Sur le front, il y avait un moyen de résumer l’expression “peur panique” en un seul mot. En trois lettres même.
Gaz !
C’était devenu la crainte de tous les soldats. Un synonyme de mort implacable, qui saisissait à la gorge, d’un ennemi contre lequel on ne pouvait rien.
Gaz !
Tous les militaires vivaient avec la mort et ce, depuis le début de la guerre. Elle pouvait revêtir de multiples masques : on pouvait se faire déchirer les entrailles par une balle, on pouvait se faire réduire en charpie par un obus, on pouvait se faire éventrer pendant un corps à corps. Mais rien, rien, n’était comparable à ce sentiment là.
Gaz !
Quand on voyait le nuage s’élever sur le no pony’s land et porté par le vent, venir doucement jusqu’à ses lignes. Quand on savait qu’il suffisait d’une respiration, d’une seule, pour que l’arme chimique fasse son office. Une goulée d’air et on était fichu. Aussi simple que ça.
Et le pire dans tout ça c’était la panique. Le cerveau qui semblait se vider, le corps qui gelait littéralement sur place. On était comme paralysé, à attendre bêtement que la fumée empoisonnée vienne à soi.
Enfin, il y avait une autre réaction : celle de fuir à toutes jambes, le plus rapidement possible dans la direction opposée. C’était ce qu’avait décidé de faire la Licorne du Soleil Flank Sinatra. Techniquement, c’était plus ses pattes qui s’étaient mises à bondir seules hors de la tranchée, et à courir vite, très vite, en plaquant un mouchoir sur son museau par magie, mais dans l’absolu le résultat était le même. Flank faisait son possible pour faire ce qu’il faisait le mieux depuis toujours : s’en sortir sans casse.
Il courrait si vite qu’il avait l’impression que ses sabots effleuraient à peine le sol. Ils le touchaient pourtant, vu les mottes de terre qu’ils projetaient derrière eux. Mais Flank n’avait pas le temps de regarder en arrière. Et encore moins l’envie.
Autour de la licorne, le gaz gagnait du terrain. L’atmosphère prenait une teinte verdâtre de très mauvais augure. Le LdS entr'apercevait dans ce brouillard qui plongeait sur eux, des ombres et des silhouettes. Des solaires qui comme lui avaient quitté les tranchées ? Des lunaires qui profitaient de la confusion pour lancer une attaque surprise ?
Flank n’en savait rien. Il n’avait d’ailleurs même pas idée s’il se repliait bien en terrain impérial. Mais le fait qu’on ne lui tire pas dessus semblait confirmer cette hypothèse.
Le souffle de la licorne devenait court et une couronne de sueur se formait sous sa casquette d’officier. Mais Flank savait que c’était là l’effet le plus pervers de l’arme chimique. Quand on était essoufflé à force de courir. Qu’on hyperventilait. Qu’on prenait plus d’air pour se remettre en forme.
C’était là que le gaz faisait le plus de ravages. Qu’il transformait les poumons en éponge. Qu’il rongeait la chair de l’intérieur. Qu’il faisait monter une écume mousseuse aux lèvres.
Alors Flank s’accrochait. Et il continuait de courir.
Courir loin de la mort, c’était déjà vivre un peu.
High Style pesait une tonne. Ce n’était pas vraiment dans les habitudes de Twinkleshine de critiquer le poids de ses amies, surtout quand comme elle on avait quelques rondeurs sur les flancs, mais pour une fois la licorne faisait une entorse à ses règles. Et puis ce n’était pas comme si High pouvait lire dans ses pensées. Et même en admettant que la terrestre ait ce pouvoir, elle était un peu trop occupée à survivre pour se soucier de ce que pensait sa camarade.
Twinkleshine se demandait quel effet ça devait faire de recevoir un éclat d’obus dans le ventre. Elle avait été touché une fois, à la patte, par une balle qui avait ricoché. Luna qu’elle avait souffert. Alors quelque chose dans l’estomac ? Ca devait vraiment, vraiment faire mal.
High Style ne se plaignait pas au moins. Bon, le masque à gaz que Twinkleshine lui avait collé de force sur le museau devait aider. Il étouffait tous les sons qui provenaient de la ponette rose. Et quelque part, Twinkleshine en était contente. Elle aurait eu du mal à se concentrer si High avait passé son temps à lui hurler dans les oreilles.
Et se concentrer, Twinkleshine en avait besoin. Le gaz masquait tout, causant une panique monstrueuse. La licorne ne savait plus où étaient les lignes républicaines. Mais comme l’arme chimique avait noyé le nopony’s land sous un voile verdâtre, ça n’avait d’ailleurs plus beaucoup d’importance. La priorité, c’était de mettre le plus de distance possible entre elles et le gaz. On verrait à reprendre la guerre après.
Twinkleshine n’était pas une lâche. Elle aimait la république, elle se battait pour elle.
Elle tuait pour le régime de la Princesse de la nuit. Mais la ponette à la robe blanc cassé n’était pas suicidaire pour autant. Elle voulait voir la fin de la guerre. Elle voulait voir tomber Celestia. Et pour ça, il fallait qu’elle soit en vie jusque là. Sinon, à quoi tout ce qu’elle avait fait aurait servi ?
Hight Style gémit. Twinkleshine raffermit sa prise autour de son amie. Elle lui aurait bien dit de tenir bon, de s’accrocher mais la licorne était surtout concentrée à maintenir un bouclier magique autour de sa tête. Rien d’exceptionnel, ça n’aurait jamais arrêté une balle par exemple. Mais au moins, ça tenait le gaz éloigné. Et comme c’était toujours plus facile d’utiliser sa propre magie sur soi que sur une autre, c’était pour cela que Twinkleshine avait fait enfiler le masque à gaz à High.
Allez ma grande, pensa la licorne en jetant un oeil à son amie qui clopinait du mieux qu’elle le pouvait. Me lâche pas.
Foutu gaz. Si seulement il n’avait pas été là, Twinkleshine aurait foncé apporter sa camarade au dispensaire. Sur la ligne de front, les poneys du corps médical républicain tenaient plus du boucher que de l’infirmier, mais ils savaient garder les soldats en vie. Ne serait-ce que pour les renvoyer sur le champ de bataille plus tard.
Mais la cohésion avait été brisée dans les tranchées à cause du gaz. De leur gaz en plus. Un bombardement d’artillerie solaire, un obus qui tombait dans les bonbonnes et voilà. Panique.
La seule chose qui consolait un peu Twinkleshine, c’était que l’arme chimique foutait aussi un beau bordel chez les impériaux. Savoir que les poneys qu’elle voyait au sol n’étaient pas tous forcément lunaires, ça faisait du bien.
Savoir que dans le tas, il y avait aussi ses camarades, moins.
Twinkleshine se força à se reprendre. Tout ce qu’elle pouvait faire pour l’instant, c’était sauver High Style. Et elle allait le faire. Parce que c’était sa camarade, parce qu’elles se battaient sous le même drapeau. Parce que c’était son amie, aussi.
La licorne courait un peu au hasard. Le gaz lui avait fait perdre tout repère visuel. La ponette n’avait pas d’autre choix que d’y aller au museau, et prier Luna que la chance soit avec elle.
Twinkleshine crut distinguer quelque chose à sa droite. Elle s’en approcha doucement. Un portail se détachait dans le brouillard vert. Le genre de grand portail grillagé, qu’on trouvait devant les installations militaires. Un petit écriteau rouge et blanc ornait la grille d’un “défense d’entrer”.
La licorne poussa le portail du sabot. Un cliquetis métallique lui répondit. Cadenas.
Twinkleshine le voyait, liant les deux parties du portail ensemble. Rien qu’un tir précis de sa corne n’aurait pu briser, mais elle avait besoin de sa magie pour se protéger du gaz.
Ca lui ferait une belle patte si elle s’écroulait pour avoir levé son bouclier. Et ça n’arrangerait pas les affaires de High Style.
La ponette rose pointa quelque chose du sabot. Twinkleshine suivit la ligne imaginaire qu’elle désignait et vit ce qu’High voulait lui montrer. Un porte rotative de fer, avec des bras qui montaient jusqu’à son sommet, du genre qu’on utilisait pour filtrer les entrées. Et celle-là semblait ouverte.
Twinkleshine s’en approcha et toucha doucement les bras du sabot. Ils s’avancèrent sans résistance. Souriante, la licorne entreprit de passer avec son amie. Elle se retrouva confrontée à un problème évident : la porte avait été mise en place pour ne laisser passer qu’une personne à la fois. Et là, elles étaient deux.
La licorne manqua de jurer. Elles n’allaient pas mourir ici à cause d’un architecte qui avait trop bien fait son travail quand même !
L’instinct de survie décupla la force de Twinkleshine. Elle poussa de tout son poids contre les bras de la porte, qu’elle sentit céder dans un grincement de Tartare. Le mécanisme était en train de casser. Encore un effort...
Elle entendit quelque chose se briser à l’intérieur de la porte rotative et avant même de pouvoir s’en réjouir, fut emportée par son propre mouvement, et manqua de s’étaler le museau sur le sol. Derrière elle, les bras de la porte tournaient lentement dans le vide.
Twinkleshine se pencha et enroula une nouvelle fois la patte avant de High Style autour de son cou. Elles étaient passées ! Enfin quelque chose de positif dans cette foutue journée.
Maintenant la licorne voyait mieux ce qui lui faisait face, malgré le brouillard vert. Un grand bâtiment très laid et très rectangulaire. Ca évoquait un peu une administration ou quelque chose du genre. Mais en bien mauvais état : ça tenait plus de la ruine qu’autre chose. Les briques étaient décrépies, les murs sales comme tout. Mais les fenêtres semblaient intactes. High Style et elle auraient au moins droit à un peu d'étanchéité en attendant que le gaz se dissipe.
La licorne gravit l’escalier qui lui faisait face, ses sabots tapant durement contre la pierre. Elle enjamba la statue d’un poney qui se trouvait sur son chemin et atteignit la porte d’entrée. Une grosse porte en chêne, lourde et massive. Twinkleshine dut poser High quelques secondes pour pousser de ses deux pattes avant. La porte s’entrebâilla avec difficulté. La ponette nota que quelque chose frottait contre le chambranle.
Elle réussit néanmoins à ouvrir assez la porte pour se dégager un passage. Elle poussa High à l’intérieur puis entra elle-même, avant de refermer l’entrée. La porte se clôt dans un bruit sourd.
Dans le noir du bâtiment, Twinkleshine abaissa son bouclier magique pour pousser un soupir de soulagement. Elles étaient en sécurité. Au moins pour le moment.
Adossé contre un mur, maculant son uniforme de poussière, Flank essayait de prendre un peu de repos. Ce qui consistait plus à s'asseoir et à haleter jusqu’à temps que ça aille mieux. Mais peu importait : il était à l’abri du gaz.
Une sacré chance d’être tombé sur ce bâtiment abandonné. Le gaz avait noyé les environs de toute façon et la licorne n’était pas sûre qu’elle aurait pu continuer longtemps à courir bêtement devant elle.
Alors quand Flank avait vu ce grillage et cette porte rotative, il avait sauté sur l’occasion sans se poser de question.
Une fois à l’intérieur du bâtiment, il avait enfin pu ôter le mouchoir de son museau et respirer à pleins poumons. Un air vicié, qui puait le renfermé et l’abandon. Mais au moins, il ne tuait pas.
S'éventant avec sa casquette d’officier, le LdS se demanda ce qui avait bien pu mettre le bâtiment dans un état pareil : le sol était jonché de planches amassées en fatras, de morceaux de verre éparpillés un peu partout, de meubles renversés et cassés. La lumière filtrait par des fenêtres en forme de hublot, révélant les grains de poussière qui dansaient dans le noir. La moisissure dévorait les murs et ici et là, on pouvait voir des feuilles mortes.
Quand il s’était rué à l’intérieur de la bâtisse, il avait semblé à Flank apercevoir un emblème gravé sur le fronton de la porte d’entrée. Il n’avait pas très bien pu l’observer, à cause du gaz qui masquait tout dans son brouillard vert, mais il se souvenait de la forme générale. Une sorte de roue dentée, avec un sabot en son centre.
La licorne savait que ce symbole lui disait quelque chose, sans arriver à mettre la patte dessus. Ce n’était pas très important, mais ça tromperait son ennui.
Il ne pourrait sortir que quand le gaz serait dissipé et vu la quantité d’arme chimique à l'extérieur, Flank était prêt à parier sa corne que ça ne serait pas avant demain. Au mieux.
Le ventre du solaire se manifesta et son grondement résonna dans la pièce vide. Par automatisme, il s’excusa à haute voix avant de se rendre compte de la stupidité de son action. Il était tout seul ici, il n’avait pas à se défendre de...
Un grattement. Un grattement lourd et lent, quelque chose qui raclait le sol dans la pièce voisine. Le hall d’entrée.
Flank se glaça. Et si c’étaient des lunaires venus se cacher du gaz ici ?
Ca lui ferait une belle jambe d’avoir échappé aux émanations chimiques pour se faire lyncher, tiens !
Surtout que les lunaires haïssaient les Licornes du Soleil. Ce que Flank pouvait parfaitement concevoir. Mais loin d’approuver.
Il remit sa casquette et dérapa à moitié en se remettant droit sur ses pattes, son sabot plongeant en direction de son holster. Son pistolet à la crosse nacrée était bien là.
Ca ne changeait rien au fait qu’il savait à peine s’en servir - il connaissait les bases : le trou du canon en direction de l’ennemi et on tire avant lui - mais au moins il n’y allait pas les sabots nus. Et au pire, il avait toujours sa magie.
De toute façon, les choses allaient être simples. Un coup d’oeil dans le hall histoire de faire une reconnaissance. Au moins, Flank serait fixé. En plus si ça se trouvait, c’étaient d’autres soldats impériaux.
Pas que l’armée régulière solaire aimait beaucoup plus les LdS du reste, mais au moins ils ne les torturaient pas avant de les tuer. Il ne fallait pas se demander pourquoi Twilight Sparkle, chef de l’organisation, avait fait passer un mémorandum dans les rangs, conseillant aux Licornes du Soleil de prendre leur vie de leurs propres sabots en cas de capture.
Certains LdS avaient même adopté toute une technique : une pilule de poison qu’ils déposaient sur le col de leur uniforme. Ainsi quand ils étaient assaillis, débordés par l’ennemi, ils n’avaient pas à lâcher leurs armes pour avaler le comprimé. Il leur suffisait de tourner la tête sur le côté et de donner un coup de langue.
Rapide et efficace.
Flank avait sa propre pilule, quelque part dans une de ses poches de poitrine. Quelque part, ça lui rappelait le préservatif qu’il prenait toujours avec lui quand il sortait boire un verre le soir à Canterlot, à l’époque où il était adolescent. Il y avait une chance sur mille pour que ça serve, mais on ne savait jamais.
Il avait traversé la guerre en étant un étalon prudent. Lâche aussi, et Flank n’y voyait aucune honte. Il préférait être un pleutre vivant qu’un héros mort.
D’ailleurs, avec la guerre qui avait fêté ses dix ans l’an dernier, les héros n’étaient plus très nombreux. Oh, il y avait encore des gens comme le colonel Rainbow Dash et de leur côté, les lunaires avaient encore quelques poneys avec du cran, mais dans l’ensemble les soldats cherchaient plus à voir le soleil se lever le lendemain - façon de parler depuis que les astres étaient bloqués - qu’à gagner des médailles et des citations.
Flank se colla au mur et s’avança doucement jusqu’à l’ouverture de la porte, qui reposait pitoyablement sur le sol.
Des éclats de voix lui parvinrent. Des voix féminines.
_J’ai super mal, gémit-on.
_Retire pas le shrapnel ! ordonna une seconde voix. C’est l’obus qui te tient les tripes en place. Vire le et tu te vides comme un poisson.
_Mais putain, ça fait mal ! objecta la première.
_Je m’en doute, lui assura la seconde, d’un ton plus radouci. Je vais faire le tour du bâtiment, voir si je peux te trouver de la morphine ou un truc comme ça.
_J’ai pas envie de devenir accro...
_T’en fais pas, dès que le gaz s’est dissipé, on retourne au camp. Coldheart te filera des trucs pour pas que tu tournes junkie.
Flank analysa la situation.
Bon. De ce qu’il pouvait entendre, une des deux ponettes était grièvement blessée, l’autre non. Il ne savait toujours pas dans quel camp elles étaient, mais au pire, si elles se battaient pour la république, avec un shrapnel dans l’estomac, y en avait une qui était à priori hors circuit. La licorne avait déjà vu des soldats se battre dans des conditions atroces mais quand même.
_Tiens le coup High, insista la voix qui se rapprocha de la pièce où se cachait Flank. Je suis sûre qu’il y a des médocs ici, faut juste que je pose le sabot de...
La ponette passa l’ouverture de la porte à ce moment là et Flank dégaina son pistolet. Le temps qu’il le pointe sur elle, la jument avait dirigé sa propre arme entre les deux yeux de la licorne.
Malgré l’obscurité, Flank nota les couleurs républicaines de l’uniforme de la ponette sûrement aussi vite qu’elle, sa tenue de LdS. Ils armèrent le chien de leurs pistolets en même temps.
_Lâche ton arme, enfoiré de SLS.
SLS pour “sales Licornes du Soleil”. Le nom de baptême affectueux qu’avait donné la république aux porteurs de l’uniforme noir.
_Je te signale que toi aussi t’as un flingue pointé sur le crâne, répondit Flank. Alors pourquoi est-ce que ça serait pas toi qui pose ton arme ?
_Parce que moi je tremble pas comme une bleue, connard.
C’était vrai. Flank avait l’impression que son pistolet pesait une tonne et son sabot était agité de tremblements.
Avant qu’il puisse réagir, il vit soudainement la patte de son adversaire se tordre, retournant son arme. La crosse du pistolet frappa la licorne en plein visage.
Il recula par réflexe et le temps de reprendre ses esprits, il sentit qu’on lui arrachait son propre pistolet. Reculant encore, il trébucha sur la porte effondré et s’étala de tout son long. Il sentit des échardes se planter dans peau. Le seul avantage c’était qu’avec sa robe chocolat, ça resterait discret.
La ponette le dominait, pointant les deux armes sur lui. Flank déglutit. Et dire que ça allait se terminer comme ça. C’était trop bête.
_Twin ? appela la voix de la blessée dans la pièce d’à côté. Qu’est-ce qui se passe ?
_Un cafard, répondit sa camarade. Je l’écrase et y aura plus de problème.
Twin ? Un instant. La jument avait la robe plutôt claire. Une crinière qui semblait tourner autour du rose. Une corne aussi. Se pouvait-il que...
_Twinkleshine ? demanda t-il.
Malgré le noir, il vit la licorne tiquer.
_Tu me connais ?
_C’est moi, s’exclama t-il, Flank. Flank Sinatra !
La lunaire se tut quelques secondes, sans baisser ses armes.
_Qu’est-ce qui me prouve que t’essaye pas de m’arnaquer ?
_T’as qu’à allumer ta corne, proposa t-il. Tu verras bien.
Un nouveau silence suivit la déclaration de Flank.
Puis, la corne de Twinklshine s’entoura d’un halo alors qu’elle jetait un sort basique de lumière. Flank grimaça, aveuglé par sa crudité.
_Vire ta casquette et relève ton uniforme, ordonna t-elle. Je veux vérifier.
Flank s'exécuta. Il commença par ôter magiquement sa casquette d’officier LdS, libérant sa crinière bleue électrique, qu’une décade de guerre n’avait pas suffi à dompter. Puis, il releva lentement les pans de son uniforme de cuir, laissant loisir à Twinkleshine d’observer sa marque, un trombone.
_Merde, souffla la lunaire en arrêtant son sort.
_Je peux me relever maintenant ? demanda Flank.
_Tu portes un uniforme de SLS. Ca veut dire que je devrais te tuer.
_Déconne pas Twin ! Tu me connais, je ferais pas de mal à...
_Ca fait bien quinze ans que je t’ai pas vu. Les gens changent.
_Alors quoi, tu vas me buter ? Moi ? Après tout ce qu’on a vécu ?
Twinkleshine se pencha brusquement en avant, plaquant l’embout d’un des pistolets contre la gorge du LdS.
_Abuse pas trop, Flank. J’ai assez mal vécu le jour où tu m’as larguée comme un vieux fer. C’est peut-être pas dans ton intérêt de me rappeler tout ça.
_Ok, ok, s’exclama la licorne d’une voix rendue plus faible par la pression de l’arme de son ex petite amie sur sa trachée. Je peux tout t’expliquer si tu veux. Je te jure que je voulais pas que ça se finisse comme ça.
_Quel intérêt j’ai à écouter ça ?
_Ecoute au moins ma version, insista l’impérial. Tu pourras toujours me faire sauter la cervelle après si ça te chante.
Nouveau blanc. Puis soudainement, Twinkleshine retira la gueule du pistolet de la gorge de Flank.
_Ca marche, dit-elle en lui faisant signe de se relever. Mais au premier coup tordu, je te descends.
La voix de la ponette était d’une froideur mécanique. Elle ne bluffait pas.
La jument donna un coup de tête en direction du hall.
_Retourne à l’entrée.
Flank s'exécuta, de peur de recevoir une balle dans l’instant. Le sol était toujours aussi mauvais et il devait faire de grandes enjambées pour ne pas se prendre les pattes dans les débris.
Le hall était semblable à tout à l’heure, quand il l’avait traversé, à une exception notable : la terrestre rose en uniforme républicain, les pattes plaquées sur son ventre, un masque à gaz à portée de sabots. Elle releva la tête en voyant le couple s’avancer vers elle.
_Twin, demanda t-elle d’une voix pâteuse, qu’est-ce que tu fous avec une SLS ?
_Il se trouve que je connais ce fils de chienne et qu’il me doit quelques explications, souffla rageusement Twinkleshine en enfonçant le canon d’une des armes dans le dos de l’étalon pour le forcer à presser le pas. Alors lui et moi, faut qu’on parle. Mais d’abord, je veux te soigner. Et comme il est pas question de laisser une putain de Licorne du Soleil sans surveillance...
Un coup de crosse sur la nuque projeta Flank à plat ventre.
_Tu gardes un oeil sur lui jusqu’à ce que je revienne avec des médocs, entendit-il. S’il bouge sans ta permission, s’il essaye de se barrer, s’il essaye de t’attaquer, tu le descends. Compris ?
Flank releva juste assez la tête pour voir la ponette rose opiner du chef alors que son amie lui remettait son pistolet à la crosse de nacre.
_Je serais pas longue. Serre les dents.
Twinkleshine s’éloigna de quelques pas avant de stopper net, comme si elle avait oublié quelque chose. Elle fit demi-tour, revint près de Flank toujours étendu dans les débris, et lui flanqua un bon coup de sabot dans l’entrejambe.
La douleur fit ouvrir la bouche en o à la licorne et lui donna une brusque envie de vomir.
Satisfaite, Twinkleshine s’éloigna à nouveau.
A l’étage, Twinkleshine fouillait les étagères qu’elle avait sous le museau presque avec violence. Il y avait deux raisons à cela. Une, plus elle allait vite, et plus rapidement High Style pourrait avoir sa morphine. Deux, ça lui passait les nerfs. Taper dans les parties génitales de Flank ne l’avait pas assez calmée on dirait.
Elle ne s’était vraiment pas attendue à tomber sur lui en tout cas. Et encore moins au milieu d’un bâtiment délabré, cerné par le gaz toxique.
On aurait cru une de ces pièces de théâtre populaires qu’elle allait voir avant la guerre. L’amant dans le placard, ce genre de scénario idiot. Parce que se retrouver coincée dans un bâtiment en ruine avec un de ses ex, c’était vraiment un scénario stupide. La probabilité pour que ça arrive se montait à combien en plus ?
Pour un peu, Twinkleshine participait à la prochaine loterie républicaine tiens. Elle avait de solides chances de gagner.
La cerise sur le gâteau, c’était peut-être que Flank portait un uniforme des Licornes du Soleil. Il n’y avait pas pire unité dans tout l’Empire. Twinkleshine en savait quelque chose, elle en avait été membre. Oh très peu de temps. Assez pour vomir ses tripes quand elle repensait à ce que l’organisation faisait. Les LdS se disaient la police politique du régime, les gardiens de l’ordre et de la morale. Ils tenaient plus de bandits que d’autre chose.
En fait, il y avait deux types de Licornes du Soleil : les fanatiques et les criminels. Les premières tuaient et torturaient parce qu’elles avaient le cerveau abruti par la propagande qu’elles déployaient, les secondes se servaient de leur position pour donner libre cours à leurs plus bas instincts.
Le genre de poney qui avait sa place en prison.
Au début, Twinkleshine avait pourtant suivi le mouvement avec enthousiasme. Quand ce n’était encore qu’un club de soutien à la Princesse. C’était Twilight Sparkle qui l’avait convaincue de les rejoindre. Twinkleshine avait accepté sans arrière-pensée. Après tout, c’était un bon moyen de renouer avec la pupille de Celestia, qu’elle connaissait déjà un peu à l’époque où la licorne violette vivait à Canterlot.
Mais très rapidement, Twinkleshine avait regretté là où elle avait mis les sabots. Toutes ces licornes se prenaient beaucoup trop au sérieux, on avait plus le droit de plaisanter sur les alicornes.
La ponette blanche se souvint d’avoir eu une grande discussion à ce sujet avec son amie Colgate, qui lui avait sérieusement conseillé de quitter l’organisation sur le champ, si elle ne s’y sentait pas à l’aise. Elle aurait dû écouter la dentiste...
C’était le Massacre de Ponyville qui avait définitivement prendre conscience à Twinkleshine qu’elle s’était égarée. Voir un village qui n’était pas le sien, mais qu’elle aimait profondément être presque rasé et ses habitants tués...
Twinkleshine se rappelait avoir longuement pleuré cette nuit là.
Et au petit matin, elle avait déserté.
La guerre n’était qu’à ses premiers balbutiements, personne n’avait fait attention à elle. Elle avait pu rejoindre des amis à Fillydelphia qui l’avaient mise en contact avec des résistants.
Twinkleshine avait dû faire ses preuves et montrer sabot blanc, mais au fil du temps, elle avait gagné la confiance des résistants. Sa connaissance interne des LdS avait bien servi la cause. Du moins avant que l’organisation ne devienne encore plus extrémiste.
La licorne s’éloigna d’une étagère qu’elle venait de vider. Toujours rien. Elle devait bien trouver quelque chose pour High, elle ne pouvait pas la laisser dans cet état !
Une boite sur le mur accrocha son regard. Un cube blanc, bardé d’un sabot rouge. Elle se précipita dessus et lutta pour l’ouvrir. Elle tira tant et tant qu’un craquement se fit entendre et qu’elle bascula en arrière, le couvercle en plastique entre les dents.
Elle se releva, cracha le couvercle à terre, et s’approcha du kit de soin. Il y avait une bouteille d’eau oxygénée, des pansements, un garrot et...ah ! Trois petites ampoules, avec le mot “morphine” inscrit sur le verre.
Twinkleshine fit léviter les ampoules pour les observer dans un rai de lumière. Elles étaient pleines.
Elle augmenta la puissance de son sort pour prendre avec elle la seringue, et le garrot.
Puis elle rebroussa chemin.
Dans le hall, Flank s’était assis sur les fesses et observait sans dire un mot celle qui pointait une arme - son arme même - sur lui. Son sabot gauche comprimait sa blessure et sa patte droite était péniblement tendue en direction de la licorne. Flank savait très bien que malgré son état, il ne fallait qu’un soupir à la républicaine pour presser la détente. Et il aimait assez peu l’idée de se faire tuer par son propre pistolet. Il n’avait jamais été un grand fan de l’ironie de toute façon.
Il y avait quelque chose de curieux chez la terrestre, c’était sa crinière. Asymétrique avec le côté gauche deux fois plus court que le côté droit, elle était aussi bicolore. Indigo et rose fluo.
_Un carré plongeant, articula la ponette avec difficulté.
_Quoi ?
_Le nom de ma coupe, dit-elle en ramenant son sabot vers elle et en effleurant une mèche du canon du pistolet, ça s'appelle un carré plongeant.
_T’as l’air calée sur le sujet.
La ponette esquissa un sourire :
_Ca peut aider quand on est coiffeuse. Enfin, “était”.
Flank n’aimait pas trop penser à tout ça. A ce qu’ils faisaient avant la guerre, quand tout allait bien. Lui n’était qu’un gamin oisif à l’époque, mais il avait aimé cette vie. C’était plus agréable que de devoir se battre en tout cas.
_Tu sais, poursuivit la terrestre en grimaçant de douleur quand elle changea légèrement de position, j’ai coiffé des stars. Sapphire Shores est venue dans mon salon plusieurs fois. Et y a même une époque où j’ai travaillé directement pour Photo Finish. C’était quand elle avait dégotée cette petite pégase de Ponyville...Fluttershy. Elle aurait pu aller loin si elle s’était accrochée.
Fluttershy ? Ca disait vaguement quelque chose à Flank. Il avait dû la croiser dans les grandes fêtes de Canterlot, sans qu’elle lui laisse un souvenir impérissable. De toute façon, Flank avait passé la majeure partie de son temps dans ce genre d’évènement. Au bout d’un moment, ça finissait par se mélanger.
_Alors comme ça, tu connais Twin ? demanda la coiffeuse.
Le LdS hocha la tête.
_Vous vous êtes connus comment ?
_Au mariage de la princesse Cadence, y a presque vingt ans, intervint Twinkleshine en faisant son entrée dans le hall, entourée d’objets médicaux. J’étais demoiselle d’honneur. C’était un des invités.
_Ah, le grand mariage princier, murmura la ponette rose en ouvrant de grands yeux. Je devais aller à Vanhoover pour une grosse cliente. J’ai toujours regretté de pas avoir pu être à Canterlot ce jour là.
_Mis à part l’attaque des changelins et moi transformée en zombie, t’as pas raté grand chose, dit Twinkleshine en s’allongeant près de son amie.
_Ah oui, souffla la coiffeuse alors que sa camarade lui passait le garrot autour de la patte et cherchait la veine. C’est pas là que tu t’es réveillée comme une idiote dans les cavernes, à côté d’un bouquet de fleurs ?
_D’une, la reine des changelins m’avait lavé le cerveau. De deux, j’étais pas toute seule. Lyra et Colgate avaient pas l’air finaudes non plus.
Twinkleshine fit un mouvement de sabot en direction de Flank.
_Viens éclairer avec ta corne, toi.
_T’as dit que si je bougeais, vous me butiez, rappela la licorne chocolat.
_T’as décidé de me casser les sabots ou t’es juste con ? demanda son ex petite-amie. Ramène ta croupe ici et fais ce que je t’ai demandé.
Flank grommela et trotta jusqu’aux deux ponettes. Twinkleshine avait brisé le sommet d’une ampoule de verre et se servait d’une seringue pour en aspirer le contenu.
_Eclaire sa patte.
Flank lança son sort. La lumière rejaillit sur la robe rose de la malade. Twinkleshine écartait une partie des poils de son amie pour accéder à la veine. Elle prit la seringue et piqua.
La blessée grimaça de déplaisir alors que la licorne pressait doucement le piston.
_Je suis obligée de mettre un peu de temps, s’excusa Twinkleshine auprès de sa camarade. Tu comprends, High ? C’est de la morphine pure, faudrait pas que tu nous fasses une overdose direct.
La coiffeuse hocha doucement le museau, signe qu’elle avait compris.
Twinkleshine finit par injecter toute la solution et retira l'aiguille de la veine. Elle tendit un mouchoir à High, pour qu’elle l’applique en attendant la coagulation.
_Tu devrais essayer de dormir quand la morphine aura fait effet, lui conseilla gentiment la licorne. Tu vas avoir besoin de repos.
La terrestre opina du chef, se tassa sur elle-même, et ferma les yeux.
Quelques minutes plus tard, elle dormait.
_Tu sais qu’elle va pas s’en sortir, hein ? chuchota Flank.
_Ta gueule, lui répondit Twinkleshine sur le même ton.
_Twin, je dis pas ça pour te plomber le moral. Mais elle a un putain d’éclat d’obus dans le bide. Je sais même pas comment elle a pu tenir jusqu’à maintenant.
_Y a une chance sur mille pour qu’elle s’en sorte. Et je suis prête à la courir pour elle. Comme toi tu le ferais pour un de tes camarades.
Flank souffla par les naseaux.
_Pas vraiment.
Twinkleshine le regarda avec des yeux ronds.
_Parce qu’en plus d’être des psychopathes, les LdS laissent crever les membres de leur unité ? Belle mentalité...
_C’est pas ça que je voulais dire.
Mal à l’aise, Flank fit quelques pas dans les débris.
_Je veux dire que si je me trouvais dans la même pièce qu’une LdS qui avait un shrapnel dans le ventre, je la laisserais sûrement en plan.
_Tu fais partie de l’organisation, rappela Twinkleshine. Et t’aiderais pas un collègue ?
_Ouais, je porte un uniforme noir, c’est vrai, concéda t-il, mais va pas croire que j’approuve une seconde ce qu’on y fait. C’est mon père qui a fait jouer de ses appuis pour que j’entre dans les Licornes du Soleil. Que ça envoie une image de bon patriote, tu vois ?
Le père de Flank, était un des plus grands capitaines d’industrie d’Equestria. Depuis le début de la guerre, il s’était démené pour que l’Empire devienne le client quasi exclusif de ses usines.
Flank savait que son géniteur agissait moins par fibre loyaliste, que pour bénéficier les largesses impériales une fois le conflit terminé.
_J’ai passé tout mon temps chez les LdS à faire ce que je sais le mieux faire : de la paperasse. J’ai fait la guerre de derrière un bureau, Twin. J’ai jamais pointé une arme sur personne. Mais ça t’avais dû le remarquer.
_Alors qu’est-ce que tu fous là ? La place des planqués, c’est plutôt à l’arrière non ?
La licorne marron eut un sourire triste.
_Va dire à ton armée d’arrêter d'aligner les LdS quand elle les voit. Le dernier responsable du secteur a été assassiné y a quelques mois et c’est moi qui ai été muté à sa place. Je me disais qu’avec la guerre de position, je resterais peinard dans les tranchées, mais...
_Le gaz, compléta Twinkleshine.
_Ouais.
Les deux poneys regardèrent dans la même direction, vers la porte d’entrée. Par une fenêtre adjacente, on voyait encore l’extérieur, noyé dans le brouillard vert.
_On dirait qu’on en a encore pour un bon moment.
_Demain matin, ça devrait être assez dissipé, commenta la licorne blanche.
_Donc en gros, on en a pour combien de temps ?
_J’ai pété ma montre dans les tranchées, dit Twinkleshine en agitant le sabot. Mais je dirais que dans cinq ou six heures, ça sera bon.
_Qu’est-ce qu’on fera après ?
_Je ramène High Style dans nos lignes. Et toi, tu viens avec nous. T’es prisonnier de guerre.
Flank souffla par les naseaux.
_Une LdS prisonnière de guerre ? C’est le synonyme républicain pour “torture avant exécution sommaire”, non ?
_On est pas tous aussi horribles que vous, objecta la ponette d’un ton froid.
_C’est ça, ironisa son ancien amant. C’est d’ailleurs pour se marrer qu’on a des pilules de poison dans nos poches et qu’on est entraînés à les prendre en moins de cinq secondes.
Twinkleshine leva les yeux au plafond.
_Désolée Flank, mais tu vas pas me faire pleurer sur les SLS. Je veux bien compatir pour le troufion de l’armée régulière, mais plaindre ta police politique...faut pas pousser la botte de foin.
_Comme nous avec vos commandos, alors. Je suppose que ça fait un partout.
Twinkleshine lui concéda le point en silence. Le silence du hall fut brisé par un nouveau grondement de l’estomac de Flank, qui se rendit compte qu’il n’avait toujours pas mangé.
La licorne blanche lui fit un petit sourire :
_Toujours aussi discret...
Elle se dirigea vers son sac et en tira un sandwich qu’elle coupa en deux. Une moitié pour elle, l’autre pour l’impérial.
Flank dévora plus qu’il ne mangea ce que venait de lui offrir son ancienne petite amie. Tout en dégustant son sandwich, Twinkleshine s’était accroupie près de High, et vérifiait son pouls.
_Tu sais, dit le LdS en s’asseyant sur une pile de débris, ça me fait repenser à la fois où on était allés à la garden-party de Fancypants.
_Quand on avait découvert que le buffet avait été “visité” par Pinkie Pie et que Fleur a dû commander des pizzas pour tout le monde ? demanda Twinkleshine avec une ombre de sourire sur les lèvres.
_Ouais. Même que Fancy a insisté pour te donner la dernière part de celle aux anchois alors que lui, il avait rien mangé. C’était quelqu’un de bien.
Twinkleshine baissa les oreilles, signe tacite de son approbation.
_C’est con qu’il se soit pris cette balle à la place de Blueblood, murmura t-elle en se relevant.
_C’est con que beaucoup se soient pris des balles, ajouta Flank avec philosophie.
Un nouveau blanc. Twinkleshine le brisa par un profond bâillement.
_Je suis claquée, dit la licorne en se massant le cou. On devrait dormir quelques heures. Faudra être en forme demain.
_Tu vas pas m’attacher ou un truc du genre ? demanda Flank.
_Le gaz est encore partout, rappela la jument blanche. Tu peux pas sortir du bâtiment. Et quelque part...je me dis que j’ai envie de te faire confiance sur ce coup là.
_Confiance ? répéta le LdS alors que Twinkleshine dégageait un espace dans les débris pour s’y allonger.
_Tu m’as bien révélé ce que tu foutais chez les SLS. Et je pense que tu me mens pas. Alors on va dire qu’en souvenir du bon vieux temps, je t’accorde le bénéfice du doute pour cette nuit.
La licorne voulut remercier sa soeur de race mais elle ajouta quelque chose alors qu’il entrouvrait la gueule :
_Ce qui veut pas dire que j’ai plus envie de te foutre une balle. Mais bon.
Flank soupira, et se dégagea lui aussi un espace propre pour dormir. Il trouva un bout de carton assez propre où il put s’allonger. Dans le noir, il distinguait la forme de la robe blanche de Twinkleshine, juste devant lui.
Il essaya d’éviter de penser au fait que demain, il serait conduit jusqu’à une base lunaire pour y être interrogé. L’espace d’un instant, l’envie d’avaler sa pilule de poison le traversa. Mais il arrêta sa patte à mi-chemin de sa poche intérieure.
Après tout, peut-être qu’il pourrait s’échapper demain. Twinkleshine ne pouvait pas soutenir High et le surveiller lui. Il avait encore une chance de s’en sortir.
Autant choisir la vie.
Flank ferma les yeux, roula sur le dos et trouva rapidement le sommeil.
Il les rouvrit soudainement quand il sentit un poids sur son estomac et deux grands iris bleus emplir son champ de vision.
_Twin ? balbutia t-il, l’esprit encore ensuqué de sommeil.
_J’arriverais pas à dormir tant que tu auras pas répondu à ma question, déclara la licorne sans bouger ses sabots du ventre de l’étalon. Je veux savoir pourquoi est-ce que tu m’as plaquée.
_Twin...
_J’ai le droit de savoir ! s’exclama t-elle avec force. On est restés trois ans ensemble et du jour au lendemain, tu me vires. Sans explication. J’ai partagé plus que ton lit, Flank. On a parlé de nos rêves, de nos peurs, de nos doutes...je me suis confiée à toi ! On a vécu ensemble ! Quand une histoire se termine, la moindre des choses c’est de poser les choses à plat avec l’autre ! Alors pourquoi ? Pourquoi ?
Flank se mordit les lèvres. Il savait que ce jour devait arriver. Celui où il devait justifier le comportement qu’il avait eu auprès d’elle.
La guerre lui avait fait espérer que cette discussion n’arrive jamais. Il avait tort.
_Ok, dit-il en prenant doucement les sabots de la licorne et en les posant sur le sol. T’as raison. T’as le droit de savoir.
Il prit une grande inspiration.
_Je t’ai larguée parce que j’ai été lâche, Twin. Tout simplement. Mon père ne t’aimait pas beaucoup, je pense que tu dois t’en souvenir. Il pensait que t’en voulais qu’à la fortune familiale.
_Ton père est un con s’il croyait ça.
_Je te contredirais pas là dessus...mais voilà, après notre troisième anniversaire de rencontre, mon père m’a posé un ultimatum. Soit j’acceptais de prendre la tête du groupe à Manehattan et je rompais avec toi, soit il me déshéritait et coupait les ponts avec moi.
_Ton père a fait ça ? s’étonna la licorne.
_Ouais, confirma Flank en hochant la tête. Et j’ai fait ce que je fais de mieux : être lâche. J’ai accepté le marché de mon père. Je suis parti à Manehattan. Puis, il y a eu la guerre, les LdS...tu connais la suite.
Twinkleshine resta silencieuse un long moment.
_Ca veut dire que t’étais pour rien dans tout ça...
_Non ! Je t’ai quand même plaquée !
_Mais t’étais forcé de le faire, murmura t-elle pensivement. Je peux tout à fait comprendre que tu n’étais pas prêt à abandonner ta famille juste pour une petite amie.
_Dis pas ça, Twin. Je t’ai traitée comme de la merde et...
_Si je dois être en colère contre quelqu’un, c’est contre ton père, poursuivit-elle en le coupant. Pas contre toi.
Elle prit une grande inspiration et posa son sabot sur celui de Flank.
_Je suis désolée de t’avoir détesté à cause de ça. Désolée de t’avoir mal jugé. Et désolée de t’avoir frappé aussi.
_C’est vrai que tu m’as fait mal tout à l’heure...
_Je suis toujours un peu brutale dans le feu de l’action, gloussa Twinkleshine en frottant fugacement son museau à celui de l’impérial. Tu devrais le savoir.
Flank sourit.
_Et bien je suppose que c’est la nuit idéale pour se pardonner.
_Pourquoi ça ?
_T’as oublié ? C’est la Veillée Chaleureuse ce soir.
_Mince, s’exclama t-elle. J’avais complètement zapé.
Elle se tut et regarda autour d’eux.
_Si on m’avait dit que moi, la républicaine, je passerais la Veillée Chaleureuse de cette année cernée dans un bâtiment par du gaz, avec mon ex que se trouve être une Licorne du Soleil...
_Et que dirais-tu simplement de la passer avec un ami ? proposa Flank en levant les sourcils.
_Ca je devrais pouvoir le faire, sourit la licorne en serrant l’étalon dans ses pattes.
Les deux poneys restèrent enlacés longtemps. Jusqu’à temps que le sommeil ne les prenne en réalité.
Mais le réveil fut aussi brutal que l’assoupissement fut doux.
Des cris, des lumières dans les yeux. Des bruits de pas, de l’agitation.
Twinkleshine se réveilla la première pour voir le grand hall occupé par une douzaine de soldats de l’armée régulière républicaine. Deux poneys avaient tendu un drap sur une forme adossée contre un mur.
La première pensée consciente de la licorne fut pour High Style. La pauvre n’avait pas passé la nuit. Elle espérait au moins que la morphine lui avait permit de partir sans douleur.
La deuxième pensée de la jument fut quand ses camarades l’arrachèrent brutalement de sa position allongée. Elle ne comprenait pas. Les portes étaient grandes ouvertes et des soldats n’arrêtaient pas d’entrer et de sortir.
Un officier se présenta devant elle et lui affirma qu’elle était accusée de désertion de poste et d’intelligence avec l’ennemi.
Elle essaya de se défendre, d’expliquer que c’était la faute du gaz, mais le soldat lui dit de garder ses objections pour la cour martiale. On l’escorta de force hors du bâtiment. Elle cria, essaya de se dégager mais les poneys étaient plus forts qu’elle.
Elle tourna la tête juste assez pour voir Flank qui lui faisait un petit signe du sabot alors qu’il était lui aussi, conduit hors de la bâtisse.
Twinkleshine marcha de force jusqu’au grillage désormais ouvert, où patientait un transport de troupes. On la fit grimper à l’intérieur.
Le véhicule s’ébranla et se mit en marche. La journée était belle et l’air pur. Une odeur agréable flottait dans l’air. Un mélange de fleurs.
L’écho d’un peloton d’exécution résonna jusqu’aux oreilles de la licorne.
Au loin, un oiseau chantait.
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J'ai bien aimé !^^
Donc vous l'avez compris, c'est une fic a couper le souffle.