Chapitre 12

« Tia ! Tia ! » hurla Luna dans les couloirs encore paisibles du château, cherchant sa sœur en urgence. « TIIIIAAA !!!!! »

Celestia entendit les appels à l’aide de sa sœur et la Princesse du Soleil sortit de son lit, la crinière ébouriffée, les yeux cernés et portant les stigmates d’un réveil agité. Avec une grâce toute relative, elle s’extirpa, ou plutôt rampa, hors du lit, le museau frottant presque contre le sol, en se priant elle-même pour avoir une tasse de café dans les dix prochaines secondes. Et une aspirine, vu le volume sonore des cris de sa sœur, qui déboula dans sa chambre comme une furie.

« TIA ! C’est une urgence ! Il faut que tu viennes avec moi, vite ! » hurla-t-elle dans ses oreilles sensibles en bondissant tout autour d’elle. Celestia leva un sabot pour la faire taire et fut récompensée par environ cinq secondes de silence avant que ses cris ne reprennent de plus belle.

Elle se massa les tempes avec son sabot, inspira longuement, et releva la tête avec son sourire le plus calme, tentée d’envoyer sa sœur sur la Lune pour avoir brisé le royal sommeil.

« Luna, ma chère sœur que j’aime de tout mon cœur, puis-je savoir pourquoi tu cries ainsi dans les couloirs de notre paisible château ? » demanda-t-elle calmement, tandis que son fidèle assistant, Kibitz, lui apportait sa tasse de café tant réclamée.

« Tia ! C’est une urgence ! Durant ma surveillance nocturne des rêves, j’ai détecté un cauchemar d’une ampleur que je n’avais jamais constaté avant ! Un poney est en danger, il faut le sauver ! » expliqua Luna en agitant les sabots dans tous les sens.

Celestia but une gorgée du café chaud et laissa flotter la tasse dans son aura lumineuse. « Et ? Envoyons quelqu’un aider cette personne, nous ne pouvons pas aller sauver tous les poneys qui font des cauchemars », répondit la Princesse.

Luna baissa la tête, et dit à voix basse. « Tia, ce poney, c’est… une batponey. L’une de mes gardes, l’un de mes enfants, et… ce cauchemar impliquait un garde royal. »

A la dernière partie de sa phrase, Celestia fit tomber sa tasse et recracha le café sur le visage du pauvre Kibitz, qui leva les yeux au ciel avant de soupirer. « Je vais refaire du café, Majesté. »

Celestia regarda Luna pendant quelques secondes, un œil s’agitant plus que l’autre. Elle reprit ses esprits. « Attends, Luna. Je croyais que tu ne pouvais pas lire dans les rêves des batponeys. Alors, peux-tu m’expliquer comment tu as fait ? »

Luna releva la tête et se lança. « Je ne peux pas parce que je suis reliée directement à eux par le sang. Et je ne peux pas lire mon propre esprit. Ou sinon, je n’aurais pas été… tu sais qui. » Celestia hocha la tête, ne connaissait que trop bien ce qu’impliquait sa sœur. « Mais le cauchemar qu’a fait l’une de mes gardes a… été très violent pour cette personne. Tellement qu’il m’a alerté. J’ai dû mener des recherches dans la bibliothèque jusqu’à tard cette nuit, avant de retrouver le sort me permettant de remonter le fil tracé par ce cauchemar. Et… » Elle fit une pause.

« Le cauchemar a été fait par une de mes gardes nommé Midnight Storm, et ce cauchemar impliquait une relation d’ordre romantique avec l’un de tes gardes, Golden Sun. »

Celestia resta de longues secondes à la regarder. « Oui, je le connais », finit-elle par dire, « mais jamais je n’ai pensé que… Étant donné qu’entre mes gardes et les tiens, les relations sont…. Tu sais…. »

« Je le sais, Tia. Et c’est pour ça que nous devons intervenir. Je n’ai jamais interféré dans les règles de ma garde, et je sais la haine qu’ils vouent à tes gardes, sans que je ne puisse y faire grand-chose. L’un de mes enfants et l’un de tes gardes sont en danger, il faut intervenir ! » s’exclama Luna. « Tant qu’il n’est pas trop tard, je ne veux pas que cette maudite guerre redémarre… » La Princesse avait des larmes qui menaçaient de couler en repensant à ce qui s’était passé un millénaire plus tôt.

Celestia vit sa détresse et s’avança vers elle, lui faisant un câlin pour la réconforter. Elle la berça tendrement et dit, « Ne t’inquiète pas, Luna. Moi non plus, je ne veux pas raviver cette horrible guerre. Si nous avons réussi à nous pardonner, alors nous pouvons le refaire entre nos gardes et sauver ces deux soldats tant qu’il en est encore temps. Mais il faut faire vite. Allons-y. »

Sans plus attendre, les deux Princesses décollèrent dans la cité de Canterlot, en se dirigeant tout d’abord vers le camp des batponeys. Tellement vite qu’elles en oublièrent leurs couronnes royales. Quelques secondes après leur départ, Kibitz rentra dans la pièce avec une tasse de café dans son aura magique. Quand il constata le départ de Celestia et Luna, il poussa un long soupir et dit derrière sa moustache.

« Cette journée va être longue. »

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Du jamais-vu dans l’histoire moderne d’Equestria. L’entièreté de la garde des batponeys (moins une) se dirigeait comme un seul poney vers le camp des gardes royaux, eux aussi rassemblés dans la cour de leur territoire. Une cinquantaine de poneys de chaque côté, avec les chefs Moon Dancer et Sun Glow en tête de cortège. La bataille semblait se préparer, et les armures tintaient à chaque pas, brillantes comme jamais dans la lumière du Soleil, les lances affutées en prévision de la confrontation à venir.

On croisait ici et là, de chaque côté, des regards pleins de haine, des regards aux yeux froncés, et même des regards apeurés derrière les casques, et aussi des regards confus, certains ne comprenant pas ce qui pouvait bien les avoir tirés du lit aussi tôt. Mais tous étaient concentrés, comme empoisonnés par la tension qui pendait dans l’air, et prêts à agir à la moindre incartade.

Les yeux des batponeys et des gardes se croisaient, sans jamais se fixer trop longtemps sur quelqu’un en particulier. La colère était surtout présente chez les gardes de Luna, surtout après avoir découvert l’évasion de Midnight et les coupables de ce départ. Beaucoup serraient les dents, et montraient les crocs bien aiguisés pour intimider les futurs adversaires.

Pour tous, c’était comme si l’histoire allait se répéter.

La cohorte de batoneys, menée par Moon Dancer, s’arrêta devant la barrière limitant l’entrée du camp des gardes royaux. Sun Glow se trouvait de l’autre côté de la barrière, et ils se fixèrent un long moment, attendant que l’autre baisse les yeux.

« Capitaine Sun Glow… », grogna Moon Dancer.

« Capitaine Moon Dancer… », grogna à son tour Sun Glow. Ni l’un ni l’autre ne se saluèrent. « Je pense que nous savons tous les deux pourquoi nous sommes ici… », dit-il avec ses dents serrées.

« En effet. Mais c’est à moi de poser les questions, capitaine », rugit Moon. « L’un de vos soldats a enfreint la règle numéro un qui régit nos unités. Ainsi que l’un de mes soldats. Nous ne savons pas qui a entraîné l’autre, mais là n’est pas la question, puisque tous deux sont fautifs. »

« C’est bien la seule chose sur laquelle nous serons d’accord aujourd’hui », railla Sun. « Que venez-vous faire ici avec votre garde ? Vous savez très bien que vous avez interdiction formelle de venir sur notre territoire. »

Moon fit un pas en avant, provocateur, vers la barrière. « C’est moi qui pose les questions ici ! » aboya-t-il en plantant son visage devant celui du chef de la garde royale. « Deux de vos soldats sont venus chez nous et ont attaqués notre lieutenant Starry Eyes, en le blessant grièvement. Lieutenant, avancez ! » Moon tourna la tête et Starry s’avança péniblement vers eux, l’un des sabots en écharpe et le visage tuméfié, tandis que les pansements recouvraient une grande partie de son corps. Il respirait difficilement et l’un de ses yeux était caché par un bandeau, lui donnant l’impression d’un pirate croisé avec une momie.

Starry planta longuement son regard plein de colère dans les yeux de Sun, qui finit par reposer les yeux sur Moon. « Deux soldats ? A ce que je sache, seul Golden Sun manquait à l’appel ce matin…. », il réfléchit un instant, avant que le ricanement de Moon ne le fasse relever la tête.

« Alors ça veut dire que ce garde n’est pas l’un des vôtres ? C’est drôle, il m’a tout l’air d’un garde royal, malgré son déguisement grotesque. Gardes ! » ordonna-t-il, et un chariot tiré par un batponey s’avança avant de faire un demi-tour pour montrer le contenu de ce qu’il transportait. Sun et le reste des gardes regardèrent avec horreur ce qui se trouvait là-dedans, et tous avancèrent de quelques pas, se rapprochant dangereusement de la barrière et des batponeys.

Dans le chariot se trouvait White Spear, inconscient, le visage couvert de sang séché, le noir de sa teinture se mêlant au rouge et au blanc de sa fourrure dans un mélange répugnant. Des coupures, des traces de crocs et des blessures encore fraîches recouvraient tout son corps. Ses ailes étaient dépliées à des angles qui firent frissonner l’ensemble des gardes royaux et même quelques batponeys, qui compatissaient malgré eux. Le pire était ses pattes, qui semblaient brisées en plusieurs endroits, complètement molles comme celle d’un pantin désarticulé.

Le chariot se leva et White tomba violemment au sol, sous le regard horrifié des gardes, qui se hâtèrent pour aller le récupérer et le soutenir en se mettant à plusieurs pour le relever. Quelques officiers lui prodiguèrent les premiers soins, sans que Sun ne les quittent du regard pendant de longues secondes. Il finit par retourner la tête vers Moon, qui ajouta.

« Vous avez de la chance que nous vous le rendions, et, surtout, qu’il respire encore. »

Sun fronça les yeux, son regard se remplit d’une colère froide, et il dit sinistrement. « Si c’est la guerre que vous vouliez réenclencher, alors vous venez de nous donner la meilleur des raisons possible pour la justifier. »

Moon s’avança lentement et colla son museau contre celui de Sun. Ils se jugèrent du regard et reculèrent tout aussi lentement, en se tournant tous les deux vers le reste de leurs soldats.

« GARDES ! En formation d’attaque ! » ordonna Moon, sortant son épée qu’il tint dans son sabot. Les batponeys descendirent leurs lances et les pointèrent vers les gardes royaux.

« SOLDATS ! En position ! » ordonna d’une même voix grave Sun, en faisant flotter une épée du même calibre à côté de lui grâce à sa corne.

Les deux armées se firent face, tous prêts à défendre l’honneur de leur compagnies, tous prêts à se battre jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le sang coulerait, des os seraient brisés, des vies se termineraient aujourd’hui au sein des batponeys et des gardes royaux.

Un silence pesant régna pendant de longues secondes avant que Moon ne parle le premier. « Batponeys ! A l’attaque ! Hail Luna ! »

« HAIL LUNA ! » reprirent en chœur les batponeys, avant de se lancer vers les gardes royaux.

« Soldats ! A mon commandement, CHARGEZ !! » hurla Sun, et les cris d’attaques retentirent derrière lui.

Les deux armées se rapprochèrent, jusqu’à n’être qu’à quelques mètres de distance, avant qu’une voix encore plus forte que les deux armées réunies ne se fasse entendre.

« ARRÊTEZ !!! STOOOOOPPPPP !!!!! »

Tous s’arrêtèrent net avant d’avoir pu porter le moindre coup à l’adversaire, et la surprise parcourut les rangs quand les soldats virent se poser les Princesses Luna et Celestia. Les gardes royaux et batponeys saluèrent, comme si de rien n’était, les lances et épées toujours prêtes à frapper les ennemis d’en face.

« Mes enfants, cessez le feu ! » demanda Luna, qui reprenait son souffle et utilisait la voix royale qui remuait jusqu’au plus profond de l’âme des batponeys. « Je suis venue dès que j’ai appris ce qui s’était passé entre Midnight Storm et Golden Sun. Nous sommes venues mettre un terme à ce conflit qui divise notre royaume depuis trop longtemps ! » hurla la Princesse, avec Celestia à ses côtés.

Beaucoup de sourcils étaient levés des deux côtés, attendant la suite avec perplexité. Celestia prit la parole vers son armée. « Gardes, pouvez-vous me dire ce que vous faites ici, armés et face aux gardes de Luna ? »

« Princesse, ces batponeys ont enfreints la règle numéro un qui régit nos deux armées : aucune relation, de quel ordre qu’elle soit, entre un batponey et un garde royal. Nous avons puni Golden, et il s’est enfui avec une batponey. Nous venons demander justice », expliqua Sun, l’épée toujours dans son aura lumineuse. « Qui plus est, les gardes de votre sœur ont grièvement blessé l’un de nos soldats. Voyez vous-même »,ajouta-t-il en tendant un sabot vers White, qui venait de reprendre conscience, mais était encore dans un état second.

Celestia s’avança vers White, et grimaça en voyant les dégâts causés. Immédiatement, elle se pencha sur lui et protégea son corps avec un sort antidouleur pour le soulager un peu. Pendant ce temps, Luna prit la parole.

« Capitaine Moon Dancer, pouvez-vous me dire ce que vous faites ici ? » ordonna fermement la Princesse de la Nuit. Le chef des batponeys ne se déroba pas et expliqua la situation.

« Maîtresse, Midnight a commis un crime et a été punie comme cela est écrit dans nos statuts. De plus, deux gardes royaux se sont introduits dans notre camp pour la libérer, l’un d’eux blessant grièvement notre lieutenant Starry Eyes. » Le dit batponey s’avança et montra ses blessures à la Princesse. D’un signe de tête, Moon fit partir Starry et ajouta pour conclure, « Nous sommes venus nous faire justice. »

Luna manqua de s’étouffer en l’écoutant. « Et comment ? En venant relancer cette guerre qui a coûté la vie à la plupart de nos troupes ? En brisant des familles ? En voulant à nouveau ostraciser les batponeys ? En recommençant cette période noire qui a conduit à ma propre perte ? Répondez, capitaine ! » gronda-t-elle, en commençant à flotter dans le ciel en portant son ombre menaçante sur les batponeys.

« Princesse, les faits sont graves et avérés », répondit Moon sans reculer d’un pouce. « L’un des leurs a enlevé l’un de nos soldats. Et même si celle-ci a fauté, notre devoir est de ne pas la laisser entre les rangs ennemis, et de la juger au sein de notre unité. »

Celestia se releva et se tourna vers Moon. « Capitaine Moon, savez-vous pourquoi cette Midnight et ce Golden ont continué à se voir, malgré les risques encourus ? »

Moon sembla pris au dépourvu par la question, et bégaya. « Euh… E-Eh bien, je l’ignore, votre majesté », avoua-t-il.

« Ils l’ont fait parce qu’ILS S’AIMENT !! » vociféra Luna. « Ils s’aiment et c’est pour ça qu’ils se sont enfuis tous les deux ! Pour pouvoir vivre ensemble sans se cacher à cause de ces stupides règles qui régissent depuis trop longtemps nos deux armées !! »

« Maîtresse, je vous rappelle que c’est vous-même qui les aviez rédigées…. », se défendit Moon.

« Je les ai rédigées il y a près d’un millénaire !! » s’énerva la Princesse. « Depuis mon retour, je n’ai de cesse de vouloir que cette haine cesse, mais votre rancœur refuse de disparaître ! » Elle semblait au bord des larmes. Voir leur créatrice aussi désespérée fit passer une vague de tristesse sur la plupart des batponeys.

« Maîtresse, nous avons quand même été attaqués en notre propre sein. Vous avez vu le résultat chez le lieutenant Starry… »

Luna tourna sa tête vers lui et cracha. « Et vous avez répondus en manquant de tuer ce garde ! » Elle désigna White, qui tentait vainement de parler. « La loi du talion ne doit pas s’appliquer ! Pas si nous voulons la paix ! Vous devez apprendre à vous pardonner comme je l’ai fait avec ma sœur quand nous nous sommes débarrassés de Nightmare Moon ! » Elle s’approcha de sa sœur et la caressa du museau, en ajoutant d’une voix faible.

« Le temps est venu pour une nouvelle ère. La page doit être tournée sur cette sombre période. Définitivement. »

Moon semblait perplexe et jeta un regard en direction de Sun, qui l’était tout autant. Le chef de la garde royale finit par hausser la voix.

« Princesses, nous ne pouvons pas oublier ce qui a été fait, même si cela remonte à des siècles. Nous ne pouvons pas pardonner aussi facilement », déclara-t-il, obtenant un regard noir de la part de Luna.

« Capitaine Sun Glow, je ne vous demande pas d’oublier, ni même de faire comme si rien ne s’était passé. Ce qui s’est passé ne doit absolument pas être oublié, pour ne pas que les mêmes erreurs soient reproduites », expliqua Luna. « C’est, malheureusement, grâce à ce qui s’est passé avec Nightmare Moon que j’ai appris à contrôler ma colère, pour que ces temps sombres ne noircissent plus jamais l’histoire d’Equestria. Je vous demande simplement de repartir sur de nouvelles bases, que vous vous reparliez, que les relations entre les deux armées soient normalisées, que la paix règne enfin entre les batponeys et les gardes royaux. Je veux simplement… la paix entre nous tous » Elle finit en pleurs, dans les sabots de sa sœur, qui regarda Sun et Moon d’un air ferme.

« Messieurs, c’est un ordre. Et venu des deux Princesses », dit-elle.

Moon et Sun se regardèrent longuement, toujours un peu hésitants, surtout après la crise qui couvait toujours. « Princesse, je dois avouer que tout ceci est un peu précipité… », avoua Sun. « Mais puisque ce sont les ordres… »

Avec réticence, il tendit le sabot et Moon fit de même, serrant timidement leurs sabots ensemble. Moon partageait la même opinion que Sun, et il faudrait du temps avant que le changement soit concret. Mais un bon soldat obéissait toujours à son chef, alors il obéit à Luna, qui parlait par la voix de Celestia.

« Maîtresse, si c’est ce que vous souhaitez, alors nous obéirons », déclara le batponey. « Mais je crains aussi que cela ne soit pas aussi facile. »

Luna cessa de pleurer et se tourna vers les capitaines. Elle soupira longuement avant de parler. « Je sais que ce que je vous demande n’est pas aussi simple. Mais regardez Midnight Storm et Golden Sun. Ils ont appris à se connaître et ont compris qu’ils n’étaient pas si différents les uns des autres. Qu’ils pouvaient être amis, et même plus, sans que leurs différences ne comptent vraiment. Que cette rancune n’avait plus lieu d’être, pas après mon retour. » Elle leva la tête et parla aux deux armées. « Ne pouvez-vous donc pas apprendre à vous connaître les uns les autres et à mettre de côté votre haine ? »

La plupart des visages restèrent perplexes, et les deux unités se regardèrent, avec toutefois moins de colère qu’avant, mais toujours dans une certaine confusion. Dans la foule blanche, l’un des gardes royaux laissa retomber sa lance et s’avança, dans le silence qui régnait.

« Moi, je le veux. Quand j’étais petit, mon meilleur ami était un batponey. Il a été le seul ami que j’ai jamais eu. Nous étions inséparables, et nous avions promis d’être toujours là l’un pour l’autre. Je sais qu’il fait partie de la garde aujourd’hui. Nous avons dû cesser de nous voir quand nous avons tous les deux intégrés les écoles pour entrer dans les gardes royales », il laissa le silence pendre pendant quelques secondes avant de reprendre la parole, en parlant plus fort. « Night Orb… je sais que tu es là. Montre-toi. Aujourd’hui, nous pouvons redevenir ce que nous étions avant, et mettre fin à des années de séparation. Alors, s’il te plaît, dis-moi que tu veux aussi que cette rancœur cesse. Dis-moi que l’ami que j’ai connu est toujours ici quelque part. Dis-moi que je n’ai pas espéré pour rien pendant toutes ces années.»

Des murmures parcoururent les rangs, avant que le son d’une lance tombée au sol ne résonne, cette fois côté batponey. L’un des gardes s’avança, et s’arrêta devant le garde royal. Ils se regardèrent longuement, avant que le batponey ne parle en retirant son casque.

« C’est moi, Gilding Sun. Je suis toujours celui que tu as connu tout petit. Je… Je veux aussi que tout soit comme avant, quand nous étions les meilleurs amis du monde. Tu étais tout pour moi. Tu étais celui qui me protégeait. Tu…. » Il tomba dans ses sabots, et tous deux éclatèrent en sanglots pendant de longues secondes. « Tu… Tu m’as tellement manqué, vieux frère… », parvint-il à dire entre deux pleurs.

« Toi aussi…… Night… Toi aussi… » Le batponey et le garde royal s’étreignirent longuement, de chaudes larmes coulant sur leurs joues, en pensant à ces années de séparation qui prenaient fin ce jour-ci.

La scène émut toute l’assemblée, jusqu’aux Princesses elles-mêmes. « Vous voyez ? » demanda Celestia. « Vous pouvez repartir sur de nouvelles bases. Si eux peuvent le faire, si moi et ma sœur avons pu le faire, si Midnight et Golden l’ont fait, alors VOUS pouvez aussi le faire ! »

Lentement, et prudemment, les gardes royaux et les batponeys se mélangèrent, discutant, échangeant des poignées de sabots, osant enfin se regarder dans les yeux, se souriant, riant même pour certains, offrant une scène inédite depuis un millénaire à tous ceux qui avaient accourus autour du camp. Les gardes étaient prêts à repartir sur de nouvelles bases.

« P… Princesse… », souffla White dans un effort désespéré pour attirer l’attention de Celestia et Luna. La Princesse du Soleil finit par le remarquer et se pencha vers lui pour l’entendre, Luna à ses côtés.

« M… Midnight… Elle a les ailes cassées, elle… elle ne pourra pas aller loin avec Golden… Vous… Vous devez les secourir… Tant qu’ils sont encore en vie… », il s’effondra après avoir prononcé sa dernière phrase. Celestia ordonna aux gardes de l’emmener à l’infirmerie royale pour le soigner.

Moon et Sun s’avancèrent vers les Princesses, et le batponey parla. « Maîtresse… Ce qu’a dit ce garde est vrai… Midnight a les ailes brisées… Et j’en porte l’entière responsabilité », dit-il en s’inclinant. « J’accepterais votre punition quelle qu’elle soit. »

Luna se tut pendant quelques secondes avant de parler. Elle releva la tête du batponey avec son aile et dit, d’une voix plus douce. « Capitaine, retrouvez Midnight et Golden, et je vous pardonnerais. Le temps presse, ils sont en danger. Nous nous occuperons de ça plus tard. L’important pour le moment est de les retrouver sains et saufs », expliqua la Princesse.

Moon hocha la tête et salua. « Très bien, Maîtresse. Nous allons immédiatement monter une brigade avec des gardes royaux pour mener une expédition afin de les retrouver. Gardes ! Que les volontaires pour mener les recherches me suivent ! »

Très vite, quelques batponeys se regroupèrent autour du chef de la garde de Luna. Sun parla à son tour. « Soldats, suivez Moon Dancer si vous voulez vous joindre aux recherches ! » Il se tourna vers le batponey, alors que les gardes s’avançaient vers leurs anciens ennemis. « Je vous confie le commandement de la mission, capitaine », annonça-t-il solennellement avant de le saluer.

Moon le salua à son tour et s’apprêta à décoller quand une voix gronda d’entre les rangs des batponeys.

« BANDE D’IDIOTS !! »

Tous les regards se tournèrent vers Starry Eyes, encore passablement énervé, pas touché le moins du monde par cet élan de réconciliation, soudain revigoré par cette scène qui le rendait malade, paradoxalement. Il regardait tout autour de lui, lançant des regards noirs à tous ceux qui osaient croiser ses yeux, piétinant du sabot le sol et serrant les dents.

« Vous pensez vraiment qu’on peut laisser le passé de côté comme ça ? Par des jolis mots ? Êtes-vous aussi aveugles que ça ? » s’énerva-t-il. « Les batponeys et les gardes royaux ne seront jamais amis ! Jamais ! Je suis le seul ici à ne pas avoir oublié ce que notre race a subi à cause de Celestia ? » Il pointa un sabot accusateur vers la Princesse, et se rapprocha d’elle. Instinctivement, Luna se mit devant sa sœur, décidée à la protéger.

« La paix entre nos deux armées est impossible ! Voyez ce que ces gardes m’ont fait ! Jamais je n’accepterais que nous nous mettions à genoux face à l’ennemi ! » Il retira son casque et le jeta au sol de rage. Il tourna sa tête vers la Princesse, les dents serrées comme jamais il ne les avait serrées. « Si être un de vos gardes signifie abandonner toute dignité et nous soumettre à votre sœur, alors je ne veux plus être l’un de vos soldats. » Il cracha sur son casque et retira le reste de son armure, sous le regard éberlué des autres batponeys.

« Que ceux qui veulent encore marcher la tête haute me suivent. Je ne vous salue pas, Princesses », aboya-t-il en insistant sur le dernier mot. Starry commença à s’en aller, avant que Moon ne le stoppe en se mettant devant lui. Ils se fixèrent quelques secondes avant que le capitaine ne parle.

« Starry, tu as entendu la Maîtresse, comme moi. Nous n’allons pas oublier le passé, nous allons seulement apprendre de ce qui a eu lieu pour ne plus reproduire les mêmes erreurs, et repartir sur des bases plus sereines. Pas seulement pour nous, mais pour Equestria », expliqua Moon.

La colère dans les yeux de Starry ne faiblit pas. « Pitié, tu crois vraiment que la paix est possible entre nos deux armées ? En tout cas, certainement pas moi. » Il passa sur le côté, mais Moon l’empêcha encore de passer.

« Je ne sais pas si la paix est possible entre nos deux armées », déclara le batponey. Il laissa ses mots se suspendre dans l’air. « Mais je ferais de mon mieux pour qu’elle arrive. Gardes, arrêtez ce poney. »

Starry fit un pas en arrière. « Quoi ? Pourquoi ? Parce que je n’accepte pas votre décision qui conduira à notre perte ? Parce que je refuse de baisser le sabot face à ce déluge de mièvrerie ? » demanda-t-il en ricanant.

« Non. Je t’arrête pour agression sur un garde royal. Je respecte tes opinions, mais je ne peux pas laisser passer ce que tu as fait, surtout quand ce garde lutte pour sa survie. Tu n’avais pas à lui faire subir ce que tu lui as fait subir », détailla-t-il. « Je sais que j’ai aussi ma part de responsabilité dans ce qui est arrivé, et j’accepterais d’être jugé en tant que tel. Mais pour le moment, nous avons l’une des nôtres à retrouver. »

Il s’éloigna de Starry et deux gardes encerclèrent le lieutenant, qui se débattit furieusement mais abandonna très vite en raison de ses blessures. Il grommela quelque chose à voix basse, quelques-uns crurent distinguer des insultes adressées à Luna et Celestia, et se fit conduire en direction du camp des batponeys.

Les discussions entre batponeys et gardes reprirent pendant quelques instants, le temps de former l’équipe qui mènerait les recherches. Presque tous voulaient y participer, comme pour se racheter auprès des deux amoureux, et peu après, un groupe finalement élargi s’apprêta à partir.

Au moment de décoller, Celestia et Luna s’approchèrent de Moon Dancer. Le batponey se tourna vers Luna et demanda. « Oui, Maîtresse ? »

D’une voix redevenue douce, Luna prit la parole. « Ma sœur et moi avons réfléchi, et nous avons pensé qu’il valait mieux faire partie de la mission. C’est… important pour nous. » Celestia ne fit qu’acquiescer.

« Très bien, Princesses. Apparemment, ils se sont dirigés vers le Nord, vers Poneyville. Nous allons devoir faire vite avant de les perdre définitivement. En route. »

Et sur ce, deux Princesses, ainsi qu’une dizaine de batponeys et gardes royaux décollèrent dans les cieux de Canterlot, sous le regard incrédule des habitants.