Opera hésita un long moment. Elle sentait le trac qui la gagnait. Une chose avec laquelle elle était particulièrement familière. Cet idiot de Funk avait décidé de brasser son passé sur un coup de tête. Pour la faire souffrir ? Simplement par égoïsme ? Ou pour une autre raison ?... Elle pesta alors intérieurement et attacha ses cheveux pour former son habituelle queue de cheval. Elle descendit rejoindre Funk auquel elle lança un regard réprobateur. « Je me demande parfois si tu prends réellement tant de plaisir à faire du mal aux autres. » Souffla-t-elle sèchement.
Funk ne chercha même pas à lui répondre et se mit simplement en marche. La plupart des poneys dirigèrent aussitôt leur attention sur eux, mais baissèrent rapidement la tête pour ne pas affronter les regards des batponies. Cela avait toujours eux le dont d'amuser Funk qui se demandait si l'ex-musicienne ressentait la même chose. Il se retourna pour voir que la jument était encore à l'endroit où elle avait atterri. Il lança : « Alors, tu viens ? »
Baissant aussitôt la tête ainsi que les oreilles, la jument se mit à grogner pour se rassurer : « Quel mufle, apostropher ainsi une demoiselle... » Elle regardait discrètement autour d'elle, examinant la foule tout en faisant en sorte de ne croiser le regard de personne. Bien sûr que les yeux étaient braqués sur eux, du moins pendant les premières secondes. Impossible de ne pas se faire remarquer avec leur allure... Elle sentit alors ses entrailles se serrer tandis qu'elle rejoignait Funk en essayant de paraître décontractée. Funk, quant à lui, semblait passer une très agréable soirée. Cela faisait déjà longtemps qu'il cherchait un moyen de faire réagir la batpony, un point faible dans sa nature si… neutre. Sans leur armure pour rassurer les poneys de leurs intentions, il était facile pour les deux gardes des ombres de passer à travers la foule qui s'écartait à chacun de leur pas.
Il murmura à Opera : « On va jouer à un jeu. » Il passa un sabot sur les épaules de la jument et la serra tout contre lui. « Maintenant, on va dire qu'on est en couple, je suis sûr que ça va te plaire… Si t'essayes encore de me frapper, c'est en morceau que je te ferais rentrer dans ce club miteux. »
Opera eut un frisson de dégoût ainsi qu'un inévitable et honteux sentiment de réconfort lorsque Funk la serra contre lui. Intérieurement, elle se mit à maudire le lien qui les unissait tous. Le voilà qui était en train de jouer à l'un de ses jeux stupides, et il lui faisait aussi bien comprendre qu'il valait mieux ne pas lui désobéir. Elle soupira, résignée.
« Tu ne me laisses pas le choix… Qu'est-ce que tu comptes faire ? » Demanda-t-elle en retroussant le museau face à l'odeur de transpiration qui émanait de l'endroit.
« Aaaaaaah, en fait, je cherche un moyen sûr de passer le videur. »
Plissant les yeux, la jument put voir, à l'entré du club un poney qui était presque deux fois plus grands que les autres.
« Oh, je te rassure ma belle, je ne pense pas qu'il puisse vraiment m'empêcher d'entrer, mais j'aimerais trouver une solution qui m'évite d'utiliser nos avantages sur ce pauvre poney. »
Opera eut un nouveau frisson en imaginant Funk en train d'user de ces dits avantages. Aussi baraqué que pouvait l'être ce videur, il ne faisait pas le poids face à la force d'un batpony.
« Le but du jeu, c'est que tu nous fasses rentrer sans problème. » Il se pencha sur elle pour frotter sa joue contre la sienne. « Et je suis sûr que tu sauras utiliser notre nouvelle situation à ton avantage, n'est-ce pas mon cœur ? »
La batpony gris foncé luttait pour ne pas se laisser emporter par ce sentiment de chaleur qui l'envahissait invariablement quand elle interagissait de manière aussi intime avec un autre batpony. À fortiori, un étalon. Et même s'il s'agissait de Funk, elle ne pouvait pas empêcher ce lien entre eux de les rapprocher. Conserver son calme était une chose à laquelle elle était habituée, mais lutter contre l'attirance qu'elle éprouvait fatalement pour celui qui l'accompagnait était bien plus difficile.
« Idiot... » souffla-t-elle. « Tu es accompagné d'une belle jument, ils te laisseront forcément entrer ! »
L'étalon se mit aussitôt à rire, laissant la jument se renfrogner, comme vexée. Celui-ci faisait en sorte de s'esclaffer bruyamment, attirant intentionnellement le regard des autres poneys.
« Belle, belle, je vois que tu n'hésites pas une seconde, mais c'est justement pour ça que je t'aime mon sucre d'orge. » Il approcha ses lèvres des siennes et tenta de l'embrasser alors qu'ils venaient d'arriver devant le sorteur.
Plaçant rapidement son sabot sur les lèvres de l'étalon pour le repousser, Opera affichait une grimace de dégoût « Arrête ça... » Grogna-t-elle silencieusement entre ses dents. Puis, elle se tourna vers le grand terrestre. « Hum, bonsoir, est-ce que je peux rentrer avec... lui ? » Demanda en tournant un regard méprisant vers le batpony bleu qui semblait sourire au videur. « Arrête ton cirque Funk, tu vas réussir à tout faire foirer. » Souffla-t-elle.
Le garde lunaire resserra un peu plus son emprise sur l'encolure de la jument, cette dernière était sûre que si elle était encore une jument normale, des bleus marqueraient tout son cou. Se rapprochant de son oreille, il se mit à murmurer. « Je t'ai dit qu'on avait un jeu à jouer, tu ne penses quand même pas qu'il va nous laisser rentrer si on se met à se battre juste devant l'entrée ?
— Soit ! » Répondit sèchement la jument avant de se retourner vers le videur qui s'était contenté de rester silencieux en les jugeant du regard. « Moi et mon compagnon aimerions bien entrer, est-ce que c'est possible ?
— Toi oui, lui il reste dehors.
— Quoi ? » Demanda-t-elle aussitôt. Elle était heureuse qu'une personne puisse être assez maligne pour ne pas faire confiance à Funk, mais malheureusement, ce n’était vraiment pas le moment. « S’il vous plait, c-c’est mon amoureux. » Dit-elle avec hésitation. « Vous comprenez bien que je ne peux pas le laisser là ? » Elle sentit Funk se crisper, prêt à bondir à l’instant même où le grand étalon lui dirait son refus. Opera espérait seulement que le batpony ne fasse pas trop de mal à ce poney.
« C’est d’accord, mais si y a un problème, je viendrai le chercher par la peau du cou !
— Oh, merci mille fois ! » Remercia la jument foncée avant de se précipiter à l’intérieur en se détachant de Funk.
Les deux mâles se jugèrent un instant, attendant de voir celui qui allait craquer en premier, mais un appel de l’ex-musicienne réussit à faire dévier l’espace d’un instant le regard du garde lunaire. Constatant sa défaite face à un simple poney, il se mit à arborer un large sourire avant de déclarer : « J’espère que vous n’aurez pas à intervenir. » Puis entra pour rejoindre sa camarade.
Passé le long couloir au sol recouvert d’un tapis rouge imbibé de bière, les deux batponies entrèrent dans ladite boite de nuit. La musique les assaillait aussitôt pendant que leurs naseaux étaient emplis d’odeur infecte d’alcool et de transpiration. Ils plissèrent les yeux face aux lumières qui les flashaient.
« Pour quelqu'un qui ne voulait pas me suivre, je te trouve très pressé d'entrer. Au moins, je sais ce qui peut te faire avancer... » Sa voix, même aussi faible restait parfaitement audible pour l’ouïe surdéveloppée de la jument.
« Je suis obligée de te suivre de toute façon. Ici, on passe bien plus inaperçu avec la foule, les lumières. Tous ces poneys ivres qui dansent... Est-ce que tu voulais vraiment voir ça ?
— Non ma belle. » Dit-il en se rapprochant excessivement près d’elle. « Je veux voir quelque chose de bien plus intéressant, mais nous avons le temps après tout, la soirée ne fait que commencer. Alors mon amour, le bar, ou la piste de dance ?
— Qu'est-ce que tu veux ? Sortir avec moi ? Tu aurais au moins pu m'emmener à l'opéra ou au théâtre... Ou tu veux juste remuer mon passé?...» elle marqua une pause. « Je préfère le bar... » souffla-t-elle finalement non sans tiquer de l’œil.
Funk se mit à l'enlacer en l'accompagnant vers le bar. « Le bar, qui l'eut cru ? J'étais sûr qu'une BELLE jument comme toi adorait faire les piliers de comptoir. Et après tu voudrais que je t'amène dans un théâtre ? Tsss. »
La captive se laissa embarquer par Funk en serrant les dents, se crispant pour ne pas répondre à son étreinte. Il savait quel effet cela avait sur elle, et il en jouait tant qu'il pouvait. « Tu n'as pas répondu à mes questions Funk... » elle s'installa à un des hauts tabourets du bar. Elle ne comptait pas rentrer dans son jeu sans qu'il ne fasse un minimum d'effort. « Je prendrais un gin-tonic s'il vous plait... » Dit-elle au barcolt sans le regarder directement.
Elle ne fit même pas attention au batpony qui s’installait juste à côté d’elle en adressant un large sourire laissant apparaitre ses crocs aux autres poneys assis au comptoir pour leur faire comprendre de vite prendre leur distance. Il approcha encore son tabouret d’Opera pour pouvoir facilement avoir un contact tactile avec. Puis, demanda un simple verre d’eau au serveur. « Quelle question ?
— Pourquoi tu fais tout ça ? » Répéta-t-elle en même temps que son verre arrivait ainsi que le stupide verre d’eau que Funk avait commandé. Elle n'aurait jamais cru ça de lui. Mais au final, il fallait bien avouer que ça ou autre chose, ça revenait au même étant donné qu’ils ne pouvaient plus sentir les effets de l’alcool.
« Juste pour m’amuser. » Dit-il avec un large sourire.
« Non, c’est autre chose. »
L’étalon bleu parut hésiter. « D'accord, je te répondrai, mais seulement si tu réponds à cette question : est-ce que ton amie est présente dans la salle ? »
La jument serra les mâchoires en sentant sa gorge se serrer. Elle ferma alors les yeux pour que Funk ne la voie pas jeter un œil en direction des platines ou s'agitait une certaine DJ. « Oui. » Souffla-t-elle simplement, prenant une gorgée de son cocktail avant d'observer son collègue en fronçant les sourcils, attendant qu'il réponde à sa question.
Prenant un ton plus grave, le poney aux ailes de cuir se rapprocha d’elle pour planter son regard directement dans le sien. « Je suis le plus ancien des batponies, c’est pourquoi Luna m’a ordonné de garder un œil sur vous et de vous empêcher de jouer avec votre passé. Néanmoins, elle m’a donné aussi le rôle d’exécuteur.
— Pourquoi y aurait-il besoin d’un tel rôle ?
— La folie ma chère. On a tous un monstre à l’intérieur de nous et nous résistons toujours au désir de le libérer. Quand l’un de vous échouera, je serais là pour m’en occuper.
— Et que vient faire mon passé dans cette histoire ?
— C’est ton point faible bien sûr. Je vois la peur qui s’immisce en toi à chaque fois que je me rapproche de ton amie. Cette peur, je veux la découvrir et la comprendre pour ensuite pouvoir facilement me défaire de toi le jour venu. »
Opera restait figée. Ils étaient en train de parler de son exécution. Il ne manquerait plus qu’ils se mettent à discuter l’heure la date et le lieu. Mais aussi étrange que cela puisse être, elle comprenait ce que Funk était en train de lui dire. Cette… chose au fond d’elle, bougeait, cherchait à faire surface, et elle savait que si elle ne lui donnait qu’un peu trop de liberté, elle la détruirait. Au final, elle préfèrerait mourir que faire du mal à des innocents, ou pire, à des amis. Prenant une nouvelle gorgée, elle dit : « Je comprends, mais tu aurais pu demander… gentiment. » Elle sentit plus qu’elle ne vit l’étalon lui sourire.
« Et tu m'aurais tout de suite présenté à ton amie ? Hmm c'est toujours bon à savoir. Mais je t'avoue que je préfère ma méthode, et… passer du temps avec toi. » Dit-il en se penchant pour enlacer la jument.
« Passer du temps avec moi ? Ne sois pas ridicule... Tu passes ton temps à faire preuve de cynisme pour occulter l'amour que tu ressens pour nous. Tu nous aimes, mais tu n'acceptes aucun d'entre nous. » Elle laissa alors flotter un silence et vida son verre avant de serrer affectueusement l'étalon contre sa poitrine
Funk se mit à bruler intérieurement. En dehors du désir qui grandissait à l'intérieur de lui, la colère se mettait à brouiller sa vue. Il se reprit rapidement avant de perdre contrôle et se détacha de la batpony. « Tu viens, je vais danser.
— Vas, mais ne compte pas sur moi pour t’accompagner ni même t’applaudir. » Souffla-t-elle en croisant ses pattes avant sur le comptoir, y enfouissant sa tête.
Elle savait pertinemment que Funk n’allait pas la laisser tranquille, mais peut-être espérait-elle un miracle.
« Oh, je crois que tu as mal compris, tu ferais mieux de venir avec moi. »
Elle sentit un sabot se poser sur son dos.
« Ne pense pas que j'essaye de te mettre dans une mauvaise situation, au contraire, comme à mon habitude, j'essaye de t'aider. » Dit-il en riant avant de se pencher sur son oreille. « Je ne sais pas si tu y as pensé, mais on n'a pas d'argent sur nous. Et je doute que tu fasses venir l'une de tes bestioles ici pour t'apporter ce qu'il te faut. »
Opera soupira profondément en réprimant un sanglot. Se trouver ici lui faisait mal. Lorsqu'elle se tenait simplement sur le toit, cela lui insufflait simplement un minimum de mélancolie, la bonne dose pour qu'elle se sente vivante... Mais avec tout ça, avec cet imbécile de Funk... Elle se crispa et une larme coula le long de sa joue. Elle se fichait bien de ne pas avoir l’argent pour payer un verre, elle pourrait sûrement s’arranger avec le serveur s’il n’y avait pas le batpony, mais ce n'était pas du tout le centre de ses préoccupations... « Funk... Rentrons. Je t'en supplie... » fit-elle d'une voix tremblante en redressant la tête vers lui.
Elle pensait qu’il allait lui hurler dessus, mais étrangement, il restait immobile, son regard semblait même fuir le sien. On aurait dit qu’il venait de se faire gifler par Luna elle-même, la seule personne qu’il respecte un tant soit peu.
« Qui est-ce ? » Demanda-t-il brusquement, le regard tourner vers la foule qui dansait.
« Si je te le dis, promets-moi de rentrer… je ne veux pas rester ici. » La voix de la jument n’était plus qu’un souffle tremblant.
Elle se renfrogna encore plus quand elle sentit l’étalon grogner quelque chose d’incompréhensible juste avant de dire d’une voix agacée :
« Tu m'as dit qu'il me suffisait de demander ? » Il retroussa ses lèvres pour dévoiler ses crocs au barcolt qui s'était approché sûrement pour demander l'addition, ce dernier continua alors simplement son déplacement et prit la commande d'un autre poney, comme si de rien n'était. « Je pensais que je pourrais faire ce que je voudrais avec toi, que je pourrais être un monstre, et au final… au final tu te mets presque à chialer en me suppliant de m'arrêter là. Tu m'as dit qu'il suffisait que je te demande Opera. Tes points faibles, ce qui te touche, ce qui te blesse, ce à quoi tu t’accroches, tu m'as dit qu'il suffisait de demander. » Se faisant, il n’attendit pas de réponse et tira violemment l’ex-musicienne de son tabouret pour l’entrainer avec lui. « Je croyais que tu étais plus forte que ça, ou alors, je t’ai bien trop surestimé.
— C’est peut-être le cas. » Rétorqua-t-elle en tentant de paraitre le plus ferme possible, mais le regard que l’étalon lui lança en se retournant sur elle la fit vite déchanter.
« Je ne veux prendre aucun risque. On ira jusqu’au bout du jeu et dans un cas comme dans l’autre, je repartirai avec ton secret. » Il fit aller son sabot pour la lancer juste devant lui avant de se plaquer contre elle.
Opera remarqua très vite être au centre de la piste de danse. Heureusement, les lumières s’étaient quelque peu atténuées, lui permettant ainsi de passer bien plus inaperçue. Reprenant peu à peu son calme, elle se félicita intérieurement d’avoir réussi à bouger les sabots en rythme.
« Putain, comment on fait pour danser avec cette saloperie de musique ? De mon temps, on avait un chanteur et pas juste des bruits de chantier.
— Funk… ... N'essaie pas de bouger au rythme des basses, essaie de suivre cette mélodie lancinante plus aigüe et... je ne sais pas, peut-être simplement bouger sur quatre temps au lieu de trois. » Elle raffermit son emprise sur l’étalon, en même temps qu’elle reprenait le dessus sur ses émotions, et se mit à les guider dans quelque chose qui ressemblait plus à une véritable danse. « Qu’est-ce que tu me veux Funk ?
— Juste les réponses que tu m'as promises ! » Et se rapprochant de la jument pour tenter de prendre son rythme il reprit plus calmement. « Je le saurai bien un jour ou l'autre alors mieux vaut que ces réponses viennent de toi, non ? Tu ne pourrais pas m’expliquer un peu cette étrange amitié ? » Il regarda un étalon particulièrement ivre qui le regardait en riant, comme s'il se moquait de lui.
Opera se blottit contre Funk. Elle avait peur, et il était la seule source de réconfort qu'elle pouvait trouver grâce au lien qui les unissait. Tout cela ressemblait fort à une torture de mauvais gout, à un cauchemar. « Si c'est tout ce qui t'intéresse... J'ai tourné le dos à une amie qui voulait me venir en aide quand j'ai commencé à avoir des problèmes d'addiction. Je l'ai trompée, je l'ai trahie pour obtenir davantage de drogue. Elle est la seule personne que je regrette de mon ancienne vie... Il n'y a rien d'autre Funk, rien qui ne puisse me faire plus de mal que d'être ici, à danser sous la... Musique de Vinyl. Elle qui n'a toujours pas pleuré la mort d'Octavia... Celle qui l'a simplement trahie.
— Qu’est-ce qui te fait croire qu’elle pense ça de toi ? Est-ce que tu l’espionnes à chacune de tes permissions ? Ou espères-tu vraiment être ce genre d'âme torturé au point que leur passé leur a tout simplement tourné le dos ? Pfff je te pensais moins conne pour tout te dire. » Il ne laissait jamais son regard entrer en contact avec celui de la jument, de peur de succomber à la tentation, mais la vue de l’étalon rieur avait de quoi lui taper sur le système.
« Je sais... Je suis minable. J'envoie régulièrement Drums l'espionner. » Soupira la jument à la crinière foncée en évoquant le nom de l’une de ses chauves-souris, tentant de se laisser bercer par les balancements maladroits de Funk.
« Tu brises les interdits de Luna pour espionner ton passé, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout ? » Il reprit en murmurant à l’oreille de la jument. « Je suis sûr que tu meurs d’envie de lui parler.
— Non ! » Rétorqua aussitôt Opera avant de se raviser en voyant le regard du batpony bleu qui s'était écarté pour la dévisager. « Je… non. Je donnerais tout pour la revoir, oui, mais je sais que ça ne serait pas l'aider. Je constate chaque nuit qu'elle vit parfaitement bien sans moi, qu'elle ne me regrette pas, qu'elle ne s'attriste pas en entendant mon nom. Cela me suffit. Je suis heureuse qu'elle aille bien, heureuse de la punition qu'elle a décidé de m'infliger en m'oubliant... » Le regard toujours plaqué dans le sien, elle sentit sa lèvre inférieure de mettre à trembler pendant qu'elle tentait de rester de marbre. Mais une unique larme roula tout de même le long de sa joue avant de tomber sur la patte de Funk. « Tu es un monstre…
— Et j'aimerais être bien pire. » Dit-il silencieusement avant de se mettre à l'étreindre. « J'aimerais tellement être pire pour être capable de faire ce qu'il y a à faire. » Il produisit un bruit sec avec sa langue avant de repousser doucement la jument. Affichant une mine sombre, il se mit à se diriger vers un poney rouge qui semblait beaucoup s'amuser.
Opera le remarqua aussitôt et si son cœur battait encore, elle l'aurait senti essayer de s'enfuir de son poitrail. Utilisant sa vitesse surnaturelle, elle se plaça juste devant Funk qui semblait fulminer intérieurement.
« Écoute Funk, je ne sais pas ce que tu as contre ce poney, mais regarde le, il est complètement saoul, tu peux sûrement le laisser tranquille, il n'aurait sûrement pas fait ça s'il était lucide. »
Elle sentit plus qu'elle ne vit l'étalon la dégager de son passage avant de lui attraper un sabot et de la tirer à sa suite.
« Je t'en supplie, partons d'ici ! » Implora-t-elle en le suivant, incapable de se défaire de son emprise.
« On est juste en train de commencer. » Grogna-t-il avant de s'arrêter juste devant l'étalon rouge qui semblait trouver la situation plus qu'amusante. Tenant toujours fermement la jument, il la plaça juste à ses côtés avant de dire : « C'est de moi ou d'elle que tu es en train de te foutre ? »
Le poney lui sourit un moment en le défient du regard. Opera savait que ça avait mal finir, tout simplement parce que Funk en avait décidé ainsi. « Je me demande juste comment une jument comme elle arrive à danser avec un tocard comme toi.
— Moi même je me pose la question... » Pensa tout haut l'ex-musicienne avant se sentir la tempête gronder.
Le garde lunaire semblait pourtant bien prendre la situation puisqu'il était en train de rire, la tête rejetée en arrière. Mais dans les secondes qui suivirent, il dirigea un regard noir avec un sourire qui n'avait rien d'amical à l'étalon rouge. Il fit alors un pas en avant en utilisant sa vitesse surnaturelle en se penchant pour attraper le sabot avant de son adversaire. Le tirant brusquement en avant, il l'obligea ainsi à s'avancer vers lui avant de lui donner un simple coup d'épaule pour le faire s'écrouler. Complètement étalé au sol, le terrestre tenta pourtant de se relever, mais Funk plaça simplement son sabot sur son encolure pour plaquer son visage contre le sol.
Opera se retint de pousser un cri de surprise pendant que l'action se déroulait sous ses yeux, mais heureusement, Funk eut très vite le dessus sur son adversaire. Elle avait déjà vu des combats d’entraînement entre deux batponies, et elle savait qu'il pouvait facilement y avoir de la casse. Ce poney n'avait pas eu la moindre chance, mais il devrait remercier Funk d'avoir été aussi tendre.
La foule s'écarta quelque peu pour ne pas être prise dans la bagarre qui semblait pourtant déjà terminée.
La jument foncée ne pouvait de toute façon rien faire. Se battre contre Funk n'allait certainement pas arranger les choses, et malheureusement, sa horde de chauves-souris ne pouvait pas intervenir dans le night-club. Elle se contenta alors de s'approcher du duo en essayant de raisonner le batpony. « Funk arrête ! Tu vas nous attirer des ennuis.
— Oh écoute ça. » Dit-il en se penchant sur l'étalon au sol. « Ma petite amie a envie de t'aider, eh bien qu'est-ce que tu attends, dis lui merci ! » Il appuya encore plus fort avec son sabot, lui bloquant la respiration en le faisant couiner de douleur. « Plus fort, j'entends rien !
— Funk ! » Interpella plus sèchement Opera. « Arrête ça s'il te plaît. » Malgré ses politesses, elle tentait de rester la plus dure possible.
Il se redressa brusquement, les sourcils froncés avant de laisser peu à peu son visage reprendre des traits plus chaleureux avec un large sourire.
« On ne fait que jouer mon cœur, mais peut-être que si tu trouves quelque chose de plus intéressant à faire, je m'arrêterai sans doute. » Informa-t-il en passant sa langue sur ses lèvres.
Secouant la tête en fermant les yeux, la batpony ne savait pas comment prendre ce geste de Funk. Voulait-il un baiser de sa part ou souhaitait-il planter ses crocs dans la chair de cet étalon ? Préférant ne pas prendre ce signe comme l'annonciation d'un prochain bain de sang, elle parcourut le peu de distance qui les séparait pour tendre ses lèvres vers les siennes qui semblaient l'attendre depuis longtemps.
Le comportement de l'étalon ne s'expliquait que rarement. Parfois, à ses yeux, il semblait simplement agir sur une série de coups de tête sans aucune raison précise.
Le contact fut bien plus intense qu'elle ne le voulut, et elle dut réprimer un soupire de satisfaction quand le lien qui les unissait brûlait son corps de l'intérieur. Refoulant au plus profond le désire de se jeter sur l'étalon pour assouvir cette tension persistante, Opera se mit à presser plus vivement ses lèvres contre celle de l'étalon pour doucement l'écarter hors de portée de l'étalon qui gisait au sol. Elle lui administra tout de même une tape du sabot postérieur pour bien lui faire comprendre de déguerpir au plus vite.
Funk finit par interrompre leur baiser aussi simplement que ça et lui demanda : « Alors, tu te sens mieux ?
— Ne fait pas l'idiot, ce n'est qu'à toi que cela fait plaisir. Rentrons maintenant ! » Répondit-elle en tentant de rester le pus stoïque possible, mais même si son visage ne pouvait plus s'empourprer, elle avait énormément de mal à garder un ton neutre.
Elle eut un éclair de douleur quand le batpony attrapa son sabot pour la tirer violemment vers lui. « Je t'ai déjà dit qu'on ne faisait que commencer ma belle, on a encore une personne à voir. »
L'étalon rouge qui était à terre se releva difficilement, un sabot sur le cou et grogna quelque chose en disparaissant dans la foule. Peu après, deux autres étalons en costume affichaient des regards durs pendant qu'ils scrutaient la foule à la recherche du moindre perturbateur.
Funk attrapa l'ex-musicienne entre ses pattes et se mit à bouger en rythme avec la musique, du moins, c'est ce qu'il essayait de faire.
« Alors Funk, on essaye de se cacher, ils te font si peur ? » Maugréa Opera entre ses dents serrées.
« J'essaye surtout de leur laisser une chance de survie en ne me trouvant pas. » Se justifia-t-il en faisant tourner la batpony dans ses bras pour la placer entre lui et les gorilles.
« Qu'est-ce que tu essayes de faire ? » Elle semblait réellement attristée en demandant cela.
L'étalon bleu l'attira un peu plus vers lui quand un slow fut lancé. Peut-être qu'il se débrouillait un peu mieux sur ce genre de musique, se dit Opera. Et en effet, il semblait réellement avoir un don pour ce genre de danse. Se serrant un peu plus contre la jument, il lui dit à l'oreille : « Aller jusqu'au bout.
— Jusqu'au bout de quoi ? » Interrogea-t-elle, quelque peu crispée dans l'étreinte de l'étalon.
« Je veux juste voir ce qui te fait vraiment mal. Tu as peur à chaque fois qu'on se rapproche de ton amie et je veux être capable de réutiliser cette peur le jour où tu perdras la tête.
— Mais qu'est-ce qui te fait croire que je vais perdre la tête ? Je pourrais aussi bien rester la batpony stable que tu détestes tant, non ? »
Funk se mit à sourire, un sourire étrange puisqu'il avait l'air sincère et chaleureux. Il fit alors tourner lentement la jument au rythme de la musique.
« Nous sommes immortels, ma belle, nous ne sommes pas conçues pour vivre indéfiniment. L'éternité c'est long quand on marche avec son cœur. »
Opera pinça ses lèvres en s'imaginant un jour, dans plusieurs centaines d'années, devenir folle. Cela lui semblait impossible, mais à quoi ressemblerait le monde dans si longtemps ? Une chose était certaine pour elle, Vinyl ne serait plus là, mais c'était une bonne chose au final, non ?
« Et toi, comment feras-tu pour ne pas perdre les pédales. »
Funk s'écarta de la batpony en s'inclinant lentement en face d'elle. Gardant un rythme souple quand il prit souleva la patte de la jument gris foncé pour venir y déposer un baiser sur le sabot. Replongeant son regard dans le sien, il lui dit avec un sourire mélancolique.
« Je n'ai plus de cœur depuis longtemps. Dis-moi maintenant, es-tu prête à aller revoir cette DJ que tu observes tant ? »
En effet Opera n'avait cessé de jeter des regards inquiets à son ancienne amie quand elle était sur scène en train de jouer. Cette dernière n'avait cessé de regarder dans sa direction, mais comme à son habitude, elle n'avait pas du tout fait attention à elle. C'était avant tout dû à la nouvelle coupe de la batpony qui avait pris l'habitude de rattacher ses cheveux en une queue de cheval qui atténuait grandement sa frange… ou peut-être qu'elle avait fait un trait sur elle au point de l'avoir complètement oubliée. Quoi qu'il en soit, la licorne blanche avait quitté la scène en laissant tourner une playlist dans les enceintes et l'ex-musicienne avait cru que son calvaire allait enfin s'achever une fois qu'elle serait partie.
Perdant peu à peu le contrôle de ses émotions, elle se jeta dans les bras de Funk, fermant les yeux pour retenir les larmes qui se pressaient sur les bords de ses paupières. Elle humait le parfum de l'étalon : une odeur de métal un peu rouillé, pourtant il ne portait pas son armure.
« Si un jour tu dois me tuer... Je préfère que ça soit rapide.
— Ça ne serait pas perdre les pédales que de souhaiter sa mort aussi rapidement, ça serait même tout l'inverse... » Dit-il en posant ses sabots dans sa crinière pour la caresser. « Aller Opera. Dis-toi qu'au fond, j'essaye de t'aider, de t'épargner une vie à espionner cette jument…
— Tu sais très bien que c'est une mauvaise idée. Pour tout le monde, Octavia est morte. Que penserait-elle en la voyant revenir en batpony ? Tu ne veux pas que l'on croie que Luna s'adonne a la nécromancie ou se genre de choses ? » ce disant, elle se fit la réflexion que si les gens savaient la vérité, leurs réactions ne seraient pas bien différentes.
Funk passa ses deux sabots sur l'encolure de la jument avant de presser son front contre le sien. Il adopta ensuite un ton qui se voulait rassurant, comme un grand frère l'aurait fait pour sa petite sœur. « Je sais que tu n'es pas une jument idiote et que tu éviteras ce genre de sujet. » Il reprit plus lentement. « On doit faire un trait sur notre passé, tu semblais pourtant être celle qui l'avait le mieux compris… et pourtant, pourtant tu n'arrives pas à t'en défaire…
— C-c'est juste des coups d’œil en arrière… pour me souvenir, pour ne pas refaire les mêmes erreurs.
— Mais oui, je te crois. » Dit-il dans un rire chaleureux.
Opera ne savait plus du tout comment prendre la situation, Funk semblait vouloir lui faire du mal, mais il semblait aussi penser que c'était pour son bien à elle. L'empathie dont il faisait preuve n'aidait pas la jument à se rassurer.
« Si Octavia est morte, qu'est-ce qui te fait si peur à aller la voir ? Au pire tu l'oublieras et ça se terminera rapidement, non ?
— Est-ce qu'elle saura seulement que c'était moi ? » Dit-elle en redressant la tête vers son compagnon.
« Tu penses être si différente d'avant pour qu'elle ne te reconnaisse pas ? » Demanda-t-il en gloussant de la sottise de la batpony.
« La drogue change bien des choses... » Dit-elle froidement avant de lâcher l'étalon et de se diriger sur le côté de la piste de danse.
L'étalon la suivit sans lâcher le moindre mot avant d'arriver sur un banc occupé par deux étalons bien plus proche que le voulait la norme. Funk leur fit un signe de tête avec un air des moins amicaux ce qui les fit s'éloigner bien gentiment.
« Je commence à me demander si la laisser t'ignorer ne te ferait pas plus mal que de t'amener à la revoir... » Songea-t-il en s'asseyant au côté de la batpony.
Opera tentait de ne plus croiser le regard déstabilisant de son interlocuteur et se contentait d'observer ses sabots, la tête baissée. « Cela ne me ferait que davantage de mal si je devais lui dire ce qui m'est arrivé… cela nous ferait du mal à toutes les deux.
— Et bien c'est parfait, tant que je suis sûr de te faire du mal, je n'ai pas à chercher plus loin. J'avoue que ça reste dommage d'aller faire souffrir une jument qui n'a peut-être rien demandé, mais bon, ça en vaut le coup, tu ne penses pas ? » Demanda-t-il en donnant des coups de coude dans les cotes de la jument pour l'interpeller.
« Je pourrais aussi essayer de m'enfuir ? » Répondit-elle en ignorant la question de l'étalon et en posant son regard sur la sortie à l'autre bout de la salle.
Le visage de Funk s'assombrit « Ooooh je ne te le conseillerais pas. D'abord parce que tu as peu de chance d'y arriver, et ensuite, parce que si par miracle tu arrivais à le faire, je serais obligé d'aller me charger moi-même de notre entrevue avec ton amie… et ce que je lui ferais me donnera encore plus envie de me venger sur toi.
— Je n'y arriverai pas Funk.
— Allons, mets-y un peu du tien. Au final, si tu as raisons et qu'elle te déteste, j'aurais eu ce que je voulais… mais si tu as tort… Non, tu sembles si sûre qu'elle te rejettera.
— Je te déteste Funk, je te déteste tellement…
— Et pourtant, je fais tout pour t'aider. » Rétorqua-t-il en passant un sabot par dessus les épaules de la batpony. « Tu veux toujours tenter de t'enfuir ? Je peux encore comprendre que tu veuilles tenter ta chance au moins une fois. Je te promets même que je ne te ferai pas trop mal quand je t'aurai rattrapée. »
Opera gloussa. Cette empathie ne lui sied guère, mais il fallait avouer que son pragmatisme restait touchant malgré les menaces.
« Non, mais un jour Funk, tu me le paieras…
— Pourtant, je me voyais bien faire une scène au beau milieu de la scène pour retenir ma femme qui tentait de s'enfuir alors que je n'avais pas encore abusé d'elle, ça aurait été… divertissant. »
Cette idée fit rire Opera qui baissa quelque peu sa garde laissant ainsi le lien la prendre par surprise en la faisant hoqueter.
« Oui, je dois admettre que ça aurait pu être drôle de voir autant de poneys te voir comme le monstre que tu es vraiment. » Plaisanta-t-elle en repoussant gentiment, mais fermement son camarade.
« Alors, tu as une idée de où elle est partie ? » Il gardait son sourire, pourtant une lueur lugubre passait dans sa voix.
La batpony hocha doucement la tête. Elle tendait le bâton pour se faire battre, mais quelque chose au fond d'elle lui disait de coopérer. Pas seulement parce que Funk avait un côté terrifiant et imprévisible, mais parce qu'il lui donnait une bonne excuse pour continuer dans cette idée complètement folle. Au fond, elle était désireuse de la revoir. « Oui... Elle est dans sa loge pendant les slows, elle se repose... Je sais comment frapper à sa porte pour qu'elle vienne ouvrir, mais… mais je vais lui faire du mal Funk… elle ne veut certainement pas me rev...
— Et c'est bien mieux ainsi, crois-moi, c'est le mieux que tu puisse espérer. » Coupa-t-il sèchement avant de se relever et de s'étendre. « Alors, tu me conduis où je dois encore te menacer ?
Opera ne comprenait toujours pas le jeu qu'il était en train de jouer, mais elle était plutôt sûre qu'il était en train de s'ennuyer et que tout cela n'était qu'un jeu pour lui. « J'ai envie de la revoir, Funk, j'ai envie qu'elle me pardonne… Mais je sais aussi que je ne le mérite pas. L'espionner me donnait un peu de réconfort et qu'elle me claque la porte au nez, il ne me restera plus rien…
— Noooon... » Dit-il quelque peu irrité. « Je suis sûr qu'il te restera encore quelque chose au fond du coeur. » Il se retourna sur elle en penchant la tête sur le côté. « Je t'assure qu'il y aura toujours de la peur, de la douleur que tu garderas au plus profond de toi et qui refera surface lorsque j'en aurai besoin. » Il afficha alors un large sourire qui laissa entrevoir ses crocs.
La batpony, afin de ne pas craquer, afin de soulager de toutes ses émotions trop vives qui remuaient ses entrailles, elle approcha ses lèvres de celles de l'étalon et l'embrassa en poussant un bref gémissement de soulagement, prolongeant le baiser comme pour oublier la situation exécrable dans laquelle elle s'était mise.
L'étalon l'accueillit sans peine, mais finit néanmoins par stopper leur baiser pour adresser un regard plus que provocateur à une jument qui l'observait depuis un peu trop longtemps. C'était donc quand Opera était au bord des larmes qu'elle se mettait enfin à s'abandonner au désir qui la tiraillait ? C'était toujours bon à savoir pour Funk. « Si elle te frappe, je peux la tuer pour toi si tu le souhaites... »
Elle savait parfaitement que c'était sa façon de montrer sa gentillesse, elle avait fini par le comprendre, mais elle plaqua néanmoins ses sabots de chaque côté du visage du batpony avant d’approcher le sien pour l’observer d'un regard brûlant. « Si tu lui fais le moindre mal, je mettrais tout en œuvre pour te tuer Funk... » Souffla-t-elle avec un étrange trémolo dans sa voix, qui ne se montrait habituellement que lorsqu'elle éprouvait un certain désir. Comme à son habitude, elle refoula ce dernier. Comme tous les autres, ce n'était pas le moment pour ce genre d'envie.
Elle fronça les sourcils en voyant son compagnon lui sourire en ajoutant un clin d’œil et en lui disant : « Allez, ouvre la marche, je te suis. »
L'ex-musicienne secoua brièvement la tête et se tourna vers de sombres escaliers qui montaient à l'étage, tout prêt de l'entrée des toilettes. Pas très élégant. L'architecte des lieux ne devait pas avoir été payé très cher... Mais bref. Elle emprunta donc les escaliers et tourna à droit, longeant un couloir tapissé d'une horrible moquette et s'arrêtant près d'une porte sur laquelle était imprimée la marque de son ancienne amie. Elle s'immobilisa alors en sentant son cœur cogner dans sa poitrine. « J-je pense de moins en moins que c'est une bonne idée. » Balbutia-t-elle, plus nerveuse que jamais.
Funk lui fit une tape sur l'épaule avant de se placer juste devant elle. « Alors, t'es prête ? Pas de vertige, pas d'envie de vomir… si ça nous est encore possible ? T'as peut-être envie de pleurer dans mes bras avant ? Ou peut-être que tu préfères m'embrasser ?
— Pousse-toi ! » Éructa la jument en le poussant brusquement.
L'étalon se mit à rire en s'appuyant sur le mur juste à côté de la porte. « Je te parie que tu ne vas même pas faire dix secondes qu'elle t'aura déjà reconnue.
— On voit que tu ne la connais pas... » Rétorqua-t-elle avant de déglutir difficilement en observant la porte.
Elle leva lentement un sabot tremblant et, sentant que son coeur était sur le point d'exploser tant il était comprimé dans sa cage thoracique, frappa par automatisme, comme un réflexe qui n'aurait pas disparu malgré les années : un coup lent, quatre rapides et deux autres lents. À partir de là, un terrible silence plana dans le couloir tandis qu'elle fixait la porte comme si elle pouvait mourir à nouveau d'une seconde à l'autre... Puis une voix se fit entendre, légèrement éraillée par une sieste de quelques minutes à peine. « Hum, ouais ouais, j'arrive ! »
La voix de Vinyl... Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas entendue directement ?
Les choses s’enchaînèrent alors rapidement et la porte s'ouvrit rapidement laissant apparaître une Vinyl Scratch qui était en train de bailler ouvertement sans même se couvrir la bouche, et qui était, comme d'habitude, équipée de ses lunettes de soleil qu'elle ne semblait même pas avoir enlevées pour dormir. « Heu, ouais ? Qu'est ce qu... » Elle se figea alors sur place en clignant des yeux à plusieurs reprises. Puis elle souleva ses verres teintés afin de se frotter les yeux en toisant les deux batponies qu'elle avait devant elle. « Heu... Mais vous êtes... » son regard s'attarda sur Funk. « Plutôt sexy. Je veux dire, j'ai de la clientèle plutôt cool ce soir ! Heu... Qu'est ce que j'peux faire pour vous ? » demanda-t-elle finalement en essayant d'avoir l'air décontractée malgré son extatique évident.
Funk sourit de la situation. Certes ça ne se passait pas vraiment comme il l'avait prévu, mais il devait avouer que les choses allaient devenir bien plus intéressantes. « Bonsoir, moi et mon amie nous sommes gardes, mais aussi d'inconditionnels fans de votre musique. Néanmoins, nous venons vous parler de l'organisation d'un concert au palais de Canterlot, pourrions-nous entrer quelques minutes ?
— Oh, ouais ! J'veux dire, super cool. Entrez, entrez ! Vous buvez un truc ? Hey, j'imagine que c'est normal que ce soit vous qui vous occupiez des trucs qui se passent la nuit... Hum, c'est ta copine ? » Les questions fusèrent pendant qu'elle s'effaça de l'entrée de la porte pour laisser ses invités entrer.
La batpony eut l'impression de faire une syncope, si cela lui était encore possible, en voyant la situation changer si brusquement. En couple, elle et lui ? Elle voulut protester, mais Funk la poussa brutalement à l'intérieur la faisant glapir de surprise. Voyant la licorne se retourner sur elle, elle baissa aussitôt les yeux pour ne pas croiser son regard.
La loge était assez petite, mais ça, elle le savait pour l'avoir déjà visitée de nombreuse fois. Un grand miroir était installé sur une petite table contre le mur, et cette dernière était recouverte de nombreux produit et shampoing pour crinière. Elle connaissait aussi la valeur qu'attachait la DJ à sa crinière… La petite pièce était ainsi composée d'un petit frigo pour les boissons et un canapé ou la licorne adorait faire des siestes éclaires.
Le garde de la nuit semblait parfaitement à l'aise et passa même une patte par-dessus les épaules de sa compagne en la rapprochant de lui. « C'est exact, mais tu sais, on est un couple très libre, pas vrai mon sucre ? » Annonça-t-il en lançant l'un de ses regards plein de sous entendus destiné à Opera. « Veux tu boire quelque chose ma chérie, notre hôte nous le propose si gentiment. »
La jument nocturne blêmit à vue d’œil tandis qu'une série d'images toutes plus inacceptables les unes que les autres se déroulaient devant ses yeux. Elle secoua finalement la tête et tenta de garder contenance. « N-non merci, mais ne vous gênez pas pour moi. » Murmura-t-elle à la limite de l'inaudible, la tête baissée.
« Hmmm je note l'info. » Informa la DJ en s'adressant au mâle. Elle fit alors léviter un pack de bières jusque sur la table et en ouvrit une. « Comme vous savez, j'ai déjà couvert un mariage royal. Et il me semble bien que la princesse Luna bougeait particulièrement bien ce soir-là ! Enfin bref, je m'occuperais des détails si vous voulez... Vous voudriez que j'm'occupe d'autre chose ? » Ajouta-t-elle en pouffant de rire. Pour une raison ou pour une autre, elle ne pouvait pas s'empêcher d'examiner avec curiosité la batpony femelle. Elle avait l'air plutôt coincée pour être la copine d'un mec aussi cool…
« Ah bon, la princesse Luna se serait aussi bien plue que ça ? C'est très intéressant ce que vous me dites là, moi qui pensais qu'elle préférait le classique... » Répondit-il en insistant bien sur le dernier mot. « Tu vois bien ce que je veux dire mon cœur ? »
L'ex-musicienne semblait totalement sourde à ce qu'il disait et secoua légèrement la tête en les fuyant tous deux du regard.
La licorne blanche ne sembla même pas y faire attention et s'empressa de vanter les mérites de sa musique. « Héhé, ouais, surement... Mais personne ne peut résister à quelques bonnes vibrations, hum ? » lança-t-elle en faisant un geste évocateur du sabot.
« C'est cela oui… Bon, puisque vous êtes disponible, voilà qui est parfait. On ne va pas vous déranger plus longtemps. » C'était Opera qui avait si brusquement coupé court à la discussion ce qui ne manqua pas de faire réagir Funk qui la serra un peu plus contre lui comme pour la mettre en garde.
Ce dernier se sépara d'elle comme pour lui retirer la seule bouée de sauvetage de tout l'océan alors qu'elle se noyait. « Mais voyons, nous avons tout notre temps, j'aimerais vraiment discuter un peu plus avec elle. Nous sommes de grands fans après tout, pas vrai mon cœur ? » Dit-il en lui adressant un sourire avant de revenir sur Vinyl. « D'ailleurs, vous n'êtes pas au courant, mais elle connaît par cœur chacune de vos musiques… enfin son… ou plutôt bruit…
— Hey ! » Protesta Vinyl Scratch face à l'étalon qui semblait se moquer d'elle. « C'est quoi ton probl... » Mais elle fut coupée par l'intervention de la batpony qui se plaça juste entre eux deux.
« Il blague ! Oui, c'est... Du second degré, il aime bien plaisanter. » Elle se tourna alors vers lui pour lui lancer un regard noir avant de revenir à la jument blanche. « Disons que, oui, nous apprécions vos talents. Mais veuillez nous excuser par avance, nous ne sommes pas habitués à parler à d'autres races de poneys.
— Non, vous avez raison, c'était une mauvaise plaisanterie de ma part. » Poursuivit Funk. « Nous apprécions vraiment votre musique… D'ailleurs mon cœur, dis-nous comment tu trouves sa musique.
— Euh… oui, je, oui… votre musique est... » Elle croisa alors le regard de la DJ, même à travers ses horribles lunettes, elle savait qu'elle l'observait.
« Hey, attends une minute, je te connais toi ? Ton visage me dit un truc... »
Funk se posa sur le canapé le plus proche, comme pour profiter au mieux du spectacle qui allait se dérouler sous ses yeux. « Sûrement, ma compagne vous adore depuis longtemps déjà. Je me souviens qu'elle me disait avoir traversé une période assez lourde dans sa vie et où votre musique était un véritable réconfort pour elle. »
Opera était sur le point de craquer, de hurler et de s'enfuir en courant. Elle aurait aussi voulu se retourner pour étrangler cet abruti de Funk. Finalement, la licorne semblait la reconnaître d'une manière ou d'une autre… elle ne savait plus quoi faire, elle était coincée, et elle détestait cela. « J-je… ne sais pas quoi dire... » Fit-elle à voix haute, comme un abandon.
Vinyl Scratch cligna des yeux à plusieurs reprises, laissant planer un inquiétant silence... Puis, sans crier garde, elle s'avança pour enlacer l'encolure de la batpony, remettant ses lunettes de soleil devant ses yeux en la serrant contre elle. Le ton de sa voix était neutre, trop neutre pour son ton habituel. « Merci... Si jamais t'as encore des moments difficiles, tu peux revenir quand tu veux. Tu seras toujours la bienvenue... Quoi qu'il arrive. »
« On rentre Opera ! » Ordonna d'un ton sec Funk qui avait quitté le canapé et attendait devant la porte.
Opera ne pouvait que trembler dans l'étreinte de la DJ. Elle savait. Elle savait n'est-ce pas ? Si tel était le cas, elle n'aurait jamais pu espérer meilleure réaction de sa part. Elle dut alors se faire violence pour réprimer ses larmes. Elle avait envie de crier, de pleurer, de s'accrocher à son ancienne amie pour ne plus jamais la lâcher... Mais elle se contenta de poser un sabot affectueux dans son dos avant de se séparer d'elle. « Merci Vinyl Scratch... Grâce à vous, je me sens beaucoup mieux aujourd'hui. » Puis elle lui adressa un dernier sourire avant de suivre Funk. De toute manière, ce n'était pas bon pour elle de rester trop longtemps, elle le savait.
Vinyl Scratch laissa alors la batpony s'extirper de son étreinte en lui lançant un regard plein de tendresse, masqué par ses lunettes de soleil. « De rien, j'ai été contente de te voir... Opera. »
La jument grise se sentait incroyablement bien pendant que l'étalon bleu était en train de marcher le plus rapidement possible pour quitter l'endroit. Elle gardait le silence, sachant pertinemment que le moindre mot le ferait sûrement exploser, mais affichait tout de même un léger sourire béat.
Elle eut un sursaut quand elle vit son camarade bousculer un poney qui lui tournait le dos en lui bloquant le passage. Heureusement, ce pauvre malheureux ne devait avoir été blessé que dans sa fierté. Opera lui fit de rapides excuses avant de se remettre à la suite du malappris.
Une fois à l'extérieur, Funk se détendit légèrement, comme s'il avait été sur le point que commettre un meurtre… ce qui avait failli être le cas. Mais maintenant, il ne savait plus contre qui il était en colère. Opera, cette DJ… Luna. Il était l'exécuteur de cette dernière, et il devait faire en sorte de toujours avoir un avantage sur tout les batponies de la harde. C'était une garantie pour être sûr de pouvoir éliminer chacun des membres sans risque si l'un d'eux venait à perdre l'esprit. Il pensait avoir trouvé le point faible de l'ancienne musicienne, mais finalement, ça n'était pas ce qu'il avait attendu.
Se dirigeant d'un pas lent dans les petites rues qui s'éloignaient peu à peu du night-club, il sentit la jument le suivre de près. Il serra alors les dents, tentant de se contenir encore le plus longtemps possible.
Il finit malheureusement par craquer quand il se retourna en une fraction de seconde pour sauter sur la batpony et la plaquer au sol. Elle mit aussitôt ses sabots entre sa gueule et elle, tout en sifflant par réflexe.
« Funk, qu'est-ce que tu fais, reprends-toi, tu n'as pas à faire ça !
— Et pourquoi pas ? » éructa-t-il en crachant à la face de la jument. « Il fallait forcément que tu te montres forte, que ton amie t'accepte, peu importe le mal que tu lui as fait ! Pourquoi est-ce qu'elle ne t'a pas rejetée, hein ? Pourquoi est-ce qu'elle n'est pas devenue une douleur que tu aurais alors cherché à refouler au fond de toi ? Hein ? » Il hurlait chacun de ses mots alors qu'il rapprocher ses crocs de son visage.
Opera détournait le regard en fermant les yeux, incapable de soutenir son regard brûlant de rage. « P-peut-être que tu n'auras jamais à me tuer Funk, peut-être que je ne perdrai jamais la tête et que ça n'aurait servi à rien.
— NON ! » Cria-t-il toujours en colère. « Tu seras forcément affectée par l'immortalité et bien plus tôt que tu ne le crois ! Et ce jour-là, quand ça arrivera, je sais ce qu'il me restera à faire... » Il gronda en ouvrant sa gueule sur l'encolure de la jument, respirant sa peur. « Il faudra s'attaquer à ton coeur... » Dit-il en reprenant un peu son calme, mais tout en gardant un ton glacial. « Mais pas celui-là », il désigna la poitrine de son museau avant de la tapoter légèrement du sabot. « Non, celui-ci est mort depuis longtemps, mais pas le sien... » Il serra les dents en se sentant sombrer. « Alors, quand le jour viendra où tu devras succomber à la folie… n'oublie pas qu'une vie dépend de toi. »
Elle pouvait voir que Funk avait les lèvres qui tremblaient, mais ce n'était en rien à cause de la colère. Puis, elle sentit une larme tomber sur sa fourrure avant de glisser le long de sa joue.
« Ne m'oblige pas à en arriver là. » Prévint-il d'une voix rauque, toujours prostré contre elle.
Remontant légèrement ses pattes le long du corps de Funk, Opera se sentit gagner par un besoin inexpliqué de rassurer Funk, de l'apaiser. Ses sabots entourèrent son encolure et elle releva lentement la tête pour l'enfouir dans le cou de l'étalon. Son odeur était la même, à part pour cette douleur qui devait sûrement lui faire incroyablement mal et qu'elle était capable de sentir.
« Je te promets que le jour où je me sentirai défaillir, je n'hésiterai pas une seconde à en finir moi-même. » Murmura Opera à l'oreille du batpony.
Elle se sentit brusquement entravée quand il l'entoura à son tour de ses membres pour se presser contre elle, au beau milieu d'une petite rue isolée et peu éclairée. Elle refoula vivement l'élan de panique qu'elle avait ressenti en premier pour laisser le garde lunaire se calmer en prenant le temps qu'il lui faudra.
Il se pencha à son tour sur son oreille et souffla quelques mots à la limite de l'inaudible. « Tu penses aller la revoir un jour ? »
L'ancienne musicienne se retint de glousser, la situation lui déconseillait fortement de se laisser aller ainsi. Mais un léger sourire étira le bord de ses lèvres.
« Peut-être… merci Funk. »
Vous avez aimé ?
Coup de cœur
S'abonner à l'auteur
N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.
Les créations et histoires appartiennent à leurs auteurs respectifs, toute reproduction et/ou diffusion sans l'accord explicite de MLPFictions ou de l'auteur est interdite. Ce site n'est ni affilié à Hasbro ni à ses marques déposées. Les images sont la propriété exclusive d'Hasbro "©2017 Hasbro. Tous droits réservés." ©2017 MLPFictions, version 1.2.7. Création et code par Shining Paradox, maintien par Sevenn.
Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.