n’a jamais eu la capacité de Célestia à faire bonne figure. Alors que la vieillesse frappe mon corps, une jalousie plus terrible qu’aucune maladie semble emporter Luna, une rancœur envers la lumière de sa sœur qui grandit de jour en jour, une haine qui pourrait lui être fatale.
Oh Luna, je t’en prie, ne laisse pas tes ténèbres prendre le pas sur tes si belles nuits. Tu es capable de tant d’amour, de tant de beauté, retiens ta colère et tes peurs avant qu’elles ne te consument. Luna je suis si désolé de partir bien avant toi. En simple mortel je t’abandonne, moi le seul vrai ami que tu n’aies jamais eu. Pardonne ma mort, ou non, hais-moi de te quitter, mais ne déteste personne d’autre. S'il y a quelques déités à Equestria, un quelconque mage, n’importe qui pouvant entendre ma prière qu’il sache que si je n’ai plus de vie à sacrifier, je lui donne mon corps vieillissant, mon âme âgée, les souvenirs que je chéris tant, tout ce qui pourrait lui convenir pour que Luna ne soit jamais seule, qu’elle ait toujours un ami auprès d’elle. Célestia, princesse du jour, entends-moi dans mon agonie muette et aide ta sœur. Vois ce que tu refuses de voir depuis des années, accepte ses ténèbres pour mieux la soutenir dans son combat. Ne la laisse pas se consumer par cette jalousie qui pointait déjà dans jeunesse et qui la brûle comme le plus terrible des bûchers.
Luna, ma douce Lu comme je t’appelais autrefois, je suis en train de partir. Dans les brumes de la mort je vois ton visage fermé. Tu tentes de retenir tes larmes, de rester fière, mais tu ne peux empêcher ces traîtresses salées de couler sur tes joues. Luna, fais une belle nuit ce soir. Une lune ronde comme la vie, un ciel empli d’étoiles. Une nuit comme celles que nous regardions ces soirs d’été cachés dans les chèvrefeuilles, seuls au monde.
Seul toi et moi, ma douce Luna.
Ce soir-là, une nuit de ténèbres s’abattit sur Equestria.
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Merci beaucoup de ce gentil commentaire ^^
Faudrait que je retravaille cet OS un jour. En ce moment je suis sur un autre projet, mais j'ai bien l'intention de l'améliorer en prenant en compte de toute les remarques. Je garde en tête la faute, merci de la souligner je n'aurai jamais remarqué ! :D
Une dernière chose, ce n'est pas "gente féminine" mais "gent féminine" :)
Désolée de répondre si tard, je n'ai remarqué ton commentaire que maintenant ^^"
Je suis très touchée par ton commentaire.
Il est vrai qu'à la base je suis assez proche de la poésie, d'ailleurs mes premiers textes sur MLP sont des poèmes. J'ai tendance à partir très rapidement dans le lyrisme, c'est pour ça que je préfère les textes courts ^^
c'est clair, c'est simple, c'est émouvant,c'est excellent!
je suis content de voir qu'il y a encore des gens qui s'intéresse au texte que je dirais... Psychologique, à défaut d'autre mots plus approprié.
Je veut dire par là un texte qui se développe au-delà de l'action, sur le fil des pensées des personnages entrain d'y évoluer.
J'ai même l'impression de lire une poésie en prose, tellement tes phrases sont bien tournées.
A lire sans modérations!
Merci beaucoup ! Ca me touche !
Ca alors, ton avatar me fait étrangement pensé à celui de quelqu'un dont je suis très proche !