Chapitre 2 : c'est un nouveau jour qui se lève

Fracas de porte contre un mur. Réveil en sursaut.

Bousculade pour cause de marche lente. Serrer les dents.

Passage devant « la » salle. Tourner la tête.

Un couloir interminable. Marcher quand même jusqu'au bout.

Sortie du bâtiment. Se mettre à sa place.

Appel. Répondre.

Une croix sous ses pieds. Essayer de ne pas la regarder. Relever la tête.

Garder son sang froid. Impossible.

Des voix. Se souvenir.

Non. Oublier pour ne plus être blessée.

Oui. La meilleure des solutions.

Durée de l'optimisme : dix secondes. Replonger.

Ne pas bouger. Un mouvement, suite dans la tombe. Ou sous une croix.

Appel par numéros. « Présente », réponse pour ne pas mourir.

Et puis tout craque. Les larmes coulent.

Les cris de douleurs résonnent dans la tête.

Le goût de la vengeance se fait sentir.

« Ne t'en fais pas pour moi ». Elle a envie de répondre aux morts.

Elle marmonne. Ils ne comprennent pas, ils tirent.

Elle n'avait plus de jambes pile au bon moment. Elle sait qu'elle est chanceuse mais ne veut plus l'être.

Elle veut juste retrouver et tuer. Plus simple est impossible.

On la ramène dans sa cellule, elle se débat. Les mains sur ses bras serrent plus fort. Elle a l'impression que ses os vont se briser.

Mais non. Ils tiennent.

On passe dans les couloirs tant haïs. Ils le savent très bien. Dès qu'elle réagit violemment, on lui fait faire cette petite « balade » dans la prison. Mais ça renforce sa rage et ne fais qu'empirer la situation.

Sauf quand c'est comme aujourd'hui, un jour de larmes et de cris. Elle arrête de crier mais pleure à s'en déshydrater.

« Allez crever en Enfer ! rumine-t-elle entre ses dents.

- Pardon ? Y répondent-ils.

-J'm'en fous, vous pouvez faire tout ce que vous voulez mais je vous tuerai, vous et vos stupides bourreaux ! Allez crever en Enfer, bande de connards ! »

Ils ouvrent la porte de sa cellule et la balancent dedans avec violence, mais elle ne dit rien. Elle repense juste à ce jour. La barbarie avec laquelle elle avait dû découper cette petite partie de chair pour y trouver le fragment. Elle ne savait même pas comment elle avait réussi à prendre ce couteau sans qu'ils ne le voient.

Elle regarde le petit trou dans le mur d'en face et s'en approche. Elle creuse un peu les gravillons et vérifie que le petit joyau se trouve bien à sa place. Elle le prend entre ses deux doigts et l'observe. Elles n'avaient jamais compris d'où ils venaient mais savaient qu'elles ne devaient pas les abandonner. On leur avait bien précisé dans cette espèce de contrat mental. Qu'elles avaient aussi plus ou moins signé. Dans leur tête. Mouais, c'est spécial quand même.

Elle finit par le remettre à sa place.

Elle espère encore que quelque chose lui permette de sortir. C'est bête de se dire qu'un cadeau du ciel va arriver un jour.

Le ciel... Quelque chose qu'elle aimerait revoir depuis chez elle. Non, le toit de la librairie.

Et elle attend encore et encore...

Les jours passent de la même manière, l'appel, la « balade », l'attente, la réflexion sur le passé et l'avenir...

Jusqu'au jour où on ouvre cette porte en plein milieu de l'après-midi.

« C'est mon anniversaire ou quoi ? » se demande-t-elle.

Non.

Une voix.

« Ici, c'est parfait. Vu qui s'y trouve à l'intérieur, ça m'étonnerait que vous supportiez ça longtemps... Et que vous en réchappiez vivants! »

Tss ! Quel menteurs! Une personne emprisonnée avec elle ne mourra si elle est de son côté.

Mais en voyant ceux dont on fracasse le menton contre le sol, la question ne se pose même pas.

Le cadeau du ciel est arrivé.