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Le papier de bonbon

Une fiction écrite par Acrylique.

Le papier de bonbon

Sur les routes autour de Rainbow Falls, les juments et les étalons trottaient vers la ville ; car c'était le jour de la Foire aux échanges. Les mâles s'avançaient, tranquillement, sur le chemin de gravier et de petits cailloux qui ne blessèrent guère leurs sabots, bien entretenus pour certains, salis de boue sèche pour d'autres. Leurs grandes jambes musclées allant vers l'avant, forçaient sur le dos qui devait supporter la charge de la charrette en bois, rempli d'objets divers ou d'animaux fermiers. Ils avaient un simple chapeau de paille généralement, mais certains disposaient d'un morceau de tissu enroulé autour du cou, souvent sale pour montrer les travaux rudes des champs.

Derrière suivaient les femelles marchant d'un pas raffiné. Elles portaient des sacoches, accrochées fermement, remplies de bijoux, de cartes postales, de livres, de nourriture ou alors de petits objets de décoration. Leurs crinières étaient enveloppées dans des linges blancs assez grands qui, pour ne pas tomber sur le sol, étaient enroulés autour du cou. Les poneys terrestres tenaient dans leurs bouches parfois un panier où dedans se trouvaient deux ou trois volailles, alors que les pégases encourageaient les plus fatigués. Quelques licornes étaient chargées d'instruments étranges ou de bouteilles remplies d'un liquide inconnu.

Sur la place de la Foire aux échanges, c'était une foule composée de toutes races de poneys. Les pégases n'osaient pas ouvrir les ailes par peur de blesser quelqu'un. Les cornes des bovins, les piles de livres transportées par magie ou encore les animaux de compagnie volants émergeaient au-dessus des têtes. Les voix criardes, aiguës, fortes et pleines de joie accompagnées par le claquement des sabots, les bruits des chèvres et l'aboiement des chiens dominé par le ton grave de leurs maîtres, créaient une clameur continue.

Tout cela sentait la transpiration, l'étable, la magie, la paille et l'encre, le mélange entre le poney et la bête, et cette sensation se ressentait dans le pain et le lait au goût particulier, vendus sur les stands des campagnards bien souriants.

Maître BonBon, de Ponyville, venait d'arriver et se dirigeait vers la place, quand elle aperçut par terre un papier de bonbon un peu sali, mais sans plis et sans aucune déchirure. Maître BonBon, en tant que vraie économe, pensa que ce morceau de papier lui serait toujours utile un jour ou l'autre ; et elle baissa son cou pour le ramasser. Quand elle prit le papier et ouvrit sa sacoche pour le ranger, elle vit, sur un stand, Maître Berry, la sommelière, qui la regardait. Autrefois, elles avaient eu une querelle à propos d'un jus de raisin particulier, et ne s'étaient jamais réconcilié après. Maître Bonbon fut prise d'une sorte de honte d'être vue ainsi par son ennemie, cherchant dans la boue un morceau de papier. Elle cacha rapidement sa trouvaille dans sa sacoche, la renferma d'un coup sec, puis fit semblant de chercher sur le sol quelque chose qu'elle ne trouvait point, puis s'en alla vers la foire, le cou toujours baissé.

La jument se perdit aussitôt entre les étalages, qui étaient occupés par les échanges interminables. Des poneys observaient le moindre défaut de l'animal, tout en épiant le visage du vendeur, pour voir si un faux sourire se montrait. On comptait les pages des livres, on faisait attention aux détails des broches ou des colliers, on sentait la tarte pour vérifier si elle était comestible, sous la crainte de tomber sous les doux mots charmeurs des marchands malins. On cherchait à découvrir la ruse du poney et le défaut de l'échange. Certains vendeurs disposaient d'un stand, qui était rempli soit de récoltes, ou d'objets faits à la main en plusieurs exemplaires. Les artisans maintenaient les prix, avec une expression neutre, ou bien, sous le coup de la fatigue ou de la compassion, rappelaient le client qui releva la tête au loin :

- C'est d'accord, maît' Flitter. J'vous l'échange contre vos pt´its joyaux.

Puis soudain, le clocher sonna midi, et les poneys qui demeuraient trop loin se répandirent dans les auberges.

Chez Candy Mane, la grande salle était remplie de pégases, de licornes, de poneys terrestres et de cristaux, de griffons, discutant à propos des échanges et du repas servi devant eux. Les plus jeunes jouaient dehors avec un ballon ou restaient dans un coin pour jouer aux cartes à l'ombre, et certaines personnes les surveillaient tout en buvant un café bien chaud. Le soleil se positionnait haut dans le ciel, et quelques nuages bloquaient le risque d'une chaleur excessive. Une immense cheminée, crachant de la fumée dans le ciel, se trouvait au milieu du mur. Les volontaires ravivaient les flammes en jetant du bois frais à l'intérieur. Deux énormes broches tournaient, chargées de viande comme du poulet, du bœuf ou du porc, et une marmite remplie au maximum avec des poireaux, des carottes, des navets et des pommes de terre, des herbes et du sel, des champignons, des aubergines et des courgettes, s'agitait doucement alors que Maître Candy remuait avec une grande cuillère le plat. Une odeur de nourriture que tout le monde appréciait, si bien que les poulains gourmands se positionnaient devant la marmite, la bouche grande ouverte qui laissa échapper un filet de bave. Ah Candy Mane, c'était bien un poney qui avait une réputation chez les gens du coin, tellement ses plats étaient délicieux et son accueil chaleureux.

Alors qu'on parlait de son village, un bruit éclata dehors, devant l'auberge. Tout le monde accourut aux fenêtres et à la porte, la serviette à la patte, et chercha la cause du son.

C'était un tambour qui annonçait l'arrivée du crieur public, et celui-ci parla bien fort pour dire :

- Tous les habitants de Rainbow Falls ainsi que les personnes présentes à la foire, doivent savoir qu'un portefeuille en cuir a été perdu ce matin, entre 9h et 10h, et qu'il contient 500 bits et des papiers d'affaires. Toute personne qui le trouve est prié de le rapporter tel quel à la mairie, ou chez Maître Filthy Rich. Il y aura 20 bits de récompense.

Puis le crieur s'en alla, et recommença son discours au loin. Alors, on se mit à en parler, en espérant que Maître Filthy Rich retrouve son portefeuille. Puis le repas s'acheva.

Le café fut servi, quand soudainement un gendarme rentra, attendit le silence et demanda :

- Est-ce que Maître BonBon, de Ponyville, est ici ?

La concernée, assise à l'autre bout de la table répondit :

- Oui, j'suis là.

Et le brigadier reprit :

- Maître BonBon, pourriez-vous m'accompagner jusqu'à la mairie ? Mayor Mare voudrait vous parler.

La jument, surprise, avala le reste de son café et se leva rapidement en s'étirant légèrement, et s'avança en répétant :

- Me v'là, me v'là.

Et les deux personnages s'en allèrent vers la mairie.

Mayor Mare l'attendait, assise dans un fauteuil. Sa crinière grise rebiquait au-dessus de sa tête, et des lunettes carrées entouraient ses yeux bleus.

- Maître BonBon, disait-elle, on vous a vue ce matin ramasser, au marché, le portefeuille perdu de Maître Filthy Rich.

La ponette, yeux écarquillés et bouche grande ouverte, fixait la jument en face d'elle, apeurée par ce jugement, sans qu'elle comprit pourquoi.

- Ma, j'ai ramassé ce portafeuille ?

- Oui, vous-même.

- Parole d'honneur, j'n'en ai point eu connaissance.

- On vous a vue.

- On m'a vue, ma ? Qui ça qui m'a vu ?

- Maître Berry, la sommelière.

Alors Maître BonBon comprit et, remplie de colère, frappa du sabot le sol.

- Ah ! El m'a vue, cette ponet´ ! El m'a vue ramasser ct´e papier de bonbon-là, tenez, m'dame la maire.

Et fouillant au fond de sa sacoche, elle tendit le papier. Mais Mayor Mare, incrédule, haussa un sourcil.

- Vous ne me ferez pas croire, Maître BonBon, que Maître Berry, un poney digne de foi, a pris ce papier pour un portefeuille ?

La paysanne, furieuse, leva le sabot, respira profondément en répétant :

- C'est pourtant la vérité de la bonn' Célestia, la sainte vérité, m'dame le maire. J'en ai point eu connaissance, j'le répète.

Mayor Mare reprit :

- Après l'avoir ramassé, vous avez encore cherché longtemps dans la boue si quelques bits ne s'étaient pas échappés de l'objet.

Le poney suffoquait de peur et de déshonneur.

- Si on peut dire !... si on peut dire !... des ment´ries comme ça pour dénaturer un honnête poney ! Eh ben nom de Célestia !...

Elle eut beau protester et protéger son honneur, on ne la crut pas. Elle fut confrontée avec Maître Berry, qui soutint son affirmation. Elles se querellèrent pendant une heure complète. On fouilla, sur sa demande, maître BonBon. On ne trouva rien. Enfin, la maire, fort perplexe, la renvoya, en la prévenant qu'elle allait traiter cette affaire avec la justice.

La nouvelle s'était répandue. À sa sortie, la jument fut entourée, interrogée par les regards curieux, sérieux ou moqueurs. Elle se mit donc à raconter l'histoire du papier de bonbon. Personne ne la crut. On riait.

La ponette, arrêtée par tous, racontait sans cesse l'histoire, recommençant son récit et ses protestations, montrait ses sacoches retournées pour prouver qu'elle n'avait rien. On disait :

- Eh, vieux cheval !

Et elle se fâchait, s'exaspérant de ne pas être crue, ne sachant que faire, et contant sans cesse l'histoire.

La nuit vient. Il fallait partir. Elle se mit en route avec ses trois voisines ; et tout le long du chemin, elle parla de son aventure. Le soir, elle fit une tournée dans Ponyville, afin de la dire à tout le monde, mais ne rencontra que des incrédules, même Fluttershy ne la croyait pas.

Maître BonBon en fut malade toute la nuit.

Le lendemain, vers 13h, Apple Honey, fermière à un village non loin de Baltimare, rendit le portefeuille et son contenu à Maître Filthy Rich. Celle-ci prétendait avoir, en effet, trouvé l'objet sur la route ; mais ne sachant pas lire, elle demanda aux habitants à qui appartenait le portefeuille.

La nouvelle se répandit aux environs. Maître BonBon en fut informée. Elle se mit aussitôt à raconter l'histoire accompagnée du dénouement. La jument triomphait.

- C'qui m'faisait du mal, disait-elle, c'est point tant la chose, comprenez-vous ; mais la menterie. Y a rien qui vous nuit plus que les mensonges qu'on vous port'.

Tous les jours elle parlait de son aventure, elle la contait sur les routes aux poneys qui passaient, aux pégases au bar du coin, à la sortie du SugarCube Corner le dimanche. Elle arrêtait même les griffons pour la leur dire. Maintenant la ponette était tranquille, et pourtant quelque chose la gênait sans qu'elle sût ce que c'était. On avait l'air de plaisanter en l'écoutant. On se moquait derrière son dos. On ne semblait pas convaincu.

Le mardi qui suivait, elle se rendit à la Foire encore, uniquement poussée par le besoin de narrer son cas. Maître Berry, debout devant son stand, se mit à rire en la voyant passer. Mais pourquoi ?

La ponette aborda Apple Fritter, qui ne la laissa pas achever et, en lui donnant un coup de sabot, lui cria à la figure :

- Gros cheval, va !

Puis la fermière déserta, laissant Maître BonBon surprise et inquiète. Pourquoi l'avait-on insultée d'une telle manière ?

Quand elle fut assise à table, dans l'auberge de Candy Mane, la jument se remit à expliquer l'affaire. Un pégase de Fillydelphia lui hurla :

- Allons, allons, vieille jument, je le connais, ton papier de bonbon !

Bonbon balbutia :

- Mais puisqu'on l'a r'trouvé ce portafeuille ?

Mais l'autre reprit immédiatement :

- Tais-toi, ma pauvr', y en a un qui trouve et y en a un qui r'porte. Ni vu ni connu, j't'embrouille.

La paysanne suffoqua. Elle avait finalement compris. On l'accusait d'avoir fait reporter le portefeuille par un complice. Elle protesta. Toute la table se mit à rire. Elle ne put finir son dîner et s'en alla sous les moqueries.

La jument rentra chez elle indignée, honteuse et remplie de rage et de confusion. Elle était écroulée et rejetée, et avec son accent de poney terrestre paysan, sous les accusations et jugements des autres qui devaient en rire puis se "vantaient" de connaître une telle ponette et son papier de bonbon, même si elle avait des arguments valables. Son innocence lui fut impossible à prouver désormais, sa malice étant connue. La pauvre se sentait frappée d'une injustice, de la cruauté impardonnable des personnes autour d'elle.

Alors elle recommença l'histoire, en l'allongeant, en ajoutant chaque fois des raisons nouvelles et des arguments plus forts, des protestations plus énergétiques, elle changeait parfois le ton de sa voix pour qu'on l'écoute, qu'elle préparait dans ses heures de solitude, l'esprit uniquement tourmenté par ce papier de bonbon et cette aventure. Lorsqu'elle trouva qu'un mot ne convenait pas, elle recommença son récit depuis le début en le changeant. Elle apprenait son histoire comme un poème, un chant. Pourtant, on ne la croyait pas plus qu'avant même avec sa défense plus compliquée ou ses arguments plus subtils.

- Ça, c'est des raisons d'menteuse, disait-on derrière son dos.

Elle s'énervait, se rongeait les sabots, s'épuisait en efforts inutiles.

Elle dépérissait à vue d'œil.

Les moqueurs lui faisaient conter désormais "Le papier de bonbon" pour s'amuser, comme on contait sa bataille contre les Changelings à celui qui avait combattu un Parasprite. Son esprit, qui avait atteint le fond du désespoir, s'affaiblissait. Vers la fin de décembre, elle s'enferma dans sa maison et ne sortit plus. Elle mourut dans les premiers jours de janvier et, dans le délire de l'agonie, la jument prouvait son innocence, répétant :

- Un papier d'bonbon... un papier d'bonbon... t'nez, le voilà, m'dame la maire.

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Note de l'auteur

Merci d'avoir lu !
Ceci est ma première fiction.

Note : "Maître" vient de la nouvelle de Maupassant, je n'ai pas voulu mettre "Maîtresse" car ça me semblait bizarre. Donc Maître BonBon est bien une femelle !

Note 2 : Le style de dialogue correspond à celui de Maupassant ; c'est pour cela que c'est écrit d'une manière étrange.


Un grand merci au validateur !

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Acrylique
Acrylique : #6046
lnomsim21 octobre 2014 - #6045
Je n'ai pas lu Maupassant, faisant une allergie à la littérature, en revanche j'ai bien aimé cette histoire, même si j'ai du mal à éprouver une quelconque pour BonBon qui au final ne récolte que ce qu'elle sème.

Peut être qu'en faisant profil bas plutôt que de tourner en récit épique sa mésaventure la chute aurait été différente.

Juste une petite chose en revanche, je crois que certaines phrases ont besoin d'être reformulées. En particulier au moment où elle trouve le papier de bonbon, je ne sais plus si tu dis elle en aura besoin ou elle pourra en avoir besoin, mais dans les deux cas, tu devrais utiliser du conditionnel et non du futur.


Merci pour ton commentaire !
Je vais relire le texte pour corriger les erreurs.
La chute provient également de la nouvelle originale de Maupassant, sur laquelle je me suis inspirée.
Il y a 3 ans · Répondre
lnomsim
lnomsim : #6045
Je n'ai pas lu Maupassant, faisant une allergie à la littérature, en revanche j'ai bien aimé cette histoire, même si j'ai du mal à éprouver une quelconque pour BonBon qui au final ne récolte que ce qu'elle sème.

Peut être qu'en faisant profil bas plutôt que de tourner en récit épique sa mésaventure la chute aurait été différente.

Juste une petite chose en revanche, je crois que certaines phrases ont besoin d'être reformulées. En particulier au moment où elle trouve le papier de bonbon, je ne sais plus si tu dis elle en aura besoin ou elle pourra en avoir besoin, mais dans les deux cas, tu devrais utiliser du conditionnel et non du futur.
Il y a 3 ans · Répondre
Acrylique
Acrylique : #5845
AlexiSonicKST18 octobre 2014 - #5839
Ah ce Maupassant... Quel tragédie...
Eh bien c'est très bien écrit, félicitations. Rien à redire, je me suis pas sentis replongé dans mes cours du lycée. ^^ Tu as bien respecté le style !

Merci !
Il y a 3 ans · Répondre
AlexiSonicKST
AlexiSonicKST : #5839
Ah ce Maupassant... Quel tragédie...
Eh bien c'est très bien écrit, félicitations. Rien à redire, je me suis pas sentis replongé dans mes cours du lycée. ^^ Tu as bien respecté le style !
Il y a 3 ans · Répondre

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