Étoile Filante :

Une petite pouliche se retourna dans son lit blanc. Elle bâilla longuement avant d'ouvrir lentement ses yeux couleur neige. Ils arboraient la même couleur que son pelage, que ses ailes. Mais elle eu beau les ouvrir, elle ne vit que les ténèbres. Elle avait l'habitude de ne pouvoir voir aucune couleur, mise à part ce noir. En fait, elle n'était pas sûre de ce qu'elle « voyait ». Était-ce du noir ? Du blanc ? Du bleu ? Elle aimait le bleu. Elle n'en avait jamais vu mais elle aimait ça quand même. Ce nom la remplissait de bonheur. SnowWings marcha d'un pas lourd vers sa porte, manquant de se cogner à plusieurs reprises dans les meubles. Elle parvint tout de même à ouvrir la petite porte en bois qui, d'après sa mère, était marron. SnowWings descendit les escaliers avec prudence, jusqu'à arriver dans une pièce avec en son centre une table faite elle aussi de bois. Elle marcha vers elle tout en prenant garde de ne pas se cogner. Elle tira une chaise et s'assit dessus, le regard dans le vide. Elle dégusta un maigre repas que lui avait préparé sa mère, et elle sortit dehors, un sourire sur le visage.

SnowWings inspira profondément et ses narines se remplirent du doux parfum de l'hiver. Une légère brise fit voler sa crinière bleutée et vint caresser son flanc vierge de toute cutie-mark. Elle aimait bien l'hiver, le froid. Elle entendait les poulains de son âge rire et jouer autour d'elle. « T'as vu ce que j'ai fait ! » s'écria l'un d'entre eux. A l'entente de ces mots, son sourire s'effaça. Elle essayait tant bien que mal de sourire mais elle n'y arrivait plus. Elle, elle ne pouvait pas voir, et elle trouvait ça injuste ! « Pourquoi ? Pourquoi n'ai-je pas le droit de voir l'hiver ? Les couleurs ? » Une larme coula le long de sa joue et elle courut vers sa maison. Ça durait depuis bien trop longtemps. La petite pégase devait, chaque jour de sa vie, écouter les autres rire, alors que elle, elle restait là, à les écouter. La vie était injuste envers elle ! Elle monta dans sa chambre et se cogna contre la porte. SnowWings s'ébroua puis l'ouvrit, laissant échapper un léger grognement. Elle la referma d'un geste brusque avant de s'affaler sur son lit. « Pourquoi je dois me forcer à sourire ? Pourquoi est-ce que les autres ont le droit d'être heureux et pas moi ?! » Elle pleura à chaude larme et jura de ne plus jamais sourire.

- Ô princesses d'Equestria, faites que je puisse voir. Faites en sorte que je puisse à mon tour goûter au bonheur qui m'est inaccessible ! Dit-elle, la tête tournée vers le plafond qu'elle ne pouvait voir de ses yeux blancs. SnowWings posa son menton sur son oreiller puis sanglota doucement, se lamentant sur son sort.

Puis vint la nuit, que Luna avait faite lever. L'astre lunaire brillait de mille feux et inondait le royaume d'Equestria d'une lumière sombre. La petite pégase ferma les yeux doucement, plongeant dans un sommeil toujours aussi ténébreux. Elle entendit une voix au creux de son oreille : « Ouvre les yeux, petit poney » SnowWings, curieuse, obéit. Puis elle les referma aussitôt. Sa paupière se souleva doucement et elle aperçut Luna, la princesse de la nuit. Ses yeux s'écarquillèrent et elle regarda tout autour d'elle. Elle voyait ! Un bonheur immense l'emplit. « J'ai entendu ta prière, SnowWings » La jeune pégase ne put cacher son excitation et elle courut le long d'une rivière, s'observant dans le reflet de l'eau. Luna l'observait d'un œil amusé et elle dit d'une voix douce : « Mais si tu veux continuer à voir, il te faudra obéir à deux règles » Le visage de la pégase blanche se tourna vers elle, arborant un vrai sourire et elle répondit : « D'accord ! » L'alicorne lunaire esquissa elle aussi un léger sourire devant l’enthousiasme de la petite pouliche et elle dit d'une voix douce :

- Tu ne dois, en aucun cas, regarder la lune, ou alors tu ne pourra plus jamais voir. Et tu ne devras dire à personne ce que tu as vu. C'est d'accord ?

SnowWings hocha la tête. Elle était un peu déçue de ne pas pouvoir en parler mais le simple fait de pouvoir voir suffisait à la faire sourire. Elle remercia la princesse d'une voix timide et elle s'envola dans le ciel, tout en prenant garde de ne pas regarder la lune. Puis elle parcourut son rêve, s’extasiant à chaque fois qu'elle découvrait une nouvelle couleur. Elle alla près d'une forêt et elle observa les arbres, elle regarda la neige et l'herbe. Elle était au paradis, mais soudain, elle tourna la tête, se sentant aspirée par une force étrange. Elle essaya de s'accrocher à un arbre mais en vain. La pégase cria et se leva dans son lit, dégoulinante de sueur. Elle soupira, déçue, pensant que c'était la seule fois qu'elle pourrait voir. La petite pégase fit comme à chaque matin, descendit, prit son déjeuner sans voir sa mère et elle se rendit à l'école. Mais elle se trompait ! Chaque nuit, lorsqu'elle ouvrait les yeux, elle arrivait à utiliser ce sens dont elle avait été si longtemps privée ! Elle était si heureuse dans ce monde de rêve, mais lorsqu'elle revenait dans la réalité, un sentiment de vide profond l'envahissait. Elle regrettait de ne pas pouvoir voir les autres. De ne pas pouvoir s'amuser avec eux ! Mais dès que le soleil laissait place à l'astre lunaire, elle oubliait tout ces soucis et se plongeait dans le nouveaux monde qui s'offrait à elle. Que Luna lui avait offert !

Puis ce jour arriva. Un jour d'école, comme d'habitude. Sauf que le professeur avait décidé de faire un cour particulier, sur l'astre lunaire. Il le décrit de façon poétique, comme si c'était la chose la plus belle du monde. Il disait que la lumière que la lune produisait était la plus belle, la plus éclatante et la plus mystique. Et SnowWings regretta de ne pas pouvoir la voir... Et c'est ainsi qu'une nuit comme les autres, où elle se trouva plongée dans le merveilleux monde que lui avait fait Luna, elle décida de porter son regard blanc vers la Lune. L'éclat qu'elle produisait était si beau… Si magnifique. « J'aime la lune » dit-elle. Et puis d'un coup, sa vision s'assombrit. Elle cria tandis que du vent venait lui fouettait la tête. « Je t'avais prévenue, SnowWings !! » Les paroles de la princesse bourdonnèrent dans ses oreilles et elle plongea à nouveaux dans un rêve, sans couleur. Puis elle oublia peu à peu les couleurs. La petite pégase hurla de désespoir tandis que ses souvenirs s’effaçaient petit à petit. Et en quelques secondes, elle oublia tout. Tout, sauf la Lune, dont elle se rappelait à la perfection.

SnowWings ouvrit les yeux, retrouvant les ténèbres habituels. Elle ouvrit lentement sa fenêtre et porta son regard aveugle vers la lune. « J'aime la lune » dit-elle en s'envolant. La brise, encore plus froide que le jour, venait lui glacer les plumes. Mais elle ignora la douleur, voulant se rapprocher le plus possible de l'astre. Des larmes perlèrent sur ses joues blanches tandis qu'elle s'élevait dans les cieux noirs. Elle ferma ses yeux blancs pour se protéger du vent qui lui cinglait le visage. Et une fois qu'elle fut haut dans le ciel, elle les ré-ouvrit. Elle vit la lune. Puis elle tomba, un sourire d'enfant sur le visage. Une étoile apparut sur son flanc et elle tomba de plus en plus vite, laissant une traînée de poussière céleste derrière elle. Loin d'ici, à Canterlot, Luna regarda pas sa fenêtre et elle aperçut le corps de la petite pégase qui fendait les cieux. Une larme coula le long de sa joue tandis que l'étoile filante disparaissait à l'horizon.