Bref.
Ce matin, j’étais dans un couloir dans le château de Canterlot avec au moins quarante intellos de mon âge. J’étais aussi dans le gaz, c’est pour cette raison que je réfléchissais à ce que je faisais dans le château de Canterlot avec quarante intellos de mon âge.
C’est Maman qui m’avait traînée jusqu’ici, avec sa délicatesse habituelle bien sûr.
Maman, c’est la licorne en tenue bleu pur à rendre son petit-déj’ et avec le sourire de travers – mais ça c’est l’examen qui la rend nerveuse. Plus tôt, elle m’avait réveillée, nourrie, elle avait brossé ma crinière et on était parties pour cet examen dont je me fichais comme des pantoufles de la Princesse. Et elle m’a sermonnée sur tout le chemin. « C’est la dernière fois qu’une école te renvoie, Sunset ! », « On doit bien pouvoir faire quelque chose de toi, Sunset… », « Si l’École de Magie ne veut pas de toi, c’est le pensionnat, Sunset ! »
« J’m’en fiche de la magie. »
C’était mon argument-choc. Selon les circonstances, je variais un peu. Je faisais dans la provocation avec : « J’m’en fiche de mon avenir », ou le bluff avec : « J’m’en fiche du pensionnat. » Je m’en fichais pas vraiment, il me terrorisait ce pensionnat. Mais j’avais : petit un, aucune chance de passer cet examen de magie ; petit deux, pas l’intention d’avoir une vraie conversation avec Maman.
Sur place, y a un garde qui nous a fait entrer, un autre qui nous a montré le chemin, encore un autre qui nous a expliqué qu’on s’était planté et que c’était de l’autre côté, puis celui d’avant qui s’est moqué de nous, et après plein d’escaliers. À la fin, j’avais mal aux pattes. Mais j’étais prête à recevoir mon diplôme en randonnée de salon.
On a trouvé la salle d’examen facilement (à cause des quarante intellos devant.) Y avait de tout, et aussi n’importe quoi : des stressés, des calmes, des stressés qui se font passer pour des calmes, des avec un parent, des avec deux parents, et surtout des bizarres.
Le gamin à côté de moi par exemple, son truc c’est les cuillères. Il en a genre douze qu’il fait se plier comme ça en les regardant, et moi je le regarde plier ses cuillères. Au bout d’un moment, il me regarde, il voit que je le regarde, et il dit :
« N’essaie pas de plier la cuillère, c’est impossible. À la place, tu dois essayer de comprendre que la cuillère n’existe pas…
— J’m’en fiche de ta cuillère ! »
Il m’a plus reparlé après, je crois que je l’ai vexé. J’espère qu’il s’est planté au test.
« Sunset, reste assise.
— Je suis assise. »
Maman était hyper nerveuse. Après tout, son dernier espoir de me caser quelque part était l’école d’un truc auquel je connaissais strictement rien. De temps en temps elle s’en prenait à moi, à me dire que j’avais l’air nerveuse, alors que c’était elle qui avait l’air nerveuse. C’était affligeant, j’ai eu un peu peur pour elle… Heureusement c’est vite parti.
C’est parti d’autant plus vite que mon tour est arrivé. La porte s’est ouverte et un type a dit : « Sunset Shimmer ? » Alors Maman a dit : « Ah, c’est nous ! », et dit bonjour au type bien comme il faut avec moi derrière au bout de son sabot. J’ai prié pour passer un test court et indolore.
Une salle de classe, un prof à lunettes derrière un bureau, Maman est invitée à attendre sur le côté. Au milieu, il y avait moi, un tournesol, et un arrosoir bleu. J’ai écouté les instructions bien sagement :
« L’objectif est d’hydrater le végétal proposé, ce à l’aide du petit arrosoir bleu prévu à cet effet et fourni en même temps que la plante. Le ou la candidate fera appel au sortilège qui lui semble approprié pour porter le réceptacle à une distance convenable au-dessus de la fleur afin de l’approvisionner en eau. L’eau se trouve déjà dans l’arrosoir, il est recommandé au ou à la candidate de ne pas en renverser au cours de sa prestation, sous peine de se voir infliger une pénalité proportionnelle à la gravité de son erreur. »
J’ai regardé Maman. Elle me regardait. J’ai regardé le prof. Il me regardait lui aussi. J’ai paniqué un peu, j’ai fait en sorte d’avoir l’air vraiment perdue, et j’ai dit pour faire avancer un peu les choses :
« En gros il faut arroser la fleur ? »
Il a dit oui, j’ai soufflé. Ça avait l’air débile. J’y connaissais peut-être rien en magie, mais je pouvais essayer de me rappeler comment faisaient les filles de ma classe pour soulever des stylos, des bouquins, et des trucs.
On me regardait, alors je suis vite passée à l’action. J’ai fixé méchamment l’arrosoir pendant une, deux, dix secondes. Il a refusé de bouger.
J’ai entendu Maman hurler avec son esprit. L’instant d’après elle s’exclamait : « Elle est facilement intimidée ! Laissez-lui une seconde chance… »
Moi, intimidée ? Je l’ai insultée avec mon esprit. Malgré tout, ça a marché, le prof a accepté de me faire passer un test « plus simple ».
« C’est vrai que ce test est un peu compliqué », il a avoué. « Dans ce cas, Mlle Shimmer, voici une bougie. Éteignez-là sans souffler, et vous passez le test. »
J’ai réalisé, alors qu’une bougie allumée se matérialisait sous mon museau, alors que les instructions entraient dans mon cerveau, alors qu’un silence quasi-sacré menaçait de faire imploser la salle, que je pouvais régler une grande partie des problèmes de ma vie en un instant. Je pouvais m’éviter le pensionnat, ce qui était pas rien. Le pensionnat, c’était un aller sans retour pour : de la bonne conduite imposée, des rêves de liberté défendus, des cartes à Maman pour les vacances de la Veillée Chaleureuse.
Tout ce que j’avais à faire, c’est provoquer un miracle, et éteindre cette petite bougie.
Je me suis concentrée, et concentrée, et concentrée… J’ai observé la flamme, j’ai senti la flamme, j’ai parlé à la flamme, je l’ai insultée et menacée d’un tas de choses toutes plus cruelles les unes que les autres, je me suis battue avec elle, je me suis vue l’étrangler jusqu’à ce que mort s’ensuive, je lui ai ordonné de mourir de plusieurs dizaines de façons… mais cette flamme, cette petite flamme minuscule m’a tenu tête.
« Eh bien, Mlle Shimmer ? »
Là il s’est produit un miracle, mais pas celui que j’attendais. La bougie a explosé ; j’ai même reçu un peu de cire sur le museau. Le prof a dit : « Oh. »
Je voyais encore la flamme, pourtant. Elle me narguait, je l’entendais littéralement me chanter : « ratééé ! » Elle se fichait de moi.
Je l’ai détestée de toute mon âme. Elle, cet examen, l’école de magie, ce satané pensionnat qui m’attendait… J’ai voulu tout brûler.
Il s’est alors produit un second miracle. La température de la pièce a augmenté soudainement.
La flamme que je voyais a grossi. Ou alors c’était une autre, aucune importance. Mais les adultes dans la pièce le voyaient cette fois, parce que le prof s’est levé et que Maman a crié mon nom. J’ai compris qu’il se passait un truc en rapport avec moi, et avec cette lumière intense sous mes yeux.
La lumière a juste continué de grossir tranquillement, jusqu’à ce que je ne voie plus que ça.
J’ai eu envie de rire ; c’était un peu étrange, il y avait le feu partout dans un rayon de maintenant dix mètres autour de moi. Je ne sentais rien. Enfin, si : une joie monstrueuse, un plaisir sans limites. Par hasard, je venais de créer quelque chose ; j’ignorais comment, j’ignorais quoi, mais j’étais sûre d’une chose : j’avais fait quelque chose d’incroyable. Il n’y avait personne qui pourrait me priver de ça, personne.
C’est ce que j’ai pensé, folle de bonheur, pendant plusieurs secondes durant lesquelles toute la pièce a eu le temps de carboniser, et les adultes de filer chercher de l’aide.
Ce qui m’a arrêtée, c’est un grand poney, je ne sais pas comment il a fait ça. Tout ce que je sais, c’est qu’à un moment je me suis mise à respirer comme si je venais d’échapper à la noyade. Ma tête me faisait souffrir. J’avais l’impression qu’elle faisait la taille de l’Univers.
Quant au grand poney, il était blanc avec deux ailes blanches, une longue corne, et une crinière ondulante aux couleurs de l’aurore. J’ai compris très lentement que je me trouvais devant la princesse Célestia. Moi, devant la princesse Célestia.
Je me suis mise à trembler… Quel genre de faute j’avais pu commettre ? Je me préparais à voir tomber une sentence pire que la mort. Le cachot à perpétuité, le Tartare, la Lune, voire le Soleil !
« Ce que tu as fait était incroyable », dit Célestia tranquillement.
J’ai refusé de croire qu’elle était sérieuse. Jamais dans ma vie je n’avais fait autre chose que des bêtises.
« Tu es une pouliche très spéciale, Sunset Shimmer. »
Elle m’a entourée avec une de ses ailes. C’était doux, et rassurant, et quand j’ai vu son sourire j’ai cessé de trembler. Bien sûr, j’avais au moins mille questions à lui poser, mais après ce qu’elle venait de me dire, j’étais tout simplement incapable d’articuler.
Elle m’a demandé si je voulais devenir son élève personnelle. J’aurais ma propre chambre dans le château de Canterlot… un accès au palais… J’apprendrais la magie avec la Princesse. Ce serait chouette, non ? C’était bien mieux que le pensionnat. Ou les cours avec une classe d’intellos. J’ai dit oui.
Après ça, on est sorties ensemble, rassurer tous les poneys, et parler à Maman. Inutile de dire que j’étais toute fière de lui montrer ma nouvelle amie.
Bref, j’ai appris que j’étais quelqu’un de spécial.
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Déjà essayé, mais j'ai fini par me rendre compte que ça ne m'intéressait pas trop de faire une fic juste pour ça, donc je ne suis pas allé au bout.
Ce micro-texte était l'occasion pour ressortir l'idée, comme quoi tout se transforme.
Et merci pour le compliment. :)
Il y a une référence à Matrix. Je sais pas d'où c'est sorti pour être honnête. :)