Il était une fois une jeune pouliche à la longue crinière dorée, la robe grisâtre et d’une douzaine d’années qui était seule, très seule. Elle voyageait à travers un monde sombre, triste et froid. C’était ainsi qu’elle le percevait, en tout cas. Elle n’avait plus de parents, plus de famille, plus d’ami. Rejetée de tous, évitée comme la peste, haïe telle une sorcière… Elle ne faisait que survivre, en volant de la nourriture la nuit, se cachant dans l’Everfree Forest le jour.
Nadya n’aimait pas les poneys et c’était parfaitement réciproque. Heureusement pour elle, la petite était bien aimée des animaux. Elle redevint heureuse lorsque chiens, chats, oiseaux et autres animaux lui rendaient visite dans un abri de fortune qu’elle trouva dans une partie de la forêt où elle restait. Elle jouait avec eux, dormait avec eux, se réveillait avec eux, savait se faire comprendre – et elle-même les comprenait. La nuit, ses compagnons l’aidaient même à dérober de quoi se sustenter et, une fois leur chasse terminée, ils mangeaient tous ensemble dans la joie et la bonne humeur. Nadya retrouva le sourire et cette vie continua pendant un long moment.
Mais vint un jour où l’un des animaux tomba malade. D’une raison inexplicable, tout d’une fois. C’était un petit chien brun de quelques mois, abandonné par ceux qu’il considérait comme ses amis mais qui n’avaient visiblement plus besoin de lui. Peut-être était-il une gêne ? Nadya se souvint avoir vu ces deux poneys, un étalon et une jument, attacher l’animal autour d’un arbre. La dame avait quelque chose dans les bras, quelque chose qui faisait du bruit et qui était enveloppé dans un grand tissu blanc. La petite se remémora également ce que l’étalon avait dit. « Désolé, tu ne peux plus rester… Ce n’est pas bon pour le petit. » Nadya trouvait ça injuste. Après qu’ils furent partis, elle alla directement détacher le petit chien.
— Ne t’inquiète pas, je vais m’occuper de toi. Ces poneys sont méchants. Moi, je ne t’abandonnerai jamais, lui avait-elle dit en le serrant tendrement dans ses bras.
Il n’était là que depuis trois jours. La veille encore, il se portait très bien, ils avaient joué longtemps jusque très tard dans la nuit. Cependant, ce jour-là, il n’allait pas bien. Il était allongé, essoufflé, pris d’une forte fièvre. Nadya et les autres animaux restèrent avec lui toute la journée, s’inquiétant pour la pauvre bête qui semblait souffrir le martyr. À chaque aboiement de douleur, quelque chose semblait se déchirer en elle. À chaque soupir accompagné d’un son presque inaudible, son cœur se serrait violemment. Puis vint un moment où le chiot regarda la petite pouliche. Un regard que jamais elle n’oubliera. Dans ses yeux, elle pouvait déceler le bonheur et la gratitude. Elle comprit tout de suite que l’animal lui était reconnaissant de lui avoir permis de rester auprès d’elle, de jouer avec, de le nourrir et de l’aimer. Mais elle vit également autre chose… Et sans qu’elle ne sache pourquoi, sa vision se brouillait. Des larmes coulèrent le long de ses joues et ça ne voulait pas s’arrêter. Et puis elle comprit. Nadya prit l’animal – son ami – dans ses bras. Elle sentit, près de son oreille, un dernier soupir du petit chien et ensuite, plus rien.
Cette nuit-là, personne ne vola de nourriture. Elle et les animaux étaient en deuil d’un de leur très chers amis. Elle creusa un trou avec ses seuls sabots. Elle choisit la plus belle roche qu’elle puisse trouver et s’en servit comme pierre tombale. Après, tour à tour, chaque bête déposa un petit cadeau d’adieu pour le petit chien brun. Tantôt une fleur, tantôt une noisette, tantôt une carotte. Ensuite, tous réconfortèrent Nadya qui pleurait seule, dans l’arbre creux où elle avait l’habitude de dormir. Soit par un câlin, soit par une léchouille, et ils dormirent tous ensemble.
Mais ce n’était que le début. Le lendemain, plus de la moitié de ses amis subissaient le même sort que le petit chiot brun. Mêmes symptômes, mêmes agonies, tous étaient mourant. Nadya paraissait perdue. Elle aussi elle souffrait, mais d’une autre manière. Elle avait mal au cœur. Pourtant, elle n’était ni malade, ni blessée. Plus elle regardait les animaux et plus sa douleur grandissait. Qu’avaient-ils fait pour mériter pareil sort ? Qu’avait-elle fait pour qu’elle ait à subir la perte des seuls êtres qui l’appréciaient à sa juste valeur ?
Et dans chacun de leurs regards, elle voyait la même chose. De la gratitude. Du bonheur. Le daim, avec qui elle avait toujours été depuis qu’elle vivait dans ces bois, poussa un dernier grognement avant de rendre son dernier souffle. Un grognement qui signifiait quelque chose pour Nadya, car elle avait appris à les comprendre. « Ce n’est pas de ta faute », avait dit le daim. Et c’était ce que signifiait chaque aboiement, chaque miaulement, chaque pépiement. Pourtant, intérieurement, elle se sentait fautive…
En l’espace de quelques jours, tous ses compagnons périrent. Nadya se retrouvait à nouveau seule, dans un monde sombre, triste et froid. La petite alla dans un village, en plein jour, depuis fort longtemps. Quand elle regardait les poneys qui le peuplaient, elle décelait de la peur et de la colère dans leurs yeux. Elle fut prise d’une soudaine douleur au niveau de la tête, qu’elle frotta de son sabot et y découvrit un liquide rouge et visqueux. Elle observa les alentours et remarqua qu’on lui avait jeté une pierre.
— Sorcière ! Démone ! C’est la fille maudite ! hurla un villageois.
— C’est la diablesse qui apporte la mort ! continua une vieille jument d’une voix paniquée.
Nadya était terrorisée. Elle voulait fuir, mais elle était encerclée par plein d’équidés armés de cailloux, de fourches et de torches. Elle pleurait, elle hurlait, elle suppliait qu’on la laisse tranquille, qu’elle ne remettrait plus jamais les pieds ici. Malheureusement, les villageois n’entendaient guère ses paroles et continuaient de lui lancer pierres et autres objets, la parsemant de coups et blessures.
Puis une roche vint se fracasser en plein milieu de l’arrière de son crâne. Elle s’écroula sur le sol, presque inconsciente. Elle hoquetait, gémissait, sanglotait, mais aucun des villageois n’avait de compassion pour elle. « Je suis désolée » se répétait-elle avec une voix cassée, presque inaudible.
Les voix qui hurlaient lui parurent lointaines. Sa vision s’obscurcissait au fur et à mesure que le temps passait. Elle avait froid, soudainement. Pourtant, le soleil de Celestia brillait au-dessus de sa tête. Et puis, elle comprit. Elle eut un soupir de soulagement. Elle allait retrouver tous ses amis et à nouveau, ils joueraient ensemble, mangeraient ensemble, dormiraient ensemble.
Et elle quitta ce monde sombre, triste et froid qu’elle haïssait tant, avec petit sourire.
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Bon, j'avoue que ça fait longtemps que je n'ai plus écrit et que ça pourrait grandement être amélioré. x)
Bravo, c'est très bien raconté !
En tout cas, merci bien pour ton commentaire. ^^