Bargain part.2

Sticky Fingers avait suivi l'étrange poney qui l'avait abordé au coin d'une ruelle un peu plus tôt. Il lui avait promis de l'emmener dans un endroit ou l'on pouvait s'amuser pour peu que l'on ai des bits. Il avait donc trotté à la suite de son guide et avait fini par arriver face à un bâtiment qui semblait être un peu isolé du reste de la ville. Il y avait une grande enseigne lumineuse aux teintes roses et rouges. Il avait passé un certain temps à observer d'un air fasciné les divers néons lumineux qui clignotaient, animant grossièrement une représentation de jument entrain de danser d'une manière des plus sensuelles.
Ce fut l'étrange poney qui l'avait conduit ici qui du l'arracher poliment à sa contemplation, non sans rouler des yeux, pour lui dire que davantage de merveilles l'attendaient à l’intérieur ; le tout sur un ton de confidence enjoué qui avait eu pour effet d'attiser davantage la curiosité et l'excitation du demi dragon...

« Suis-moi, je connais la partenaire de jeu idéale pour toi. lança soudainement le mystérieux poney.

-J'aime beaucoup ici. Ça brille de partout. Où est-ce qu'on va ? fit le kirin d'un air distrait, essayant de contrôler ses instincts à propos des jolies choses qui brillent.

-Héhé, comme tu as l'air d'un client fortuné, je t'emmène dans un petit salon privé. Il marqua une courte pause. Tu verras, y a énormément de machins qui brillent. ajouta-t-il finalement.

-Tu as parlé d'une partenaire de jeu ? souffla Sticky, de plus en plus impatient.

-Oh oui, bien sûr. Elle te plaira. »

Le mystérieux poney s'arrêta alors devant une porte richement décorée, au fin fond de cet étrange club où l'obscurité se disputait à la clarté presque aveuglante des néons, des paillettes et des miroirs. Il n'y avait pas beaucoup de monde, mais les rares clients semblaient passer un excellent moment.
Sans poser davantage de questions, Sticky passa la porte sans un regard pour son guide, atterrissant dans une sorte de petit salon très confortable.
L'oreille du kirin frétilla légèrement en entendant un petit clic derrière lui. Juste un petit clic. Il n'était pas enfermé. Sa légère nervosité retomba alors, et il commença à faire le tour des lieux.
Une boule à facettes brillait de mille couleurs, projetant ses enivrantes taches de couleur sur les murs, les faisant doucement danser en tournoyant lentement. Un léger brouillard flottait dans la pièce, captant les lumières qui le traversaient, dessinant de magnifiques rayons fantomatiques qui semblaient onduler.
Le demi dragon passa longuement sa main dans l'étrange fumée, comme s'il tentait de se saisir de ses rayons colorés. Il était littéralement fasciné par ce qu'il trouvait autour de lui. S'il avait un jour la chance d'avoir un endroit rien qu'à lui, il voudrait certainement le décorer de cette manière.

« Hé bien... roucoula alors une voix toute proche. Il semble que j'accueille un charmant visiteur aujourd'hui.

-Bonjour, qui es-tu ? demanda simplement Sticky en se tournant vers le rideau d'où semblait provenir la voix.

-Moi ? Je suis ton hôtesse et je suis là pour m'occuper de toi, beau garçon. »

Sticky Fingers tomba alors assis dans le sofa tout proche en écarquillant les yeux, voyant apparaître une magnifique demoiselle à travers le rideau.
Elle avançait vers lui avec grâce et élégance, sa queue ondulant sensuellement dans son sillage, ses yeux étaient d'un jaune doré des plus envoûtants et son sourire joueur était absolument charmant.
Le demi dragon déglutit, légèrement nerveux, tandis que l'élégante dragonne venait s'asseoir tout contre lui.
Ses écailles étaient d'un bleu magnifique. Elle était grande, une bonne tête de plus que Sticky. Sa silhouette était gracieuse, ses ailes délicatement repliées dans son dos, sa queue précautionneusement et délicatement enroulée autour du bassin du kirin.
Ce dernier était muet de stupeur.

« Alors, beau garçon... On dirait que c'est la première fois que tu vois une dragonne. susurra-t-elle d'un ton amusé avant de lever un doigt pour effleurer la joue de son invité. Tu es une drôle de créature, mais je te trouve charmant. Elle marqua une pause en souriant légèrement. Est-ce que tu veux que je t'aide à nettoyer tes jolies écailles ? demanda-t-elle en dardant discrètement sa langue avec un clin d’œil.

-Heu... Sticky hésita, un peu dérouté. J-je peux le faire tout seul, pourquoi tu me dis ça ?

-Héhé, tu es adorable. Tu dois être un jeune adulte, sans grande expérience. souffla la dragonne d'un ton mielleux, approchant son museau du cou du kirin. Mais je peux te montrer des jeux d'adulte. »

Ce disant, elle passa une main griffue dans la crinière du demi dragon avec affection. Puis elle frotta doucement les écailles de son cou du bout de son museau, arrachant un léger frémissement de la part de son invité. C'est alors qu'elle y déposa ses lèvres, faisant preuve d'une grande légèreté avant de se mettre à lécher soigneusement le bord des larges phanères protégeant la gorge du kirin.
Ce dernier fut alors parcouru d'un frisson qui déclencha en lui un sentiment de bien être et de détente.
Ayant atteint son premier but, la dragonne posa ensuite sa main sur la cuisse de Sticky, caressant sa fourrure en relevant vers lui un visage souriant.

« J'aime ta fourrure... Tu es à moitié poney ?

-Oui. acquiesça doucement le demi dragon en hochant la tête, son visage ne montrant plus aucune forme de gêne. J'aime beaucoup quand tu me caresses. ajouta-t-il en fermant les yeux.

-Évidemment. souffla la dragonne. Je suis là pour te faire du bien, alors laisse toi faire... ajouta-t-elle en continuant ses caresses, les faisant de plus en plus aventureuses.

-Tu sens bon... murmura Sticky. Cette odeur, elle m'apaise. J'ai l'impression de la connaître.

-Hmm, ah oui ? chuchota l'hôtesse en continuant de faire briller les écailles du kirin avec sa langue, tout en caressant l’intérieur de ses cuisses. Tu peux la respirer tant que tu veux, tu peux même y goûter si tu en as envie.

-Y... goûter ? répéta le demi dragon, baissant des yeux mi-clos sur la dragonne. Je peux...? » Il se pencha alors doucement, puis embrassa la joue de la demoiselle.

Puis soudainement, quelque chose sembla se réveiller en lui, comme un lointain souvenir qui referait surface.
Cette odeur, où l'avait-il déjà sentie ? Pourquoi les caresses de cette dragonne lui semblaient aussi apaisante, aussi bienfaitrices ? Il ne connaissait même pas son nom, il ne l'avait jamais rencontrée avant, elle était une inconnue, alors pourquoi était-elle aussi gentille ? Et pourquoi se sentait-il flotter dans un étrange état de liesse tandis qu'elle s'occupait de lui ? 
C'est alors que l'hôtesse, sentant peut-être une hésitation chez son invité, se redressa légèrement puis, sans prévenir et sans hésiter, posa doucement ses lèvres contre celles du kirin.
Celui-ci écarquilla alors les yeux. Il avait déjà embrassé des gens autrefois. La plupart du temps, on le grondait d'ailleurs, en lui disant que ce genre de choses ne se faisaient pas sans un consentement mutuel. D'habitude, c'était agréable, comme si le mélange des salives déclenchait une réaction magique et agréablement enivrante. Mais cette fois-ci, c'était totalement différent. Ce baiser avait un goût plus acide, moins agréable. C'était presque comme si leurs salives refusaient de se mélanger.
C'est alors que Sticky Fingers sentit la main de la dragonne remonter un peu plus loin sur ses cuisses, beaucoup trop loin.

« Non ! s'exclama-t-il dans un souffle, s'emparant du poignet de l'hôtesse. Pas ici, surtout pas.

-Ah ?... Tu es vraiment timide. La dragonne soupira, non sans cesser de sourire. Très bien, ne bouge pas mon beau garçon. »

Ce disant, elle se redressa complètement et se dirigea vers un minibar duquel elle tira deux boissons colorées qui semblaient très sucrées.
De son côté, le kirin sentait son cœur ralentir, son état euphorique se faisait plutôt nostalgique, il se détendit davantage. Il venait de comprendre, et il ne savait pas quoi penser de tout cela. Mais de toute manière, il n'avait pas l'envie ni l'habitude de trop penser. Il s'était toujours fié à son instinct.

C'est donc sans réfléchir qu'il attrapa délicatement le verre qui lui était tendu avant de le renifler distraitement. Ça sentait bon, c'était coloré, fruité, et frais. Il le vida d'un trait. Il trouva cela délicieux, mais un petit arrière goût lui brûla légèrement la gorge et le palais. Heureusement, il ne dura pas longtemps.

« Comment tu t'appelles ? demanda le demi dragon tandis que son hôtesse le débarrassait de son verre vide.

-Je... Elle secoua légèrement la tête, fronçant les sourcils avant de retrouver le sourire. Tu peux m’appeler comme tu le désires mon joli.

-Ah oui ?... Alors je vais t’appeler Ceylanne. C'est joli, ça te va bien... Oui, je t'imagine bien t’appeler comme ça. »

La dragonne haussa doucement un sourcil avec un léger sourire en coin et vint s'asseoir un peu plus près du kirin, laissant échapper un petit rire mélodieux.

« Je vois, comme les pierres de Ceylan ? Tu trouves que mes écailles ont cette couleur ?

-Oui. Comme les miennes. Souffla Sticky qui commençait à se sentir bizarre.

-Ça nous fait un point commun alors... Elle approcha son visage du sien. Est-ce que tu veux un autre baiser ?

-Non. Je n'aime pas t'embrasser. statua simplement le demi dragon qui se sentait de plus en plus étrange. J'aime quand tu me caresses, quand tu es contre moi, ton odeur... Mais je n'aime pas quand tu me touches à des endroits où tu devrais pas ! déclara-t-il en se relevant du sofa.

-Heu... Ah. Ah bon. balbutia la surnommée Ceylanne en se relevant à son tour. Écoute, c'est pas grave, reste, on pourra s'amuser quand même. Tu veux poser ta tête sur mes genoux pendant que je te caresse la crinière ? C'est ça que tu aimes non ? »

Sticky Fingers fronça les sourcils et se saisit du verre encore à moitié plein de son hôtesse. A travers, il examina de nouveau la pièce, ses jolies couleurs lumineuses, sa brume surnaturelle.
Il vida alors le verre d'une traite et continua de le tenir du bout de ses griffes.

« Non. Je ne veux pas faire ça. répondit-il finalement. Il y a quelque chose de mal dans tout ça.

-Qu... Quoi ? La dragonne marqua une pause, gardant son calme. Écoute, t'as l'air du genre ingénu, mais tu devais bien savoir dans quel genre d'établissement tu t'aventurais non ?

-Non. répliqua immédiatement Sticky d'une voix grave. Je suis stupide, je ne sais rien, et je m'attire des ennuis à cause de ça. Il se tourna pour observer la dragonne à travers le verre qu'il tenait toujours. Mais je suis gentil, n'est-ce pas ? Je m'entends bien avec les enfants... parce-que c'est ce que je suis, non ? Comment j'aurais pu grandir de toute façon ? Seul. »

Ceylanne plissa alors légèrement les yeux et retourna s'asseoir sur le divan, un brin sur la défensive.

« Ok, écoute... fit-elle calmement. Je connais pas ton histoire, mais je crois que tu as l'alcool un peu mauvais. Aller, viens te détendre avec moi, assied-toi, tu as dit que tu aimais bien mon odeur non ?

-Oui. Oui je l'ai dit. Le verre entre les griffes du kirin se fissura légèrement tant il le serrait sans s'en rendre compte. Mais cette odeur, je la connais, et toi je ne te connais pas. Pourtant... Il frémit, et le verre éclata entre ses doigts griffus. Pourtant, tu es comme je l'ai toujours imaginé. Et les choses ne sont jamais comme on les imagine ! s'exclama-t-il en faisant un pas vers la dragonne. Ton odeur, c'est la même que celle de la coquille dont je suis sorti. Je l'ai gardée longtemps, juste pour avoir l'odeur de ma maman.

-H-hey, doucement ! fit nerveusement la dragonne, apparemment déconcertée. Je suis désolée, je crois que je t'ai servi un alcool un peu trop fort, ok ? Aller, viens te reposer et... »

Elle s'interrompit en voyant son invité secouer négativement la tête. Puis se dernier se dirigea doucement vers la sortie avec un visage bien sombre.

« Attends, hey, reste au moins une heure entière ! lança Ceylanne en se levant du sofa. T'as payé pour, fais pas l'idiot !

-Tais-toi !! s'écria alors Sticky qui renifla alors légèrement. Je n'aime pas l'odeur de ce brouillard, non. Non, je ne l'aime pas du tout. Je n'aime pas cette boisson qui me rend bizarre. fit-il en portant une main à son crâne. Et je pense que je n'aime pas, non, pas du tout le fait que tu ressembles à ma maman... A la manière dont je l'imagine. Il marqua une pause, réprimant une petite larme. Mais comme je suis stupide, elle ne peux pas être comme j'imagine. Je ne sais pas qui tu es... Mais deux personnes ne peuvent pas avoir la même odeur. Même pas les jumeaux. C'est impossible, impossible... Il redressa la tête et se tourna lentement vers la dragonne. Tu ne peux pas exister, tu me fais peur... Adieu. »

A ces mots, le cœur serré, l'esprit embrumé par l'alcool et l'âme en émoi, le kirin passa la porte du petit salon pour aller retrouver ses amis. Au moins, eux, ils étaient réels, ils ne le mettaient pas aussi mal à l'aise. C'était même le contraire.
Et si au moment de partir, Sticky Fingers avait jeté un dernier regard à la dragonne, il l'aurait vu disparaître, comme un tas de cendres soufflé par une bourrasque invisible. Comme un brouillard infiniment dense qui se dissipe finalement.

**

« M-monsieur ! Notre établissement ne dispense pas ce genre de services... Je vous en prie, reprenez-vous. » couina la demi changeline, plaquée contre le mur de son hammam par son client.

Ce dernier la fixait droit dans les yeux, la transperçant presque du regard. Il n'en revenait pas. Il sentait en lui un mélange incroyablement douloureux de haine, d'incompréhension et de frustration. Le tout brassé dans un profond et inextricable sentiment de tristesse et de mélancolie.

« Je répète ma question ! vociféra Soft Machine. Qui es-tu ?! aboya-t-il en plaquant plus violemment encore sa victime contre le mur. Un changelin qui aurait survécu à la guerre ? Tu essaie de me soutirer de l'amour ?

-Non ! M-monsieur, je vous en prie, je suis une hybride, je vous l'ai dit ! J-je m'appelle Sand Rose, j'ai quitté le désert pour ouvrir un hammam après que mon mari m’ait quitté suite à ma fausse couche. Je vous assure, je ne vous veux aucun mal. »

La jument commença alors à trembler, effrayée et perdue.
L'épais brouillard de vapeur s'élevant de l'eau chaude du hammam commença alors à s'épaissir tandis que Soft luttait contre des sentiments de plus en plus violents. Il avait toujours été calme, réfléchit, ne cédant jamais, si ce n'est que rarement, à une quelconque forme d'emportement. Mais là, c'était trop pour lui, il n'arrivait plus à le supporter. Aussi éleva-t-il de nouveau le ton :

« Menteuse ! Mon épouse s’appelait Sand Rose ! Sa mère lui avait offert un bandana pour fêter notre mariage ! Et elle est morte de sa fausse couche ! Alors maintenant répond moi : comment se fait-il que tu possèdes son apparence ? Et comment peux-tu savoir autant de chose sur elle ? Je veux une réponse !! »

La demi changeline se laissa alors glisser le long du mur jusque sur le sol en laissant échapper un léger sanglot tandis que son agresseur la relâchait enfin.

« Je vais tout vous dire... Mais je vous en prie, ne criez plus... Je déteste quand les gens crient.

-Je sais. répondit sèchement Soft Machine. Tout comme mon épouse.

-Écoutez... Ce matin, je me suis réveillée dans ce hammam, je n'avais aucun souvenir. gémit Sand Rose. Puis j'ai vu cette personne avec une grande cape, sa voix était horrible, il était suivi par un horrible brouillard violet. Elle renifla en passant ses sabots autour de son ventre. Il m'a ensuite dit qu'il allait me rendre mes souvenirs, que quelqu'un viendrait bientôt me voir et que je devrais tout faire pour qu'il soit heureux. Elle marqua une pause et frémit un bref instant. Puis il m'a touché le front, et j'ai retrouvé tous mes souvenirs. Je me souviens de toutes ces choses, et je ne sais pas pourquoi je ressemble à votre épouse, je vous en prie... Je veux juste...

-Tais-toi. souffla le demi changelin, terrifié, faisant un pas en arrière. C'est de la folie. De la folie pure... Tu n'es rien d'autre qu'une illusion insufflée de souvenirs. Des souvenirs qui m'ont été volé ! Puis qui ont été modifiés !

-Non, n-ne dites pas ça ! Je sais qui je suis ! J'avais juste perdu la mémoire ! C'est vous qui délirez ! Qui me dit que ça n'est pas vous l'illusion ? Le voleur de souvenirs ! »

Un long silence tomba tandis que le brouillard s'épaississait encore et encore, l'eau continuant de chauffer dans le bassin.
Sand Rose était terrifiée, roulée en boule contre le mur en essayant de retenir ses sanglots.
De son côté, Soft Machine était au bord de la rupture d'anévrisme. Il se replia alors dans ses propres souvenirs, dans ses connaissances, cherchant à retrouver son esprit logique et à se débarrasser de la désagréable impression qui le tenaillait : celle de se retrouver coincé dans le brouillard le plus total.

« Très bien... souffla-t-il au bout d'un moment. Je veux que tu te concentres Sand Rose. Si tu es une hybride, tu peux capter l'amour et t'en nourrir. Il ferma les yeux et les rouvrit doucement, plongeant son regard dans ceux de la demi changeline. J'ai aimé mon épouse plus que tout au monde ; tant et si bien qu'une partie de moi est morte en même temps qu'elle. J'ai continué de vivre ma vie à moitié, continué de n'être plus que l'ombre de Soft Machine. Et toi, tu ressembles tellement à celle que j'ai perdu, que je sens mon amour se réveiller, et c'est douloureux. Alors maintenant dis-moi... Est-ce que tu peux voir cet amour ? Est-ce que tu peux t'en nourrir ? »

Sand Rose avait écouté attentivement, un brin apaisée par le ton beaucoup plus doux et mesuré de son interlocuteur. Ce qu'il disait était triste, tellement triste. Elle aurait aimé pouvoir y faire quelque chose. De plus, en se raccrochant aux souvenirs encore flous qu'elle avait récemment retrouvé, elle avait effectivement l'impression que son époux avait pu ressembler à l'hybride en face d'elle. Elle ne comprenait plus rien à tout cela.
Cependant, elle ferma doucement les yeux et pris une grande inspiration avant de faire légèrement briller sa corne, plongeant ensuite son regard dans celui de Soft Machine. Comment connaissait-elle ce nom ? Elle ne le savait pas. Toute cette histoire commençait à lui tourner la tête.
Puis elle se mit soudainement à sourire en voyant l'amour du demi changelin flotter autour de lui. Il s'agissait d'une aura volatile, d'un rouge légèrement rosé, fragile comme la flamme d'une bougie, mais bien présente.
Elle se concentra ensuite pour tenter de l'absorber...

« Je... Je n'y arrive pas. couina-t-elle. Je n'arrive pas à absorber votre amour. 

-Je m'en doutais... souffla alors Soft Machine. Seuls les changelins et les hybrides peuvent s'en nourrir. Il s'agit de quelque chose que personne ne peut expliquer. Nul ne sait s'il s'agit d'une antique malédiction ou d'un trait fondamentalement mystérieux, propre à cette race insectoïde... Ce n'est pas une chose que l'on peut recopier à partir de simples souvenirs. Il tourna le dos à Sand Rose et afficha une expression sévère. Si je retrouve le fou qui t'a créé, je le détruirais.

-Attendez, de quoi est-ce que vous... Non, non je suis réelle ! Ne dites pas des choses pareilles ! Je ne veux pas disparaître ! lança-t-elle, en proie à une panique naissante.

-Chut... Ne crains rien Sand Rose. murmura Soft Machine sans se retourner. Tu ne disparaîtras jamais de mes souvenirs, tu seras toujours avec moi. Mais celui qui t'a utilisée doit être puni. Repose en paix ma chérie, tu ne mérites pas d'être réduite à une pauvre illusion... »

A ces mots des plus sincères, ces mots que le demi changelin n'avait jamais osé dire, pas même à lui-même... Tout autour de lui se mit à tomber doucement en poussière. Le hammam, les décorations, les murs du bâtiment. Puis le brouillard se dissipa enfin, juste avant que la fausse Sand Rose ne soit soufflée comme un tas de cendre...
Soft Machine se trouvait au beau milieu d'une vieille bâtisse en ruine qui menaçait de s'écrouler ; rien de tout cela n'avait été réel.
Il releva alors doucement la tête et tendit le sabot pour récupérer son turban qui gisait sur les restes d'un vieux mur écroulé depuis bien longtemps. Il le noua ensuite soigneusement, puis commença à y faire circuler son énergie magique, accumulant petit à petit de la puissance.

« Oui, jouer avec le cœur des gens est impardonnable. » grogna-t-il en quittant les ruines du vieux bâtiment.

**

« Hey ! C'est quoi ton problème !! s'écria Sugar Free en grimaçant à la réaction excessive de l'étalon.

-Bon sang ! s'exclama l’intéressé en s'essuyant la bouche. Tu ne peux pas embarquer un mec dans les toilettes d'un bar et lui rouler une pelle comme ça !

-Quoi ?! Personne s'est jamais plaint ! Et puis tu devrais être content ! Tu m'as bassiné pendant deux plombes à me dire à quel point tu m'admirais, que j'avais été un modèle pour toi ! protesta vivement la jument.

-Ouais ! Hé bien je pense que c'est le moment de rajouter un détail, je suis gay ! riposta Gold Experience. Et sérieusement... dans les chiottes ?? renchérit-il avec une grimace.

-Attend, quoi ?! Tu m'as baratiné, tu m'as payé à boire et t'as pas arrêté de me regarder ! Depuis quand c'est pas draguer ça ?! s'emporta Sugar Free avant d'hésiter quelques secondes. Et puis ouais, les toilettes, une ruelle crade... Quelle différence ? Les mecs sont jamais pointilleux de toute façon.

-Moi, je suis pointilleux ! assura la licorne bleu pâle en rajustant la chemise que la pégase lui avait presque arrachée. Cependant, je suis désolé si tu as cru que je te draguais, c'est juste... Il soupira. Que j'ai toujours voulu être comme toi, c'est tout.

-Bah tiens... La jument roula des yeux,reculant pour s'asseoir sur le rebord d'un lavabo. Je vois le genre. Tu t'es identifié toute ta vie à une idole féminine, tu voulais être comme elle, et c'est pour ça que t'as viré pédé !

-Je ne t'imaginais pas aussi grossière. maugréa Gold. Mais peu importe, on idéalise toujours ses idoles. Il alla s'asseoir à côté de la jument. Mais non, ton analyse, en plus d'être incroyablement grossière, est totalement fausse. Il passa un sabot dans sa crinière. Je voulais avoir ta liberté d'esprit, ta présence sur scène, ton talent... peut-être même ton charme naturel. Il marqua une pause, rajustant sa cravate. Quand j'étais ado, je fantasmais sur toi. Il laissa échapper un petit rire. Et puis j'ai découvert mes préférences, et mon admiration pour toi est devenue platonique, pour ainsi dire.

-C'est dingue comme on se fait chier avec toi... maugréa Sugar Free en roulant des yeux. Tu dis que tu voulais ma liberté d'esprit ? Pourtant t'es là, à me casser les couilles sur mon choix de t'embarquer dans les chiottes, sur ma manière de parler, et avec ton air outré ! T'es rien comme moi mec ! »

Gold Experience afficha une expression profondément blasée, si ce n'est un brin agacée, et tourna la tête vers son idole.

« Je ne t'ai jamais vue comme une sorte de punk qui fait ce qu'elle veut au mépris des conséquences... Mais j'imagine que tes managers te faisaient jouer un personnage que tu n'étais pas, quand tu montais sur scène. souffla-t-il sur le ton de la conversation.

-Ouais, pour une fois t'as raison. Elle marqua une pause et soupira. Bon, est-ce que j'ai ma chance où alors t'es vraiment, vraiment très pédé ?

-Écoute Sugar Free... grommela l'étalon en massant ses tempes, sentant poindre une migraine. Déjà, arrête d'utiliser ce mot, ça sonne vachement sale dans ta bouche.

-Héhé, tu peux pas savoir tous les trucs sales qui peuvent rentrer dans ma bouch-hey ! Attend ! s'exclama finalement la pégase en rattrapant l'étalon qui semblait en avoir ras le bol. Ok, ok, je vais la refaire. Elle toussota. Est-ce que j'ai mes chances, ou alors tu aimes vraiment pas les nanas ? »

Gold Experience réprima un petit rire, puis se retourna pour faire face à la pégase avant de soupirer.

« Je suis flatté, mais non, c'est pas possible. Il marqua une pause, faisant mine de réfléchir. D'ailleurs, je dois dire que tu es vraiment bien conservée pour une dame de plus de... Il sembla se lancer dans un bref calcul mental. Cent vingt-quatre ans, trois mois, deux semaines et quatre jours. conclut-il finalement. Et puis, tu es devenue la star numéro un extrêmement rapidement à l'époque.

-Bah... fit la jument en haussant les épaules. A l'époque, Coloratura avait laissé le champ libre après avoir disparue de la scène public. J'ai récupéré son agent, et tu connais la suite.

-Oui, je connais l'histoire. Mais tu dis que c'est toi qui est allé le chercher ? C'est pas plutôt à lui de dénicher des talents ? questionna l’étalon.

-Héhé... Il m'a suffit de lui montrer tout ce que je savais faire avec mon corps pour le convaincre. répondit la jument dans un ricanement à peine masqué.

-Je peux savoir pourquoi tout tourne autour du sexe chez toi ?

-Tu veux qu'on reparle de ta chanson de tout-à-l'heure ?

-Ah, rien à voir ! Il s'agit d'humour. Et sans aucun terme vulgaire ! justifia Gold. On ne rit d'un sujet que lorsque l'on a aucun problème avec ce dernier. Toi, tu as as cru qu'être l'héroïne de cette chanson signifiait que j'avais envie que tu m'embarques dans les toilettes... acheva-t-il avec une grimace.

-Ouais, ok, ça va ! soupira Sugar Free en poussant un râle d'exaspération. Toi aussi tu fais dans l'illusion, tu joues un personnage sur scène ! C'est notre métier, point barre ! J'ai compris. N'empêche, j'y ai cru... ajouta-t-elle en renâclant brièvement. Elle était sympa ta chanson...

-Merci. souffla la licorne au crin blanc avec sincérité. Venant de toi, j'apprécie beaucoup. Mais dis-moi, qu'est-ce que tu es au final ? Un clone ? Un zombie ? Un accident de voyage temporel ? Ou alors tu es un vampire qui s'est nourri de sang frais tous les jours pour conserver son immortalité et sa jeunesse après avoir simulé sa mort ?

-Heuuu... hésita la pégase. C'est pas la même chose un zombie et un vampire ?

-Mais non. Enfin, t'as pas lu de bouquins ou quoi ? Il marqua une pause. Ouais, pour résumer, les vampires, c'est quand même bien plus cool.

-Ouais, je vois. Sugar Free bailla avant de soupirer. En tout cas, tout ce que je sais, c'est que je me suis réveillée dans un cimetière, complètement amnésique. Comme après une cuite monumentale.

-Ah, ça appuie la thèse du zombie ! taquina Gold.

-Oh, la ferme ! soupira la jument. Bref, y avait ce mec, genre très mal en point, qui s'est approché de moi et qui m'a rendu mes souvenirs en me touchant la tête. Puis il a disparu en disant que mon plus grand fan allait bientôt arriver.

-Ouais, je vois... Un genre de nécromancien. souffla l'étalon avec un sourire complice. Il a retrouvé ton âme au fin fond de Tartarus, l'à imbriquée de force dans un cadavre tout frais qu'il avait modifié tout spécialement avec sa magie morbide, et te voilà de retour, dans le seul et unique but d'essayer de te taper l'un de tes rares fans masculin qui ne soit pas hétéro ! Il marqua une pause et laissa échapper un rire amusé avant de finir sur un soupir. Ouais, je lirais même pas cette histoire dans un vieux comics si je devais patienter deux heures dans la salle d'attente d'un dentiste.

-Ouais... C'est la misère de ressusciter pour un truc aussi con. souffla la pégase. En tout cas, je suis contente que tu sois devenu un fan à titre posthume. C'est quoi l'histoire ? T'as volé des vinyles de mes chansons à ton arrière grand-mère ?

-Heu... Gold écarquilla les yeux. Comment tu le sais ? »

Après un court moment de silence et un bref soupir, les deux poneys éclatèrent de rire.

« Bon aller, sérieusement, t'es qui ? Un sosie ou quelque chose du genre ? T'es de la famille de la vraie Sugar Free ?

-Hey. protesta la pégase. Je t'ai dis la vérité ok ?

-Haha, écoute... la licorne au crin blanc s'avança pour poser un sabot sur l'épaule de la jument. Sugar Free est morte depuis longtemps maintenant. Elle a eu une carrière magnifique, je suis sûr que tu connais l'histoire par cœur... Mais à cause du stress, du surmenage, et peut être aussi à cause de la drogue, elle a fini par nous quitter, morte sur scène, comme tous les artistes en rêvent. Il marqua une pause. Arrête d'essayer de te faire passer pour elle, il faut accepter d'aller de l'avant. On continuera de l'aimer même si elle nous a quitté. Il offrit un sourire radieux à la pégase et passa un sabot amical dans sa crinière. Excuse-moi de pas pouvoir rester discuter, mais je dois retrouver mes amis avant que la nuit tombe.

-Espèce d'idiot... Je n'ai jamais pris de drogues. C'était une maladie qui me pendait au museau depuis longtemps... Je voulais juste inquiéter personne. Mais merci, merci de continuer de m'admirer... Sugar Free renifla légèrement en laissant une larme couler sur sa joue, puis elle leva un sabot. A plus dans une prochaine vie Gold... »

A ces mots, la pégase disparue comme un tas de cendre balayé par une bourrasque invisible.
Gold Experience resta planter là un long moment, la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés.
Et ce n'est qu'après une longue minute de parfaite immobilité qu'il s'étrangla :

« Sans déconner ?... »

**

« T-Twilight... Hey, calme toi. Tu me fais un peu peur là. balbutia Sunset Shimmer en reculant d'un pas.

-Tais-toi ! aboya l'alicorne dont les yeux étaient noyés de magie noire. Tu me prends pour une idiote ? Tu empestes la nécromancie. Hors de mon chemin ! »

A ces mots, un rayon de magie noire transperça la poitrine de la licorne au couleurs crépusculaires. Une matière noire et visqueuse qui n'était définitivement pas du sang gicla alors hors de sa bouche. Puis ses yeux s'écarquillèrent et ses pupilles se rétrécirent tandis qu'elle baissait le regard sur le trou béant creusé dans sa cage thoracique. Ses lèvres formulèrent alors le mot ''pourquoi'' juste avant qu'elle ne disparaisse, comme un tas de cendre soufflé par le vent.
Twilight pivota ensuite sur elle même, cherchant quelques chose du regard, comme un prédateur cherchant sa proie.

« Je sais que tu es là fossoyeur ! Montre toi immédiatement ! » hurla-t-elle.

Elle se retourna alors doucement pour continuer de faire courir son regard sur le reste du cimetière.
Puis elle sursauta brusquement, s'étant retrouvé museau à museau avec celui qu'elle cherchait. Par réflexe, elle fit un bond en arrière en utilisant ses ailes.

« Hrrrg... gargouilla la créature. Pourquoi l'as-tu détruite ?

-Tu oses poser la question ? grogna l'alicorne qui tentait visiblement de contenir sa magie noire. Tu ne peux pas souiller la mémoire des morts en fabriquant des marionnettes de chair à leur image et en leur injectant de faux souvenirs ! Je devrais te... Arrrgh...! »

Elle tituba, portant un sabot à son crâne douloureux. Elle essayait de lutter, elle faisait de son mieux pour ne pas se laisser dominer par sa colère.
Cela dit, il était toujours tentant de se laisser complètement aller. Ainsi, elle cesserait d'avoir mal, elle pourrait se défouler et oublier quelque temps sa douleur en détruisant tout ce qui ne lui plaisait pas.

« Twilight Sparkle... s'étrangla le fossoyeur qui se mit à grimacer horriblement. Rarrh, raahhr... Kof kof kof, b-b-b... Beuwaaaaaaaargh...! Il pencha la tête pour vomir une immonde masse gluante et mauve. Aahhh... soupira-t-il, visiblement soulagé. C'est ce que tu veux vraiment pourtant. Pourquoi te contentes-tu de réincarnations ? Je peux t'offrir tes véritables amies, celles que tu veux vraiment revoir. Elle seront similaires en tous points avec les originales. Elles auront leurs souvenirs. Il prit une grande inspiration, comme s'il manquait d'oxygène. Personne ne veut de la dure réalité, elle est bien trop triste... Un doux mensonge, une apaisante illusion, qu'y a-t-il de mal à cela ? N'est-ce pas naturel que de vouloir être heureux ?

-Heureux ?! Comment peut-on être heureux en se berçant d'illusions ? les marionnettes de chair que tu sculpte dans des cadavres n'ont même pas d'âme !! » vociféra l'alicorne en continuant de réprimer doucement sa magie noire.

Le fossoyeur ne répondit rien, au lieu de quoi il s'approcha d'une tombe dans laquelle il plongea son sabot sans aucune difficulté, broyant le marbre sous son sabot, déchirant le bois du cercueil.
Il agrippa alors ce qui s'y trouvait et le hissa hors de son trou...
Twilight grimaça. Entre ses atroces migraines dues à son retour de magie noire, son incompréhension et son dégoût, elle se sentait malade, elle avait envie de vomir.

« Arrête... Arrête ça... » souffla-t-elle, suppliant presque.

Mais la créature ne l'écouta pas, tirant de la tombe une Sunset Shimmer toute neuve.
La princesse de l'amitié tomba alors à genoux, émotionnellement épuisée par tout cela.
Cependant, elle ne parvenait pas à quitter des yeux le corps de la jument qui reposait tranquillement, endormie sur le gravier parsemant le cimetière... Elle ressemblait parfaitement à celle qui était venue en Equestria voler sa couronne. A celle qu'elle avait affrontée, puis qu'elle avait appris à pardonner ; pour finalement l'aimer comme une véritable amie.
Le fossoyeur se pencha alors sur le corps inanimé et lui toucha le front, ce qui eut pour effet de réveiller sa création. Cette dernière se hissa doucement sur ses sabots, comme après un long sommeil, avant de secouer la tête et d'écarquiller les yeux en voyant celle qu'elle considérait comme sa meilleure amie dans un aussi piteux état.

« Twilight ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ? J-je vais t'aider, ne bouge pas ! »

La fausse Sunset Shimmer se pencha alors sur l'alicorne qui tentait de fuir, reculant maladroitement tandis que l'illusion de son ancienne amie l'approchait.
Mais elle ne parvenait pas à bouger, elle ne parvenait pas à fuir. Quelque chose l'attirait, quelque chose lui disait d'accueillir son amie entre ses sabots. Une voix profondément enfouie en elle lui soufflait de profiter de ces retrouvailles, d'oublier qu'elles n'étaient pas réelles.

« É-éloigne toi de moi... gémit la princesse de l'amitié. Tu... Tu n'es pas la vraie Sunset.

-Hein ? De quoi tu parles ? Tu as de la fièvre, tu dois délirer. déduisit la licorne orangée en portant un sabot au front de son amie. Ne t'inquiète pas, ça va aller, je m'occupe de toi. »

Twilight sentit des larmes monter doucement à ses yeux. Sa magie noire semblait s'affaiblir tout doucement. La manière dont Sunset la touchait, la manière dont elle lui parlait, sa respiration, son odeur, son regard, son sourire... même cette petite pointe d'angoisse dans le ton de sa voix était parfaite. Et plus l'alicorne notait ces détails, plus elle se sentait apaisée.
L'énergie sombre qui nimbait son regard disparue alors tout doucement, un mince sourire se dessina sur ses lèvres, et ses yeux plongèrent dans ceux de la licorne qui là tenait désormais entre ses sabots.

« Sunset... Est-ce que ça pourrait... Est-ce que ça pourrait bien être toi ? Je pourrais t'emmener avec moi au château, et on vivrait toutes les deux ? Pour toujours ? »

Cependant, ce fut le fossoyeur qui répondit à Twilight, tandis que cette dernière semblait être perdue dans un délire engendré par le surmenage et une trop forte dose de magie noire.

« Bien sûr que oui. Hrrrm... Elle pourrait être la vraie Sunset Shimmer. Il faut simplement que tu retrouves son âme, comme tu as retrouvé celle de tes anciennes amies... Mon maître pourra alors l'arracher au poney qui la possède et la placer dans le corps que j'ai fabriqué, avec les souvenirs que j'ai pu récolter en toi. »

L'alicorne était sur le point de s'évanouir. Si elle restait éveillée, ça n'était que pour savourer un bref instant la promesse de ce fossoyeur. Mais elle ne pouvait pas accepter, n'est-ce pas ? Elle ne pourrait pas négocier avec la mort, réunir un corps, des souvenirs et une âme... Pourtant, la théorie était simplement parfaite, tous les éléments étaient réunis. Mais elle ne pourrait jamais sacrifier des poneys innocents pour leur arracher leur âme. Elle était même curieuse d'avoir considéré cette option. Avait-elle le droit de sacrifier des vies éphémères afin d'apaiser son éternel tourment ?
Elle n'avait pas de réponse à cette question. Elle était perdue. Elle trouvait tout cela répugnant, et pire que tout, elle se trouvait répugnante d'y songer.
C'est alors que, par un réflexe subconscient, l'alicorne en perdition porta un sabot à son oreille, y effleurant la gemme qui y était attachée. Puis elle sombra dans l’inconscience.

« Très bien... Hrrrm... Laisse moi t'emmener voir mon maître. » gargouilla le fossoyeur en s'approchant doucement.

Cependant, la fausse Sunset Shimmer s'interposa entre son amie et l'étrange créature.

« Reste où tu es ! Je t'interdis de la toucher, monstre !

-Ah hah... ricana le poney difforme. Tu es une marionnette très réussie. »

Ce disant, la brume violette qui semblait toujours accompagner la créature s'avança doucement et commença à engloutir la fausse Sunset, qui ne comprenait rien de ce qui se passait ni de ce qu'elle faisait ici. Elle essaya alors de se débattre, de chasser ce brouillard nauséabond. Mais ce dernier avait déjà commencé à ronger ses chairs, la décomposant et la faisant fondre comme un poney de neige sur lequel on projetterait de la vapeur à très haute température.
Un cri d'agonie plus tard, la licorne aux couleurs du crépuscule avait complètement disparue, littéralement dévorée par le brouillard.
A présent, plus rien n’empêchait le fossoyeur de s'emparer de l'alicorne, afin de l'emporter vers son mystérieux maître.

« Pas un pas de plus le gros moche !! » lança soudainement une voix.

La créature baveuse, toujours suivie de son brouillard, se retourna alors lentement, écarquillant ses yeux surnaturels en faisant face à trois poneys qu'il ne s'attendait pas à voir.

« Vous... Que faites-vous là ? Il pointa son sabot vers Gold Experience. Toi, tu ne faisais que penser à ton idole en pénétrant dans cette ville. Pourquoi n'es-tu pas resté auprès d'elle ?

-J'avais rendez-vous. répliqua immédiatement l'étalon avec un sourire narquois. Et puis elle s'est désintégrée quand je lui ai dit qu'elle ne pouvait pas être vivante. ajouta-t-il en haussant les épaules.

-Quoi ?! Mais il ne faut jamais... Arrrrrrgh. Le fossoyeur grimaça alors lourdement et tituba avant de vomir de nouveau une infecte masse mauve et fumante. Il ne faut jamais convaincre un revenant de sa propre mort ! Il grogna, apparemment exaspéré, puis releva la tête en pointant Sticky Finger du sabot. Toi, le kirin. Les simples d'esprits préfèrent le bonheur illusoire à la réalité ! Pourquoi ne pas être resté auprès de ta mère ?

-C'était pas ma maman. répliqua le demi dragon en fronçant les sourcils. Et même si je suis simple d'esprit, je préférerais toujours la vraie vie au mensonge ! Il plaqua une griffe contre sa tempe et la fit vivement pivoter. Tu es complètement dingue. Dingue dingue dingue. » chantonna-t-il d'un ton moqueur.

Le fossoyeur grogna. Son maître, son créateur l'avait investi d'une mission, la mission de rendre les poneys heureux, de les plonger dans le brouillard de l'illusion, de les préserver de leurs peines en les faisant artificiellement disparaître. Mais alors, pourquoi ces poneys résistaient-ils ? Pourquoi insistaient-ils autant pour rester malheureux ?

« C'est vous qui êtes, hmrrr... de pauvres fous. Vous persistez à fuir le bonheur sous prétexte d'aimer une réalité qui ne vous apporte que le malheur ! Ce n'est pas parce-que ce qui le procure est artificiel que le bonheur n'est pas réel ! Il fit un pas en avant, tournant son visage difforme vers Soft Machine. Toi, dés que tu as commencé à respirer mon brouillard en t'approchant de cette ville, j'ai senti ta peine, j'ai senti la présence de ton épouse dans tes pensées. Tu avais beau les refouler indéfiniment, elles étaient présentes ! Tu aurais pu retrouver le bonheur si tu t'étais laissé bercer d'illusions ! Elles seraient devenues, hmmrrr... ta réalité ! »

Le turban du demi changelin brillait d'une intense lueur verte, son regard était dur, chacun de ses muscles étaient crispés. Cependant, sa respiration était régulière, et son attitude n'avait pas déviée d'un poil suite au monologue du fossoyeur.
Ce dernier baissa alors les yeux, attiré par quelque chose aux sabots de l'hybride. Ce qu'il vit le laissa perplexe : des arcs d'énergie pure, comme de la foudre. Ils rampaient à la surface de ses sabots avec de plus en plus d'intensité, le sol semblait vibrer sous cette pression, soulevant de petits nuages de poussière.
Soft Machine prit alors la parole en levant un de ses sabots à la charge magique meurtrière. Cela eut pour effet d'illuminer son visage en y appliquant d'inquiétantes ombres, rendant son expression plus terrifiante sous la lumière du crépuscule qui commençait à tomber.

« Je me moque de ta philosophie minable ou de tes intentions. Personne ne plaisante au sujet de mon épouse, et encore moins s'il s'agit de profaner sa mémoire. »

Ce disant, il ouvrit sa carapace, déploya ses ailes, et fonça sur l'horrible créature.
Une fois arrivé en face d'elle, il freina son élan de ses sabots arrières le plus violemment possible, créant ainsi un courant d'air propre à écarter le brouillard meurtrier qu'il avait vu à l’œuvre tout à l'heure.
Il arma ensuite son sabot chargé d'énergie, prêt à l’abattre sur la face hideuse de ce monstre.
Cependant, il se ravisa à mi-chemin, faisant appel à ses plus vifs réflexes tandis que la brume se déplaçait d'elle même pour protéger le fossoyeur.
Soft Machine recula alors vivement, rejoignant ses camarades, une expression de profond agacement sur le visage.

« Arrgh ! Pauvres fous ! J'essaie de vous rendre service ! De vous forcer à abandonner votre minable réalité ! Il pointa son sabot sur l'alicorne évanouie derrière lui. Savez-vous seulement pourquoi elle s'est mit à votre recherche ? Savez-vous seulement ce qui l'a réellement motivée ?! »

Ne supportant apparemment pas que l'on mette en doute les bonnes intentions de la toute première personne à avoir voulu devenir son amie, Sticky Fingers grogna avant de prendre une profonde inspiration... Puis de cracher plusieurs boules de feu qui fusèrent droit sur le fossoyeur. Mais ce dernier les balaya d'un puissant revers du sabot. Après tout, il avait assez de force pour pulvériser une dalle de marbre de plusieurs centimètres d'épaisseur.

« Vous ne pouvez rien contre moi ! aboya la créature. Mais sachez bien une chose : Twilight Sparkle vous a réunis parce que vous portez l'âme de ses amies défuntes ! Vous êtes leur réincarnations ! »

Gold Experience et Soft Machine affichèrent des mines perplexes, échangeant un bref regard anxieux avant de faire un pas en arrière. Sticky, pour sa part, écrasa une main sur son visage en secouant doucement la tête, laissant échapper un soupir. Il fut le premier à répondre.

« Je le sais ! lança-t-il en redressant la tête, faisant un pas en avant. Fluttershy était le plus gentil des poneys ! C'est normal que Twilight soit triste de l'avoir perdue ! Et maintenant, c'est moi qui la fait vivre ! Twilight n'a pas besoin de tes illusions, elle nous a, nous ! »

A ces mots, les deux autres éléments échangèrent un nouveau regard. Parfois, la naïveté et la gentillesse de ce kirin pouvaient le pousser à dire de très belles choses.

« Justement ! rétorqua le fossoyeur. Vous êtes les porteurs des âmes des amies qu'elle regrette ! Avec mon aide et celle de mon maître, elle pourrait vous les arracher et ressusciter ses amies ! Et ça ne serait même plus une illusion ! Vous pensez sincèrement qu'elle va hésiter à sacrifier des poneys qu'elle vient à peine de rencontrer, pour retrouver des amies qu'elle a connu pendant des décennies et qu'elle continuera de regretter pour l'éternité ?! Vous dites que vous refusez de vous bercer d'illusions, alors contemplez donc cette réalité ! »

Soft Machine trembla sur ses quatre membres, son turban cessa de briller, ses sabots cessèrent de crépiter, et il fit un pas en arrière avant de tomber assis sur ses flancs. Ses lèvres tremblaient. Il savait à quel point il était douloureux de perdre un être que l'on aimait plus que tout le reste. Et il savait ce que lui serait prêt à faire pour la retrouver.
Gold Experience semblait avoir du mal à respirer, il dénoua alors complètement sa cravate et se tourna vivement vers le demi changelin, le secouant légèrement.

« Ne l'écoute pas bon sang ! Il raconte des mensonges ! On va lui flanquer une raclée et repartir avec Twilight ! Elle est notre amie mec, c'est la putain de princesse de l'amitié ! Tu ne peux quand pas pas imaginer une seule seconde que- Sticky, non !! » hurla Gold en voyant le kirin bondir.

Voyant que ses flammes n'avaient aucun effet, le demi dragon avait décidé de se précipiter sur l'horrible monstre qui osait insinuer des choses aussi odieuses. Il savait qu'il était naïf et parfois trop gentil. Il savait aussi qu'il pouvait parfois être égoïste et n'en faire qu'à sa tête. Mais il était convaincu jusqu'au fond de son âme que les sentiment de Twilight étaient purs. Et son âme était depuis peu devenue la chose en laquelle il avait le plus confiance...
Une fois arrivé au corps-à-corps, Sticky pivota violemment sur lui-même, de toutes ses forces, envoyant sa longue queue blindée d'écailles fouetter le visage du fossoyeur.
Ce dernier, pensant que son brouillard allait le protéger, ne bougea même pas pour esquiver.
Cependant, la queue du kirin passa à travers l'horrible brume violette, pulvérisa la visière qui couvrait le visage de la créature, et heurta violemment sa mâchoire, allant jusqu'à la déboîter.
Un saut périlleux plus tard, le demi dragon était de nouveau hors d'atteinte.

« Uwaaaaarghhh...! grogna le fossoyeur en plaquant un sabot contre sa face meurtrie. Espèce de... Pourquoi ? Aaargh !

-Ta fumée fait fondre la chair, je l'ai vu ! lança Sticky, prêt à repartir à l'assaut. Mais ma queue est recouverte d'écailles !

-Huurgh ! Im... Impertinent...! répliqua la créature en titubant en arrière. Ne sous-estime pas ma brume. »

Le kirin jeta alors un œil à sa queue qui commençait à le démanger et écarquilla les yeux, soudain pris de panique.

« Non ! Non non non non non non ! » gémit-il en sentant les larmes lui monter aux yeux.

En effet, un peu de ce répugnant brouillard violet s'était insinué entre ses écailles et commençait à dévorer lentement son appendice. La douleur était horrible. Il recula alors en rampant sur le sol, tremblant de tous ses membres. Il ne voulait pas mourir, il avait trop peur.

Puis, soudainement, il sentit quelqu'un empoigner sa queue. Une main immense, bien plus grande que la sienne et aux griffes encore plus acérées.
Et c'est sans crier gare, sans aucune hésitation, que cinq autres griffes vinrent trancher sa queue d'un geste vif et précis, à quelques centimètres à peine de sa base.
Mais comparé à la douleur de sentir ses chairs se consumer et fondre, cette soudaine amputation n'arracha qu'un glapissement au kirin.

« Désolé, mais c'était le seul moyen. déclara une voix inconnue. laissez-moi m'occuper de cet enfoiré. »

Sticky Fingers respirait avec difficulté, sa vision avait du mal à s'ajuster, il avait tellement mal.
Cependant, il put distinguer une haute silhouette devant lui. La silhouette d'un grand dragon adulte. Ses ailes étaient complètement déployées, ses doigts étaient crispés, présentant ses griffes comme un prédateur prêt à déchiqueter sa proie. Sa queue balaya alors furieusement le sol et il se mit à battre de ses puissantes ailes avec force, fondant à une vitesse hallucinante sur le fossoyeur dont il empoigna la gorge, le soulevant de terre presque sans difficulté.

« Non... fais pas ça... tu vas fondre toi aussi... gémit le kirin d'une voix bien trop faible.

-Uwaargh !! s'étrangla le fossoyeur. T-toi... je vais... Uuurgh. Dévorer ta chair avec mon-

-Tu oublies une chose ! vociféra Spike, hissant un peu plus haut sa victime dans les airs. Quelle que soit ton poison, ton acide ou tes toxines, il n'existe rien de tout ça qui résiste au point de fusion de l'acier... Il prit une profonde inspiration, sa poitrine se gonflant tandis qu'il resserrait son emprise sur la gorge de sa victime. Mille cinq-cent degrés Celsius ! »

C'est alors que dans un hurlement propre à faire trembler le sol, un torrent de flamme jaillit de la gueule du drake, déferlant sans pitié sur le fossoyeur ainsi que sur l'avant bras de Spike qui avait été en contact avec le brouillard violet.
Ses mâchoires étaient douloureusement ouvertes à leur maximum, ses yeux écarquillés étaient injectés de sang sous l'effort produit, et de la fumée s'échappait du coin de ses lèvres et de son bras. Ses écailles centenaires étaient extrêmement solides, mais elles chauffaient à un tel point que la peau qui se trouvait en-dessous commençait à souffrir de sévères brûlures.

Au bout de quelques secondes, le torrent de flammes s'affaiblit avant de s'interrompre complètement. Et à l'endroit où se trouvait le fossoyeur, il ne restait plus qu'une poignée de cendre que le drake laissa retomber sur le sol. Son bras et sa bouche continuaient de fumer tout doucement tandis qu'il reprenait laborieusement son souffle, titubant presque après un tel effort.
Il sentait ses jambes trembler sous lui. Il venait de tuer quelqu'un... Mais d'après ce qu'il avait entendu à travers la gemme de Twilight lorsqu’elle l'avait appelé, cette créature n'était sans doute qu'un monstre sans âme. Du moins, il l'espérait. De toute façon, il ne pouvait pas le laisser s'en tirer, pas après tout ce qu'il avait fait.
Il tourna alors lentement la tête vers les trois autres mâles et tenta d'afficher un mince sourire, ce qui lui fut des plus douloureux vu l'état de ses lèvres.

« Hey, les gars... Est-ce que ça va ? » souffla-t-il.

Gold Experience, qui s'était précipité pour enlacer le kirin et tenter de l'apaiser, releva doucement la tête et força lui aussi un sourire, bien que ses yeux trahissaient une certaine inquiétude. Puis il hocha doucement la tête.

« Merci Spike... Qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ? fit la licorne avec un petit rire nerveux.

-Hé bien... Le drake jeta un regard à sa grande sœur adoptive. Elle a du essayer de m’appeler avant de perdre connaissance. Et comme c'est sa magie qui alimente les gemmes, je n'ai pu que voir et écouter ce qui se passait, jusqu'à ce que je trouve une licorne assez talentueuse et assez puissante pour égaler Twilight dans l'utilisation de ce genre d'artefact. Heureusement, j'en connais une. ajouta-t-il avec un drôle d'éclat dans le regard.

-Haha, je vois. Tu nous la présenteras ? taquina doucement Gold Experience.

-Ce n'est pas le moment de plaisanter. lança alors Soft Machine d'une voix rauque. Spike, dis nous la vérité sur cette histoire de réincarnation. »

Le drake se figea alors brièvement et soupira, se laissant retomber en position assise sur le sol du cimetière, passant le bout de ses doigts sur ses lèvres encore brûlantes.

« Oui, c'est la vérité... Vous êtes les réincarnations de Pinkie Pie, d'Applejack et de Fluttershy. Il prit une profonde inspiration, comme pour se calmer. Si elle ne vous l'a pas dit, c'est parce qu'elle ne voulait pas vous mettre la pression. Elle ne voulait pas que vous pensiez qu'elle se liait à vous uniquement pour retrouver ses amies disparues. Il fronça les sourcils et prit un air grave. Tout ce qu'a dit cette horrible créature et à l'opposé de ce que pense vraiment Twilight. Vous pouvez me faire confiance, ça fait quand même longtemps que je la connais. »

Soft Machine étudia avec précaution ce qu'il venait d'entendre de la bouche de Spike, ce qu'il avait entendu de celle du fossoyeur, et ce qu'il avait pu constater jusqu'à présent.
Il devait bien admettre que la princesse de l'amitié l'avait apprécié pour des qualités qui lui étaient propres, leurs discussions étaient toujours naturelles, et il ne s'était jamais senti... exploité.
Il secoua la tête.

« D-d'accord... Mais tout ça me trouble. Il se tourna vers Sticky Fingers. Et toi, tu le savais n'est-ce pas ? Tu étais au courant. »

Le kirin, trop occupé à gémir, ne répondit pas, si ce n'est par un léger hochement de tête.

« Ne lui en veux pas. souffla Gold Experience. Je suis sûr qu'il l'a appris sans faire exprès, et qu'il a promis de ne pas le répéter.

-Je le pense aussi. ajouta Spike. Et je sais aussi que Twilight voulait vous mettre au courant, quand le moment serait venu. Il marqua une pause. C'est très difficile pour elle, vous savez ? Elle vous apprécie sincèrement, et elle est sincèrement triste d'avoir perdue ses amies. Alors elle est un peu troublée sur la manière dont elle doit réagir auprès de vous...

-C'est à nous de faire des efforts. souffla alors Gold Experience, caressant la crinière du kirin dans l'espoir de l'apaiser. Maintenant que nous sommes au courant, je pense qu'on devrait lui parler de ce qu'on ressent par rapport à tout ça, on devrait la soutenir. Il posa son regard sur le corps inconscient de l'alicorne. Regarde l'état dans lequel elle s'est mise... Personne ne devrait souffrir autant. Elle est le dernier poney à mériter autant de malheur.

-Oui, tu as sans doute raison... murmura Soft Machine. Mais moi, je ne sais pas comment réagir à tout ça. Lorsque les gens meurent, ils se réincarnent alors ? Tu te rends comptes de ce que ça implique ? De ce que ça change sur la vision que j'avais du monde ?... »

Un silence s'installa alors...
Et il fut finalement brisé par Spike qui tenta un nouveau sourire, bien plus douloureux, mais bien plus sincère.

« Vous savez... Étant la plus honnête, Applejack était souvent celle qui émettait ce genre de doutes, celle qui avait tendance à se méfier. Parfois elle se trompait. Il haussa les épaules. Mais souvent, elle savait déceler des choses qui nous auraient échappées.

-Ouais... Je ne sais pas vraiment quoi faire de ce que tu me dis. répondit le demi changelin d'un ton neutre.

-Je comprends. Mais je voulais que tu le saches. Il prit une inspiration et posa son regard sur Gold. Toi aussi tu as quelque chose de Pinkie, son optimisme. Même dans les moments les plus difficiles, elle faisait de son mieux pour alléger l'atmosphère. Et contrairement aux rumeurs, elle n'était presque jamais maladroite en le faisant. »

La licorne au crin blanc lui offrit un sourire plein de gratitude avant de hocher doucement la tête.

« Merci Spike, ça me fait plaisir...

Le drake s'approcha alors doucement du kirin et tendit sa main avant de se raviser.

« Et toi, Sticky c'est ça ? Tu ressembles beaucoup à Fluttershy. Elle était tellement gentille qu'elle pouvait parfois surmonter sa peur et sa timidité, devenir très sérieuse et prendre les devants pour défendre ses amies face au danger. Tu as été super sur ce coup. »

Le demi dragon bougea tout doucement, tremblant toujours sous le contre-coup de la douleur.
Il leva alors ses yeux pleins de larmes vers Spike et l'observa quelques secondes, à la fois terrifié et admiratif.

« Ma... ma queue... couina-t-il avec tristesse.

-Je suis désolé. souffla le drake. Mais si je ne l'avais pas fait, tu aurais été dévoré par ce brouillard. Et puis, si tu es un vrai reptile comme moi, ça finira par repousser.

-J-je... snif, je ne sais pas... mon papa était un poney. » gémit-il.

Les regards vaguement désespérés de Gold et de Spike se tournèrent alors vers Soft Machine qui semblait toujours perdu dans ses pensées. Cependant, il tourna doucement la tête en se sentant observé et soupira légèrement.

« Si vraiment ça ne repousse pas... Je verrais ce que je peux faire. » souffla-t-il.

Après un court silence, le drake se redressa péniblement et se dirigea vers l'alicorne avant de la prendre sous son bras valide. Celui qui n'était pas brûlant.

« Bien... Je pense qu'on devrait rejoindre la roulotte et se reposer. On avisera de la suite avec Twilight quand elle se réveillera et qu'elle ira mieux, ok ? »

Les deux étalons hochèrent la tête, puis se dirigèrent lentement vers leur point de ralliement.
Et autant dire que le moral n'était pas à son point le plus haut.
Peut-être que la nuit leur porterait conseil.