Le précipice est là devant moi, quelques dizaines de mètres me séparant du sol en contrebas. Je me mets en position : tête baissée, sabots avant pliés, ailes collées au flanc, et je m’élance. Je cours de plus en plus vite, je sens de moins en moins l’herbe sous mes sabots, le champ de vision se réduit, je me rapproche du vide, plus que dix mètres, cinq mètres, deux mètres…
Et je saute. Je déploie mes ailes et plonge vers le sol peu accueillant, me remettant sur la bonne trajectoire au dernier moment. Je vole, je vole, je vole ! Je bats des ailes à un rythme régulier, le soleil réchauffant mes plumes, le vent sifflant dans mes oreilles, passant sous ma crinière à chaque looping. En confiance, je me permets même de piquer dangereusement vers le sol, rasant l’herbe qui brûle en laissant une traînée fumante derrière moi. Et voici mon grand final : l’arc-en-ciel supersonique. Je me souviens en avoir vu des dizaines, tous faits par Rainbow Dash, la plus grande Wonderbolt du monde. Je m’élève de plus en plus haut, bien au-dessus des nuages. Je m’élance, battant des ailes à toute vitesse avant de les coller à mes flancs sous l’effet de la force G. Le mur du son me résiste, c’est le dernier obstacle, encore un petit effort et j’y arriverai. Juste… un tout petit…. effort…..
TUT-TUT-TUT-TUT
Mes yeux s’ouvrent, et me ramènent à la cruelle réalité de mon lit. Pas d’arc-en-ciel supersonique, pas de virée dans les airs, pas d’ailes. Juste moi, Surf Wind, un poney terrestre blanc à la crinière bleu cloué au sol, avec une marque de beauté en forme d’anémomètre, dont seuls les rêves me permettent d’aller au-delà de l’atmosphère. Et je rêve souvent, parfois même éveillé. Depuis tout petit, je rêve de voler. Je suis un des plus grands fans des Wonderbolts, je suis là à chacun de leur spectacle. Enfin, quand ils ne les font pas à Cloudsdale.
Cloudsdale. C’est là que tout a commencé. J’étais tout petit quand j’y suis allé, mais je me souviens encore de tout. Voler sur le dos de mon grand-père, marcher sur les nuages grâce à un de ces colliers spéciaux qu’ils vendaient à l’époque, sentir le froid des hautes altitudes…. J’aimerais y retourner un jour. J’espère que ce jour arrivera bientôt. Mais voilà, je ne suis plus un poids plume qui peut grimper sur le dos d’un pégase pour qu’il m’y emmène. C’est vrai que je devrais maigrir d’ailleurs. Mais quand on s’imagine là-haut, le poids ne compte plus, on se sent plus léger que l’air.
Je travaille à Poneyville, dans la Station Météo. Pas mal pour un non-pégase, n’est-ce pas ? Je travaille sur la planification du temps, je m’occupe de la paperasse, et je mène mes propres recherches sur l’anatomie des pégases. Je dois en savoir plus qu’eux sur les ailes, l’aérodynamisme, les mouvements de chaque muscle, les plumes…. Le nombre de livres que j’ai sur eux aurait de quoi faire pâlir d’envie la Princesse Twilight. Même mon nom pourrait être celui d’un pégase. Surf Wind. Surfer sur le vent. En fait, j’ai tout d’un pégase. La couleur, la marque de beauté, le nom. Sauf les ailes.
Ma décoration chez moi ? Des posters des Wonderbolts. Mes amis ? Tous des pégases. Ma chanson préférée ? Learning to Fly de Pony Floyd. Chaque fois que je l’entends, j’ai l’impression qu’elle a été écrite pour moi. L’aiguille du gramophone a fini par passer au travers du vinyle à force de l’écouter. Du coup, j’en ai des dizaines d’exemplaires. C’est mon rituel du matin après m’être levé : m’installer devant la fenêtre, fermer les yeux et écouter les paroles. J’ai même un ventilateur qui imite les caresses du vent pour que je puisse mieux imaginer le vol.
A flight of fancy, on a windswept field
Sentir le souffle dans ma crinière, dans un champ ouvert à tous les vents.
Fatal attraction is holding me fast, how can i escape this irresistible grasp ?
Saleté de gravité. Qui a inventé une chose pareille ? Même un pégase doit lutter contre cet ennemi.
Can't keep my eyes from the circling skies, Tongue-tied and twisted Just an earth-bound misfit, I
Les yeux tournés vers le ciel, c’est ce que je sais faire de mieux. Mais je suis juste un type aux sabots sur terre. Et voici la ligne qui résume ma vie :
The soul intention is learning to fly
Condition grounded but determined to try
« Mon âme ne veut qu’apprendre à voler. Cloué au sol, mais déterminé à essayer. » Je devrais accrocher ça partout dans la maison. Ça sonne tellement mieux que « Home Sweet Home ».
There's no sensation to compare with this
Suspended animation, A state of bliss
Can't keep my mind from the circling skies
Tongue-tied and twisted
just an earth-bound misfit, I
L’apothéose. Rien de comparable à ça,comme si mes fonctions vitales s’arrêtaient dans un instant de bonheur suprême. J’aimerais tellement pouvoir connaître ça, et pas seulement l’imaginer. Bien sûr, j’ai déjà entendu parler de ces poneys qui construisaient des machines volantes. Mais ce n’est pas pareil. Piloter un engin n’a rien de comparable à la sensation de battre des ailes. Même si le tour en hélicoptère était sympa, je veux bien l’admettre.
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« Tout le monde est là ? Les absents, levez le sabot. »
« Très drôle, Surf. Heureusement qu’on t’a pas désigné chef sur ton sens de l’humour », me rétorque Flitter. La première chose du matin, à la Station Météo, c’est la planification de la météo pour la journée, voire plus. Je dois gérer les demandes des fermes, de la balance de la pluviométrie, faire attention aux orages de la forêt Everfree. Si j’ai choisi ce boulot, c’était pour me rapprocher de ce que peut ressentir un pégase quand il s’occupe de la météo. Sauf que mon boulot, il se fait dans les bureaux, et pas sur le terrain. Mais c’est toujours mieux que rien.
Thunderlane et son frère Rumble, Flitter, Cloudchaser, Blossomforth, Cerulean Skies, Cloud Kicker… Tout le monde est là. L’équipe météo de Poneyville. Celle qui a eu la chance de compter dans ses rangs Rainbow Dash. Son visage triomphant dans son uniforme de Wonderbolts nous le rappelle dans presque tous les coins du bâtiment. Pour certains pégases, c’est un job à plein temps, et pour d’autres, un simple passe-temps. Mais ils se dévouent tous de la même façon quand il s’agit de se mettre au boulot. On m’a souvent parlé du jour où les pégases de Poneyville ont amené l’eau à Cloudsdale. C’était magique, c’était grandiose, c’était incroyable. J’aurais adoré voir ça.
« Bon, le programme du jour est simple : pluie sur le verger sud de la ferme d’Applejack et grand soleil pour tout le reste. Thunderlane, Cloudchaser, je vous laisse vous occuper de la ferme, Flitter et Rumble, vous vous chargerez de nettoyer les nuages et les autres, patrouille du secteur pour repérer des anomalies météo. Reçu ? »
« Chef oui chef ! » crient tous en chœur les sept pégases. J’aime voir mon équipe aussi motivée. Et de la motivation, il en faut pour rester derrière un bureau tout la journée en voyant ses amis partir sans lui. Je ne leur ai jamais parlé de mon rêve de voler. Pour un terrestre (terrestre, je déteste ce mot), c’est un rêve qui peut sembler idiot. Ils doivent seulement penser que j’adore passer ma vie entre quatre murs. C’est vrai que j’aime bien ça, mais je donnerais tout pour pouvoir ne serait-ce que voler quelques minutes.
L’équipe se disperse rapidement, et je les regarde décoller vers leur mission attribuée. Encore une journée de boulot qui commence.
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Encore une journée réussie. Les champs sont arrosés, il a fait un grand soleil, et aucun nuage sauvage n’a été répertorié. Il est l’heure de partir et de rentrer chez soi. Au programme : une bonne nuit de sommeil et une nuit où je rêverais encore de retrouver les cieux. En sortant, je passe devant la figure triomphale de Rainbow Dash. Je lui fais un petit salut, à la fois plein de respect et d’envie.
« A demain, capitaine », dis-je en relâchant mon sabot.
Je sors du bâtiment, referme à clé la porte, et me retourne, tête baissée, prêt à entamer la route de retour vers chez moi. A sabots.
« SURPRISE ! »
Quoi ? Je lève immédiatement la tête vers la source de ce bruit, et ils sont tous là. Toute mon équipe météo et… Rainbow Dash. Celle dont je viens de saluer le poster il y a encore quelques secondes. Et elle se tient là devant moi. Dans son uniforme des Wonderbolts. Elle vient sûrement à peine d’arriver.
Je ne comprends pas, pourquoi est-elle là ? Qu’est-ce qu’ils font encore là ?
« Ravi de te voir Rainbow, mais que nous vaut l’honneur de ta visite ? » je demande, complètement pris au dépourvu.
« Quoi ? Tu sais pas ? » me questionne d’un air incrédule Thunderlane. « Aujourd’hui, ça fait cinq ans que tu diriges la Station Météo de Poneyville ! » Sur ce, il sort un chapeau fantaisie et me le colle sur la tête. « Ce soir, on fête ça ! »
Pas le temps de réagir qu’il me prenne par les sabots et me porte en triomphe vers le bar de Berry Punch. Pas un poney à l’horizon, à part une banderole « Surf Wind, notre boss préféré » accroché tout du long. Mes yeux s’embuent un peu devant ce dispositif. Toutes proportions gardées, j’ai l’impression de planer. Et cette fois, pas besoin d’alcool pour en avoir l’impression. J’ai vraiment des amis merveilleux. Des amis à qui je cache pourtant mon rêve. Peut-être que je pourrais leur en parler un jour. Mais pas ce soir. Ce soir, on fête mes… combien, déjà ? Cinq ans ? Cinq ans à être chaque jour derrière un bureau. Cinq ans à…
« Eh, reviens sur terre, Surf ! » me dit Flitter en me tapotant l’épaule. Pour être dans la Lune, je suis aussi le champion.
Toute la soirée, les discours de remerciements s’enchaînent, on boit des coups (avec modération, il n’y a rien de pire et dangereux qu’un pégase alcoolisé dans la nuit. Rainbow peut en parler), on danse… Pour un peu, on dirait une fête organisée par Pinkie Pie. Mes amis me font même parfois quelques câlins en signe d’affection. J’adore étreindre un pégase. Je peux sentir les plumes qui me chatouillent le nez, parfois même les toucher. Ça sonne assez bizarre dit comme ça. Mes anciennes ex, toutes des pégases, trouvaient souvent ce fétichisme des plumes assez bizarre. C’est souvent à cause de ça qu’elles sont parties. L’un d’elles m’a même dit un jour : ‘Tu aimes mes plumes plus que moi’. Elle n’avait peut-être pas tort. Mais ce soir, mes amis pégases ne sont pas avares en câlins. Et j’adore ça.
Vers la fin de la soirée, Rainbow Dash nous donne de ses nouvelles. Elle sera bientôt la chef des Wonderbolts, après que Spitfire ait décidé de quitter son poste. Elle est enceinte ou un truc du genre. La discussion part très vite vers la première compétition qu’elle a remportée, celle des Jeunes Voltigeurs. J’écoute d’une oreille distraite, le nez plongé dans mon verre.
« J’étais là à faire mes figures quand j’ai entendu un énorme cri, genre ‘AAAAHHHHHH !!’. J’ai tourné la tête et c’était Rarity, qui s’était brûlé les ailes et qui tombait droit vers le sol ! » explique Rainbow Dash en mimant la scène comme si elle la revivait sous nos yeux.
Attends…. Brûler les ailes ? Rarity ? La couturière ?
« Rainbow, pourquoi tu dis que Rarity avait des ailes ? » Les autres rient en m’entendant poser la question. J’ai l’impression de passer pour un idiot.
« Sérieux ? T’as jamais entendu l’histoire ? » me demande Blossomforth. Je secoue la tête. « Bon. En gros, Rarity avait demandé à Twilight de lui faire pousser des ailes pour voler jusqu’à Cloudsdale et encourager Rainbow. Mais elle a fini par participer à la compétition, et s’est brûlé les ailes en volant trop près du soleil. »
« Ouais, et c’est là que la géniale Rainbow Dash a plongé pour aller la sauver, tout en faisant un arc-en-ciel supersonique qui en a mis plein la vue aux Wonderbolts et à la Princesse Celestia ! » reprend Rainbow. « Oh, et j’ai carrément gagné haut le sabot la compétition. », finit-elle en bombant le torse.
Je suis resté coincé sur les paroles de Blossomforth. Des ailes magiques ? J’en avais déjà entendu parler, mais elles sont trop fragiles pour faire quoi que ce soit, et Twilight n’en a plus jamais crée d’autres. L’idée reste collée dans ma tête. Des ailes qui apparaissent sur un poney sans ailes…. Des ailes fabriquées de toutes pièces…. A partir de rien… EURÊKA ! Si j’avais été dans un dessin animé, une petite lampe se serait allumée au-dessus de ma tête. Mais c’est la réalité, pas un de ces cartoons idiots.
J’ai maintenant l’idée. Je n’ai plus qu’à la concrétiser. Je vais enfin pouvoir voler. Il faut que je mette tout de suite au travail, il faut que je fasse les plans, il faut que…
« Eh, Surf, partant pour un sabot de fer ? »
Bon, après ça. Je suis imbattable face à un pégase au sabot de fer. Toute leur force est dans leurs ailes. Battre une Wonderbolt, ça fera une bonne photo pour mettre sur mon bureau.
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Après être rentré, en marchant sur trois pattes, car Rainbow m’a ratatiné au sabot de fer, je me mets de suite au travail. Faire les plans, voir ce qu’il me faut,…. Ça va me demander beaucoup de travail, en plus de mon boulot dans l’équipe météo. Il faut que ça marche, il le faut…
Après une nuit passée à rêver de voler, comme d’habitude, le quotidien est resté le même : lever - musique – boulot – dodo pendant quelques semaines. Mais plus de boulot et moins de dodo. J’ai mis des semaines à tout préparer. Calculer précisément les dimensions, m’entraîner, confectionner le tout, acheter les matériaux nécessaires. Et le résultat est là.
Des ailes fabriquées par mes propres sabots. Deux longs morceaux de tissu avec des attaches pour mes sabots avant, collés à des tiges en fer qui imitent les muscles des oiseaux, comme si j’avais des ailes dans les sabots. On dirait un sac à dos qui se déploie lorsque je m’élance, mais j’ai calculé que si je les fais battre assez vite avec mon système, je pourrai m’envoler. J’ai tout étudié : la voilure, le tissu, la résistance au vent. Ça paraît fou, mais ça peut marcher. Il faudra que je m’envole d’un point assez haut et que je m’élance. Après… ça ne tient qu’à moi. Soit je réussis à voler, soit je m’écrase dans le lac en contrebas, en espérant ne pas me faire trop de bobos. Il y a un risque que je meure, mais je veux tellement voler, rien que pendant quelques instants, que je suis prêt à le prendre.
Je dois juste attendre le bon moment.
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Être chef de l’équipe météo me permet de savoir à l’avance le temps qu’il fera, et donc quand les vents me seront favorables. Et le jour est venu : vent arrivant de la forêt Everfree de force 3. Assez pour me faire décoller et me permettre de planer un bon moment, avant d’atterrir en douceur. Sitôt mon travail terminé, je file vers mon point de décollage.
Je suis seul. Je n’en ai parlé à personne. J’ai quand même écrit une lettre au cas où les choses se passeraient mal. Mais plus question de reculer. C’est quitte ou double. Ça passe ou ça casse.
J’ai l’impression d’être dans un rêve en me tenant à quelques mètres du précipice, les ailes attachées à mes sabots. Sauf que c’est la réalité. Et si ça rate, elle me le rappellera cruellement. Je m’étire les sabots, baisse la tête et visualise le vol. J’ai quand même la boule au ventre. Pourvu que tout se passe bien, pourvu que tout se passe bien….
Je lève la tête. Le ciel est dégagé, le vent souffle dans mon dos. Si je meurs, ça sera au moins sous le soleil. Mourir. J’ai essayé de ne pas penser à ça toutes les semaines depuis que j’ai eu l’idée de ce vol, mais là, ça ne parvient plus à quitter mon esprit. Rester positif, positif… Tu vas le faire, tu vas le faire. Tu vas voler, comme dans tes rêves. C’est ton rêve depuis tout petit. Vas-y.
C’est le dernier encouragement dont j’ai besoin. Je baisse la tête et les sabots. Le système ne se déploiera que lors du vol, si tout va bien. Je cours de plus en plus vite, je sens de moins en moins l’herbe sous mes sabots, je me rapproche du vide, plus que dix mètres, cinq mètres, deux mètres…
Et je m’élance.
Je devrais être paniqué, mais je suis tout de même serein. Le système d’ailes se déploie et je commence à agiter frénétiquement les sabots. Je vole, je vole….
…pendant au moins cinq secondes, avant que la réalité ne se rappelle à moi. La gravité m’attire vers elle, irrésistiblement attirée par ma condition de terrestre. Je continue à agiter les sabots, mais c’est inutile. La toile s’est déchirée, les tiges en fer sont tordues, me laissant sans espoir pour la suite. Je vais m’écraser. J’espère que j’y survivrai. Tout ça pour quelques secondes de vol. Est-ce que ça en valait la peine ? Oui, si je suis encore vivant après les cinq prochaines secondes.
Le sol se rapproche. Vingt mètres… dix mètres… je ferme les yeux, me préparant à l’impact dans l’eau. A cette vitesse, ça sera comme tombé sur un mur de briques. Je me recroqueville dans une dernière tentative désespérée de sauver la face. Mes oreilles sifflent, ma crinière souffle sous l’effet du vent, mais ce n’est pas la situation que j’imaginais. Adieu monde cruel, j’aurais vécu une belle vie pour un terrestre…
….
….
…
??
Je pensais que j’allais ressentir un énorme choc, mais rien. J’ai l’impression d’être transporté par un ange. J’ai même l’impression de voler. Pour de vrai. Je le ressens, ce moment de bonheur suprême. Je me force tout de même à ouvrir les yeux pour voir si tout ça est bien réel, ou si je suis en train de rêver dans l’au-delà.
J’ouvre une paupière et je tombe sur une figure orange à la crinière violette qui me tient dans ses sabots. Une pégase. Une magnifique pégase que je reconnais. Scootaloo. Je l’ai déjà vu traîner à Poneyville, mais elle ne fait plus partie de l’équipe météo depuis longtemps. Elle travaille en solo et s’entraîne dur pour faire comme Rainbow Dash : devenir une Wonderbolt. Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? Comment est-ce qu’elle m’a sauvé ? Tout ça importe peu, me dis-je. Je suis en vie, je vole dans les bras d’un pégase. Prends ça la faucheuse !
En constatant que je me suis réveillé, elle commence à descendre et atterrit dans un champ tout proche. Ironiquement, c’est là où je me suis élancé. Elle me dépose au sol en me faisant descendre de ses sabots. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour, j’aimerais autant la sensation de l’herbe sur mon pelage. Je me tourne vers elle. Elle semble exténuée et essaie de reprendre son souffle. Quand elle relève la tête, je m’attends à ce qu’une voix angélique sorte de sa bouche. A cet instant, elle a tout de cette créature : le visage, le corps, et même le soleil qui brille derrière elle.
« MAIS QU’EST-CE QUI T’A PRIS DE FAIRE ÇA ?!! »
Bon, on repassera pour la voix angélique.
Je suis là, tout penaud face à celle qui vient de me sauver après avoir fait un truc aussi idiot. J’aurais aimé avoir cet éclair de lucidité bien avant. « Je… je… », je bégaye, incapable de trouver une excuse.
« CRETIN ! Heureusement que j’étais dans le coin pour te sauver ! » me hurle-t-elle. « Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi ? »
Voilà. Je ne peux plus me cacher maintenant. La vérité doit sortir. Au moins, pas de risque de m’écraser de ce côté-là. Juste de mourir de honte.
« Je… je… je voulais…. Voler », dis-je la gorge serrée. Je commence même un peu à pleurer en continuant. « Je voulais voler, okay ? Je rêve de ça depuis que je suis tout petit, j’y pense jour et nuit, ça me ronge, ça m’obsède, et je ne peux pas parce que je suis Surf Wind, le poney terrestre qui a les sabots cloués au sol ! J’ai fait ce truc », je désigne les restes de mon engin, qui gît piteusement au sol, « pour essayer de ressentir la même chose que les pégases. Sentir le vent dans la crinière, son sifflement dans mes oreilles, pouvoir planer au-dessus du vide, comme un défi fait au monde entier ! Je… je… » Et voilà, les digues se sont effondrées et je m’écroule face à elle. Elle a l’air assez éberluée, mais elle a tout de même un regard compatissant. Quelques minutes passent entre nous deux, l’air rempli uniquement par le son de mes pleurs. J’ai les yeux tellement mouillés que je ne la vois pas s’approcher de moi. Elle s’assoit à côté et déplie son aile pour l’enrouler autour de moi. Ça fait longtemps qu’un pégase ne m’a pas fait ça. C’est…. bon, chaud et doux. J’adore cette sensation, et ça m’aide à reprendre mes esprits.
Elle finit enfin par parler après m’avoir relevé le menton. « Je… je crois que je peux comprendre ce que tu ressens. »
QUOI ? Elle, une pégase, qui peut voler dans le ciel, peut comprendre ce que ressent un type cloué au sol comme moi. Elle se fiche de moi ou quoi ?
« Comment tu peux comprendre ? Tu n’es pas comme moi, qui regarde les autres voler et suis incapable de les suivre. Tu peux pas comprendre, tu ne peux pas… », dis-je, dépité, plus sèchement que je ne le veux.
Elle ne se dérobe pas et me répond de suite. « Tu sais qui je suis ? »
« Bien sûr que je sais qui tu es. Tu es Scootaloo, la nouvelle Rainbow Dash, celle qui finira comme elle chez les Wonderbolts… » Elle sourit quand je lui dis ça, et ricane même un peu.
« Merci du compliment », me dit-elle en bombant le torse. « Mais tu sais qui j’étais avant ? »
« Avant ? Qu’est-ce que tu veux dire ? » Je fronce les yeux, comme si elle me jouait une mauvaise blague. Elle me serre d’un peu plus près, comme si elle voulait que je sois tout proche d’elle pour écouter.
« Laisse-moi te raconter l’histoire de Scootaloo, la pégase qui ne savait pas voler », me dit-elle en levant le sabot en l’air. « Avant, j’étais comme toi. Enfin, je veux dire, j’étais clouée au sol. Mes ailes étaient trop petites pour me porter et j’étais incapable de voler. Il y en avait qui se moquaient de moi, me disait que je ne pourrais jamais voler. Et ça me faisait… peur. Je pensais que c’était vrai. Que j’allais être comme un poney terrestre… euh, sans vouloir t’offenser », elle se tourne vers moi.
« Y’a pas d’mal », dis-je platement, en essuyant mes dernières larmes du sabot.
« Donc je ne pouvais pas voler, et ça me mettait souvent le moral à zéro. Hé, ça m’arrivait souvent de pleurer quand j’étais petite. J’avais des amies qui me soutenaient, que me disait que c’était pas grave si je ne volais jamais. Mais ne pas voler pour un pégase, c’est horrible. Je veux dire, on est nés pour ça, c’est ce qui nous définit. Et voir les autres voler quand toi, tu ne peux pas, c’est frustrant, c’est… déprimant, c’est… »
« Désespérant ? »
« Ouais ! Exactement ! » sourit-elle. « Puis un beau jour, Rainbow Dash, la meilleure pégase du monde, m’a dit la même chose. ‘C’est pas grave si tu ne voles pas, parce que tu seras quand même toujours géniale’. C’est là que j’ai compris. Il ne suffit pas de savoir voler pour être quelqu’un de génial. Il y a plein de gens qui le sont et qui n’ont pas d’ailes. Ce qui compte, c’est ce que tu es toi. On est tous géniaux de façon différente. Tu piges ? »
Ouais, je pige. En tout cas plus qu’au départ. Mais à ce moment, je ne peux qu’hocher la tête.
« Et un jour, j’ai enfin réussi à voler. C’était le plus beau jour de ma vie, encore plus parce que c’est le jour où j’ai eu ma marque de beauté. » Elle tourne la tête vers son flanc. Une paire d’ailes toute simple.
« Oui, mais maintenant, tu voles. Et moi, je… ben, je suis toujours là, cloué au plancher des vaches », je réponds, pas encore complètement convaincu.
« Ecoute, tu es un poney terrestre. Bien sûr que tu ne peux pas voler, mais ça t’empêche pas d’être quelqu’un de génial. Tu es Surf Wind, le type qui dirige l’équipe météo de Poneyville, c’est ça ?. C’est trop cool ! » me dit-t-elle.
« Ouais, ça l’est…. pour un type qui sait pas voler. »
« Mais c’est quoi ton problème avec cette histoire de vol ? Tu crois que tu ne peux pas être quelqu’un de bien parce que tu n’as pas des ailes de pégase ? » me questionne-t-elle sur un ton assez sec. « Tu es génial. Et si c’est la géniale Scootaloo qui le dit, c’est que c’est vrai. Même après que tu as fait un truc aussi idiot », elle ricane. J’ai l’impression qu’elle veut se moquer de moi, mais il y a une sincérité dans sa voix qui me remonte un peu le moral.
« Au fait… merci », dis-je simplement. « Merci pour m’avoir sauvé. » Il était temps que ça sorte.
« De rien, et tu as intérêt à ne plus faire ce genre de bêtises. Mais…. tu veux vraiment voler tant que ça ? » me demande-t-elle, comme si la réponse n’était pas déjà évidente.
« Tu as vu ce que j’étais prêt à construire pour le faire ? » dis-je en désignant à nouveau les restes de mon rêve brisé. Elle se tourne à nouveau vers moi, se mord la lèvre, comme si elle allait dire quelque chose qu’elle allait immédiatement regretter. Elle parle enfin après quelques instants de silence pesant.
« Grimpe sur mon dos. »
« Quoi ? »
« J’ai dit ‘ grimpe sur mon dos’. »
J’écarquille les yeux. C’est officiel, cette fille est folle. « Tu es malade ? Pour faire quoi ? »
Elle lève les yeux au ciel. Le ciel, encore et toujours. « Ben… pour que tu voles. Grimpe sur mon dos et je t’emmènerai faire un tour. » Elle me dit cela comme une évidence. Je la regarde, un sourcil levé cette fois.
« T’es sérieuse ? »
« Ouais. »
« Mais je pèse trop lourd pour être porté par un pégase. » J’aurais pu ajouter, ‘malgré mon corps d’athlète’ mais ce n’est pas le moment de faire le vantard.
« Et alors ? J’ai déjà porté plus lourd que toi sur mon dos. Tâte un peu ces muscles », elle tend son sabot avant. Je tends le mien, un peu hésitant, elle me fait signe de continuer et je le touche. En effet, j’ai rarement vu des pégases aussi bien musclés. A part peut-être ce Bulk Biceps, mais lui est un cas unique.
« Bon ? C’est oui ou c’est non ? » me coupe-t-elle après quelques instants de tripotage de muscles de pégase. Je rougis un peu en écartant mon sabot. Je la scrute de haut en bas. Ouais, ça pourrait le faire. De toute façon, ça ne pourra pas être pire que tout à l’heure.
« Oui. »
« Génial. Allez, grimpe », m’ordonne-t-elle en pliant ses sabots pour se rapprocher le plus près possible du sol. « Vas-y, installe toi et passe tes sabots sous ma poitrine. » Rien que l’idée me fait encore plus rougir.
« Mais….et si… je… »
« Tu veux voler ou pas ? » me répète-t-elle, l’air un peu plus agacé cette fois.
« Oui, oui, bien sûr ! » dis-je, peinant à cacher mon impatience.
« Alors, grimpe et ne pose pas de questions. » Je me mets au-dessus d’elle, et elle se relève doucement, tandis que je verrouille mes sabots autour de sa poitrine et de ses cuisses. Je dois me retenir pour ne pas rire, tant les plumes me chatouillent. Je n’en avais jamais vu, et sentit, d’aussi près. Elle a vraiment des ailes magnifiques, et je m’y connais en la matière.
« Bien cramponné ? » me demande-t-elle.
« O…ouais… », dis-je en faisant de mon mieux pour ne pas lui faire mal.
« Accroche-toi, décollage imminent ! » me crie-t-elle. De suite, elle s’élance dans le champ, comme une répétition de ce que j’ai fait quelques minutes plus tôt. On court de plus en plus vite, on se rapproche du vide, plus que dix mètres… cinq mètres….et
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J’ai volé. J’ai enfin volé. J’ai senti le vent sifflant dans mes oreilles, passant sous ma crinière à chaque looping, le soleil me réchauffer le pelage, la sensation de bonheur absolu tout en haut, au-dessus des nuages. C’était merveilleux. Et je n’ai même pas eu besoin d’ailes pour ça. Juste d’une pégase courageuse qui m’a sauvé et m’a permis de réaliser mon rêve.
Je viens souvent voir Scootaloo s’entraîner, on dirait qu’elle m’aime bien. En tout cas, je l’aime déjà. Elle ne me prend pas pour un fou au rêve idiot. Juste de quelqu’un qui aime avoir la tête dans les nuages et qui voit plus haut, comme elle. Elle sait ce que je ressens. Elle me propose souvent de grimper sur son dos et de voler avec elle. Il y a même des fois où l’on se tient par les sabots et où je suis dos au vide, mon corps collé au sien. Hé, on pourrait même faire une sacré équipe de vol en duo. Ça serait un truc digne des Wonderbolts. Une pégase qui vole avec un terrestre.
Ce n’est pas exactement ce dont je rêvais, mais ça me suffit maintenant. J’ai vu la mort de trop près pour viser aussi haut désormais. Et je ne rêve plus de voler seul, je rêve que je vole avec Scootaloo. J’ai l’impression de ne faire qu’un avec elle quand je suis en sa compagnie dans le ciel. Bon, parfois ça me fait un peu peur quand on vole au-dessus du plafond nuageux, mais je sais qu’elle ne me laissera jamais tomber.
Et quand je la regarde voler, j’ai l’impression de voler avec elle. Même quand je suis sur terre, avec l’herbe qui caresse mes sabots. Cette sensation incomparable, comme si le temps s’arrêtait, je la ressens sans même quitter le sol. Et je ressens enfin pour de vrai les dernières paroles de ma chanson préférée. Oh, je vous ai dit que c’était aussi la sienne ?
There's no sensation to compare with this
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FIN
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