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Longevity

Une fiction traduite par Siana.

Longevity

Il pleuvait.

Habituellement, cela le ferait sourire. Enfin, pas réellement sourire, plutôt, cela lui procurerait un sentiment de joie et de réconfort. Le flic-floc de la pluie qui frappait sa carapace alors que l'eau froide lavait sa peau craquelée était toujours un événement plaisant. Il étendrait même le cou et ouvrirait sa bouche pour collecter les gouttelettes avec sa langue.

Mais aujourd'hui, il n'y avait pas trace de joie sous ce temps déprimant. Il restait simplement là, pressé contre la terre détrempée. Mauvais temps, esprits désespérés et sol gluant. Peut-être serait-il chanceux et serait avalé par la terre, et serait avec maître à nouveau.

Il ne savait pas pourquoi ils avaient enterré maître. Pourquoi ils avaient creusé un trou et mis maître dans le sol. Ce n'était pas le vrai maître. C'était une boîte en bois. Mais maître était dedans. Puis, ils avaient couvert maître de boue et étaient partis. 

Maître était toujours la plus rapide. Pleine de vie à toute heure, toujours à foncer droit devant. Il avait bien du mal à la suivre, mais maître était assez gentille pour ralentir. C'était ce pour quoi il lui était le plus reconnaissant, en fait. Maître l'attendrait toujours, ne l'abandonnant jamais dans la poussière. Il était lent, maître était rapide, mais cette différence ne les séparait pas. En réalité, cela rendait leur relation encore plus forte. Maître attendrait, et il suivrait. Un processus que tous deux n'étaient jamais assez impatients de partager.

Mais récemment, leurs rôles avaient été inversés. Il n'était pas sûr de la façon dont c'était arrivé, mais le plus souvent c'était lui qui attendait maître pour qu'elle le rattrape. Maître ne s'en offusquait pas, cependant. Juste un sourire, un hochement de tête, et une tape sur la tête. Puis ils continuaient.

D'abord, ce fut les cheveux de maître. Ses autrefois brillantes couleurs arc-en-ciel se ternirent, toutes les couleurs n'en devinrent qu'une, que lui ne pouvait voir que comme du simple gris. Mais cela n'avait jamais découragé maître. Ni les rides qui atténuaient la gaieté de son sourire. Maître serait toujours belle, qu'importe les cheveux gris, les rides et le ralentissement.

Et lui ? Toujours le même. Cela lui avait fait mal, de rester si inchangé tandis que maître se courbait sous le poids des ans qui passaient un par un.

Il se souvenait de toutes les fois où maître finissait dans le bâtiment à la mauvaise odeur, dans lequel il n'était jamais gêné de rejoindre maître dedans quand maître était blessée. Mais maître était toujours de retour à la maison bien assez tôt, couverte de chiffons blancs que maître trouvait toujours irritants. Qu'importait les égratignures, les bleus, les coupures et les éraflures, ou même les gros coups sur la tête, maître allait toujours bien au final.

Mais un jour, tout avait changé. Maître était tombée. Maître ne se relevait pas. Qu'importaient les coups et les pressions pour que maître se relève, maître ne se relevait pas. Alors les gens du bâtiment à la mauvaise odeur avaient emmené maître. Et il s'était retrouvé tout seul.

Il ne savait pas pourquoi maître ne s'était pas relevée, ou pourquoi on lui avait pris maître. Il prit bientôt conscience que maître n'allait pas aller bien comme les autres fois. Maître n'allait pas juste oublier l'incident et l'appeler pour voler dans les nuages comme d'habitude. Ou faire la course. Non, plus jamais.

Ce qui signifiait qu'il serait oublié.

Il se souvint de la première fois où il avait posé les yeux sur maître. Il ne savait pas que maître était maître à cette époque, bien qu'il sentait une connexion avec cette éblouissante acrobate dans le ciel, qui glissait si bien dans les vents en performant les plus extraordinaires des tours aériens. N'ayant jamais vu un aussi beau spectacle de toute sa vie, il avait su qu'il devait être avec maître.

La tâche n'avait pas été facile, cependant. Il y en avait d'autres qui voulaient être avec maître. Plus rapides, plus forts, plus sages, bien meilleurs que lui. Même maître ne voulait pas de lui au début. Cela l'avait blessé plus que tout, à un tel point qu'il avait pensé que sa carapace allait se briser en deux. Mais il n'était pas découragé. Alors il fit comme il avait toujours fait. Il continua.

Enfin, laissé abandonné comme chaque fois, il trouva maître. Maître était blessée, et avait besoin d'aide. Alors il fit comme il avait toujours fait. Il continua. Mais cette fois-ci, avec maître à ses côtés. Plus précisément, sur son dos.

Dès lors, il fut à maître. C'était le meilleur moment de sa vie. Il mangerait de la laitue avec maître, irait marcher avec maître, et, à plus d'une reprise, volerait dans le ciel avec maître. Jamais auparavant il n'aurait pensé avoir le monde sous ses pieds pendant qu'il était en l'air. Il était reconnaissant envers maître de lui offrir cette opportunité. Le vol avec maître dans les nuages était la meilleure expérience de sa vie.

Puis il lui revint qu'il ne pourrait plus jamais refaire tout cela avec maître.

Tout ce qui restait de maître était de la terre retournée et une pierre dans le sol. Il pleura pour maître dans la boue, essaya même d'y creuser. Mais les souches qu'il avait pour pieds ne retourneraient jamais assez de terre pour atteindre maître. Ils étaient séparés. Pas d'aux revoir, pas de tapes sur la tête, pas même de chaleureux sourires. Juste... partie.

Il resta sur place, au-dessus de maître. Il savait qu'il n'oublierait jamais le maître assez gentille pour le prendre sous l'aile de maître. Ce dont il avait peur, c'était d'être oublié par maître. Finalement abandonné dans la poussière, avec maître ne regardant jamais derrière.

Mais cette peur était inutile. Maître regardait toujours en arrière. Toujours à l'attendre. Maintenant, lui n'avait pas besoin de faire de même. Car il n'y avait plus de maître vers lequel regarder en arrière et attendre.

Alors, il pivota, et commença à marcher. De toute manière, aucune nécessité d'attendre ceux qui ne viendraient jamais.

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Note de l'auteur

Une petite histoire touchante, que j'ai décidé de traduire pour la première fic' que je poste sur ce site. ^^

Je n'ai pas écrit "maîtresse" car je trouvais que le mot "maître" convenait mieux, mais n'hésitez pas à le dire si c'est dérangeant !

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HortensePony
HortensePony : #6892
Superbe, une histoire très touchante. Merci de nous l'avoir fait partager !
Il y a 3 ans · Répondre
Acylius
Acylius : #6891
Le "maître" ne m'a absolument pas dérangé. C'est du bon boulot.
Il y a 3 ans · Répondre
La Furry
La Furry : #6889
belle petit histoire, très sensible et plein de compassion.
Il y a 3 ans · Répondre

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