Le poney bleu au crin blanc galopait à travers les bois enneigés, se faisant fouetter par les branches sur le passage. Les licornes se faisaient toujours entendre derrière lui, mais étaient trop occupées à maitriser les autres poneys.
Le sergent Morning Star ne voulait pas abandonner ses compagnons, mais revenir seul contre les troupes licornes était du suicide. La compagnie avant tout, disait le créneau. Mais à cette heure, la compagnie ne devait plus compter que lui.
Lui avant tout ! Se justifiait-il pour avoir lâchement abandonné le combat. Son chef avait toujours été quelqu’un de trop sûr de lui. S’il y avait des licornes cachées dans ces pleines, ce n’était pas sûr son chemin qu’elles se trouvaient. Ses camarades n’avaient jamais été capables de mieux, qu’ils sachent tenir une lance était déjà un exploit en soi.
Morning Star avait eu raison de fuir le combat et sa troupe par la même occasion. Ces poneys étaient le meilleur moyen de perdre la guerre contre les licornes ou les pégases, le fait que seuls les poneys pouvaient récolter la terre était l’unique raison pour laquelle ce n’était pas déjà fait. Mais L’hiver persistant commençait à leur faire perdre cet avantage, et fuir celui-ci était le seul objectif de chacune des races.
Une racine sur le passage lui fit stopper sa course. Morning Star s’étala de tout son long dans la neige. Réalisant qu’il devait être bien loin du danger depuis lors, il prit un moment pour reprendre son souffle dans la neige agréablement rafraichissante. Il rit de sa chute un se redressant et en resserrant sa cape et son écharpe sur lui pour éviter la morsure du froid. Une erreur aussi bête aurait pu être fatale dans d’autre circonstance, mais pour le moment, Morning Star avait survécu. Combien de temps ça allait durer ?
Redressant la tête, le soleil lointain commençait déjà à se coucher. De nuit comme de jour, ces bois avaient une mauvaise réputation, mais rebrousser chemin vers les licornes était hors de question, et le contourner pour retourner au campement poney qui se trouvait à l’autre bout prendrait bien trop de temps et risquerait de le faire capturer.
Ne voulant prendre aucun risque avec les licornes, Morning Star s’enfonça plus loin dans les bois. Armé de sa lance, il ne craignait rien après tout. Les histoires sur ces bois n’étaient que des contes pour jeune poulain et autres crédules. On parlait de personne qui avait disparu dans ces bois, mais c’était sûrement des poneys peu futés pour s’orienter, pas besoin de croire au fantôme ou autre manticore.
Quinze minutes. Quinze minutes qu’il marchait et pourtant il avait déjà l’impression que ça faisait plus d’une heure. La forêt était incroyablement dense ; les rayons du soleil couchant peinaient à filtrer à travers les branches et les feuilles. Morning Star commençait à hésiter sur la décision qu’il avait prise, certes ça prendrait du temps, mais faire le tour du bois serait certainement plus sûr. Se retournant il n’avait plus aucun souvenir du chemin. Cet arbre n’était pas incliné dans ce sens avant, et ce parterre de fleurs n’était tout simplement pas là. Il s’était toujours dirigé tout droit, pourtant les chemins qu’il empruntait maintenant n’avaient plus rien à voir
Morning Star n’en revenait pas. Il ne comprenait pas comment il avait réussi à se perdre en allant toujours tout droit. Aucune direction ne semblait bonne, toutes semblaient s’enfoncer plus loin dans la forêt.
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L’étincelle était faible, mais elle suffit à allumer une braise. Soufflant légèrement dessus, le feu commençait à lécher le bois. Brandissant la torche en avant, les ténèbres moqueuses firent silence.
« On n’ose plus l’ouvrir maintenant ! » Hurla Morning Star avec un léger sourire, cessent de trembler un moment.
La torche était sensée le rassurer et le protéger, mais grâce à elle, plusieurs paires d’yeux lui rendaient un reflet brillant de malice. De nombreuses créatures indistinctes sifflaient, claquaient, hurlaient, grondaient devant Morning Star qui resserra son emprise sur la torche.
« Allez-vous-en ! » Cria-t-il en agitant la torche devant lui. Les Créatures montèrent de ton comme pour se moquer de lui. « Je n’ai pas peur de vous ! » Dit-il pour se convaincre personnellement. Des rires se firent entendre dans les ténèbres.
Morning Star qui n’en pouvait plus, la torche en bouche, il prit la fuite vers un chemin qui semblait plus éclairé, ou en tout cas, moins cerné par les ténèbres. Ce qui se trouvait maintenant derrière lui se mit en chasse. Il pouvait sentir la chose ou les choses foncer à sa poursuite. Les cris des différentes créatures s’amplifiaient dans la tête de Morning Star, le rendant complètement sourd à ses bruits de sabot. La torche ne lui offrait qu’une vision très faible de ce qu’il avait en face de lui, lui faisant, à plusieurs reprises, éviter un arbre de justesse.
La fatigue commençait à se faire sentir et les ombres se rapprochaient de plus en plus. Comme pour lui montrer qu’il n’y avait plus d’espoir, les flammes de sa torche s’estompaient à vue d’œil.
Les ténèbres le cernaient petit à petit. La vue de Morning Star se limitait à une faible lumière devant lui pendant que l’obscurité engloutissait tout le reste. Sa torche s’éteignit, le laissant seul au cœur des ombres glacées. Galopant toujours à en perdre haleine, il se sentit partir, mais quand il pensait se faire porter le coup fatidique, il tomba.
Cette chute était comme un arrêt dans le temps, une pause dans le cauchemar. Un silence de mort l’accompagnait dans sa chute, lui laissant amplement l’occasion d’imaginer l’atterrissage. Morning Star ferma les yeux, même s’il ne pouvait déjà rien voir dans la nuit, il préférait ne pas apercevoir les roches sur lesquelles il allait s’écraser. En cet instant, il aurait tout donné pour être un de ces stupides pégases.
Le jugement dernier ne sonna pas d’un bruit sec, mais plutôt d’un son humide dans une gerbe d’eau. Morning Star, qui ne s’était pas attendu à vivre plus longtemps, était complètement désorienté. Les poumons vides, il ouvrit instinctivement la bouche en ingurgitant de l’eau. Submergé, l’eau glacée lui vrillait le crane et lui transperçait entièrement le corps. La sensation de froid s’apparentait plus à des lames qui frottaient le long de sa peau. Ouvrant les yeux, il put distinguer de la lumière, provenant certainement de la surface. Ne réfléchissant pas plus longuement, il agita ses membres paniqués, pendant que des taches noires affligeaient sa vue. La surface n’était plus qu’à quelque mètre, mais déjà l’eau remplissait ses poumons. Le manque d’oxygène, l’agitation, l’hypothermie, tous ces facteurs firent sombrer Morning dans l’inconscience.
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Le tourbillon de ténèbres ne cessait jamais, laissant Morning Star se recroqueviller au cœur du maelström. Des hurlements lui perçaient les tympans. Ouvrir les yeux était juste impensable. L’air était toujours aussi froid, mais Morning avait d’autres raisons de trembler. Le sol s’obscurcissait quand les ombres le parcouraient pour se rapprocher de Morning.
Pleurant de désespoir en posant ses sabots sur son visage, plus rien ne semblait vouloir le sortir de là. Ne le laissant pas se morfondre plus longtemps, quelque chose sortant des ombres fit pression sur son cou. Sur le dos, écarquillant les yeux de terreur, Morning tentait vainement de reprendre son souffle.
Un murmure se fit entendre. Léger, presque indistinct, un long chuchotement comme une mélodie emplissait la tête de Morning qui sur le coup, ne semblait plus autant préoccuper de respirer.
Une lumière brisa les ténèbres. Un rayon lumineux aveugla Morning et s’abattit au cœur des ombres. Un long cri d’agonie suivit les ténèbres pendant qu’ils s’éparpillaient aux quatre vents. Une agréable chaleur s’emparait du corps de soldat qui se laissa faire. Se rappelant la vie, il inspira brusquement et se réveilla.
Il ouvrit peu à peu les yeux, remarquant que la chaleur était toujours présente. La tête émergée hors de l’eau, le reste de son corps flottait non plus dans de l’eau glacée, mais dans une cuve naturelle ou l’eau était agréable chaude. Un énorme saule recouvrait le bassin de ses branches tombantes, laissant ses feuilles tomber paresseusement dans le bassin. Morning pouvait admirer tout ça grâce aux centaines de lucioles bleues qui voletaient au gré de leur envie.
Morning se redressa, constatant que le bassin n’était profond que d’un bon mètre. Sous le dôme du saule, le vent n’était plus aussi froid, il n’aurait même plus su dire s’il était encore dans cet hiver permanent. Sortant du bassin, il caressa du sabot de l’herbe grasse qui était devenue presque aussi rare qu’un vent chaud. Comme pour ajouter de l’irréalité à la scène, des primevères blanches poussaient de façon clairsemée le long du bassin. Se secouant pour se sécher, Morning remarqua qu’il n’avait plus son uniforme.
« Bonsoir. »
Morning se retourna rapidement pour faire face à une licorne blanche qui le dévisageait d’un regard glacial et d’un sourire sardonique.
La licorne fit un pas en avant. Il ne perdit pas de temps. Face à une licorne, il n’avait aucune chance. Poussé par la force du désespoir, il se rua sur elle en tentant le tout pour le tout. La licorne, par chance pour lui, n’eut pas le temps de réagir, et se retrouva propulsée contre le tronc du saule. Ne la laissant pas le temps de reprendre connaissance, Morning lui cala un sabot sous la gorge et de l’autre, tirait sur sa corne. Le guide de survie évoquait que la meilleure façon d’interférer avec la magie licorne était de leur maintenir la corne. Info ou intox, il n’avait que ça pour l’atteindre.
Morning sera de toutes ses forces, cette licorne s’était montrée trop sûre d’elle en se révélant avant d’attaquer, il allait lui montrer le prix de son erreur.
« S’il vous plaît… arrêtez ! » Articula-t-elle entre les bras du soldat. Arrêter ? Elle voulait réellement qu’il s’arrête ? Sans blague !
« Pitié ! » De la pitié ? Et elle, elle en avait eu quand elle avait attaqué le poney ?
Morning trouvait sa voix plutôt aiguë, même pour quelqu’un qui se fait étrangler. La ponette semblait même un peu plus petite que la moyenne. Une question vient à l’esprit du poney bleu ; est-ce qu’elle avait vraiment essayé de l’attaquer ? Son regard n’était pas si glacial que ça en y réfléchissant, et son sourire se voulait peut-être plus chaleureux que vraiment menaçant. Bonsoir. Ce n’est pas vraiment le genre de menace que l’on emploie, ou même un sortilège. Et puis, cette ponette semblait si jeune.
Le soldat desserra légèrement son emprise, laissant à la licorne de quoi respirer. Il ouvrit la bouche pour parler, mais reçu un coup de sabot en pleine face. La jeune licorne blanche fit le tour du tronc pour se cacher.
« Fichez-moi la paix ! » hurla-t-elle en pleur.
« C’est toi qui as commencé ! » Dit-il de but en blanc.
« Et qu’est-ce que je vous ai fait ?! » Cria-t-elle derrière son saule salvateur.
« Je… tu… à toi de me le dire ! La dernière chose dont je me rappelle, c’est de m’être noyé.
— Je voulais juste vous aider ! Je vous ai vu tombé dans le lac, son eau est glaciale ces derniers temps. Je vous ai sorti de là et amené chez moi.
— Attends ! Tu vis ici ?
— Ouiiii ! » Affirma-t-elle en gémissant. « Maintenant partez ! »
Morning regarda autour de lui. Il était bel et bien sous un saule, rien qui ne puisse être considéré comme une maison. Un saule, des lucioles, un bassin. De l’herbe, des primevères, de la chaleur. Où était la maison ?
« Ou son tes parents ? » La jeune licorne ne cessa pas de pleurer pour lui répondre. « Tu vis seul ? » Le manque de réponse énervait le poney qui se dirigea vers sa cachette. Silencieusement, il contourna le tronc, et pu voir la licorne recroqueviller sur elle-même, les sabots sur son visage en larme. « Est-ce que ça va ? »
La licorne releva brusquement le visage sur le soldat. Prise de panique, elle se releva et se mit à courir en direction du bassin. « Attends ! » Mais avant même qu’il se mette à sa poursuite, elle sauta dans l’eau et disparu.
Morning ne put n’en vouloir qu’à lui-même. Avoir provoqué la mort d’une enfant car il avait agi sans réfléchir était une faute qu’il ne pourrait jamais se pardonner, même si c’était une licorne. Plongeant dans le bassin, il heurta le fond. Se redressant encore sonné pour éviter la noyade, il agita les sabots dans le bassin en quête du corps de la licorne. Elle avait été complètement engloutie.
« Oh non ! » S’exclama le poney en continuant les recherches. « Je suis désolé, je ne voulais pas faire ça. S’il te plait, ne fais pas de bêtise par ma faute. »
Soudain, le bassin brilla d’une lumière turquoise. Morning Star sortit précipitamment de l’eau en trébuchant sur le sol. De l’eau, une silhouette sortit lentement. Un visage garnit d’une longue crinière azure et aux mèches turquoise, on aurait pu dire que sa crinière était d’eau. Un corps d’un blanc immaculé, à la limite du spectral, à la surface. Qu’est-ce qu’elle semblait jeune. Pourtant, quand elle ouvrit les yeux, il avait en face de lui un regard à la fois glacial et chaleureux, pas celui d’une enfant. Un œil rubis et un autre saphir. Si le mariage était étrange, le résultat était troublant de beauté.
« J-je suis désolé. » Dis solennellement Morning. La jeune licorne ne détacha pas son regard du sien, ce qui le mit mal à l’aise. « La guerre, le froid… je n’ai pas l’habitude de voir des licornes prêtent à aider des poneys… » Essayait-elle de le bruler du regard ou de le geler sur place ? « … Je m’appelle Morning Star… tu as un nom ? » La licorne sursauta légèrement à la question. Timide, elle secoua simplement la tête avant de la baisser vers le sol.
« C’est ridicule, tout le monde à un nom. » Il vit la licorne se renfrogner et se préparer à partir. « Non attends ! Ce n’est pas grave de ne pas avoir de nom. Si tu veux je t’aide à en avoir un.
— Quoi ? » Demanda la licorne partagée entre l’excitation et l’incompréhension.
« Oui, je t’aide à trouver un nom qui te plait et tu le gardes pour toi.
— … D’accord… »
Morning tenta de se montrer le plus chaleureux possible pour ne pas lui faire peur.
« D’accord, tu aimes quelque chose en particulier ? » La pouliche resta silencieuse mais secoua la tête. « Ah bon d’accord… l’eau, tu aimes bien l’eau ? » Elle hocha la tête. « Blue Water ? Ça te va bien, tu ne trouves pas ? » Nouveau secouage de tête de la part de la licorne. « Bon d’accord, et filly tree ? » Elle continua de renâcler. « Bon, on n’y arrivera pas comme ça ! » Le regard de Morning se posa sur le flanc de la licorne et de la marque qui était dessus. « C’est une primevère. » Elle confirma. « C’est l’une des premières fleurs qui poussent lors du printemps ?
— Oui ! » Répondit-elle, comme touchée par la question du poney. Morning commença à marmonner.
« Fleur du printemps, fleur de l’eau, fleur rouge, première fleur… oh ! J’ai trouvé, Flore Prima ? » La pouliche hésita. « Mais si voyons, c’est clair que c’est le nom qu’il te faut ! La première fleur, Flore Prima. » Elle finit par sourire. « Je savais que ça te plairait. »
Morning Star réfléchit. Maintenant qu’il s’était réconcilié avec la licorne, il pourrait partir sans risque d’être attaqué par elle. Il ne lui manquait plus que son uniforme pour s’en aller.
« T-tu sais ou sont mes vêtements.
— Oui. » Dit-elle en baissant la tête en rougissant. « Je vous les ai retirés pour qu’ils puissent sécher.
— Oh merci, et où sont-ils ? » Demanda Morning Star qui regardait tout autour de lui, sans se soucier du tint rougeâtre de la jeune jument.
« Là-haut. » Elle leva le sabot au ciel. Une branche qui se trouvait à plus de six mètres du sol arborait les vêtements ainsi que la cape.
« Oh et tu as réussis à monter jusque-là pour faire sécher mon uniforme ? » interrogea le poney avec une pointe de sarcasme dans la voix.
« Non. » Dit-elle en riant doucement. Elle leva les yeux vers la branche qui s’anima aussitôt.
La longue branche s’abaissa en serpentant dans les airs, faisant tomber ses feuilles et grincer le bois. Elle s’arrêta à la hauteur de Flore qui prit les vêtements qui pendaient. Elle approcha ensuite son visage près de la branche pour lui chuchoter quelque chose en la caressant. La branche remonta lentement en chatouillant le coup de la licorne qui la chassa gentiment. Elle déposa les vêtements devant le soldat avant de dire : « Vous voulez certainement que je me retourne ? » N’attendant pas de réponse, elle se retourna et s’assit sur l’herbe.
Morning enfila son uniforme. Celui-ci était chaud, et sentait la lavande. En attachant sa cape, il constata qu’elle avait été recousue là où les branches avaient fait des accros. Sa lance ayant servi pour faire du feu, il ne lui manquait plus qu’une arme.
« Vous allez où ? » La jeune Flore s’était toujours assise, mais le dévisageait de son regard curieux. Morning, ne voulant pas lui donner des informations qui pourraient s’avérer dangereuses entre les sabots d’une licorne. Il se contenta de rester bref.
« Chez moi.
— Je peux venir ?
— Je ne pense pas ! » Dis le soldat en resserrent le nœud de sa cape.
« J’ai une mission, un message à transmettre.
— ça m’étonnerait.
— Je ne mens pas ! La forêt est différente ces derniers temps, le froid est partout, les ombres bougent, le ciel est toujours gris, je m’affaiblis…
— Écoute-moi Flore. » L’interrompit Morning. « Je suis content qu’on ne soit pas ennemi, mais je ne vais pas te prendre avec moi ! Que tu aies un message est intéressant, mais le chancelier Puddinghead n’est pas du genre à écouter les licornes… en fait, il n’écoute personne.
— Mais je dois livrer ce message ! » S’exclama-t-elle en frappant du sabot sur le sol comme une enfant.
« Ça sera sans moi Flore. » Le poney contourna silencieusement la licorne pour suivre un courant froid qui semblait provenir d’une ouverture dans les rideaux épais du saule.
« S’il vous plait. »
Les branches tombantes du saule se rapprochaient les unes des autres, fermant ce qui devait sûrement être là sorti. Morning scrutait le rideau de branche, tournant le dos à Flore.
« Je suis un poney, tu ne feras pas vingt mètres une fois hors de la forêt.
— Et bien on parlera aux licornes.
— Je finirais calciné à vue.
— Je me débrouillerais une fois qu’on les aura trouvés. Vous pourrez aller où vous voudrez après ça.
— Oui et qui va devoir faire un détour énorme pour voir les licornes ?
— C’est une question d’avenir monsieur Morning Star, les temps ne sont plus à leur place. » Dit-elle d’une voix sombre.
« Et je ne suis pas à la mienne en ce moment, je suis désolé Flore, mais il va falloir te débrouiller sans moi !
— Mais je vous ai sauvé la vie ! » Mais déjà le poney ne faisait plus attention à elle et cherchait une nouvelle sortie. « Écoutez-moi ! » Cria-t-elle en frappant du sabot.
Morning sentit une onde parcourir le sol. Quand il leva la tête, les branches ne faisaient plus barrage. Maintenant, elles fondaient sur lui. Des lianes s’enroulaient autour du poney totalement impuissant, elles le soulevaient du sol la tête en bas avant de resserrer encore leur étreinte. Le soldat était face à la licorne qui le perçait de son regard brulant et glaçant.
Elle s’approcha de son visage qui était juste à sa hauteur, ne quittant jamais le poney des yeux à quelque centimètre de son visage, elle baissa la tête en soufflant, avant de le regarder avec tristesse.
« Je vous en supplie, il en va de l’avenir de notre race.
— Je me fiche des licornes ! » Cracha Morning. Des lianes le bâillonnaient aussitôt
« Mais pas seulement les licornes, les poneys en tout genre. J’ai besoin de vous pour quitter cette forêt, je n’y arriverais pas seul. S’il vous plait, je vous en supplie, aidez-moi. »
Une licorne suppliait Morning, ça, il avait du mal à le croire. Mais il n’avait pas trop le choix. Elle avait beau avoir l’air innocent, cette jeune licorne l’avait ligoté sans lui laisser le temps de réagir. Il doutait fortement qu’elle soit aussi jeune qu’elle n’y paraissait. Flore le regardait de ses yeux brillant de larme qu’il ne put que rouler des yeux face à tant de tristesse.
« S’il vous plait. » Morning finit par hocher la tête. « Oh merci beaucoup, merci mille fois ! » S’exclama-t-elle en joie en attrapant le poney pour le serrer contre elle. « Je vous suis. » Elle observa le soldat qui se trémoussait dans ses liens. « Oh pardon ! » Les lianes se dénouaient faisant tomber lourdement Morning sur le sol.
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« Flore ! Qu’est-ce que tu fais encore ? » La licorne sursauta en entendant la voix de Morning.
« Pardon monsieur Morning Star. Je réfléchissais juste à ma maison.
— Tu sais, si tu veux rentrer chez toi, je ne t’oblige pas à rester. » Elle se renfrogna.
« Je vous ai dit que je ne pouvais pas faire demi-tour. » Elle dépassa Morning pour lui montrer qu’elle n’hésitait pas.
« Attention où tu marches, c’est moi qui ai la torche. » Elle le dévisagea avant de porter un regard méfiant à la flamme au bout du bois.
« Pourquoi avez-vous fait ça à cet arbre ?
— Pour qu’on puisse voir quelque chose.
— La forêt aurait pu nous aider autrement. » Morning ne continua pas la discussion. Il avait vite remarqué que la jeune jument faisait souvent allusion à la forêt comme une personne bien réelle. Elle pouvait contrôler les arbres, mais ça ne leur donnait pas une conscience pour autant. Et même si elle n’avait pas de problème pour se diriger dans l’obscurité, la torche apportait une légère source de chaleur non négligeable en ce froid hivernal qui avait refait surface quand ils avaient quitté le territoire de Flore.
« Tu n’as pas froide Flore ?
— Non ça va. » Répondit-elle lassé de devoir encore lui répondre la même chose une énième fois « Je vous l’ai déjà dit la dernière fois.
— Oh très bien, je ne voulais pas déranger madame. Je voulais juste être sûr que madame allait encore pouvoir me suivre sans avoir les sabots gelés. »
Elle gloussa.
Morning n’arrivait pas à comprendre comment elle faisait. Ces derniers temps étaient d’un hiver permanent et rigoureux qui aurait pu faire greloter le plus téméraire des poneys. Et elle ne se plaignait pas une seule fois, allant même jusqu’à jouer dans la neige quand son avance sur Morning le lui permettait.
« Ne t’éloigne pas trop ! Je te rappelle que tu voulais que je t’accompagne, et pas que je te poursuive à travers la forêt.
— C’est vous qui trainez !
— Ne vient pas pleurer quand tu te seras cassé une patte ! »
Et elle repartit à travers les bois en riant, faisant voler sa crinière comme de l’eau.
Elle n’avait pas l’air affecté par le froid, ni par l’atmosphère de ces bois. Le danger rôdait toujours à quelques mètres d’eux. Morning avait toujours l’impression d’être observé, pisté. Et cette licorne qui faisait un boucan de tous les diables n’arrangeait rien.
Flore heurta une branche cachée par la neige et s’étala dans un bruit sourd. Morning accourue aussitôt pour lui porter assistance. « Je te l’avais dit que ça finirait mal.
— Je n’ai rien. » Dit-elle en souriant et en prenant le sabot du poney pour se relever. « Oh regardez ! » Elle s’abaissa pour observer de plus près une fleur au sol. « C’est une primevère, elle est jolie, vous ne trouvez pas ?
— Si. » Répondit Morning sans vraiment s’en soucier et en continuant de scruter les alentours. « C’est surtout étrange qu’elle pousse au beau milieu de la neige.
— ça prouve que la nature veut elle aussi combattre ces êtres.
— ça montre surtout qu’elle ne durera pas longtemps.
— qu’est-ce qui vous fait croire ça ? » Demanda-t-elle en se retournant sur Morning. « Elle est forte, elle survivra à cet hiver.
— Elle n’est pas chez elle, là, dans ce froid, dans cette forêt, elle ne survivra pas sans aide. Elle s’affaiblira petit à petit avant de mourir.
— Vous vous trompez ! » Affirma Flore en reportant son regard sur la fleur en dégageant la neige du sabot.
« Et pourtant… »
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Les arbres étaient immenses, tant en hauteur qu’en largeur, accentuaient l’impression d’être minuscule que partageait Morning avec Flore. Leur sommet était impossible à décelé à cause des ténèbres environnantes et de la faible portée de la torche. Pour une fois depuis le début du voyage, Flore avait décidé de faire silence lors de cette étape. Préférant écouter les arbres, comme elle le lui avait signalé.
« Comment savez-vous ou on va ?
— Tu n’écoutes plus les arbres ?
— Si, et ils disent que l’on n’est pas sur le chemin le plus court.
— et bien demande-leur pourquoi ils ne nous accompagnent pas pour nous indiquer le chemin.
— Les arbres ne marchent pas ! » Informa Flore.
« Bah, qui l’eut cru ?
— Ce n’est pas grave, moi aussi quelquefois, j’ai l’impression qu’ils peuvent m’accompagne partout où je vais. Sentir leur présence avec moi me rappelle ma maison. » Morning secoua la tête. Encore une fois, Flore s’égarait l’esprit.
— Si tu veux tout savoir, j’ai pu voir le ciel et ses étoiles quand on est parti de ton chez-toi. Je ne connais pas bien la forêt, mais je sais que le camp des licornes est quelque part au sud de celle-ci. Une fois en dehors de cette immense forêt, je suis sûr qu’on pourra déjà les apercevoir. » Elle se rapprocha de Morning pour lui dire :
« Je voulais vous remercier pour ce que vous faites pour moi.
— Tu ne m’as pas trop laissé le choix.
— Je sais, mais je voulais juste… » Le soldat mis en sabot pour la stopper. Un craquement de branche s’était fait entendre quelques mètres devant eux. Morning, toujours sur le qui-vive, avait déjà brandi sa torche en avant pour dissuader son opposant d’une attaque frontale. Plusieurs paires d’yeux luisaient tout autour de Morning et de sa protégée, des grondements firent battre son cœur encore plus vite. Il dit à voix basse.
« Flore, prépare-toi à courir vers les arbres et de grimper le plus vite possible !
— Non, écoutez-les, je pense qu’il faut juste…
— Arrête tes enfantillages ! Tu vas faire ce que je t’ai dit, attends juste le signal. » Morning n’eut pas eu le temps de finasser son plan, déjà un grondement plus fort en face d’eux s’approchait d’un pas lourd.
Un timberwolf, deux fois plus grand qu’un poney, transperçait Morning et sa torche de ses yeux verts. Le dégustant du regard comme une promesse d’un repas savoureux.
« Tiens-toi prête Flore ! » Il brandit sa torche en avant, mais Flore lui arracha celle-ci des sabots et planta les flammes dans la neige. Elle siffla une supplique en s’éteignant dans le gel, maudissant ainsi Morning et le condamnant à une mort atroce. Dans l’obscurité, il réussit à agrippa Flore, il la secoua violemment. « Mais tu es folle ma parole ! Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? » Il fit silence quand les pas lourds se rapprochaient d’eux. Ils restèrent figés comme des statues quand le timberwolf grognait à seulement un mètre. Le poney lâcha lentement la licorne et recula doucement de quelque pas.
Les malheurs n’arrivant jamais seuls, Morning tétanisé par la peur, trébucha et tomba à genoux, excitant la bête qui se rapprocha plus près de lui. Il n’était plus qu’à quelque centimètre de sa gueule béante, fermant les yeux pour ne pas voir la fin arrivée. Mais au moment où le coup fatal devait venir, les grognements cessèrent.
Il ouvrit les yeux pour pouvoir faire face à son créateur, mais fut rapidement replongé dans la réalité en voyant la licorne caresser le timberwolf.
« Voilà, ce n’est pas bien méchant, c’est juste un poney, il ne faut pas en avoir peur. »
Elle chuchotait des paroles réconfortantes à la bête qui se laissait toucher. Morning voulut se relever, mais les grognements du monstre le firent stopper.
« Allons allons, il ne va pas te manger. Il ne voulait pas faire ce feu, c’est juste parce qu’il a peur dans le noir. » De ce mensonge, Morning réalisa quelque chose ; il pouvait voir dans le noir, pas complètement, mais assez pour distinguer les formes, et même certaines couleurs. Il se redressa encore plus doucement pour ne pas attirer la colère du timberwolf.
Celui-ci l’avait totalement délaissé pour porter son regard sur la licorne avant de frotter son museau contre son front. La bête se redressa ensuite et fusilla le poney du regard avant de repartir plus loin dans les ténèbres avec toute la meute.
« C-com… comment as-tu fait ça ? » La licorne sourit avant de dire :
« Ils ont plus peur que nous. Il faut juste les rassurer.
— Tu nous as sauvés ! »
Elle baissa la tête, gênée.
« Je ne pense pas avoir fait quelque chose. Il n’aurait sûrement pas attaqué.
— Tu rigoles, il allait me mettre en charpie, si tu n’étais pas là, je ne serais plus ici pour en parler. » Une idée traversa l’esprit du soldat. Cette licorne n’avait pas l’air affecté par la forêt, elle semblait même être dans son élément. Les horreurs que cachaient ces bois ne lui en voulaient pas à elle. D’un point de vue stratégique, pouvoir voyager librement dans cette forêt serait un avantage conséquent face aux licornes, et même au pégase qui refusaient de voler au-dessus de ces bois.
Morning épia la licorne blanche qui reprit la route comme si de rien n’était. Elle n’allait pas le suivre chez les poneys, encore moins faire des aller-retour dans la forêt. Elle avait son message à transmettre, mais s’il la laissait rejoindre les licornes, il ne pourrait jamais la revoir.
« Où est-ce qu’on va maintenant monsieur Morning Star ?
— Prends à gauche.
— Mais… » Commença-t-elle en se retournant sur son gardien. « Je pensais qu’on devait aller vers le sud.
— Je me suis trompé, le camp est vers l’est. » Flore parue interrogée, méfiante même. Après quelques secondes, elle reprit son sourire jovial.
« Les arbres disent qu’il y a bien un camp à l’est, on y va. » Et elle s’enfonça dans les bois.
Oui il y a avait bien un camp à l’est, mais les licornes n’étaient pas les bienvenues à celui-ci.
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« J’ai froid monsieur Morning Star ! » Dis Flore en baissant la tête en reniflant.
« Bien sûr que tu as froid, à force de jouer dans la neige et de n’avoir rien sur toi. Je t’avais dit de prendre des vêtements avant de partir.
— J’en ai pas. » Informa la licorne en reniflant plus bruyamment.
Morning souffla, la jeune jument s’était faite de plus en plus énervante. Elle n’était plus aussi agitée qu’avant, mais elle passait son temps à se plaindre désormais. Le poney détacha sa cape pour la mettre sur son dos. Elle le remerciant quand il attacha le nœud à son cou.
« On est encore loin ?
— Je ne sais pas te dire. On sera sûrement sorti de cette forêt à l’aube.
— Je suis fatigué ! » Gémis la licorne.
« Arrête de te plaindre, ça fera déjà ça d’économisé. Ne compte pas sur moi pour dormir au beau milieu de cette forêt.
— J’ai plus envie de marcher !
— Et moi je n’ai plus envie de t’entendre ! » Hurla Morning en frappant du sabot dans la neige. La jeune licorne grommela quelque chose les oreilles couchées et la tête baissé, mais elle fit silence. C’était une victoire pour Morning.
Ils arrivaient à un lac. La large étendue d’eau reflétait en son centre la lueur de la lune.
« Tu as soif Flore ? » Elle secoua la tête. Le soldat lui intima de rester ici.
Il s’approcha lentement de l’eau, pour ne pas effrayer la faune qui se cachait sûrement dans l’obscurité. Il trempa sa bouche dans le lac et en troubla la surface pour se désaltérer. L’eau était rafraichissante, même un peu trop, quand elle lui trancha la gorge à cause du froid. Il sursauta en sentant un mouvement derrière lui, mais fut rassuré quand il vit Flore à ses côtés.
« Je t’ai dit de rester derrière ! » La licorne ne lui répondit pas et mit un sabot dans l’eau. « Qu’est-ce que tu fais ?! » Elle était totalement hermétique à ses questions. Elle enleva la cape et plongea en une seconde dans l’eau. « Flore ! »
Elle avait complètement disparu, une légère lueur blanche turquoise remuait au fond de l’eau, la même lueur qui avait fait briller le bassin sous l’arbre-dôme. Morning hésitait à la rejoindre, l’eau était glaciale, et il n’arriverait pas à sécher ses vêtements. Il reprit la cape qui trainait à terre et s’assit pour attendre.
Il savait qu’elle reviendrait. Il n’avait aucune certitude pour le confirmer, mais il était sûr au fond de lui que cette licorne n’allait pas l’abandonné comme ça. Même si elle n’était pas aussi jeune que son apparence le laissait montrer, elle était encore inexpérimentée pour ce monde, il devait la protéger.
Les minutes passaient, et il ne se lassait pas de l’attendre. L’eau n’avait pas l’air d’être son ennemi, ni la forêt d’ailleurs, si on devait laisser une licorne pendant plusieurs heures dans l’eau sans respirer, c’était bien elle...
Le lac en entier brilla d’une lumière turquoise avant de s’éteindre aussitôt. Une forme, au début petite, émergea à la surface de l’eau. Sa crinière. On aurait pu croire que l’eau avait pris consistance pour s’accrocher à elle et lui offrir ce crin aux couleurs magiques. Elle avait toujours les yeux fermés, et faisait des pas lents pour sortir de l’eau. Morning resta silencieux jusqu’à ce qu’elle soit sortie de l’eau.
« Je pensais que tu n’avais pas soif ? » La licorne ouvrit brusquement les yeux pour les planter dans celui du poney. Ils étaient brulants de colère, et sans rien dire, elle partit en galopant. « Attends Flore ! » Ils galopaient à travers les bois sombres. Sautant au-dessus d’immenses branches, glissant dans les pentes enneigées, slaloment entre les arbres.
« Fichez-moi la paix !
— Mais pourquoi dis-tu ça ?
— allez-vous-en ! » Morning désobéit et continua à la poursuivre. Bien que plus grand et plus rapide qu’elle, elle réussissait à creuser l’écart entre eux. Elle semblait n’avoir aucun problème pour se mouvoir dans l’obscurité et à travers les branches et les arbres, tandis que Morning, derrière, se faisait cingle de partout. Le poney crut entendre la licorne pleurer au loin. Il hurla son nom d’une telle force qu’elle jeta un coup d’œil en arrière.
Une seconde de trop, car elle glissa sur une pente enneigée sans pouvoir freiner sa chute. Elle l’appela au secours avant de tomber dans les ténèbres. Morning ne réfléchit pas plus longtemps et dévala la pente à toute vitesse, il devait veiller sur elle, s’était son devoir. En dessous, il trouva la licorne à moitié ensevelie sous la neige. Quand il l’appela, elle sursauta et tenta à nouveau de s’enfuir.
« Partez !
— Ne sois pas idiote, tu as besoin de moi, tu t’en rappelles ?
— Je n’ai pas besoin de vous, sale monstre ! » Elle boita et trébucha à nouveau dans la neige. Morning eu tôt fait de la rattraper.
« S’il te plait, qu’est-ce que tu vas dire là ?
— Vous êtes tous des monstres ! » Hurla-t-elle en pleurant. Morning se mit en colère face à l’accusation.
« Et tu penses que les Licornes sont meilleures ?
— Tous ! Vous êtes TOUS des monstres ! » Précisa Flore en se cachant le visage des sabots. Morning ne pouvait pas faire face contre elle.
Ce n’était pas sa faute, elle était vraiment jeune, elle ne connaissait rien de cette guerre. Elle avait raison de l’ignorer. Mais ce n’était pas à elle de réaliser à quel point nous étions tous des idiots. Elle vivait paisiblement dans sa forêt et la guerre avait décidé de frapper à sa porte, ainsi que Morning.
Il s’approcha d’elle. Elle se recroquevilla à son approche. Il caressa légèrement son épaule. Il la souleva et la ramena contre lui, avant de mettre la cape autour d’eux deux. Il continuait à caresser son crin aux couleurs d’azur en chuchotant quelque chose.
« Ce n’est pas ta faute. On ne peut rien y faire, ce genre de chose nous dépasse. Il faut juste qu’on apprenne à se défendre, qu’on survive à tout ça. C’est notre seul but, on ne peut rien y faire. » Elle le sera plus fort, elle avait arrêté de pleurer.
« Je dois livrer mon message pour que tout ceci cesse !
— Et je t’aiderais. » Chuchota Morning. « Et je t’aiderais…
— J’ai froid monsieur Morning Star. »
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« Regarde Flore, le soleil se lève. » La licorne regarda le ciel d’un air fatigué, avant de sourire légèrement.
« On est bientôt arrivé ? » Demanda-t-elle en baissant la tête de nouveau.
« On sera sûrement en vue du camp d’ici moins d’une heure. » La bonne nouvelle ne réussit pas à remonter le moral de la jeune jument. Morning décida de s’arrêter un peu pour lui laisser le temps de se reposer. « Tu as froide Flore ? » La licorne emmitouflée dans l’uniforme du poney secoua la tête. « Tu veux qu’on s'arrête plus longtemps ? » Nouveau secouage de tête. « Tu es pourtant fatigué, qu’est-ce qu’il ne va pas ma belle ?
— Je ne me sens pas très bien. À chaque pas qui m’éloigne un peu plus de chez moi, j’ai quelque chose qui pèse sur moi. J’entends, je vois toute l’horreur que vous créez… je ne pensais pas que ça serait aussi grave. Ils sont forts maintenant, ils sont immenses. Je ne sais pas si j’y arriverais. » Elle s’assit lourdement dans la neige.
« Je t’ai dit que j’étais là, je ne te laisserais pas tomber. » Elle le remercia et le serra dans ses bras. « Allez, on est presque arrivé. »
Flore se releva, ragaillardie par les paroles de son gardien. Ils reprirent paisiblement leur route qui ne fut que de courte durée quand le soldat reçut une paire de bolas dans les pattes. Plusieurs poneys recouverts d’étoffe, et masqués pour la plupart, entouraient les deux voyageurs.
Flore paniquait en criant pendant que Morning, au sol, tentait de se défaire des liens qui l’entravaient.
« Je suis le soldat Morning Star, de la troupe de reconnaissance qui patrouillait au sud… hey lâchez la ! »
Des poneys retenaient violemment la jeune jument face contre neige, pendant que d’autre la bâillonnait avant de lui mettre un sac sur la tête et de la ligoter. Le poney réussit à libérer un de ses sabots, mais un autre soldat lui asséna un violent coup sur le crâne.
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Elle lui avait fait confiance, elle avait engagé sa vie. Elle avait une mission importante, pour le bien de tous il semblerait, et pourtant, il avait préféré agir en son propre intérêt. Elle l’avait traité de monstre et il s’était caché derrière la masse d’autre comme lui, mais il était encore pire. Elle s’était sentie en sécurité avec lui, il a décidé de l’entrainer dans un piège pour lui montrer qu’elle se trompait. Elle était sûrement morte à l’heure qu’il était.
Morning se réveilla aussitôt. Une douche froide n’aurait pas eu meilleur effet. Une ponette le réinstalla dans son lit.
« Vous avez été hypnotisé longtemps, soldat, reposé vous encore un peu !
— Je ne suis pas malade ! » Hurla Morning en se débattant. « Où est Flore ?
— La licorne ? Elle doit être puissante pour avoir encore emprise sur vous...
— Lâchez-moi, je dois la voir ! » Il repoussa la ponette et sortit de son lit. Le dispensaire dans lequel il avait été amené ne comptait que lui comme malade. En tant que licorne, les poneys ne prenaient pas le risque de soigner celle-ci quand elles pouvaient encore calciner un poney en une seconde.
« Elle est dans la tente du général de brigade. Elle n’a pas ouvert la bouche depuis qu’elle est arrivée.
— Qu’est-ce que vous lui avez fait ? » Morning planta un regard plein de rage à l’infirmière.
« Pour le moment, rien. Mais ce soir il est convenu d’utiliser des méthodes plus… drastiques. »
Morning n’en écouta pas plus, il ne pouvait pas laisser faire ça. Son retour au camp n’était pas comme il l’avait imaginé ; pas de question sur la disparition de sa troupe, pas d’autre question sur son voyage dans la forêt, rien. À l’extérieur du dispensaire, les autres soldats semblaient l’ignorer complètement, s’affairant à organiser les prochaines patrouilles, à surveiller les environs, ou tout simplement à préparer la soupe. Le soleil se couchait bientôt, il devait faire vite.
Devant la tente du général de brigade, aucun garde ne lui bloquait le passage, et à forte raison, puisqu’aucun garde n’était présent. Il écarta un pan de la tente pour être témoin de ce spectacle.
Flore reposait assise sur le sol face à un poteau, les sabots liés, et le visage caché sous un sac. Le général de brigade, un poney blanc à l’armure rutilante, était installé à son bureau, une plume chatouillant le bout de ses naseaux, comme pour chercher le dernier vers d’un poème. Son regard s’arrêta sur Morning, il lâcha sa plume et se présenta sous un sourire radieux.
« Soldat Morning Star ! Je suis heureux de vous voir. J’ai appris pour votre groupe, terrible nouvelle. » Dit-il en portant un regard à la licorne. « Mais pourtant, le malheur n’a pas cessé de vous harceler et les licornes ont mis en place des stratagèmes des plus… cruels. Mais bon, cas cela ne tienne, tout ça, c’est du passé. À ce propos, désolé pour le coup sur la tête, c’était le seul moyen pour eux de vous délivrer de l’hypnose. » Le général était parti dans un de ces discours dont il était le seul à se comprendre, mais la dernière phrase n’avait pas de sens.
« Quelle hypnose ? »
Le général eut un sourire circonspect
« Mais enfin, cette licorne vous a hypnotisé pour vous manipuler et vous faire attaquer nos troupes. Nous pensions même à une ruse de sa part quand nous avions remarqué qu’elle portait vos vêtements. Vous saviez que certaines licornes étaient capables de changer leur apparence et celle de leur victime ? Mais bon, le principale, c’est que tout soit rentré dans l’ordre, et que cette licorne soit mise hors d’état de nuire… enfin, après que nous aillions posé quelques questions. » Il se leva de sa chaise et s’approcha de Flore. « Vous ne trouvez pas qu’elle fait un peu jeune ? » Il toucha son épaule, ce qui fit gémir de terreur la pauvre jument. Une boule se forma dans la gorge de Morning. « Ces licornes sont une abomination pour notre nation, si elle n’était pas suspecte de posséder des informations capitales, je me serais déjà fait un plaisir d’en finir avec elle. » Il empoigna la corne voilée par le sac et tira sa tête en arrière. Les pleurent de Flore brisait l’être entier de Morning qui regardait la scène sans rien pouvoir faire. « Ce soir ma chère, tu me supplieras de mourir ! » C’en était trop !
Morning prit la première chose qui lui passait sous le sabot ; une chaise en bois, et la fracassa sur le général de brigade. Le poney s’écrasa lourdement sur le sol, assommé. Flore pleurait toujours. Il prit le glaive du général et l’utilisa pour couper les liens. La licorne, toujours aveugle, recula en gémissant. Elle sursauta quand Morning enleva la cagoule, mais fut rassuré par ses paroles.
« Chhht, c’est moi Flore, c’est moi. » Elle se colla aussitôt à lui, incapable de se relever. Elle pleurait dans son giron, n’arrivant pas à articuler une phrase. « Je te demande pardon, je suis désolé, je ne voulais pas que ça se passe comme ça. On va renter. On va rentrer à la maison.
Elle avait un teint blafard, pas le même blanc magique qui lui était familier. Une teinte maladive accentuant ses cernes autour des yeux. Sa crinière, qui avait parfois l’air de flotter dans l’air, était terne et sans vie. Même les couleurs semblaient mourir, offrent un bleu fade à sa crinière. Seuls ses yeux étaient toujours identiques. Le fixant d’un regard bleu glacial de tristesse, et d’un rouge brulant de colère pour ce qu’il avait fait.
« Je vais te ramener à la maison, n’ai pas peur. »
Il délaissa la licorne en petit moment, ce qui eut quand même le don de lui briser le cœur, il jeta un rapide coup d’œil à l’extérieur ; personne ne semblait avoir entendu quelque chose de suspect.
« On va passer par derrière Flore… Flore ! »
La licorne semblait inconsciente, comme endormie.
« S’il te plait, c’est pas le moment de dormir ! »
Elle tenta de se relever, mais ses sabots n’arrivaient plus à la supporter. Morning ne traina pas plus longtemps et la souleva sur sol pour la mettre sur son dos. Elle s’affala, presque sans vie, sa tête couchée le long de son crin.
« Accroche-toi bien. » Il reprit le glaive su général et déchira la toile rouge sur l’arrière de la tente.
Ce n’était pas réellement un camp, mais plus un avant-poste. Les défenses étaient légères, et les barricades, placé qu’à quelque point stratégique. Seules les sentinelles étaient un problème, mais le soleil couché, les ténèbres étaient un allié de choix. Heureusement, aucun des soldats n’avait pensé retirer les vêtements de Morning que Flore portait, la cape allait leur être utile.
Ils longeaient les tentes par-derrière. Ils ne risquaient rien aux premiers abords, les poneys étaient trop occupés à scruter le ciel à la recherche d’une attaque de pégase, ou les lueurs au loin, provenant des licornes et de leurs rituels. La plupart des poneys étaient amassés autour du feu de camp, pour se protéger de la morsure du froid. Morning avait froid, mais il avait encore plus peur pour la jeune jument qu’il transportait.
« Il va falloir être discrète Flore ! » La licorne lui murmura quelque chose d’à peine audible.
Le camp était à l’orée de la forêt, juste un quart de lieue. Il leur faudrait traverser à découvert jusqu’au bois. Le poney quitta sa cachette et surveillait ses arrières en avançant sur la pointe des sabots. Un soldat au loin le remarqua, il lui fit même signe de s’installer près du feu. Morning refusa l’invitation en faisant un geste pour montrer qu’il était fatigué, il garda toujours une bonne distance pour qu’il ne voie pas la licorne. L’autre soldat, l’air suspicieux, se leva de sa place et commença à se diriger vers eux. Morning fit semblant de ne pas l’avoir vu et partit d’un pas rapide vers la forêt.
« Halte ! » Morning ignora l’ordre et sauta par-dessus un amas de buches pour le feu.
Quelque instant plus tard, l’autre poney s’arrêta près du monticule de buches. Scrutant l’horizon à la recherche du soldat interpellé plus tôt. Ne voyant rien au loin, il retourna en arrière pour rechercher d’éventuelle trace vers une direction.
Entendant les bruits de sabot s’éloigner, Morning enleva la cape qui le recouvrait ainsi que Flore. Derrière lui, il entendit une alerte.
« Quelqu’un a attaqué le général, fouillé le camp ! »
Morning ne traina pas plus longtemps ici et parti au galop.
L’air froid déchirait les poumons du soldat qui haletait bruyamment. La licorne sur son dos, tentait bien que mal de se cramponner. Leurs poursuivants avaient tôt fait de les perdre de vue, ou peut-être qu’ils considéraient déjà morts ceux qui s’aventuraient dans ces bois. Morning aurait pu penser ça aussi, un jour plus tôt.
« Voilà Flore, on est dans la forêt » dite le poney plein de joie en continuant à courir. La licorne murmura quelque chose faiblement. Morning ne s’arrêta pas.
Les branches le giflaient, cette sensation, il l’avait déjà tellement vécu ces derniers temps, qu’il n’y prêtait même plus attention. Toute sa concentration, passait sur le chemin à prendre, pour s’enfoncer le plus loin dans les bois. Flore gémissait toujours sur son dos. Il lui avait promis qu’il la ramènerait à la maison.
« Reste avec moi Flore ! »
Le poney était essoufflé, mais il ne pouvait pas s’arrêter. Pas comme ça, pas après tout ce qu’il lui avait fait. Ses pas dans la neige devenaient de plus en plus lourds, le forçant à ralentir l’allure. Le froid était partout présent sur son corps, mais il n’allait rien n’y faire, il continuerait pour elle.
Deux heures qu’il galopait. Ne s’arrêtant jamais, toujours poussé par la faible licorne sur son dos. Ils étaient bel et bien dans la forêt, mais la licorne ne se réveillait toujours pas. Morning n’en pouvait plus, il finit par se stopper.
La licorne glissa de son dos et tomba violemment sur le sol, la chute fut amortie par la neige épaisse. Morning s’agenouilla à ses côtés et s’approcha de son visage.
« Regarde Flore, on est chez toi, la forêt. Écoute les arbres, sens la nature, s’il te plait, réponds-moi. »
Elle ouvrit faiblement un œil, son œil de braise, et lui dit doucement.
« Merci monsieur Morning Star. »
Il sourit.
« De rien ma belle, et ce n’est pas fini, on a encore du chemin à faire, mais je vais te porter, ne t’inquiète pas. On sera bientôt à la maison.
— C’est fini… » Dit-elle brusquement.
« Quoi ?... Non, regarde on est dans la forêt, il n’y a plus rien à craindre. » Il fit un geste ample pour lui montrer les arbres, se forçant à sourire pour lui faire plaisir. « Allons ma belle, je sais que tu es fatigué, mais on doit encore marché un peu, juste un peu… S’il te plait, juste encore un peu.
— Il est trop tard… Ils ont gagné… Je ne pensais pas qu’ils étaient aussi forts.
— Ne dis pas ça. Tout est de ma faute, je te demande pardon, je ne voulais pas faire ça, c’était idiot de ma part. Je suis désolé, je suis un monstre comme tu l’as dit. » Il prit son sabot, l’implorant de rester.
« Vous n’êtes pas un monstre. » Elle se releva faiblement et se reposa contre lui. Morning pleurait en la serrant.
« S’il te plait, on est dans la forêt. On est chez toi. On est à la maison. S’il te plait, on est à la maison. On est à la maison. Je te demande pardon. On est à la maison. »
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Le soir venait de se lever et un poney avait entrepris son voyage dans la forêt. Beaucoup de rumeurs couraient sur ces bois ; fantômes, Chimères, créatures terrifiantes. Il fallait avouer que la plupart étaient fondées, mais la forêt accueillait toute personne qui se voulait respectueuse de la nature.
Le poney cachait son visage sous une cape portant les insignes des anciens soldats terrestres. Les créatures le connaissaient, elles lui portaient un regard méfiant les premières fois, comme accusateur, mais la rédemption de celui-ci avait tôt fait de calmer la colère naturelle. Il faisait toujours le moins de bruit possible pour pouvoir entendre les arbres et les chuchotements terrestres.
Il s’arrêta, comme chaque soir, devant la fleur qu’il a vue naitre cette nuit. La nuit où le destin avait décidé de le punir de ces erreurs. Cette nuit ou il trahit la fleure qu’il devait protéger. Celle-ci avait disparu, pas de corps, pas de trace, juste un vide dans le cœur du poney. La même nuit, pris par le remords, son regard s’était arrêté sur un bourgeon. Au beau milieu de la neige encore virulente, elle avait décidé d’y faire sa vie.
La guerre et l’hiver s’était tous deux arrêtés pour faire place à la vie et à a joie depuis longtemps maintenant. Le poney n’arrivait pas à en profiter, sa fleur, n’avait toujours pas éclos. Et chaque soir il venait la voir, lui donner à boire, de la chaleur, veiller sur elle et si possible, l’entendre.
Il avait toujours cru qu’une fleur ne survivait pas si elle n’était pas dans son élément, aussi forte soit-elle. C’est vrai, mais si on l’aide, une fleur peut vivre indéfiniment.
Il se coucha à proximité de la plante, et caressa doucement le bourgeon. Elle était timide et avait peur de se montrer, il avait décidé d’attendre le temps qu’il fallait, ne pas brusquer les choses. Le poney avait toujours voulu agir selon son propre intérêt, quitte à négliger le reste, mais aujourd’hui, sa culpabilité ne cessait de lui rappeler les conséquences de ses actes.
« Regarde ces arbres, ils montent haut dans le ciel sans se soucier de l’ombre qu’ils te font le jour. Leurs feuilles te couvrent totalement, te privent presque entièrement d’eau. En automne, les feuilles te recouvrent en tombant et t’empêches de respirer. Mais je suis là moi. Je suis là pour toi, pour te protéger, pour te faire vivre. Ici c’est notre maison, et je veux que tu te sentes bien. Je te demande pardon si je t’ai négligé par moment, j’en suis désolé. »
Caressant le bourgeon, les pétales s’écartaient peu à peu, dévoilant une primevère d’un blanc lumineux. En son centre, une perle de lumière s’éleva à quelque centimètre du sol avant de briller de mille feux. Le poney se protégea la vue. Quand les lumières cessèrent, la forme d’une licorne apparut devant lui.
« C’est le printemps ? »
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